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Au secours, l’humanisme est devenu un extrémisme…

C’est le printemps, la nature bourgeonne, déploie son énergie pour réchauffer l’atmosphère et sortir des longues journées froides que l’hiver a figées. Bref, la nature revit, et il n’y a bien qu’elle. Partout ailleurs, il y a dans l’air ce parfum moisi d’une ère nouvelle qui ramène ses effluves de honte latente et de colère indicible, d’une inénarrable mascarade dans les arcanes du pouvoir des puissants qui jouent leurs cartes impérialistes à la sauce sanguinaire du 21ème siècle, et se déjouent des lois lorsqu’elles leurs sont défavorables. Ce, alors que le troupeau dérouté, qui n’a de puissance de décision qu’un papier dans l’isoloir tous les cinq ans, n’a aucun moyen de mettre un coup d’arrêt aux agissements criminels des chefs impérialistes.

L’hiver occidental 2011 fut placé sous l’aura médiatique des «  révolutions de printemps ». Soudainement, l’Occident, l’OTAN et le G8 se souciaient du sort de l’Afrique…mais surtout de ses flux financiers Nord-Nord. Ce sera peut-être la honte du siècle, que d’avoir su profiter des soulèvements populaires pour y accélérer un processus néocolonialiste d’arrière garde, sorte de pansement sur jambe de bois négocié à la va-vite pour renflouer les caisses des grandes multinationales sous couvert d’humanitarisme, de solidarité ou de je ne sais quelle autre novlangue autant désabusée que vomitive. Je me rappelle pourtant, il est vrai, avoir vu Mr Sarkozy-défenseur-des-peuples-qui-souffrent (1) accueillir à Paris à bras ouverts le président Libyen il y a peu. Quel dommage de se séparer et terminer une si belle idylle pour des motifs de corruption, de fuite d’argent public et de moralisme républicain précisant que nous, démocrates, ne devons pas traiter avec les dictateurs !! C’est comme ça, les histoires d’amour finissent souvent mal. Pinochet n’a-t-il pas été accueilli par la France ? L’Élysée n’a-t-elle pas soutenu, et armé les dictatures africaines depuis la décolonisation, financé et alimenté les guerres civiles ? Financé ses partis politiques et campagnes électorales grâce aux fortunes des dirigeants africains ? Bref, passons la serpillère sur nos amis dictateurs autrefois lourdement armés en avions et en centrale nucléaires contre des barils de pétrole. Désormais, les mauvais payeurs qui musèlent leurs peuples sont à démocratiser par des pluies de bombes propres qui ne tuent que les méchants, et puis diantre ! Ce sont des missiles démocratiques et écologiques.

En aparté, l’OTAN fut créée en 1949 dans le cadre de la Guerre Froide, pour protéger les nations européennes en cas d’attaque soviétique. Ils ont même appelé cela principe de «  défense collective », en cas d’attaque en Europe. La Libye (ou même la Serbie en 1999) est donc dans une zone géographique qui dépasse les compétences juridiques de l’OTAN. C’est une institution qui n’aurait plus lieu d’exister si les traités étaient respectés.

Bref, je suis soulagé, la France intervient en Libye et en Côte d’Ivoire pour la liberté, pour la libération des peuples sous le joug de leurs oppresseurs. Je suis quelqu’un de gauche moi, alors je ne peux que me réjouir de mon pays qui aide les peuples en lutte…Et oui, on croirait que même la gauche (libérale) est devenue militariste. Les armées de l’OTAN bombardent villages, hameaux, villes, plages et cultures, massacrent femmes, hommes, enfants, vieillards, riches et pauvres, (si les bombes avaient une vision de classe…), mais c’est pour la paix et la liberté des peuples…Comme oeuvre de propagande, on ne fait pas mieux, cela bat même à plates coutures les écrans de fumée montés en épingle sur les armes de destruction massives de 2003…

Pendant ce temps-là , en Occident…Les fabricants de la misère continuent leur ineffable et macabre danse sous l’oeil hagard, avide et perdu des «  petites gens » qui n’ont que des charognes en putréfaction à se mettre sous la dent, achetés pour une misère d’euros dans le empires de la grande distribution, en échange d’une triste et courte vie de labeur et d’esclavage au service des entreprises de la mort lente. Je pense à ceux qui délèguent sans scrupules leur individualité aux multinationales qui fabriquent les pauvres, sous la houlette des règles courtermistes du grand capital, et qui rétribuent quelques miettes afin d’éviter que cette honte latente et médiatiquement calfeutrée n’explose d’un coup. Je pense aussi aux employés, artisans et ouvriers en lutte pour survivre, ceux sur qui les institutions de la république ont toujours tapé pour justifier l’économie de croissance. En ces temps où l’on oublie qu’il faudrait vivre pour son activité et non s’activer pour survivre, dans une misère de la réflexion cognitive autoalimentée par les chiens de garde médiatiques, de voir les urnes se transformer en peste brune, il ne fait pas bon penser trop à l’avenir sur cette planète bleue où même l’oxygène devient radioactif.

Mais une chose est rassurante, c’est la peur des élites qui sentent que leur pouvoir se délite, et qui commence ci et là à lâcher des miettes pour échapper au grand séisme qui se prépare, racoler un électorat trompé, à l’instar d’une prime éventuellement donnée aux salariés d’entreprises de plus de cinquante esclaves en guise de participation aux bénéfices actionnariaux. Qu’en ces temps où le Sud nous montre comment couper l’herbe sous le pied des mercenaires perchés dans leur tour d’ivoire polyarchique de la démocrature, ceux-ci doivent bien veiller à ce que se déroulent au mieux les prochaines élections. C’est-à -dire colmater leurs brèches avant que la population n’ait des envies de réinventer 1871 et l’autogestion des Communes de France.

C’est bien là l’effroyable imposture de ce que nous appelons démocratie, la république parlementaire de sélection de ses élites par le haut, légitimant la domination des classes possédantes et la violence structurelle et symbolique de l’ordre social. Ah république, dont même la «  gauche » se réclame, sais-tu au moins comment fut-elle instaurée, pour ne pas dire imposée ? Récupérée de 1789 par la bourgeoisie en lutte contre l’aristocratie, elle fait main basse une première fois sur son peuple sacrifié pour éviter qu’il ne se gère lui-même, ce peuple parisien dilapidé pour abolir un système qui n’effacera jamais de ses rangs l’exploitation et la domination. Quatre vingt-deux ans plus tard, 30 000 fusillés et 43 000 prisonniers dans Paris, 4500 déportés en Nouvelle Calédonie dans une semaine sanglante réprimée par Adolphe Thiers, pour faire payer au peuple parisien son outrecuidance d’avoir voulu lutter contre les monarchistes en instaurant une république socialiste affranchie de la couronne de Versailles. Voilà le contexte de l’installation de la Troisième République, où les monarchistes se sont faits démocrates…Vidée de sa substance par une mondialisation néolibérale qui impose la néo-féodalisation du monde sous l’obole du FMI et de l’OMC, dans un espèce d’anarcho-libéralisme en privatisant les entreprises dévolues à la subsistance de la population (eau, télécommunications, éducation, santé, transports etc.), et entérinant la mort du Conseil National de la Résistance né en 1945…Que quelqu’un croyant encore que voter ait du sens vienne m’expliquer, car j’ai tendance à penser que l’on a oublié certaines leçons de l’Histoire…

Si l’on souhaite pour ce siècle quelque chose de bien, et pour l’humain et pour la planète qu’il loue gratuitement, il faudrait peut-être inventer un autre paradigme que ce système plongé dans l’addiction du consumérisme, où malgré l’avancée technologique jamais égalée, l’humain doit continuer de se vendre sur un marché et se réduire à travailler pendant quarante heures hebdomadaires voir cinquante sans vacances, ni retraite ou en situation de découvert à la moitié du mois et lorgnant sur son budget santé pour manger des OGM et produits industriels imbibés de pesticides cancérigènes. Agissons avant qu’il ne soit trop tard, ils ont déjà la maîtrise du temps…reprenons celle du collectif.

Car quand les affamés des actionnaires en auront marre de courber l’échine, il ne faudra plus venir pleurer dans les sondages pour expliquer aux masses comment et pour qui voter. C’est là qu’on bâtira des ateliers d’auto-organisation dans les rues, que commissariats et banques seront réquisitionnés pour en faire des comités de conseil des communes, que chaque citoyen aura le pouvoir de voter les règles le régissant, que l’eau, l’argent, l’air et les matières premières seront redevenus des biens communs inaliénables…Mais d’ici là , même sans évoquer un quelconque anarchisme, le simple fait d’être humaniste raisonnant en bon sens sera du terrorisme extrémiste. La vie est à peu près le seul luxe qui ne se monnaie pas, pour peu que nous cherchions à en trouver les maigres consolations.

«  Il est également absurde de prétendre que l’Homme soit fait pour autre chose, que pour vivre. Certes, il approvisionne des machines, et il écrit des livres. Mais il pourrait tout aussi bien faire autre chose. L’important est qu’il fasse ce qu’il fait, en toute liberté, et en pleine conscience de ce que, comme tout autre détail de la création, il est une fin en soi. Il repose en lui-même comme une pierre sur le sable. Je peux même m’affranchir du pouvoir de la mort, il est vrai que je ne peux me libérer de l’idée que la mort marche sur mes talons, et encore moins nier sa réalité. Mais je peux réduire à néant la menace qu’elle constitue, en me dispensant d’accrocher ma vie, à des points d’appui aussi précaires que le temps et la gloire. »

Extrait de «  Notre besoin de consolation est impossible à rassasier », Stig Dagerman, 1952.

Samuel Moleaud.

http://sam-articles.over-blog.com

(1) Discours de N. Sarkozy à Charleville-Mézières en décembre 2006, attention, c’est indigeste.
http://www.dailymotion.com/video/x1dl26_discours-de-charleville-mezieres_news

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COMMENTAIRES  

24/04/2011 15:58 par EW

Agissons avant qu’il ne soit trop tard, ils ont déjà la maîtrise du temps…reprenons celle du collectif.

Ca doit être le printemps qui emplit d’optimisme les coeurs car à bien y regarder "ils" ne contrôlent pas que le temps et "nous" n’avons aucun collectif dont nous pourrions reprendre le contrôle.

Il faudra bâtir ce collectif et reconquérir ni plus ni moins que l’ensemble de la société. C’est pas gagné.

C’est même un peu perdu d’avance. D’autant plus que nous avons une fâcheuse tendance à ne pas tomber d’accord lorsqu’il s’agit de définir le fond ou la forme du processus d’un éventuel changement. En même temps si c’était facile, ce serait déjà fait.

Une énième fois et malgré les difficultés je nous exhorterais à nous positionner clairement : Soit la situation est à ce point grave et elle mérite une réaction exemplaire de notre part, soit elle n’est pas si grave et nous pouvons composer avec.

La situation est à un niveau de gravité qui dépasse l’entendement et nous essayons de composer avec ; cette position ambiguë s’explique par le fait que les implications d’une réelle réaction nous font peur.

En dépit des appels à la paix, à l’amour ou à l’unification, le spectre d’un affrontement avec le pouvoir plane tel une épée de Damoclès sur les "amas" humanistes.

La majorité pacifiste se rend bien compte que si vis pacem para bellum mais trop occupée à se persuader qu’un soulèvement violent n’aura pas lieu elle ne prépare pas la guerre et encore moins l’après-guerre.

Les enjeux de cette révolte sont pourtant d’une importance vitale pour l’humanité entière, il est crucial de la préméditer et de canaliser le flot de colère qu’elle trainera dans son sillage afin que cet épisode ne soit pas une simple révolution pseudo-populaire mais l’évolution de tout un peuple, d’une civilisation.

Il est probablement déjà trop tard pour effacer les stigmates de décennies d’exploitation mais peut-être sommes nous encore à temps de redonner à l’humanité des raisons de croire en elle-même.

L’humanisme a toujours été à l’extrême opposé des chaînes de l’asservissement, aujourd’hui encore il nous faudra les briser.

24/04/2011 23:51 par casa

Ce trop baroque pour entrer dans le sujet...C’est le printemps, la nature bourgeonne, déploie son énergie pour réchauffer l’atmosphère et sortir des longues journées froides que l’hiver a figées. Bref, la nature revit, et il n’y a bien qu’elle. Partout ailleurs, il y a dans l’air ce parfum moisi d’une ère nouvelle qui ramène ses effluves de honte latente et de colère indicible, d’une inénarrable mascarade dans les arcanes du pouvoir des puissants qui jouent leurs cartes impérialistes à la sauce sanguinaire du 21ème siècle, et se déjouent des lois lorsqu’elles leurs sont défavorables. Ce, alors que le troupeau dérouté, qui n’a de puissance de décision qu’un papier dans l’isoloir tous les cinq ans, n’a aucun moyen de mettre un coup d’arrêt aux agissements criminels des chefs impérialistes.

26/04/2011 05:06 par eric lengua

tout à fait d’accord avec vous EW !!!

Il faut arrêter de croire à la venue d’une nouvelle conscience de l’humain, conscience venue dont on ne saurait d’où ou bien peut-être de la conscience des quinquagénaires satisfaits qui voient dans leurs enfants l’espoir d’un monde meilleur issue de l’education absolument géniale qu’ils ont prodigué à leur rejetons ?

Arrêter de croire à une revolte qui regrouperait tous les gentils, sous armés mais motivés, style Terminator.

Cette incapacité à se mettre d’accord...c’est là , le centre de la question. Il faut chercher bien au fond de nous même, de notre civilisation et son système destructeur ce qui permet cela...

Et alors, je comprends comme vous EW, le chemin qu’il faut encore parcourir.

Nous sentons tous que le desastre nous guette...et bientôt ce ne sera plus une simple question de point vue...rechauffement, pas rechauffement, nucleaire, pas de nucleaire etc...et c’est là que l’effroi me saisit quand jevois de quoi l’homme n’est pas capable.

Il doit y avoir une solution mais elle doit être assez inaccesible.

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