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Colombie : « Glencore doit assumer sa responsabilité sociale »

Le regard déterminé, les mots qui fusent, clairs. Igor Diaz Lopez, coordinateur international du réseau syndical au sein de Glencore, directeur du syndicat colombien Carbosintra et ouvrier à Cerrejón, se trouve en Suisse pour une dizaine de jours. L’agenda du syndicaliste colombien est chargé. Lundi, à Genève (1), il participera à une conférence qui rendra publics les résultats d’un rapport de deux ONG sur les pratiques de Glencore (2), laquelle possède pour un tiers la mine de Cerrejón. Le 6 mai, à Berne, en compagnie d’une délégation internationale, il présentera au parlement les violations de droits du travail qu’il impute à Glencore. Avant de faire entendre directement ses critiques devant l’Assemblée générale de Glencore qui se tiendra le lendemain à Zoug. Interview.

Quelles sont les conditions de travail dans la mine de Cerrejón ?

Nous dénonçons l’augmentation de la sous-traitance dans la politique d’embauche de l’entreprise. Sur les 12 000 travailleurs, 7 000 sont sous-traités à d’autres entreprises. Or, selon la loi colombienne, l’emploi ne peut être externalisé que s’il remplit une mission secondaire. L’extraction du charbon étant l’activité principale de Cerrejón, celle-ci ne peut pas être sous-traitée. La législation n’est donc pas respectée.

Ces travailleurs-là appartiennent pour la plupart à des communautés en situation de précarité. Beaucoup acceptent cet emploi en espérant ensuite accéder à un contrat fixe. La différence salariale entre les ouvriers de la sous-traitance et les autres passent du simple au triple. Leurs contrats sont temporaires et ils ne jouissent pas des mêmes droits syndicaux. Pour palier cette injustice, le syndicat a mis en adéquation ses statuts pour inclure les travailleurs de la sous-traitance. Aujourd’hui, 2 500 d’entre eux sont affiliés au syndicat. En outre, nous avons pu obtenir des conventions collectives de travail (CCT) avec 6 des 12 plus importantes entreprises sous-traitantes (il y en a 300 au total, ndlr).

La santé des ouvriers est-elle affectée par leur travail à la mine ?

Beaucoup de travailleurs souffrent d’affections respiratoires en raison de l’exploitation minière. Les maladies musculo-squelettiques sont également fréquentes. Le choc constant du charbon avec la pelle produit une vibration qui affecte la colonne vertébrale et l’ossature. L’entreprise prétend que ces maladies sont dues à notre posture à la maison, ou aux longs voyages en bus pour se rendre au travail.

En raison d’une législation déficiente en Colombie, nous devons constamment prouver que ces maladies sont la conséquence de notre travail. Et la firme ne les reconnaît souvent pas.

Nous avons voulu adapter la CTT pour que la santé au travail soit mieux prise en compte. Dans ce cadre, nous avons mené une grève de trente-deux jours en 2013. Un audit externe a conclu que les services de santé offerts par l’entreprise étaient insuffisants et de nouveaux accords avec Cerrejón ont alors été passés. Mais nous constatons que ces accords n’ont pas été respectés. Au contraire, l’actuelle CTT comporte davantage de failles que la précédente. L’entreprise, à l’aide de son équipe d’avocats, interprète à sa guise les normes fixées.

Quelle est la situation des droits syndicaux à Cerrejón ?

Même si nous avons le droit de nous réunir, l’entreprise exerce une pression psychologique importante sur les travailleurs affiliés. Des formes de chantage sont également utilisées. Dans le cas d’un cours d’eau qu’elle veut dévier, la compagnie a annoncé que si cette déviation n’avait pas lieu, elle mettrait à la porte 1 200 travailleurs. Nous allons toutefois continuer à nous opposer à ce projet.

Dans le Département du Cesar, où Glencore possède deux autres mines d’extraction de charbon, la situation est bien pire. Les membres du syndicat ne peuvent se réunir que quand les dirigeants de l’entreprise donnent leur accord. Les affiliés du syndicat sont minoritaires. Une grève a cependant été votée par la majorité des travailleurs, ce qui démontre une insatisfaction générale.

L’entreprise a alors usé de manœuvres dilatoires pour diviser les ouvriers et les revendications n’ont pas abouti.

Quel danger courent les représentants syndicaux ?

De manière générale en Colombie, lorsqu’on exprime publiquement son désaccord, on court un risque. J’ai personnellement été menacé de mort par téléphone. En tant que président du syndicat, une protection personnelle m’a été fournie par l’Unité nationale de protection de l’Etat colombien, mais elle m’a été enlevée dès que j’ai quitté cette fonction.

Dans ce genre de cas, il nous faut alors développer des stratégies de protection personnelle. Etre le moins possible dans les lieux publics, ne pas trop sortir de la maison avec notre famille... Faire en sorte que les voisins, les amis nous préviennent s’ils voient quelqu’un de louche dans la zone.

Pour finir, que souhaiteriez-vous communiquer aux autorités suisses ?

Qu’elles exigent de Glencore qu’elle assume sa responsabilité sociale envers les travailleurs et l’environnement. Le comportement éthique de cette multinationale ne doit pas différer d’un pays à l’autre. Alors qu’elle se présente comme une entreprise modèle en Suisse, ses activités à l’étranger doivent correspondre à son discours.

Notes

1 La conférence aura lieu le lundi 4 mai à 19h à l’Université ouvrière de Genève (3, Place des Grottes)

2 Le rapport présenté par le Groupe de travail Suisse-Colombie (Ask) et Pensamiento y Acción Social (Pas) s’intitule Shadow report on the sustainability of Glencore’s operations in Colombia. Il peut être téléchargé en espagnol et en anglais sur le site www.pas.org.co

»» http://www.lecourrier.ch/129583/glencore_doit_assumer_sa_responsabilite_sociale
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