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Colombie:Interview du Commandant Jesús Santrich, membre de la délégation de paix des FARC-EP

La Chaîne de radio bolivarienne - Voix de la Résistance a interviewé le commandant Jesús Santrich, membre de l’État- Major Central et de la délégation des FARC-EP aux dialogues pour la paix avec une justice sociale. Nous avons discuté fraternellement avec le camarade des thèmes centraux de l’agenda et des positions des FARC-EP au moment d’entamer les discussions avec le gouvernement colombien.

CRB : Sans aucun doute cet agenda est différent tant dans sa forme que dans son contenu. Comment définiriez-vous cet agenda que l’on a appelé Accord Général pour la fin du conflit… ?

Jesús Santrich : C’est un agenda simple qui a pour objectif d’être synthétique sans développer trop de concepts, beaucoup de points que les FARC ont brandi comme drapeaux, en revendiquant les intérêts les plus vitaux du peuple colombien. Dans son préambule surtout, on retrouve l’esprit commun qui anime les FARC et le peuple dans leur désir de sortir de ce conflit politico-social-armé qui fait couler le sang de la patrie. Nous nous inspirons beaucoup d’outils proposés dans le programme agraire des guérilleros et dans la Plateforme Bolivarienne pour la nouvelle Colombie.

Par ailleurs, nous pourrions chercher beaucoup d’autres pistes d’interprétation, dans ce premier point suivant le préambule on aborde l’aspect agraire et le développement rural qui est un facteur central dans le déclenchement de la confrontation ; avec un détail particulièrement remarquable et qui constitue le point de départ pour les FARC, le point de vue territorial du problème.

Pour dire les choses simplement, nous partons de la définition du problème de la terre comme intrinsèque au concept de territoire, impliquant la préoccupation pour la souveraineté dans des domaines comme la réorganisation territoriale, la définition de la souveraineté alimentaire et le sens patriotique. Sans cela, il est impossible de traiter le sujet.

Je dirais pour terminer qu’en souscrivant au dit accord, les FARC ont montré leur magnanimité, leur engagement irréductible pour la paix en Colombie.

CRB : Le premier point de l’agenda est le délicat sujet de la terre et du territoire. Comment les FARC-EP aborderont ce thème au cours des dialogues ?

Jesús Santrich : Bien, je l’ai déjà dit d’une certaine manière en ébauchant rapidement les caractéristiques de l’accord, mais nous pourrions indiquer quelques aspects d’ordre général, que le gouvernement maîtrise pleinement et dont il sait qu’ils sont le point de départ des injustices qui font perdurer la confrontation.

Par exemple, l’inégalité effrayante qui est au coeur de la propriété de la terre. Il n’est de secret pour personne que du point de vue des FARC, historiquement, nos positions plaident en faveur de la redistribution de la terre dans un pays où la propriété des fonds productifs se concentre entre les mains de quelques latifundistes.

Cette situation d’inégalité est très importante, en effet, 41 % de la terre est concentrée entre les mains d’environ 100.000 personnes ; voilà la cause de la misère à la campagne, parce qu’on a arraché leurs terres aux paysans, on les a dépouillés par le biais de la violence institutionnelle et para-institutionnelle.

D’autres chiffres donnent 53,5% des terres fertiles entre les mains de 2428 famillles oligarques, pour 2. 200.000 familles paysannes survivant sur le reste des terres.

L’Institut Géographique Agustà­n Codazzi (IGAC) calcule que les fermes de plus de 500 hectares comprennent 61 % de la superficie prédiale et appartiennent à 0,4% des propriétaires avec une concentration de la terre qui croît de façon vertigineuse.

Selon les chiffres de cet Institut, IGAC et CORPOICA (Corporación Colombianan de Investigación Agropecuaria : Corporation Colombienne de recherche agropécuaire) sur environ 21.5 millions d’hectares de la superficie utile agricole, seuls 4 millions d’hectares environ sont consacrés aux cultures. Les latifundistes dédient bien davantage d’hectares à l’élevage extensif. On peut tabler sur 39 millions d’hectares de pâturages destinés à un cheptel qui ne dépasse pas les 25 millions de têtes, ce qui revient à un peu plus d’un hectare et demi par animal.

Malgré cette concentration effrayante de la terre entre quelques mains (qui place l’indice de Gini qui se réfère à l’inégalité dans la distribution des terres à 0,87) [INSEE : L’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie...). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d’égalité parfaite… A l’autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, NdT], plus de 60% du soutien alimentaire du pays dépend des petits propriétaires et métayers, personnes à qui on ne garantit ni crédits, ni commercialisation ni conditions de travail décentes.

Ceci explique le déclin du secteur agraire, nous importons déjà environ 10 millions de tonnes d’aliments..

La structuration latifundiste injuste de la terre en Colombie n’est pas une conséquence de la présence de la guérilla, ce sont les aristocraties au pouvoir qui ont modelé ce schéma qu’elles renforcent maintenant afin de remettre le territoire aux transnationales de l’extraction minière et du business des agro-carburants. Si je dis cela, c’est parce que dans notre conception, le problème ne se pose pas uniquement sur le plan de la lutte pour les droits de propriété. Non, non. La concentration de la terre a pris tellement d’ampleur que maintenant même le titre de propriété est utilisé pour rendre légale la spoliation des paysans, comme le prévoit maintenant la fameuse loi de restitution du président Santos, qui au fond vise une libéralisation ultérieure des marchés pour que les multinationales soient les bénéficiaires de la légalisation.

Nous sommes préoccupés par la façon dont les gouvernements néolibéraux ont implanté leurs projets extractifs, agroindustriels, de plantations pour les nécro-carburants et leurs mégaprojets énergétiques et miniers ou de grands barrages, etc… sur n’importe quelle partie du territoire, en détruisant les sols, en épuisant l’environnement et en causant des dégâts sur les relations socioculturelles des communautés indigènes.

C’est pourquoi, il faut bien étudier ce sujet à fond, on ne peut accepter que l’on continue à attenter contre le sol, le sous-sol et la surface, qui constitue l’ensemble du territoire avec ses relations communautaires et le sens de la souveraineté et de la patrie qui intéresse le peuple colombien plutôt que de permettre qu’un gouvernement quelconque atteigne ses objectifs macro-économiques qui ne font que renforcer les transnationales et les entités financières.

La Loi Générale Agraire et de Développement Rural que le gouvernement a à moitié sortie et à moitié remisée au placard, est avant tout un projet de réorganisation territoriale dont l’objectif n’est ni plus ni moins que de faciliter l’intrusion des transnationales dans une campagne sans paysans.

Ceci a d’énormes implications sur la souveraineté nationale et alimentaire durable et environnementale dont on ne peut faire l’économie. On a même cherché avec ce projet à anéantir les Unités Agraires Familiales et le tissu social des habitants de la campagne en voulant favoriser les transnationales.

Terre pour le secteur minier, pour l’exploitation forestière, pour la production d’agro-carburants et non pour résoudre le problème de la souveraineté alimentaire, tout cela dans le cadre de la définition de l’utilisation de la terre. On assure le monopole de la définition de l’usage de la terre pour défendre les intérêts latifundistes, et il s’agit là d’un autre sujet sur lequel il faudrait revenir avec attention.

Ne négligeons pas non plus le cas problématique de ce que l’on appelle le droit à la superficie, que le gouvernement prétend mettre en place précisément parce qu’il place le paysan dans la position de rentier de la terre, qui loue son petit lopin de terre pour une valeur déterminée dans un temps déterminé qui peut aller jusqu’à 30 ans, avec la particularité de pouvoir être transféré ; pas la propriété en tant que telle mais le droit à l’usufruit de la propriété, dans la logique de la bancarisation , seulement comparable aux processus d’assurance des récoltes qui que des compagnies d’assurances transnationales sont en train de mettre en place, contre des variables climatiques : pluies, sècheresses, etc…

Pire encore, quand les paysans commencent à cultiver, ils paient déjà une assurance, c’est à dire que déjà les coûts de production eux-mêmes sont dépendants du système. Au milieu de toute cette complexité et de cette puanteur, le plus grave, c’est la façon dont le paysan est éjecté de son lopin de terre avec des arguties pseudo-légales.

Deuxième partie

La Chaîne de radio bolivarienne- Voix de la résistance- présente la seconde partie de l’interview du Commandant Jesús Santrich. Nous parlerons maintenant du rôle néfaste joué par les médias en Colombie et de leur utilisation comme moyen d’attiser la guerre et la confrontation.

Les médias

CRB : Les médias en Colombie non seulement jugent, condamnent et occultent la réalité du conflit mais actuellement ils constituent un instrument pour attiser la guerre. Suite à la détention de Roméo Langlois, les FARC ont proposé d’ouvrir un débat national et international sur le rôle des médias et des journalistes dans le conflit colombien. Que répondriez-vous à ces gens qui qualifient les FARC d’insolents parce qu’ils proposent un débat sur la liberté de la presse suite à la détention d’un journaliste ?

Mais bon ; sur Langlois, il apparaît clairement que quand il est capturé, la guérilla ne sait pas qu’il s’agit d’un journaliste. Langlois est sur un champ de bataille et quand la guérilla encercle cette unité militaire, il est capturé. A cause de la situation super complexe du conflit colombien où il y a ingérence étrangère, yankee, israélienne, anglaise…c’est une réalité mais il nous appartient de vérifier de qui il s’agit, c’est une règle de sécurité de base.

Souvenez-vous que dans un passé pas si lointain, nous avons capturé trois mercenaires yanquis de la Dyncorp [société militaire privée US, NdT], une des nombreuses entreprises mercenaires qui agit pour le compte de l’interventionnisme yankee en Colombie. Les choses sont ainsi, le débat sur le rôle de la presse ne tourne pas autour de la situation particulière que vit Langlois mais autour de la forme et du fond avec lesquels les grands médias traitent les affaires de la guerre civile dont souffre notre patrie.

Il n’y a pas d’objectivité, ils aident la criminalisation de la protestation sociale, ils provoquent des situations de distorsion sociale de la réalité, de complicité avec le terrorisme d’Etat, etc… Mais ceci s’explique par le fait que la grande presse n’est pas indépendante, parce qu’elle défend des intérêts de ses propriétaires latifundistes, maîtres de la spéculation financière et déprédateurs du territoire.

CRB : Pourriez-vous me citer quelques exemples ?

Jesús Santrich : Des exemples ? Oui, il y en a beaucoup. Les médias sont la propriété des groupes économiques puissants qui concentrent la richesse et les revenus en Colombie. Il faut le dire, une telle concentration est extrême et scandaleusement de plus en plus importante. Actuellement, notre pays se situe au second rang des pays les plus inégaux du continent. Cette situation de misère pour le plus grand nombre, les médias contribuent à la justifier et à la cacher, je répète, ceci afin de favoriser les secteurs économiques les plus puissants.

Concrètement, cinq groupes financiers contrôlent 92% des actifs dans les communications : Le Grupo Empresarial Antioqueño en contrôle 36% ; Santodomingo et Sarmiento Angulo en contrôlent 28%, et ceci pouvant varier d’un mois à l’autre comme varient d’un mois à l’autre leurs profits dans une mesure exorbitante.

Quelques spécialistes affirment que quatre groupes économiques contrôlent la propriété et les contenus de 80% des médias ; et ces quatre groupes font partie des cinquante groupes économiques qui contrôlent en Colombie pas moins des 60% de l’industrie, des services, du commerce, du transport et de l’agriculture, c’est-à -dire l’économie.

Le Groupe espagnol Prisa est propriétaire de Caracol Radio, et en même temps, patron d’El Pais en Espagne.

Le groupe Santo Domingo est propriétaire de Caracol TV, et de sept autres radios, les radios FM BLU qui sont dirigées par Néstor Morales pour les informations.

Le groupe Ardilla Lulle est propriétaire de RCN et s’apprêtait à finaliser un accord pour une affaire à risque partagé avec Radio Super qui appartient aux conservateurs Pava Camelo, avec l’objectif d’élargir l’audience du programme La Hora de la verdad. Francisco Santos qui en était le directeur, est parti rapidement à cause de sa médiocrité, c’est l’un des nouveaux llaneros [équivalent vénézuélo-colombien des cow-boys, NdE], accapareurs de terres dans les Plaines orientales et chef sans scrupule du bloc paramilitaire Capital. Sur la chaîne d’infos, on trouve Rodrigo Parda qui est de l’engeance néolibérale de César Gaviria.

Le groupe Galvis possède Vanguardia Liberal à Bucaramanga, ce qui revient à dire que les propriétaires sont des secteurs d’El Tiempo, leurs propriétaires sont dans le groupe AVAL, Sarmiento Angulo qui s’étale comme une pieuvre sur la télévision numérique et sur le monde des communications virtuelles. En fait, ce sont les propriétaires de CITYTV d’obédience contre-insurrectionnelle, néolibérale, pro-impérialiste..

El Colombiano est genre vieux jeu conservateur, El Mundo est proche d’Uribe, concrètement de la famille Correa, c’est à dire de la vieille caste aristocratique et paramilitaire d’Alvaro Uribe Vélez.

En Colombie, un autre monstre de la finance, néolibéral bien présent déjà c’est le Claro de Carlos Slim [Mexicain, l’homme le plus riche du monde selon Forbes, NdE], propriétaire de Telmex, qui possède pas mal de choses dans le secteur de la télé câblée. Il a déjà plusieurs canaux et son expansion est évidente, il établit peu à peu un monopole sur le service internet comme cela se passe au Mexique. Ce processus de monopolisation devrait s’achever prochainement.

Je ne vois pas comment une télévision de Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, et ce titre déjà montre à quel genre d’exploiteur et de pilleur on a affaire, pourrait produire une communication favorable à des majorités de gens exploitées dans ce pays. La fortune de ce monsieur atteint les 74 milliards de dollars, d’après les chiffres du mois de juillet, mais imaginez à combien elle s’élèvera si deux mois plus tôt elle était de 70,88 milliards. En deux mois, elle a augmenté de 4.51%, ce n’est pas en défendant de pauvres bougres.

Dans le cas de Luis Carlos Sarmiento Angulo, classé au 39ème rang mondial des hommes les plus riches du monde ; je crois qu’il était au 67ème rang et a grimpé de 28 places en un an. Sa prise de poids économique lui vient surtout de la spéculation financière.

La fortune qu’on lui impute comme banquier, comme spéculateur financier, comme profiteur de l’économie réelle est de 10,5 milliard de $ US. Et je pèse mes mots en disant profiteur. D’après Forbes il serait au 75ème rang des personnes les plus puissantes du monde, mais parmi les milliardaires de Forbes qui tirent leurs revenus du secteur financier, ce Colombien est le numéro 3 planétaire.

La spéculation financière de Sarmiento Angulo a accompli un véritable "petit miracle’ en le propulsant dans le groupe des possesseurs des 100 plus grosses fortunes de la planète. Il a la 8ème en Amérique latine. Ce sont tous ces personnages qui ont ramené l’économie au secteur primaire et l’ont financiarisée au détriment du secteur productif. Par ailleurs son ascension comme rentier ne cesse pas, on dit en effet que l’achat de Credomatic par le groupe AVAL a permis à Sarmiento Angulo de doubler quasiment sa fortune en un an.

On estimait cette fortune à 5,6 milliards de $US, mais nous avons déjà dit qu’en un an le chiffre avait atteint 10,5 milliards de dollars, ce qui veut dire, qu’il y a peu, il a dépassé Julio Mario Santo Domingo, qui se trouve au 108ème rang sur la liste de Forbes avec une fortune de 8,4 milliards de $US. Ceci ne veut pas dire que ce dernier a stagné pour autant, en fait il a grimpé de 15 places et sa fortune se situe à peu près au 11ème rang en Amérique latine.

Tous ces éléments sont en rapport avec le nouveau redécoupage de la présence capitaliste qui vise à dévaster le territoire avec l’agriculture de rente et le pillage minier et énergétique. Tout cela dans le plus grand silence, maquillé ou justifié par la grande presse.

Tenez, le cas de Eike Fuhrken Batista, dont le patrimoine s’élevait à 27 milliards en 2010, est passé aujourd’hui à 31 milliards. C’est le deuxième« Latino-américain » le plus riche d’une liste de 1200 personnes établie par Forbes ; son ascension lui vient du pillage minier du continent et quand je dis continent, j’inclus l’extraction d’or en Colombie..

Vous lisez et vous écoutez dans quelques médias que les entreprises brésiliennes et canadiennes " volent la vedette’ dans le secteur de l’investissement minier. C’est stupide et criminel, car ici ce que l’on vole, c’est le pays, et les grands médias en parlent comme si c’était là quelque chose de très positif ; il est certain que ces médias font leur propagande. Prenez- le cas de W FM, dont le propriétaire est l’entreprise Pacific-Rubiales Energy Corp. qui malheureusement suce le sang des travailleurs des sous-traitants pétroliers à Puerto Gaitan.

Appelons un chat un chat : ce sont tous des voleurs et ils sont responsables de la misère nationale. Le peuple colombien s’appauvrit, notre environnement est détruit, nos richesses partent en fumée pendant que les comptes bancaires d’Eike Batista enflent. Vous entendrez parler de la prospérité de la Vale Do Rio Doce [grosse multinationale d’origine brésilienne, NdE],dont l’usine d’aluminium requiert 4 milliards de dollars d’investissements, mais on n’est jamais informé de ce que cela rapporte, comme à Cerromatoso, où le pillage a été faramineux.

On entend parler de la prospérité d’Odebrecht, qui est brésilienne, ou de Medoro Resources, compagnie minière canadienne qui concentre son activité actuelle à Marmato (Caldas) et en Antioqua avec l’achat de Frontino Gold Mines. Certes oui, pour eux, la prospérité existe bel et bien, mais au prix du déplacement des populations de Marmato.

Prospérité encore pour Scotiabank et toute une flopée d’autres entreprises transnationales mais pas pour les majorités appauvries de Colombie qui sont les gens dont nous nous préoccupons, nous, malgré les grands médias qui livrent leur guerre contre-insurrectionnelle pour favoriser le néolibéralisme et le pillage de la nation.

3ème partie

Notre vision s’attache aux causes. Si l’on ne résout pas les causes, on ne résout pas le conflit ; les choses sont ainsi, il n’y a pas de place dans l’agenda pour les divagations ou les trucages. Il faut impérativement résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques qui ont provoqué la confrontation pour que l’on aboutisse à la paix.

CRB : Le gouvernement a dit qu’il s’agit d’un accord pour mettre fin au conflit, en définissant la « fin du conflit » comme l’arrêt définitif des actions militaires. Cette conception coïncide-t-elle avec celle des FARC-EP ou est-elle en contradiction ?

Jesús Santrich : Il y a un ordre dans l’agenda et le premier point est celui de la terre. Cela dit, nous verrons si cela conduit à la cessation du conflit. Nous les colombiens, nous devons tous sortir de là , satisfaits des accords que nous aurons établis.

Notre vision s’attache aux causes. Si l’on ne résout pas les causes, on ne résout pas le conflit ; les choses sont ainsi, il n’y a pas de place dans l’agenda pour les divagations ou les trucages. Il faut impérativement résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques qui ont provoqué la confrontation pour que l’on aboutisse à la paix.

Pendant ce temps- là , on pourrait s’accorder sur une trêve, un arrêt des hostilités ou une régularisation de la guerre, etc. Cela doit être défini en se basant sur l’analyse, le débat et la participation populaire.

Il y a un agenda simple des dialogues, sur lequel nous concentrons tous nos efforts afin d’en traiter les contenus. Il s’agit d’un agenda compréhensible par tous, qui place la ville de la Havane comme siège des dialogues. La mise en route aura lieu à Oslo et comme le dit l’agenda, les réunions pourront se tenir ensuite n’importe où ailleurs.

D’autre part, l’introduction de cet agenda rappelle quelques principes inaliénables qui traduisent l’esprit qui anime les signataires et aborde ensuite un premier point sur le problème agraire et le développement rural avec d’autres sous-thèmes importants tous en rapport avec une notion fondamentale pour nous qu’est le problème de la terre lié au concept de territoire, basé essentiellement sur la souveraineté de la patrie.

C’est dans cette configuration très élémentaire, mais essentielle en même temps, que nous nous rendons à une table qui ne peut se transformer en banc des accusés comme le prétendent quelques médias qui grouillent de bourreaux et de mercenaires de la contre-insurrection médiatique, où les FARC sont accusése de tout et n’importe quoi. Non. La table n’est pas envisagée comme un théâtre de reddition ; il s’agit d’une table de dialogues où nous analyserons les voies, les chemins permettant de résoudre les problèmes politiques, sociaux, économiques qui sont sans aucun doute la cause de la confrontation.

En rapport avec cela, nous devrons certainement analyser la nécessité de faire un pas vers la démilitarisation et la démocratisation aussi bien de l’État que de la société, le tout combiné à de profondes transformations socio-économiques qui doivent s’enclencher pour que cesse le néolibéralisme et l’abandon honteux de notre territoire aux transnationales qui sont en train de le piller.

Plus de la moitié du territoire national a déjà été condamnée à être détruit par l’économie d’enclave au détriment du bien-être des communautés comme Marmato, la Colosa, le fleuve Rancherà­a, Santurbán, etc…etc…etc… le gouvernement doit mettre fin à autant d’impudence.

Il est regrettable qu’au moment où l’on parle de paix, on continue de céder le pays aux consortiums financiers, ceci est un acte de guerre. Concrètement, on pourrait dire qu’il y a des éléments propices à la recrudescence de la guerre chaque fois qu’il y a des annonces de tentative de paix. Vous pouvez voir non seulement des francs-tireurs fous furieux, genre Uribe Vélez, mais aussi des éléments haut placés du gouvernement comme le Ministre de la Défense, un dandy qui ressemble à un prétentieux gominé en train de balancer des arguments comme si le processus était une table de reddition et non une table permettant de trouver des solutions aux problèmes sociaux dont souffre la Colombie. Sans parler de cette horde de journalistes à la solde des propriétaires des médias.

CRB : Depuis ses débuts au gouvernement, Santos a dit qu’il veut rester dans l’histoire comme le président de la paix. Comment faut-il comprendre cette affirmation ? Qu’est-ce qui a poussé réellement Santos à s’asseoir à une table de négociations avec comme interlocuteurs ceux qu’il a qualifiés avec mépris de bandits et de narcoterroristes au cours des dix dernières années ? N’est-ce pas là peut-être une reconnaissance du caractère politique et belligérant, refusé il y a à peine quelques jours ?

Jesús Santrich : La paix ne sera possible seulement qu’avec le concours de tout le pays. Elle ne peut émerger seulement d’un accord entre deux parties adversaires : gouvernement et guérilla, mais on ne l’obtiendra que lorsqu’on entendra tout le pays, le peuple lui-même qui tracera la route de la réconciliation colombienne.
C’est un désir louable de la part de Santos, mais la paix ne se fait pas avec une seule personne, ce n’est pas possible.

Président de la paix, président de la paix… ; c’est bien, très bien. En apparence, c’est un désir louable ; ce qui est certain c’est que jusqu’ici il est l’ancien ministre de la Défense qui au cours de son ministère, avec l’approbation d’Uribe Vélez, a mis en oeuvre cette chose abominable qu’on appelle les faux positifs. C’est une réalité factuelle que Santos devra dépasser avec beaucoup trop d’effort et beaucoup de compréhension de la part du peuple colombien qui a subi ces crimes.

Mais bon. J’ai envie de dire que l’idéal, c’est que lui, il souhaite que toutes les générations à venir se souviennent de ceux qui aujourd’hui mènent une guerre fratricide imposée par la mesquinerie des oligarchies, comme les générations qui ont eu la grandeur d’instaurer la justice sociale qui a ouvert la voie à "la paix stable et durable’.

Il y a certes d’autres problèmes que devra dépasser Santos, celui de sa classe, et là , il ne s’agit pas seulement d’une question de volonté ; ils devront tout faire pour ne plus tomber dans l’erreur de croire que "la victoire est la paix’, en assumant l’illusion militariste parfaitement entretenue par ce vilain petit ministre de la Défense, qui consiste à faire croire que la solution du problème n’est pas dans la résolution des problèmes sociaux dont souffre la Colombie mais dans l’intensification de la guerre qu’il ne connaît que depuis son bureau.

Quant aux raisons qui ont conduit Santos à nous reconnaître comme interlocuteurs, je ne me risquerais pas à émettre des certitudes parce que je n’en vois qu’une parmi d’autres qui puisse exister et c’est une raison de convenance à laquelle historiquement les gouvernants ont recours : quand ils ont besoin de parler, ils nous reconnaissent la condition de politiques et sinon, non, ils oublient leur considération antérieure. En cela, ils n’ont pas de véritables principes.

En tout cas, ils comptent sur l’avantage, indépendamment de leur fluctuation "pragmatique’, pour ne pas dire accommodante, ou si l’on veut arrangeante, que la condition de belligérants est inhérente à l’insurrection colombienne au-delà de ce que le gouvernement en place reconnaît.

Mais, je crois également qu’après avoir mis fin à la table du Caguán et pris le risque d’une guerre intense avec la main de l’empire yankee sans réussir à nous arrêter, ils ont sûrement fait une évaluation à long terme qui les amène à reprendre des chemins plus sensés pour la recherche de solutions. Rappelons-nous que Santos a dit au moment où il a annoncé le processus qu’il poursuivait une initiative déjà entamée par Uribe Vélez.

Bien, par la suite, il a engagé la première phase avec son gouvernement pour que nous explorions conjointement la possibilité de solutions négociées. Nous en sommes là . D’une manière ou d’une autre, il faudra bien qu’on reconnaisse qu’il n’a pas été possible de vaincre la résistance populaire par la force, par les fosses communes, les bombardements, etc… et avoir admis que pour les FARC la porte du dialogue a toujours été ouverte parce que nous avons vocation pour la paix sans que cela n’implique que nous nous arrêtions de faire des plans de libération ; nous continuons la lutte, la bataille contre les transnationales et le régime de terreur. C’est pour cette raison précisément que j’affirme que personne ne peut considérer cette table comme une valse des hésitations.

Nous, nous constituons un rempart contre le pillage. De plus, on pourrait affirmer avec certitude que l’État colombien n’est plus en état de supporter les dépenses militaires et qu’elles rendent chaque jour davantage plus difficile l’existence des colombiens, dans la mesure où ce gaspillage empêche l’investissement social. Le budget de la guerre, indépendamment du fait qu’on l’appelle dépenses pour la défense ou dépense pour la sécurité, absorbe plus de 6.4% du Produit Intérieur Brut.

En termes financiers, la Colombie consacre pas moins de 27 milliards de pesos à l’année et la finance, son offensive fratricide, également avec les aides que les USA donnent pour garantir les intérêts des transnationales qui exploitent nos ressources.

Cela coûte énormément d’argent, et ce que le gouvernement a mis place comme impôts provisionnels pour soutenir la guerre, se sont transformés peu à peu en impôts permanents qui provoquent un grand mécontentement chez ceux qui contribuent.

Nous avons entendu à maintes reprises le ministère de la Défense dire que les dépenses militaires seront maintenues avec ou sans démobilisation, ce qui prouve qu’ils s’obstinent à continuer de brader nos ressources, ce qui implique de sécuriser les profits du grand capital.

Article original : Colombia : Entrevista integral con el Comandante Jesús Santrich, integrante de la delegación de Paz de las FARC-EP , ABPNoticias, le 6 novembre 2012

Traduit par Pascale Cognet pour La Pluma http://www.fr.lapluma.net

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