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Témoignage sans doute utile

Comment en arrive-t-on au marxisme ?

En contradiction avec la généralité du titre qui cependant ne prétend pas qu’on est devenu marxiste, ce qui serait faire preuve de présomption au regard de la profondeur de pensée, du sens politique, de l’étendue des connaissances et de l'ampleur des études sérieuses et originales que cela implique, il s’agit ici simplement de mon histoire personnelle.

Guerre de l’État français contre la libération de l’Algérie, après celle de l’Indochine et alors que la guerre des B 52 contre le Vietnam n’a pas commencé. Guerre froide contre le camp socialiste. Collaboration de classe des socialistes (la SFIO) aux niveaux parlementaire et exécutif. Luttes et grandes manifestations ouvrières, Maurice Thorez et le Parti communiste français de l’autre côté. Telle est l’ambiance générale et extérieure.

Un professeur d’histoire assez calé en première, mais plus enclin à se placer du côté de Louis XVI, des peines de Marie-Antoinette, et des Chouans qu’à s’enflammer pour Marat et Robespierre. Moi, idiot pendant ce temps, armé d’un Bic comme lance-boulettes ou toujours prêt à ponctuer d’une vanne la phrase du professeur.
Avec le recul, je juge malgré tout avec indulgence cette manifestation puérile et vaine, embryonnaire, de la lutte des classes, que le professeur savait enregistrer pour me la revaloir en conseil de classe, celui de première cette fois.

Il y avait bien quelque rare fils de communiste, ou plus simplement d’athée vers lesquels allait ma sympathie lors des discussions qu’on pouvait avoir à cet âge. C’est sans doute à cela que je dois de m’être retrouvé un jour avec un exemplaire très fatigué de L’État et la révolution, Éditions de Moscou, de Lénine sous les yeux. Maintenant il suffit de tapoter pour l’avoir sur le net. Ce ne fut donc pas par Le Manifeste que je commençai et que je n’appris à savourer que plus tard. Si certains prétendent que la lecture d’un livre a décidé de l’orientation de toute leur vie, je ne saurais qu’acquiescer pour ce qui concerne L’État et la révolution, mais pourquoi raconter ici ce qui n’est que fadaises ? Il faut bien justifier le titre, la voici la simple raison.

L’année suivante, autre professeur tout aussi respectable, mais aussi bien orienté que l’était le précédent sur la Révolution, et cette fois sur la Commune. À laquelle je dois un jeudi après-midi de retenue. C’était l’époque de Marx, évidemment. Un mot en passant du professeur sur celui-ci : - Son Capital est impénétrable.

Les années passèrent, et je suis reconnaissant envers ma compagne de me l’avoir offert (8 volumes cartonnés bordeaux, lettres dorées, aux Éditions sociales) pour un anniversaire. On le trouve aussi en ligne aujourd’hui, ainsi qu’entre autres œuvres des pères fondateurs : L’Anti Dühring, ou : Comment M. Dühring bouleverse la science, le livre de chevet de tout militant comme le désignait Lénine. Parce que, entre temps j’avais adhéré au Parti.

Je lis encore aujourd’hui que Karl Marx serait abscons ; alors que le Manifeste qui est maintenant dans les programmes ne circulait que sous le manteau, comme s’il s’était agi de quelque « Paris Hollywood » aux photos bistres où les parties les plus intimes étaient soigneusement gommées, ou d’un ouvrage pornographique, et alors que je retourne assez souvent au Capital qui, au moins dans son Livre I, est absolument limpide, je juge utile de conclure sur deux citations.

La première, celle de L. Althusser en introduction au Capital a le mérite de mettre le doigt sur une réalité, mais sans l’expliquer de manière entièrement satisfaisante.

« C’est un paradoxe que des spécialistes intellectuels hautement « cultivés » n’aient pas compris un livre, qui contient la Théorie dont ils ont besoin dans leurs « disciplines », et qu’en revanche les militants du Mouvement Ouvrier aient compris ce même livre, malgré ses très grandes difficultés. L’explication de ce paradoxe est simple, et elle est donnée en toutes lettres par Marx dans Le Capital, et par Lénine dans ses œuvres.

Si les ouvriers ont si aisément « compris » Le Capital, c’est qu’il parle, en termes scientifiques, de la réalité quotidienne à laquelle ils ont affaire : l’exploitation dont ils sont l’objet du fait du système capitaliste. C’est pourquoi Le Capital est aussi rapidement devenu, comme le disait Engels en 1886, « la Bible » du Mouvement ouvrier international. En revanche, si les spécialistes d’histoire, d’économie politique, de sociologie, psychologie, etc. ont eu et ont encore tant de mal à « comprendre » Le Capital, c’est parce qu’ils sont soumis à l’idéologie dominante (celle de la classe dominante), qui intervient directement dans leur pratique « scientifique », pour en fausser et l’objet, et la théorie, et les méthodes. Sauf quelques exceptions, ils ne se doutent pas, ils ne peuvent pas se douter de l’extraordinaire puissance et variété de l’emprise idéologique à laquelle ils sont soumis dans leur « pratique » même. Sauf quelques exceptions, ils ne sont pas en état de critiquer eux-mêmes les illusions dans lesquelles ils vivent, et qu’ils contribuent à entretenir, parce qu’ils sont littéralement aveuglés par elles. Sauf quelques exceptions, ils ne sont pas en état de réaliser la révolution idéologique et théorique indispensable pour reconnaître dans la théorie de Marx la théorie même dont leur pratique a besoin pour devenir enfin scientifique. »

La deuxième citation, celle de Christophe Darmangeat dans son cours de faculté, va beaucoup plus loin :

« Ce n’est pas un hasard si le grand essor de la théorie néoclassique [celle des néolibéraux d’aujourd’hui] date des années 1870, juste après les publications de Marx et l’émergence d’un puissant mouvement ouvrier révolutionnaire (fondation de l’Association Internationale des Travailleurs en 1864, Commune de Paris en 1871). Avec ces événements, la période où un Ricardo, représentant en économie de la bourgeoisie ascendante, pouvait se permettre de théoriser la lutte des classes pour le compte de celle-ci, est définitivement révolue. Plus que jamais, l’économie devient politique, et les positions se tranchent. D’un côté, les partisans du système capitaliste qui rejetant la valeur travail, nient ainsi l’exploitation et proclament que le système sert au mieux les intérêts de tous. De l’autre, ses adversaires socialistes (à l’époque, le terme de socialiste est presque toujours synonyme de révolutionnaire) qui dénoncent le caractère exploiteur et transitoire du système capitaliste, et proclament leur volonté de préparer son renversement. Entre les positions théoriques sur la question de la valeur, comme entre les positions politiques vis-à-vis de la société capitaliste, il n’y a guère de place pour un juste milieu hypothétique. Notons d’ailleurs que ce juste milieu, à supposer qu’il puisse exister sur le plan politique, n’a aucun sens en matière de théorie économique : il n’y a pas de théorie intermédiaire entre celle de la valeur-travail et celle des néoclassiques [des néolibéraux], entre l’affirmation de l’existence de l’exploitation ou sa négation. De ce point de vue au moins, le vieux débat deux fois séculaire sur la loi de la valeur n’a pas pris une ride. »

Un simple mot : c’est bel et bien aux éditions du parti de la classe ouvrière (et à la réalité concrète de celle-ci) et au camp socialiste (qui était alors non moins concret), que je dois ce que je sais du marxisme. Que j’en suis « arrivé au marxisme » ;

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