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Constitution Européenne : Dix mensonges et cinq boniments.


Les partisans du oui à la constitution européenne mentent délibérément ou travestissent la vérité.



Par Jean-Pierre Gaillet, Robert Joumard, Rémi Thouly



Ils trahissent l’Europe et les Européens



Table des matières

Présentation


Mensonge n°1 : Ce n’est pas une constitution

Mensonge n°2 : La Constitution ne comporte que des avancées

Mensonge n°3 : La directive Bolkestein serait impossible avec la constitution

Mensonge n°4 : Avec le traité de Nice, l’Europe est ingouvernable. Avec la constitution cela irait mieux, car les coopérations renforcées seraient plus faciles

Mensonge n°5 : L’introduction de la charte des droits fondamentaux dans la partie II crée de nouveaux droits

Mensonge n°6 : Les services publics seront mieux défendus

Mensonge n°7 : La constitution est neutre, elle ne définit pas de politique, elle n’est pas d’inspiration libérale

Mensonge n°8 : La Banque centrale européenne sera contrôlée

Mensonge n°9 : L’Europe va disposer d’une défense commune indépendante des États-Unis

Mensonge n°10 : Les syndicats et les partis de gauche européens soutiennent la constitution


Boniment n°1 : Le vote NON provoquerait une crise très grave, le vote OUI n’en provoquerait pas

Boniment n°2 : Grâce à la constitution, l’Europe disposera d’une politique étrangère

Boniment n°3 : Avec le traité de Nice, l’Europe est ingouvernable. Avec la constitution cela irait mieux, car les majorités qualifiées seraient plus faciles

Boniments n°4 : Ce n’est qu’une étape, l’Europe va progresser, l’Europe va mieux s’unir

Boniment n°5 : Avec la constitution tout va changer dés 2006


Références des documents utilisés

Conclusion



Présentation


Dans la campagne pour la constitution européenne, il y a des mensonges, et il y a des boniments.

Un mensonge, c’est quand on transforme la vérité. En prétendant ce qui n’est pas. Ou en "oubliant" ce qui est.

Les boniments, ce sont des mensonges moins directs, des interprétations tendancieuses, des éclairages qui laissent des aspects importants dans l’ombre. Des petitsaccommodements avec la vérité.

Les camelots des marchés pratiquent le boniment, ils évitent le mensonge pour ne pas se trouver face aux services de la répression des fraudes.

Malheureusement, il n’existe pas de service de la répression des fraudes pour les hommes politiques, les chefs d’entreprise ni - hélas aussi - pour les syndicalistes.

Il est des mensonges sans conséquence. Ainsi Valéry Giscard d’Estaing, dans une conférence à Strasbourg a affirmé que « le projet de constitution européenne ne comporte que 60 articles ». Chacun peut vérifier qu’il en comporte en fait 448 - sans compter les annexes. Chacun sait donc qu’il a débité un mensonge, une contrevérité, un gros bobard. Mais cette sorte de ficelle est si grosse qu’elle ne trompe que ceux qui le veulent bien.

Mais il est d’autres contrevérités qui ne sautent pas à ce point aux yeux. Il faut aller consulter les textes, ceux de la constitution proposée, ceux des anciens traités, des annexes, des protocoles, en tout des milliers de pages pour découvrir que ce que l’on nous affirme avec le plus bel aplomb n’est qu’un échafaudage qui repose sur le sable de quelques gros mensonges.

Les partisans du traité constitutionnel européens, à de rares exceptions près, ont échafaudé tout leur argumentaire sur beaucoup de sable.

Le 29 mai 2005 les Français seront appelés à répondre par OUI ou par NON à une seule question : approuvez-vous la ratification du traité constitutionnel Européen ? Un seul mot, une seule réponse, pour dire son accord ou son désaccord avec un texte très lourd.

Le seul point où tout le monde est d’accord, c’est que ce vote engagera l’avenir de l’Europe et de la France pour des décennies.

Attac, Association d’éducation populaire tournée vers l’action, se doit d’aider les citoyens à construire leur propre opinion en fournissant arguments et contre arguments.

Dans ce document, nous nous sommes attachés à faire apparaître la mauvaise foi, les contrevérités, les amalgames douteux, les tripatouillages de texte, bref tout ce qui déshonore leurs auteurs et tend à discréditer la politique.

Au nom de l’Europe, nous ne pouvons que dire "Non" à cette conception de la politique.



Mensonge n°1 : Ce n’est pas une constitution


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

Ce que nous appelons parfois abusivement « Constitution » n’est juridiquement qu’un traité international signé entre les Etats souverains.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Tout d’abord parce que le texte s’appelle « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ».

Donc, ce traité une fois ratifié établirait la Constitution Européenne avec tous ses attributs :

Un texte et une autorité suprême (la Haute Cour de justice Européenne) pour le faire respecter.

Pour minimiser la portée du texte, on nous dit qu’il n’y a pas eu de véritable assemblée constituante, sauf à se satisfaire de la Convention et de son fonctionnement fort peu démocratique. C’est exact, mais la constitution de la cinquième république est née sans assemblée constituante et a plongé sa légitimité dans un référendum. En quoi sommes-nous dans un processus différent ?

Le Traité Constitutionnel aura valeur de constitution.

Le fait que cette constitution concerne non pas un mais plusieurs Etats n’y change rien : La constitution mise en place par le traité s’imposerait comme telle par la ratification populaire, parce qu’elle disposerait d’une Cour de justice et qu’elle élaborerait le droit au travers de la jurisprudence. Or, ce droit s’imposerait à tous les Etats puisque la France vient de modifier sa constitution pour pouvoir s’y soumettre définitivement.

Le premier article de la Constitution (qui est toujours d’une extrême importance dans tout traité ou dans toute Constitution) indique dans sa première phrase : "Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir leur avenir en commun, la présente Constitution établit l’Union européenne...". C’est une formulation sans ambiguïté !

L’article I-6 (Le droit de l’Union) ajoute :

« La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres. »

Cette primauté n’est pas nouvelle (jurisprudence de la Cour et du Conseil Constitutionnel français notamment). Mais ce qui est nouveau c’est l’article lui-même qui n’était pas présent dans les précédents traités. C’est aussi le lien entre le terme "Constitution" et l’affirmation de la primauté du droit.


Pourquoi mentent-ils ?


Pourquoi les partisans du Oui nient-ils que ce texte serait une constitution ? Cette dichotomie est bien commode. Elle permet de minimiser la portée des parties III et IV, en les considérant comme un simple toilettage des précédents traités. Ce faisant, elle permet de survaloriser la portée des parties I et II en gommant leur caractère peu contraignant.

Le procédé a l’avantage de détourner le débat en prétendant que ce qui concerne les traités est acquis et n’a pas à être discuté. En particulier, cette attitude trahit la dérive profonde du PS qui, en se rangeant dans le camp des Madelin et Bayrou, avoue par là qu’il a définitivement renoncé à combattre l’ultralibéralisme.

Mais il est vrai aussi que le traité de Nice, les accords de Barcelone, tout « l’acquis » des libéraux est un peu leur enfant...



Mensonge n°2 : La Constitution ne comporte que des avancées


Qui dit cela ?


L’UDF :

« Il n’y a pas un seul domaine où la Constitution soit en retrait ; il n’y a pas un seul sujet sur lequel elle revienne en arrière. » (BP UDF 2mars 2005)

Un Vert favorable au Oui :

Nous voterons Oui, parce que nous pensons que la lutte pour l’écologie, pour la solidarité, pour la démocratie, pour la planète, sera plus facile avec le TCE qu’avec les traités actuellement en vigueur. (A.Lipietz)

Les députés Verts européens

Forcer l’Union élargie à 25 membres de rester aux traités d’Amsterdam et de Nice alors que d’autres processus d’adhésion sont en cours, pourrait provoquer une crise susceptible de menacer le processus d’unification de l’Europe.

Les socialistes favorables au oui :

On vous dit que : « Le traité fait du marché et de la concurrence libre et non faussée les valeurs suprêmes de l’Europe ». C’est faux Le principe d’un « marché unique où la concurrence est libre et non faussée » est de tous les traités européens depuis l’origine. Tous les éléments nouveaux par rapport aux traités antérieurs ont été imposés par les socialistes et les sociaux démocrates européens. Jamais les objectifs de l’Union n’ont été autant dirigés dans le sens de ce que nous portons.

Ce qui se passerait si le traité constitutionnel était rejeté :On en restera aux textes existants, qui ne parlent que d’économie de marché, sans mentionner ni le plein emploi, ni le progrès social, ni le développement durable, ni l’économie sociale de marché.

En bref on conserve la « concurrence libre et non faussée » et l’on se prive de tous les objectifs introduits par les sociaux démocrates et socialistes européens.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Comparons le traité instituant la Communauté Européenne modifié à Nice et le projet de traité constitutionnel.

Traité instituant la Communauté Européenne (article 2) :

La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun, d’une Union économique et monétaire et par la mise en oeuvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, l’égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres.

Le projet de constitution :

Article I-3

Les objectifs de l’Union

1. L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.

2. L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.

3. L’Union oeuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant.

Et notons les différences :

- la « concurrence libre et non faussée » remplace le « marché commun », et devient un objectif au lieu de n’être qu’un moyen.

- le développement reste « durable » mais n’est plus ni « harmonieux » ni « équilibré »,

- la croissance devient « équilibrée » au lieu de « durable »,

- quant au » relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres » ils ont disparus.

Ces quelques substitutions ne sont-elles pas la marque du libéralisme de « l’Europe des profits » comme le disent si justement les jeunesses socialistes ?

Certes les mots « économie sociale de marché » ne sont pas utilisés dans le traité de Nice mais il y a par contre « le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres »

De quel coté est la perte ?

Le traité de Nice parle d’un niveau d’emploi élevé et non de plein emploi. Mais le Traité Constitutionnel fait de même. Le plein emploi n’apparaît qu’une seule fois dans l’article I-3-3, qui présente un objectif de développement fondé sur "une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social". Mais il n’en est plus question ensuite, même dans la section consacrée à la politique de l’emploi (III-203 à 208).

Figure en revanche l’objectif consistant à "atteindre un niveau d’emploi élevé" (III-205-2).

Cela signifie augmenter le taux d’emploi, c’est-à -dire le rapport entre le nombre de personnes ayant un emploi et celui de la population en âge de travailler. Parler du taux d’emploi permet de ne plus parler du taux de chômage. Et un taux d’emploi élevé peut tout à fait cohabiter avec de forts taux de chômage.

Le mot "chômage" ne figure d’ailleurs même pas dans les 448 articles du projet de constitution, alors que le taux de chômage dans l’Union est de 9 %. Le chômage n’entre manifestement pas dans les préoccupations de l’Union telle que dessinée par ce projet de constitution.

Poursuivons la comparaison.

Le document « le vrai le faux » du parti socialiste cite longuement l’article III-210 de la constitution :

« En vue de réaliser les objectifs visés à l’article III-209, l’Union soutient et complète l’action des Etats membres dans les domaines suivants :

- l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ;

- les conditions de travail ;

- la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;

- la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail ;

- l’information et la consultation des travailleurs ;

- la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 6 ;

- les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union ;

- l’intégration des personnes exclues du marché du travail, sans préjudice de l’article III-283 ;

- l’égalité entre femmes et hommes en ce qui concerne leurs chance sur le marché du travail et le traitement dans le travail ;

- la lutte contre l’exclusion sociale ;

- la modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c) ».


L’équivalent du traité instituant la Communauté Européenne modifié à Nice est ainsi rédigé :

Article 137 (*)

1. En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 136, la Communauté soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants :

a) l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ;

b) les conditions de travail ;

c) la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;

d) la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail ;

e) l’information et la consultation des travailleurs ;

f) la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 5 ;

g) les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de la Communauté ;

h) l’intégration des personnes exclues du marché du travail, sans préjudice de l’article 150 ;

i) l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ;

j) la lutte contre l’exclusion sociale ;

k) la modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c).

Ne faut-il pas une bonne dose de mauvaise fois pour voir un progrès dans ce qui n’est qu’une copie ?


Autre exemple « d’avancée » : la politique commerciale commune.

Article III-314 du projet de constitution :

Par l’établissement d’une union douanière conformément à l’article III-151, l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres.L’équivalent du traité instituant la Communauté Européenne modifié à Nice est ainsi rédigé :

Article 131 (*)

En établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer, conformément à l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières.

Que l’introduction dans le texte des investissements étrangers directs soit considérée par l’UMP comme un progrès est normal. Qu’il en soit de même pour le PS qui s’est opposé grâce au droit de veto de la France sous le gouvernement Jospin à un accord sur l’investissement (AMI) discuté au sein de l’OCDE est plus surprenant . Que ni les Verts, ni le PS ne s’inquiètent de l’ajout de « et autres » ne l’est pas moins.

Comment ne pas voir que se terme permettra au sein de l’OMC et particulièrement sur l’AGCS de considérer des normes sociales, environnementale, de santé publique, etc. comme des obstacles au « développement harmonieux du commerce mondial » ?

Les décisions dans ce domaine seront prises à la majorité qualifiée. Cela signifie que la France ne dispose pas de droit de veto.



Mensonge n°3 : La directive Bolkestein serait impossible avec la constitution


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

C’est au nom des raisons qui leur ont fait adopter le traité constitutionnel que les socialistes s’opposent à la directive Bolkestein. Cette directive est en effet contraire à de très nombreuses dispositions du traité constitutionnel. La directive dite Bolkestein est contestable au regard des dispositions nouvelles introduites par le Traité Constitutionnel.

En effet, on sait que ce projet de directive aurait pour résultat de mettre en concurrence les systèmes législatifs et conventionnels des Etats membres pour les activités de services qu’il vise à libéraliser. Et que cette mise en concurrence aurait sans nul doute pour effet de « tirer » vers le bas les protections sociales, le droit du travail, la protection des consommateurs, le droit à la santé, le droit à un environnement de qualité.

Aucune disposition de cette directive n’est en effet prévue :

- pour interdire la détérioration des conditions de vie et de travail des travailleurs, par exemple.

- pour rendre obligatoire une évolution des droits sociaux qui permettrait une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs.

Inacceptable en soi, la directive Bolkestein est clairement contraire aux dispositions du traité Constitutionnel.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Tout simplement parce qu’il n’y a rien de nouveau dans la constitution qui s’oppose à la directive Bolkestein. Toutes les garanties qui seraient dans la constitution sont déjà dans le traité de Nice ou dans la charte des droits fondamentaux (voir mensonges n°2 et 5).

Donc, de deux choses l’une : ou la directive est déjà en contradiction avec les règles du traité de Nice et la charte des droits fondamentaux ou elle ne l’est pas.

Dans le premier cas qu’attendent tous ceux qui, tel M. Barnier, hurlent aujourd’hui contre une directive qu’ils ont approuvée hier, pour dénoncer son illégalité ?

Dans le cas contraire la constitution n’apportera rien de plus pour s’opposer à la directive Bolkestein.

D’ailleurs, monsieur Bolkestein est un chaud partisan de la constitution. Lui même n’y voit donc pas plus d’incompatibilité qu’avec l’actuel traité de Nice

En fait, quand on compare l’esprit de la directive Bolkestein et l’esprit de la Constitution Européenne, on trouve la même conception de l’harmonisation européenne qui doit se faire par la concurrence et le marché et surtout pas par la loi et la réglementation.

Le projet de directive Bolkestein est dans le droit-fil du projet de constitution et en est une excellente illustration. Il vise à libéraliser les services dans l’Union, en leur appliquant le principe du pays d’origine quant aux droits sociaux. Ainsi une agence de placement ou un cabinet de conseil pourraient établir leur siège social dans un pays à faible protection sociale et fournir leurs services en France par exemple sans avoir à respecter le droit à la sécurité sociale ou à la retraite. On a vu que l’article I-4-1 et le préambule de la charte des droits fondamentaux en partie II réduisaient les libertés fondamentales à "la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux" (à quand une déclaration des droits de l’homme et des marchandises ?). Plus explicitement encore, dans la "sous section 3- Liberté de prestation des services", l’article III-144 dit que "dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation". Les travailleurs peuvent circuler librement sans discrimination en ce qui concerne "l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail" (III-133). En revanche, dans cet article et ceux qui suivent, rien n’est dit sur la discrimination liée à la protection sociale des travailleurs. Le projet de traité affirme par ailleurs que l’Union Européenne s’en remet au marché pour "favoriser l’harmonisation des systèmes sociaux" (III-209), que toute harmonisation sociale entre États membres est explicitement exclue (III-210-2-a), et que les États membres s’efforcent de libéraliser les services "au-delà de la mesure qui est obligatoire" (III-148). Absolument rien ne s’oppose donc à la directive Bolkestein dans le projet de constitution, bien au contraire. D’ailleurs une autre directive "concernant l’accès aux marchés des services portuaires" est dans les tiroirs de la Commission, avec le même principe du pays d’origine... [1]

La directive Bolkestein a aussi son complément avec la directive sur le temps de travail en préparation qui prévoit de porter la durée hebdomadaire du travail de 48 heures à 65 heures après accord écrit du salarié (sic), et de modifier la définition de la durée du travail pour distinguer « période de garde active » et « période de garde inactive », cette dernière étant exclue du temps de travail compté pour le salarié.



Mensonge n°4 : Avec le traité de Nice, l’Europe est ingouvernable. Avec la constitution cela irait mieux, car les coopérations renforcées seraient plus faciles


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

L’utilisation des coopérations renforcées est facilitée. Les pays qui souhaitent avancer plus vite pourront le faire plus facilement. La décision de création d’une coopération renforcée (par exemple pour coordonner à quelques-uns les politiques fiscales et sociales) se prend à la majorité qualifiée. Aucun pays ne peut plus y opposer un veto.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Comparons à nouveau les deux textes :

Projet de Traité Constitutionnel :

Article I-43 2. La décision européenne autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins un tiers des États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l’article III-419.

Article I-44 La décision européenne autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins un tiers des États membres y participent.

Article III-419 :

1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans l’un des domaines visés par la Constitution, à l’exception des domaines de compétence exclusive et de la politique étrangère et de sécurité commune, adressent une demande à la Commission en précisant le champ d’application et les objectifs poursuivis par la coopération renforcée envisagée. La Commission peut soumettre au Conseil une proposition en ce sens. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons aux États membres concernés.

L’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision européenne du Conseil, qui statue sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.

C’est un peu plus que la majorité qualifiée (procédure de vote par défaut), c’est la majorité qualifiée (55% des états membres) avec en plus la proposition de la Commission et l’approbation du parlement.

2. La demande des États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune est adressée au Conseil. Elle est transmise au ministre des affaires étrangères de l’Union, qui donne son avis sur la cohérence de la coopération renforcée envisagée avec la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union, ainsi qu’à la Commission, qui donne son avis, notamment sur la cohérence de la coopération renforcée envisagée avec les autres politiques de l’Union. Elle est également transmise au Parlement européen pour information.

L’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision européenne du Conseil, statuant à l’unanimité.

Si le domaine choisi concerne la politique étrangère et de sécurité commune, la procédure est plus stricte, il faut l’unanimité du Conseil.


Comparons avec le traité de Nice


Avec ce traité, on est face à deux textes : la version consolidée du traité établissant la Communauté Européenne et la version consolidée du traité établissant l’Union Européenne.

Dans le premier document on lit :

Article 11 (*)

1. Les États membres qui se proposent d’instaurer entre eux une coopération renforcée dans l’un des domaines visés par le présent traité adressent une demande à la Commission, qui peut soumettre au Conseil une proposition en ce sens. Si elle ne soumet pas de proposition, la Commission en communique les raisons aux États membres concernés.

2. L’autorisation de procéder à une coopération renforcée visée au paragraphe 1 est accordée, dans le respect des articles 43 à 45 du traité sur l’Union européenne, par le Conseil, statuant à la majorité qualifiéesur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen. Lorsque la coopération renforcée vise un domaine qui relève de la procédure visée à l’article 251 du présent traité, l’avis conforme du Parlement européen est requis.

Un membre du Conseil peut demander que le Conseil européen soit saisi. Après cette évocation, le Conseil peut statuer conformément au premier alinéa du présent paragraphe.

3. Les actes et décisions nécessaires à la mise en oeuvre des actions de coopération renforcée sont soumis à toutes les dispositions pertinentes du présent traité, sauf dispositions contraires du présent article et des articles 43 à 45 du traité sur l’Union européenne.

Article 11 A (**)

Tout État membre qui souhaite participer à une coopération renforcée instaurée en vertu de l’article 11 notifie son intention au Conseil et à la Commission, qui transmet un avis au Conseil dans un délai de trois mois à compter de la date de la réception de la notification. Dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception de la notification, la Commission statue à son sujet, ainsi que sur d’éventuelles dispositions particulières qu’elle peut juger nécessaires.

Et c’est tout. En apparence il n’y a pas de limitation quant au nombre de pays participants.

En fait si, cette limitation est dans l’article 43 du second traité ("dans le respect des articles 43 à 45 du traité sur l’Union européenne").

Que dit cet article 43 modifié par le traité de Nice ?

« Article 43*

Les États membres qui se proposent d’instaurer entre eux une coopération renforcée peuvent recourir aux institutions, procédures et mécanismes prévus par le présent traité et le traité instituant la Communauté européenne, à condition que la coopération envisagée :

a) tende à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union et de la Communauté, à préserver et servir leurs intérêts et à renforcer leur processus d’intégration ;

b) respecte lesdits traités ainsi que le cadre institutionnel unique de l’Union ;

c) respecte l’acquis communautaire et les mesures prises au titre des autres dispositions desdits traités ;

d) reste dans les limites des compétences de l’Union ou de la Communauté et ne porte pas sur les domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté ;

e) ne porte pas atteinte au marché intérieur tel que défini à l’article 14, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, ni à la cohésion économique et sociale établie conformément au titre XVII du même traité ;

f) ne constitue ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres et ne provoque pas de distorsions de concurrence entre ceux-ci ;

g) réunisse au minimum huit États membres ;

h) respecte les compétences, droits et obligations des États membres qui n’y participent pas ;

i) n’affecte pas les dispositions du protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne ;

j) soit ouverte à tous les États membres, conformément à l’article 43 B. »

Attention : Au moment de la signature du traité de Nice le nombre de pays participant à l’Union Européenne était de 15, le seuil fixé est pourtant de 8 pays et non de 50%. Cela veut dire qu’aujourd’hui ce seuil reste à 8 pays sur 25, légèrement inférieur au seuil d’un tiers demandé part le traité constitutionnel (9 pays).

Par ailleurs avec le traité de Nice, il existe des modalités spécifiques et compliquées (articles 27A, B, C, D, E du traité sur l’Union Européenne) pour le domaine de la Politique Étrangère et de Sécurité Commune, mais légèrement moins contraignantes que l’unanimité réclamée par le projet de traité constitutionnel.

Les coopérations renforcées ne sont donc pas, pour ces deux raisons, plus difficiles avec le traité de Nice qu’avec le traité constitutionnel.

Ecrire « l’utilisation des coopérations renforcées est facilitée » est donc abusif.


De plus, le fait que les coopérations renforcées ne puissent pas porter sur les domaines qui sont de la compétence exclusive de l’union (avec le traité de Nice comme avec la Constitution) limite la portée de ces coopérations. Par exemple, cela interdit d’instaurer une coopération renforcée pour :

- mettre en place une écotaxe (l’union douanière est du domaine exclusif de l’union),

- prendre une quelconque mesure qui concerne la concurrence interne (l’établissement des règles de concurrence est aussi une compétence exclusive de l’Union),

- faire de l’Eurogroupe une coopération renforcée (la politique monétaire est une compétence exclusive),

- prendre des mesures de protection d’espèces concernées par la pèche entre pays riverains de la mer du Nord (idem : compétence exclusive),

- définir une politique commerciale commune plus étroitement coordonnée que dans le cadre de l’Union européenne.

Si bien que le voeu de « coordonner à quelques-uns les politiques fiscales et sociales » semble bien difficile puisqu’il ne faut pas que cela ait d’incidence sur la concurrence ou la politique commerciale.

Par ailleurs, qu’en serait-il des domaines suivants :

- la lutte contre les discriminations (article III-124),

- la protection des travailleurs(III-210 2-a),

- l’intégration des émigrés(III-267-4),

- la prévention du crime (III-272),

- la santé publique et la lutte contre le tabac et l’alcool (III-278-5),

- la compétitivité de l’industrie (III-279),

- les mesures prises dans le domaine du tourisme (III-281),

- la prévention des catastrophes naturelles (III-284), pour lesquels la constitution interdit expressément que l’Union édicte une loi ou loi-cadre si elle entraîne « l’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des états membres »  ?

Des États membres peuvent initier une "coopération structurée permanente" en matière militaire (I-41-6). Une telle coopération doit être adoptée à la majorité qualifiée par le Conseil (III-312-2). Les décisions propres à cette coopération sont prises à l’unanimité des États membres participants (III-312-6).



Mensonge n°5 : L’introduction de la charte des droits fondamentaux dans la partie II crée de nouveaux droits


Qui dit cela ?


L’UDF :

Dans tous les domaines où s’expriment le souci ou l’inquiétude, ou l’interrogation des citoyens, la Constitution est un progrès, sans aucune exception.

Les députés Verts européens :

La Charte des Droits Fondamentaux, juridiquement contraignante et garantie par la Cour de Justice européenne, est intégrée dans la Constitution.

Les socialistes favorables au oui :

[En cas de victoire du non] il n’y aura pas les droits nouveaux, consacrés par la charte des droits fondamentaux (partie II du traité) et faisant des 450 millions d’européens, les citoyens du monde les mieux protégés.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Ce sont dans les protocoles et annexes que les rédacteurs du traité constitutionnel ont le mieux expliqué le sens de la charte des droits fondamentaux.

Alors que la partie II de la constitution, qui reprend cette charte occupe 24 pages, les « explications » portant sur cette même charte (Déclaration concernant les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux) en occupe 69 !

Comme ces « explications » sont liées juridiquement au traité, il est important de les consulter. En effet l’article IV-442 de la constitution (Protocoles et annexes) indique : "Les protocoles et annexes du présent traité en font partie intégrante."

Pourtant, si les déclarations sont dans le même document que les protocoles et annexe, elles sont à priori d’une nature un peu différente. Elles sont précédées de :

"Les explications qui figurent ci-après ont été établies initialement sous la responsabilité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elles ont été mises à jour sous la responsabilité du praesidium de la Convention européenne, compte tenu des adaptations apportées au texte de la Charte par ladite Convention (notamment aux articles 51 et 521) et de l’évolution du droit de l’Union. Bien que ces explications n’aient pas en soi de valeur juridique, elles constituent un outil d’interprétation précieux destiné à éclairer les dispositions de la Charte."

Elles n’ont donc pas de valeur juridique directe mais sont clairement destinées à éclairer un éventuel tribunal. A cet égard, l’Article 52-7 est clair :

"7. Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres."

C’est une sorte de canard à deux têtes juridique : ça ne fait pas partie du traité... mais cela doit obligatoirement être pris en compte pour l’application du traité...

C’est clair comme du jus de chaussette d’avocat qui aurait plaidé pendant deux jours de suite !

Pour les électeurs : leur vote ne concerne pas ces explications... Mais si le traité est adopté, ces explications auront force de loi. C’est une sorte de jurisprudence... rédigée à l’avance ...


Ce document semble être au droit ce que la base de Guantanamo est aux conventions de Genève : un moyen de contourner habilement les textes contraignants.

L’essentiel est dans le contenu : bien préciser que cette charte n’entraînera de droit nouveau pour personne.

Afin que cela soit clair, l’article 52 des « explications » commence ainsi :

Portée et interprétation des droits et des principes

Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

Explication [c’est toujours l’article 52]

L’objet de l’article 52 est de fixer la portée des droits et des principes de la Charte et d’arrêter des règles pour leur interprétation. Le paragraphe 1 traite du régime de limitations. La formule utilisée s’inspire de la jurisprudence de la Cour de justice : "... selon une jurisprudence bien établie, des restrictions peuvent être apportées à l’exercice des droits fondamentaux, notamment dans le cadre d’une organisation commune de marché, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, par rapport au but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable, qui porterait atteinte à la substance même de ces droits" (arrêt du 13 avril 2000, aff. C-292/97, point 45). La mention des intérêts généraux reconnus par l’Union couvre aussi bien les objectifs mentionnés à l’article I-2 de la Constitution que d’autres intérêts protégés par des dispositions spécifiques de la Constitution comme l’article I-5, paragraphe 1, l’article III-133, paragraphe 3, et les articles III-154 et III-436.

Le paragraphe 2 fait référence à des droits qui sont déjà expressément garantis par le traité instituant la Communauté européenne et reconnus dans la Charte et qui se trouvent désormais dans d’autres parties de la Constitution (notamment ceux qui découlent de la citoyenneté de l’Union). Il précise que ces droits restent soumis aux conditions et limites applicables au droit de l’Union sur lequel ils sont fondés et qui sont désormais prévues dans les parties I et III de la Constitution. La Charte ne modifie pas le régime des droits conférés par le traité CE et désormais repris dans les parties I et III de la Constitution.

L’explication, malgré sa longueur a le mérite de la clarté, les restrictions aux droits fondamentaux qui inquiètent les rédacteurs sont celles décidées « dans le cadre d’une organisation commune de marché » autrement dit : toutes les restrictions éventuelles à la concurrence.

Et, de toute façon aucun droit nouveau n’est créé par l’introduction de la chartre dans la constitution sous forme de la partie II.


D’autres traités avaient précédemment reconnu les "droits sociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961, et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989" (III-209). Cependant ces droits dit "fondamentaux" ne s’adressent pas aux citoyens mais aux institutions de l’Union et des États quand ils "mettent en oeuvre" le droit de l’Union (II-111-1). Ces droits ne créent "aucune compétence et aucune tâche nouvelle pour l’Union" (II-111-2). Le projet de constitution stipule que les droits fondamentaux restent subordonnés aux autres dispositions du projet (II-112-2), caractérisées, elles, par "la concurrence libre et non faussée". Les principes fondamentaux ne s’imposent qu’aux actes de l’Union et non aux États membres (II-112-5), ils "doivent être interprétés en harmonie avec les traditions nationales" ,(II-112-4), "les législations et pratiques nationales doivent être pleinement prises en compte" (II-112-6) : ils ne prévaudront donc pas juridiquement sur les dispositions nationales moins favorables. C’est la seule exception, très explicite, au principe affirmé à l’article I-6 de la primauté de la Constitution européenne sur le droit des États membres.


Cette charte énonce des droits fondamentaux au rabais :

Elle énonce "le droit de travailler" et "la liberté de rechercher un emploi, de travailler, de s’établir et de fournir des services" (II-75), alors que la constitution française de 1958 en son article 5 qui reprend le préambule de la constitution de 1946 affirme que "chacun a le droit d’obtenir un emploi", tandis que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule que "toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage" (art. 23-1) ; les constitutions de huit autres États membres reconnaissent de la même manière le droit au travail.

Le plein emploi n’apparaît qu’une seule fois dans l’article I-3-3, qui présente un objectif de développement fondé sur "une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social". Mais il n’en est plus question ensuite, même dans la section consacrée à la politique de l’emploi (III-203 à 208). Figure en revanche l’objectif consistant à "atteindre un niveau d’emploi élevé" (III-205-2). Cela signifie augmenter le taux d’emploi, c’est-à -dire le rapport entre le nombre de personnes ayant un emploi et celui de la population en âge de travailler. Parler du taux d’emploi permet de ne plus parler du taux de chômage. Et un taux d’emploi élevé peut tout à fait cohabiter avec de forts taux de chômage. Le mot "chômage" ne figure d’ailleurs même pas dans les 448 articles du projet de constitution, alors que le taux de chômage dans l’Union est de 9 %. Le chômage n’entre manifestement pas dans les préoccupations de l’Union telle que dessinée par ce projet de constitution.

D’autres acquis qui figurent dans les constitutions de douze États membres ont totalementdisparu du projet de constitution : droit à un revenu minimum, à une pension de retraite, aux allocations chômage, à un logement décent, droit à l’accès égal pour tous à la santé, l’éducation et plus largement aux services publics. L’Union européenne n’aurait aucune obligation à cet égard. La charte n’énonce que "le droit d’accéder à un service gratuit de placement" (II-89) et non le droit à un revenu de remplacement, le "droit à une aide au logement" (II-94-3) et non pas le droit au logement... Écarté le principe d’un revenu minimum européen, par exemple calculé dans chaque État membre en fonction de son revenu moyen.

L’article III-117 assure que les politiques de l’Union "prendront en compte", c’est-à -dire n’ignoreront pas, "les exigences liées [...] à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine", ainsi que celles liées "à la garantie d’une protection sociale adéquate", ce qui ne signifie rien. Tout cela n’engage pas à grand-chose. Le texte explicatif de la charte indique d’ailleurs que "la référence à des services sociaux [...] n’implique aucunement que de tels [...] services doivent être créés quand ils n’existent pas". La charte écarte la partie du préambule du traité de Rome, conservé par le traité de Nice, qui assignait "pour but essentiel" à la construction européenne "l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi des peuples". Le droit de grève n’a été retenu qu’étendu aux employeurs : "les travailleurs et les employeurs [...] ont le droit de [...] recourir, en cas de conflit d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève" (II-88).

Il n’y a rien sur le droit des femmes à disposer de leur corps et notamment aucune référence à la liberté de la contraception et de l’avortement. De même le droit de se marier et de fonder une famille est inclus (II-69) mais pas celui de divorcer.

Le projet de traité ignore ou contourne la laïcité par l’oubli de la référence à la laïcité ou à la séparation de l’État et des églises dans la définition des valeurs de l’union (I-2), par l’obligation constitutionnelle de maintenir un dialogue permanent avec les églises (I-52) ce qui consacre la fin de la neutralité de la sphère publique.

Enfin l’Union n’adhère pas à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, mais à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 (I-9-2 et 3), qui ne garantit, elle, aucun droit collectif ou social.



Mensonge n°6 : Les services publics seront mieux défendus


Qui dit cela ?


L’UDF :

C’est la première fois que des textes européens fixent des objectifs sociaux en matière de solidarité ou en matière de définition des services publics ;

Les socialistes favorables au oui :

Si ce traité n’est pas adopté, il n’y aura pas de reconnaissance des services publics (article II-96) ;

Ce Traité est le premier Traité européen à donner une existence juridique autonome aux services publics, qui ne sont plus définis par exception aux règles de la concurrence, mais reconnus comme étant, à l’article II-96 du Traité, l’instrument incontournable de la « cohésion sociale dans l’Union européenne ».

Les Verts favorables au oui (D. Baupin, J.L. Benhamias, Y. Cochet, N. Mamère, D. Voynet...) :

Mais ce traité comporte des avancées notables : [...] la reconnaissance du service public


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Dans le texte principal de la constitution, l’expression « service public » n’apparaît que dans l’article III-238 :

« Sont compatibles avec la Constitution les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public. »

On n’est pas vraiment dans la notion de service public tel qu’on l’entend généralement, mais seulement dans les « servitudes inhérentes à la notion de service public ». Autrement dit, si une entreprise privée est amenée à accomplir un service que l’on peut considérer comme un service public. Par exemple une entreprise de transport qui dessert une île isolée. Et si ce service entraîne des servitudes... en clair si ce n’est pas rentable... L’Union européenne autorise un certain subventionnement sous forme de « remboursement de servitude »...

On est dans le « privatiser les bénéfices », « socialiser les pertes ».

La constitution ne connaît qu’un seul « service public » : le service public de radiodiffusion et encore ne trouve-t-on cette expression de « service public » que dans les annexes :

« Les dispositions de la Constitution sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte. »

On est loin de la notion générale de service public : santé, éducation, énergie, transport, culture, administrations... Pour tout cela, la constitution européenne préfère parler de Service d’intérêt économique général (SIEG).

Le principe de "service public", tel qu’il existe dans nombre de pays européens, auxquels tous ont accès et dont les coûts sont mutualisés, n’est admis ni comme valeur (I-2), ni comme objectif (I-3) de l’Union, contrairement aux traités actuels qui depuis Amsterdam incluent les services publics dans les valeurs communes de l’Union (article 16 du traité instituant la Communauté Européenne).

Le projet de constitution européenne ne connaît que les services d’intérêt économique général (SIEG).

Examinons ce que la constitution nous dit à ce sujet :

Article III-122

Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et les États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

Article III-166

Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l’article I-4, paragraphe 2, et aux articles III-161 à III-169.2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, dans la mesure où l’application de ces dispositions ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

Article III-167

Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Manifestement ces textes sont le fruit d’un compromis. Le seul verrou qui reste, qui évite que les SIEG. soient totalement privatisés ou soient soumis systématiquement à la concurrence est dans la petite phrase « dans la mesure où l’application de ces dispositions ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».

C’est en s’appuyant sur cette notion que le gouvernement français a pu, pour l’instant, défendre le monopole de la sécurité sociale. Le traité constitutionnel n’introduit aucune garantie nouvelle.

Le traité de Nice reconnaissait déjà le « service public de radiodiffusion » (article 73 du traité consolidé de la C.E.)

Il établissait aussi que (article 16 du traité instituant la Communauté Européenne) :

Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union, la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions.

L’article 166 est la reprise quasi in extenso de l’article 86 du traité actuel et de l’article 90 du traité de Rome. Il n’apporte donc rien de nouveau. Comme dans le traité instituant la Communauté européenne, c’est par dérogation et sous réserve de conditions strictes qu’un État peut accorder une aide à une telle entreprise ; la libre circulation et la liberté d’établissement des services sont des libertés fondamentales de l’Union (I-4) qui s’opposent donc à tout monopole d’un service public.

Le projet de constitution exprime donc la soumission des services publics au principe de concurrence dans les mêmes termes que les traités en vigueur, sans permettre une législation spécifique et non dérogatoire sur les services publics.

Ces services sont de la compétence des États (II-96 et 122), leur instauration à l’échelle européenne n’étant prévue nulle part.

Ces services sont par contre sous la coupe de l’Accord général sur le commerce des services de L’Organisation mondiale du commerce (AGCS - OMC), aux objectifs de laquelle le projet constitutionnel adhère (III-292-2-e, III-314).

Les seuls services publics (hors radio-diffusion)) qui ne sont pas concernés par le projet sont les services non économiques, c’est-à -dire non marchands. Cela concerne les services issus des droits régaliens de l’État, comme la justice, la police ou l’armée, etc...(III-145)

Il faut noter un recul par rapport au traité de Nice pour lequel les Services d’Intérêt Généraux constituaient « Une valeur commune de l’Union ». Ce ne sont plus que des « services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ». Le glissement sémantique n’est pas neutre.

Le projet de traité constitutionnel ne protège donc pas mieux les services publics que ne le faisait le traité de Nice.


Et l’on sait déjà comment France Télécom fut privatisé, comment l’EDF a changé de statut ou comment la Poste subit, elle aussi, les pressions pour la rendre concurrentielle.

Chacun a pu mesurer comment cette logique s’est faite au détriment du personnel et des usagers devenus simples « clients » et surtout des plus pauvres d’entre eux (baisse pour les gros consommateurs, hausse pour les petits).



Mensonge n°7 : La constitution est neutre, elle ne définit pas de politique, elle n’est pas d’inspiration libérale


Qui dit cela ?


Alain Lamassoure (UMP) :

[La constitution] transforme l’Europe commerciale et monétaire en une vraie Europe politique, fondée sur des valeurs de civilisation, et autour d’objectifs communs. Le marché et la monnaie y deviennent, non plus des buts, mais des instruments au service de la croissance et du plein emploi.

La Constitution grave-t-elle dans le marbre l’Europe libérale ? Pas du tout ! Elle n’est ni de gauche, ni de droite, ni du centre.

Les socialistes favorables au oui :

Le principe d’un « marché unique où la concurrence est libre et non faussée » est de tous les traités européens depuis l’origine. Tous les éléments nouveaux par rapport aux traités antérieurs ont été imposés par les socialistes et les sociaux démocrates européens. Jamais les objectifs de l’Union n’ont été autant dirigés dans le sens de ce que nous portons.

Ce traité n’est en soi ni libéral, ni social libéral, ni social-démocrate. Ce sont les politiques menées qui peuvent l’être. La règle du jeu ne fait pas le jeu.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Parce que toute la partie III (qui représente 247 pages contre respectivement 64, 27 et 14 pages pour les parties I, II et IV) défini la politique de l’union. Elle porte le titre très clair de : " les politiques et le fonctionnement de l’Union"

Les partisans socialistes du oui le reconnaissent eux-mêmes :

"C’est pourquoi, l’intégration des dispositions relatives aux politiques (titre III du traité) est une demande des socialistes qui souhaitaient que le traité constitutionnel aborde le contenu des politiques et ne se borne pas au contenant institutionnel auquel les libéraux souhaitaient se limiter"

Le 28 octobre 2002, Pervenche Béres, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen déclarait sur le sujet :

« Ce texte ne sera qu’un document vitrine si la partie III n’est pas en mesure de mettre en oeuvre un contenu fort et conforme aux attentes de nos concitoyens. Or le Président Giscard d’Estaing n’envisage pas de réouverture sur le fond des politiques communes...Cette approche minimaliste s’appuie sur une interprétation restrictive et erronée du mandat que le Conseil européen de Laeken a donné à la Convention lorsqu’il propose d’examiner "le développement futur de l’Union. Or le rapport des citoyens à l’Europe s’établira bien plus sur le contenu des politiques de l’Union que sur la forme de sa structure institutionnelle. »

Voilà qui fait justice de la première affirmation : cette constitution définit bien les politiques.

Ce serait d’ailleurs, en soit, une raison suffisante pour la condamner, quel que soit le contenu de cette politique. Une « bonne » constitution définit un cadre institutionnel mais laisse la place à des choix politiques différents.

Le projet de constitution européenne partage le triste privilège d’être, avec la constitution de l’ex-URSS, un grand texte constitutionnel qui fige définitivement un choix politique.


Quels choix politiques ?


Politique militaire


Le projet stipule, dès sa première partie consacrée à l’identité de l’Europe, que "la politique de l’Union" doit être "compatible avec la politique" arrêtée dans le cadre de l’OTAN (I-41-2), et que, au cas ou un État membre serait victime d’une agression, "les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN pour les Etats qui en sont membres " (I-41-7). La constitution donne ainsi une reconnaissance constitutionnelle, en lui faisant allégeance, à l’OTAN. Cette reconnaissance constitutionnelle est totalement contraire au libre choix démocratique des Européens quant à leur politique commune de défense. De plus, c’est lier la politique de l’Union à celle d’une organisation qu’elle ne contrôle absolument pas, même si une partie de ses membre y participe ; c’est donner aux membres de l’OTAN et notamment aux États-Unis qui la contrôlent le droit de définir, au moins en partie, la politique européenne de défense.

Le projet de constitution stipule ensuite que "les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires" (I-41-3). C’est un appel clair, et un engagement des États, à une hausse continue des budgets de la défense ; c’est amputer le droit de chaque nation à définir son budget militaire.


Politique agricole


Le deuxième domaine où le projet de constitution définit une ligne politique est la politique agricole commune (PAC). L’article III-227-1 définit l’augmentation de la productivité de l’agriculture comme le premier but de la PAC, mais ne retient par exemple ni le maintien de l’emploi agricole ou le respect de l’environnement comme des buts. C’est faire un choix politique, ce qui est tout à fait légitime pour un exécutif ou un parlement, mais non pour une constitution.


Politique économique


Le dernier domaine concerne les politiques économique, budgétaire, monétaire etcommerciale qui sont définies et encadrées avec beaucoup de précision. Contrairement à toute autre constitution, tout au moins celles des démocraties occidentales, elle définit un système économique ; elle sacralise la concurrence, l’Europe étant fondée sur "un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée". Ce marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée est, au même titre que la liberté, la sécurité ou la justice, un objectif de l’Union (I-3-2) que les États membres doivent s’abstenir de mettre en péril (I-5-2). Il faut relever un changement radical entre les anciens traités qui laissaient le marché et la concurrence à leur rôle de moyens, certes prépondérants mais discutables par rapport aux objectifs, et ce projet qui en fait un objectif à part entière. La solidarité, quant à elle, n’est ni une valeur, ni un objectif de l’Union. Elle n’est un objectif de l’Union qu’entre les générations, entre les États membres (I-3-3), et entre les peuples (I-3-4), et donc pas entre citoyens.

L’article I-4-1 classe sur un plan identique parmi les libertés fondamentales "la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux", périphrase reprise dans le préambule de la charte des droits fondamentaux (partie II). Cette exigence est le leitmotiv de tout le texte, le mot "marché" y figurant 78 fois, et le mot "concurrence" 27 fois (mais "progrès social" trois fois, "plein emploi" une seule fois, et "chômage" jamais).

Il s’agit d’une sacralisation de l’ultralibéralisme économique, auquel toutes les autres politiques sont subordonnées. La loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux électeurs, mais un acquis constitutionnel, à ne pas discuter.

Pour savoir qui a fait ces choix politiques, lisons, sur le même sujet, les propos de M. Badinter, ancien Président du Conseil constitutionnel, juriste incontestable et membre de la convention qui à rédigé le projet de constitution :

« Tout au long de la Convention, les représentants britanniques ont témoigné d’une habileté et d’une constance de vues conformes à la grande tradition diplomatique du Royaume-Uni. La recherche du consensus permettait d’ailleurs à la partie qui témoignait de la plus ferme volonté de s’assurer, en définitive, de la maîtrise du jeu, en usant avec art des concessions sur l’accessoire pour s’assurer de l’essentiel. [...] Il serait équitable de dénommer le projet de Constitution de l’Europe des Vingt-cinq « la Britannique », en hommage au talent diplomatique de nos amis anglais. » Le Nouvel Observateur 19 juin 2003

C’est bien la politique libérale et la politique de soumission aux intérêts anglosaxons que cette constitution tente de "graver dans le marbre"



Mensonge n°8 : La Banque centrale européenne sera contrôlée


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

[Si le traité est rejeté] Il n’y aura pas d’avancées en matière de gouvernance économique : autonomie de décision pour l’Eurogroupe, capacité à équilibrer le pouvoir de la Banque centrale européenne (BCE).

Ce qui est faux, c’est de considérer qu’il n’y a aucun changement. Les socialistes se sont prononcés pour une évolution de la BCE. Ils ont prôné l’émergence d’un gouvernement économique qui puisse équilibrer les décisions de la BCE. Le traité constitutionnel rend ce gouvernement économique possible puisque désormais l’Eurogroupe dispose d’une part d’autonomie et de la reconnaissance officielle de l’Union.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Parce que la Banque Centrale Européenne reste complètement indépendante.

Article I-30 du traité constitutionnel :

« L’objectif principal du Système européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques. »

« La Banque centrale européenne est une institution. Elle a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. Elle est indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organisme organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance. »

Article III-188

« Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par la Constitution et le statut du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions »

Le terme de « Banque Centrale Européenne » est utilisé 98 fois dans le corps de la constitution. C’est une pièce maîtresse du traité, et son indépendance est strictement garantie. (Il est évidemment impossible de citer ici tout ce qui concerne la B.C.E. dans le texte constitutionnel).

Face à cette indépendance, les partisans du oui nous chantent les vertus de l’Eurogroupe qui serait une sorte de contre pouvoir économique.

Que dit la constitution de cet "Eurogroupe" ?

Citons, c’est facile, l’intégralité de ce qui concerne l’Eurogroupe :

Article III-195

Les modalités des réunions entre ministres des États membres dont la monnaie est l’euro sont fixées par le protocole sur l’Eurogroupe.

Voilà qui est à la fois clair et bref.

Continuons et, pourquoi se priver, citons l’intégralité des articles du protocole en question :

Article 1

Les ministres des États membres dont la monnaie est l’euro se réunissent entre eux de façon informelle. Ces réunions ont lieu, en tant que de besoin, pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique. La Commission participe aux réunions. La Banque centrale européenne est invitée à prendre part à ces réunions, qui sont préparées par les représentants des ministres chargés des finances des États membres dont la monnaie est l’euro et de la Commission.

Article 2

Les ministres des États membres dont la monnaie est l’euro élisent un président pour deux ans et demi, à la majorité de ces États membres.

C"est tout ?

Oui, c’est tout ! Si vous voulez en savoir plus, sur les pouvoirs de ce président, il vous faudra attendre la prochaine modification de la constitution. 852 pages et ...12 lignes sur l’Eurogroupe, voilà le grand progrès !

L’Eurogroupe n’a même pas le statut de « coopération renforcée » et qu’est-ce qui empêche les ministres de la zone Euro de se réunir, aujourd’hui, de façon informelle » ? Et d’élire un président ou un vice-consul ?

Le traité constitutionnel ne crée aucun contre pouvoir réel à la toute puissance de la Banque Centrale Européenne



Mensonge n°9 : L’Europe va disposer d’une défense commune indépendante des États-Unie


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

Ainsi, ce traité constitutionnel met en place les opportunités pour construire une Europe de la défense forte et indépendante.


Pourquoi est-ce un mensonge ?


L’article I-41-7 précise : (au cas ou un état membre serait victime d’une agression) « les engagements et la coopération dans ce domaine [la politique de sécurité et de défense commune] demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre. »

On est en recul par rapport à la formulation du traité de Nice actuellement en vigueur :

4. Le présent article ne fait pas obstacle au développement d’une coopération plus étroite entre deux ou plusieurs États membres au niveau bilatéral, dans le cadre de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) et de l’OTAN, dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à celle qui est prévue au présent titre ni ne l’entrave.

Autrement dit aujourd’hui, avec le traité de Nice, en cas de conflit, ce sont les intérêts européens qui l’emportent et l’OTAN passe après. Avec la constitution c’est l’inverse.

Encore une fois : Qu’est-ce que cela fait dans une constitution ? Une constitution n’a pas à figer les alliances qui peuvent changer en fonction des attitudes des uns et des autres ? Si demain un coup d’état porte à la maison blanche un pouvoir néo-nazi, les pays européens devront-ils, de par leur constitution et au nom de l’OTAN, lui fournir des supplétifs pour toutes ses guerres de conquête ?

La constitution, c’est le renforcement du rôle de l’OTAN, donc des États-Unis en Europe.



Mensonge n°10 : Les syndicats et les partis de gauche européens soutiennent la constitution


Qui dit cela ?


Les partisans socialistes du oui :

« La quasi totalité des syndicats européens regroupés au sein de la CES (confédération européenne des syndicats) soutiennent le traité »

« Ce texte est aujourd’hui approuvé par l’ensemble des partis socialistes et sociaux démocrates européens, par le Parti des socialistes européens (PSE) et l’Internationale socialiste. Il a également reçu le soutien de la Confédération européenne des syndicats (CES) qui rassemble, notamment, toutes les centrales syndicales françaises. »

L’UMP :

« C’est la raison pour laquelle la Confédération européenne des syndicats soutient la Constitution à une écrasante majorité, de même que tous les partis socialistes européens - à la seule exception du petit parti socialiste maltais. »


Pourquoi est-ce un mensonge ?


Ce ne sont que quelques dirigeants de la CES qui ont soutenu le traité. Ils ont d’ailleurs participé à sa rédaction.

Mais aujourd’hui ce texte est condamné par la CGT, par FO, par la FSU, par l’UNEF, par Solidaires etc...

Il en va de même dans d’autres pays européens. Ceux qui sont de plus en plus isolés, ce sont les libéraux et les socio libéraux qui sont désavoués dans tous les scrutins... sans parler de l’abstention.

L’Appel de Georges Debunne, ancien président de la CES qui va aussi dans notre sens :

Texte complet à  : http://wb.attac.be/article384.html, début du texte :


Chères et chers camarades et ami(e)s,

La Constitution Européenne qui a été adoptée par les 25 Chefs dEtat et de Gouvernement aggrave le déficit social et démocratique inscrit dans les Traités de l’Union Européenne depuis son origine.

En ma qualité de responsable syndical, j’ai dénoncé ce manque depuis 1958.

Les Traités successifs ont été ratifiés à chaque fois sur la base de promesses d’améliorations et aussi par manque d’information des citoyen(ne)s européens.

C’est pourquoi je pousse cet ultime cri d’alarme dans cette période de ratification où nous sommes amené(e)s à légitimer ou NON ce texte de loi qui prévaudra sur les Constitutions nationales.

La Gauche européenne ne peut plus tergiverser. Il faut stopper cette course vers l’abîme.

Le moment est venu de dire NON à cette hégémonie du capital, de fixer les objectifs et d’entamer l’action pour réaliser enfin une Union européenne démocratique et sociale fondée sur des droits fondamentaux civiques, économiques et sociaux. A nous de nous opposer à la dilution de l’Union Européenne dans une grande zone de libre échange, s’inscrivant dans les exigences inacceptables d’une économie purement libérale dominée par la compétitivité, la flexibilité et la recherche du seul profit sans égard pour l’appauvrissement d’une masse toujours plus grande au bénéfice d’une toute petite minorité de riches qui s’enrichissent.


Citons, par exemple, les jeunes socialistes européens, ils sont très clairs :


Il est temps pour les jeunes socialistes européens de se battre pour construire dans les faits et non seulement dans les paroles, « l’Europe des citoyens, pas celles des profits »*. Contrairement à un traité, l’objectif d’une Constitution (ou d’un traité constitutionnel) n’est pas d’être modifiée tous les deux ans. Ce projet de Constitution, s’il est voté tel quel, va geler pour de nombreuses années, notre combat pour une Europe sociale et démocratique. La partie III de cette Constitution traite du contenu des politiques communes, et la règle de l’unanimité la rend très difficile à modifier par la suite, même par une éventuelle future majorité de gauche dans l’Union. C’est pourquoi nous devons analyser le contenu de cette Constitution en détail.

Il y a de nombreuses parties dans cette Constitution qui sont en contradiction avec notre vision d’une Europe sociale et démocratique. Ainsi, nous dénonçons les efforts fait par le gouvernement britannique pour affaiblir le statut de la charte des droits fondamentaux, qui se retrouve aujourd’hui vidée de sa force contraignante. Le pacte de stabilité et de croissance, qui a pourtant échoué à apporter à la fois la stabilité et la croissance aux pays d’Europe, est réaffirmé dans cette Constitution. La Politique Agricole Commune aussi. La concurrence libre et non faussée reste la règle première de l’Union, et les Services Publics ne sont pas exclus de son champ. Ce traité renforce encore la logique libérale de l’Europe et les pouvoirs de la majorité actuelle de droite pour aller plus loin dans sa politique de privatisation, de dérégulation et d’attaque de nos Etats Providences. Parce que nous sommes opposés aux surenchères militaristes, nous ne pouvons pas non plus accepter l’obligation faite aux pays membres d’augmenter leurs capacités militaires.

C’est pourquoi nous disons NON à cette Constitution. Nous appelons à la rédaction d’une autre Constitution. Combattre ce traité constitutionnel est pour nous un moyen de reformer en profondeur l’Union Européenne. Nous avons l’espoir de construire, tous ensemble, un avenir meilleur, qui commence par la garantie de la paix sur tout le continent. Mais la paix nécessite la prospérité, la justice sociale et l’égalité. L’Histoire nous l’a prouvé à de nombreuses reprises. Nous n’accepterons désormais plus cette Europe construite par et pour les libéraux.

Rejoignez-nous pour construire une Europe véritablement sociale et démocratique, avec une autre Constitution. »

On trouvera les premiers signataires sur :

www.mjsfrance.org/tdc/article.php3?id_article=213


Nous préférons construire l’avenir avec cette jeunesse européenne plutôt qu’avec quelques dirigeants syndicaux, pour qui le monde du travail se réduit au couloir des institutions européennes.


Par ailleurs, si l’appui de la CES peut être utilisée pour prétendre que la constitution présente quelques avancées sociales, cette même constitution est soutenue par tous les partis libéraux européens ainsi que par l’UNICE le Medef Européen. Cet appui est justifié par diverses considérations dont les suivantes :

« L’UNICE est ravie que les décisions du Conseil à la majorité qualifiée soient généralisées, sauf dans les cas prévus par la Constitution, comme la fiscalité et les politiques sociales. [ qui exigent l’unanimité]
La rédaction de l’article sur la Commission est en accord avec les demandes de l’UNICE pour une Commission forte, gardant l’exclusivité du droit d’initiative [de proposer des lois]. L’idée de commissaires ne votant pas a été retirée du texte
L’UNICE se félicite que la stabilité des prix reste l’objectif principal de la Banque Centrale Européenne et que son indépendance soit garantie.
L’UNICE est particulièrement satisfaite de l’article spécifique concernant les partenaires sociaux et le dialogue social (art I-48)
L’UNICE est heureuse de constater que les finances de l’Union Européenne ne prévoient pas d’introduire de taxe européenne.
Une référence spécifique aux explications du praesidium qui a rédigé la charte a également été introduite pour guider la justice de l’U.E et des états membres.
Ces considérations restreignent le pouvoir d’interprétation des cours de justice européenne et empêchent l’expansion potentielle à l’avenir de la portée des droits garantis par la charte. Afin d’assurer la prise en compte de ces précisions, le préambule de la charte rappelle, lui aussi, l’importance des explications du praesidium. »


Une question se pose donc : Si les partis sociaux démocrates voient du progrès social là ou le patronat européen ne voit rien qui lui porte ombrage, qui se trompe ? Ou encore qui est la poule et qui est le renard ? Ou, autre hypothèse, qui a, à force de persuasion, de lobbying ou par d’autres moyens fermé les yeux de l’autre sur la réalité de ce traité ?



Boniment n°1 : Le vote NON provoquerait une crise très grave, le vote OUI n’en provoquerait pas


Qui dit cela ?


Les députés Verts européens

Forcer l’Union élargie à 25 membres de rester aux traités d’Amsterdam et de Nice, alors que d’autres processus d’adhésion sont en cours, pourrait provoquer une crise susceptible de menacer le processus d’unification de l’Europe.

Les socialistes favorables au oui :

Une crise nous isolerait durablement de nos partenaires européens et singulièrement de tous les socialistes européens et de la quasi totalité des syndicats européens regroupés au sein de la CES (confédération européenne des syndicats) qui soutiennent le traité. Une stratégie européenne sans partenaire européen n’est pas crédible et ne peut aboutir qu’au retour en arrière. La crise ne serait pas fondatrice. Bien au contraire, elle ouvrirait une longue phase de régression sociale et politique.


Pourquoi est-ce très discutable ?


Tout d’abord, parce que, sur le plan institutionnel, le rejet du traité n’entraînerait pas de crise. Tout simplement, le traité de Nice continuerait à fonctionner car il a été signé sans limite de temps.

L’Euro ne disparaîtrait pas non plus comme certains ont tenté de le faire croire.

Comme on l’a vu précédemment (mensonge n°2) le fonctionnement avec le traité de Nice n’est guère plus compliqué qu’avec la constitution. Il est même parfois plus facile.

Cela dit, il serait mensonger de prétendre que le rejet de la constitution européenne par le peuple français serait sans conséquence politique.

Bien évidemment il entraînerait une crise au sein des institutions européennes qui se verraient ainsi désavouées par le peuple français.

Cela ne serait toutefois ni la première, ni la dernière crise qu’aurait connue la construction européenne.

Mais cette crise aurait le mérite d’obliger à poser la question des fondements de la construction européenne : l’Europe ne doit-elle être qu’un grand marché ou ce continent, après avoir dominé le monde au nom du colonialisme, est-il encore capable de proposer un modèle social qui respecte un minimum de justice sociale ?

Depuis que la campagne est commencée en France, nombreux sont les autres européens qui nous disent « vous avez la chance de pouvoir voter, alors votez non pour nous » . Ceux qui nous disent cela nous disent aussi qu’en l’absence de vote, la grande majorité de leurs concitoyens ignorent le contenu du traité constitutionnel. La victoire du non incitera sûrement les autres peuples à regarder d’un peu plus près le contenu du texte constitutionnel. Les futurs négociations ne pourront plus se faire sans que les peuples n’y participent. Exiger que l’Europe défende un peu de justice sociale sera beaucoup plus facile en cas de victoire du non. Monsieur Madelin et ses amis libéraux partage notre opinion, ils disent clairement qu’ils sont pour le oui car ils estiment qu’une nouvelle négociation conduirait à un traité qui serait moins libéral


Que se passerait-il en cas de victoire du oui ?


Certes, à court terme, la crise serait évitée. Mais le fait d’enfermer 25 peuples dans le carcan de cette constitution pourrait avoir des conséquences infiniment plus graves :

Au minimum, à chaque fois que l’un des 25 pays tenterait de desserrer l’étau libéral, une nouvelle crise éclaterait et le pays récalcitrant n’aurait pour seul choix que de plier ou de quitter l’Union Européenne. Volontairement ou non.

Le risque est même beaucoup plus grave que cela.

Si, aux yeux des populations, les institutions européennes deviennent les responsables principaux de la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, le risque est grand de les voir se tourner vers les pires démagogues qui sauront s’appuyer et renforcer le racisme et la xénophobie.

Pire encore, en faisant de la concurrence l’alpha et l’oméga de la construction européenne, on met en concurrence les Etats et leurs modes de vie. La directive Bolkestein illustre à merveille la conception libérale de l’harmonisation européenne : le marché doit tout niveler par le bas. Le pays le moins bien pourvu de protection sociale servira de modèle aux autres.

Chaque peuple devient le concurrent de chaque autre peuple, et, dans un monde ou la régulation est bannie, de concurrent à ennemi il n’y a qu’un pas.

La constitution est porteuse de crises, de risque de conflits, à l’intérieur des nations et entre elles.



Boniment n°2 : Grâce à la constitution, l’Europe disposera d’une politique étrangère


Qui dit cela ?


La constitution elle-même

Article I-12-4. L’Union dispose d’une compétence pour définir et mettre en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune.

Et donc, bien sûr tous les partisans du oui, qu’il soient du PS, des Verts, de l’UMP ou de l’UDF.


Pourquoi est-ce très discutable ?


C’est aussi la constitution qui donne les limites de cette politique étrangère commune :

« Article III-300

1. Les décisions européennes visées au présent chapitre sont adoptées par le Conseil statuant à l’unanimité. »

Bien sûr, la constitution prévoit la nomination d’un Ministre des Affaires Etrangères de l’Union Européenne. Et tous les partisans de cette constitution nous décrivent un tel ministre comme tellement avide de pouvoir qu’il finirait par « faire son trou », imposer sa domination aux 25 chefs d’états européens.

Outre que cela suppose la nomination d’un individu exceptionnel, au charisme et à la puissance de persuasion hors du commun, cela suppose aussi une sorte de coup d’état. Les partisans de la constitution en sont réduits à nous expliquer que cette constitution sera surtout forte de la façon dont on va la violer !

Car, en fait, les attributions d’un futur éventuel Ministre des Affaires Etrangères de l’Union Européenne existent déjà aujourd’hui. C’est M. Javier Solana qui les exerce aujourd’hui. Il a les fonctions de "Monsieur Politique Étrangère et de Sécurité Commune".

Son éventuel successeur aurait un titre plus ronflant de" Ministre des Affaires Etrangère de l’Union Européenne" mais il ne disposerait pas de plus de pouvoir.

Il y a quelque année, "Monsieur P.E.S.C." fut incapable de régler un incident de frontière entre l’Espagne et le Maroc à propos d’un îlot minuscule. C’est le ministre des USA qui fit le travail. Pourtant, à l’époque il lui aurait suffi de l’appui unanime de 15 pays... Le futur ministre aurait besoin de l’appui des 25.

De même lors du déclanchement de la guerre en Irak, faute de disposer d’une quelconque majorité, "Monsieur P.E.S.C." brilla par son silence.

Le "rôle plus efficace" viendrait d’un simple changement de titre... C’est faire preuve de beaucoup de naïveté.



Boniment n°3 : Avec le traité de Nice, l’Europe est ingouvernable. Avec la constitution cela irait mieux, car les majorités qualifiées seraient plus faciles


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

Avec les modalités de vote contenues dans le traité de Nice (en gros, il faut 74% des voix pour obtenir une décision), l’Europe à 25 risque la paralysie. Ce n’est plus le cas si le nouveau traité rentre en vigueur. En effet, avec les dispositions du traité constitutionnel, le système se débloque puisqu’il suffit des voix de 55% des Etats (représentant 65% de la population européenne) pour obtenir une décision

L’UMP :

Le projet de Constitution européenne est nécessaire à l’Europe et à la France, il donne à la grande Europe des 25 les règles dont elle a besoin pour fonctionner de manière efficace. (" Tout ce que vous avez voulu savoir sur la Constitution européenne, sans toujours oser le demander".)

Un Vert (Yann Boulier Moutang) :

Mais surtout l’adoption du principe de la majorité qualifiée (art. I- 25) dans les compétences exclusives et dans les compétences partagées devient la règle ordinaire.


Pourquoi est-ce un faux ?


Avec le traité de Nice, il existe 4 types de « majorités » possibles pour les Votes au conseil européen :

- la majorité simple : c’est 51% des Etats. On utilise cette procédure quand aucune autre n’est exigée (article 205 du traité de la Communauté Européenne consolidé : 1. Sauf dispositions contraires du présent traité, les délibérations du Conseil sont acquises à la majorité des membres qui le composent),

- la majorité qualifiée pour des votes sur proposition de la Commission,

- une majorité qualifiée différente pour des votes hors proposition de la Commission,

- l’unanimité.

Les « majorités qualifiées » se calculent d’une façon différente selon l’actuel traité de Nice ou avec le projet de constitution européenne.

Dans le premier cas, il faut trois critères :

- une majorité de voix, chaque pays disposant d’un nombre de voix dites pondérées, supérieur quand leur population est plus importante, sans qu’il y ait de proportionnalité (entre 3 et 29 voix par pays),

- une majorité de pays,

- une majorité de population.

Avec le projet constitutionnel, il n’y a plus que les deux dernières majorités qui sont nécessaires, les voix pondérées disparaissant.

Mais les seuils de ces deux majorités ont été relevés. De ce fait les majorités qualifiées peuvent devenir plus difficiles à réunir :

Voyons ce qu’il en est dans les textes :

Le traité de Nice définit ainsi les majorités qualifiées (article 205 du traité instituant la Communauté européenne et article 23, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne) :

« 2. Pour les délibérations du Conseil qui requièrent une majorité qualifiée, les voix des membres sont affectées de la pondération suivante :

Allemagne 29
Royaume-Uni 29
France 29
Italie 29
Espagne 27
Pays-Bas 13
Grèce 12
Belgique 12
Portugal 12
Suède 10
Autriche 10
Danemark 7
Finlande 7
Irlande 7
Luxembourg 4

Total : 237


« Les voix des membres du Conseil sont affectées de la pondération prévue à l’article 205, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne. Pour être adoptées, les décisions doivent recueillir au moins cent soixante-neuf voix, exprimant le vote favorable d’au moins deux tiers des membres. Un membre du Conseil peut demander que, lors de la prise d’une décision par le Conseil à la majorité qualifiée, il soit vérifié que les États membres constituant cette majorité qualifiée représentent au moins 62 % de la population totale de l’Union. S’il s’avère que cette condition n’est pas remplie, la décision en cause n’est pas adoptée. »

La majorité qualifiée est donc acquise avec 169 voix pondérées sur un total de 237.

Lorsque le traité de Nice a été signé, l’Union Européenne ne comportait encore que 15 pays.


Le traité a néanmoins fixé les règles pour 27 (déclaration 20 du traité de Nice) :

Quant à la pondération des voix au Conseil, outre les 237 voix ci-dessus :

Pologne 27
Roumanie 14
République tchèque 12
Hongrie 12
Bulgarie 10
Slovaquie 7
Lituanie 7
Lettonie 4
Slovénie 4
Estonie 4
Chypre 4
Malte 3

Total : 321 voix à 25 États membres, et 345 à 27 États membres.


De même le seuil de la majorité sera relevé de 169 à 258 voix :

« Les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins deux cent cinquante-huit voix exprimant le vote favorable de la majorité des membres, lorsque, en vertu du présent traité, elles doivent être prises sur proposition de la Commission. »

Qu’en est-il aujourd’hui ? Alors que selon le traité de Nice l’élargissement n’est pas complet (Ni la Bulgarie ni la Roumanie n’ont achevé le processus d’adhésion) ?

En pratique le traité constitutionnel, dans l’hypothèse ou il serait adopté parle d’un seuil de 232 voix pour assurer provisoirement la continuité. C’est, en fait, le seuil actuellement retenu.

Quand on fait des simulations de vote, on se rend compte que cette majorité de voix qualifiées n’est décisive que dans une partie des cas. Mais c’est un critère important qui réduit notablement le nombre de majorités possibles, d’un facteur 5,5 sur proposition de la Commission, et d’un facteur 1,8 hors proposition de la Commission. Ce critère n’est notamment pas décisif quand ce sont les plus grands pays qui font la majorité, ni quand ce sont les plus petits.

Dans les autres cas, la condition décisive est soit le nombre minimal de pays, soit le seuil de population.

Par exemple, le seuil de population permet à la France plus deux autres pays parmi l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni de bloquer toute décision.


Pour résumer, actuellement (traité de Nice) il faut, pour obtenir une majorité qualifiée lors d’un vote non demandé par la Commission

- Au moins 232 voix pondérées sur 321 (demain 258 sur 345)

- Deux tiers des membres soit 17 pays

- 62% de la population de l’Union


Si c’est la Commission qui réclame le vote le seuil du nombre de pays est abaissé à 50% :

Article 3 des protocoles annexes : (pour 15 membres)

Les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins cent soixante-neuf voix exprimant le vote favorable de la majorité des membres, lorsque, en vertu du présent traité, elles doivent être prises sur proposition de la Commission.


Pour résumer, actuellement (traité de Nice) il faut, pour obtenir une majorité qualifiée lors d’un vote demandé par la Commission

- Au moins 232 voix pondérées sur 321 (demain 258 sur 345)

- La majorité des membres soit 13 pays (demain 14)

- 62% de la population de l’Union


Voyons maintenant le traité constitutionnel :

Article I-23-3 : Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement.

Recul : la majorité simple à disparu... Par défaut c’est maintenant à la majorité qualifiée que seront prises les décisions.


Article I-25 : Définition de la majorité qualifiée au sein du Conseil européen et du Conseil

1. La majorité qualifiée se définit comme au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d’entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union.

Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise.

2. Par dérogation au paragraphe 1, lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission ou du ministre des Affaires étrangères de l’Union, la majorité qualifiée se définit comme au moins 72 % des membres du Conseil, représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union.

Avancée : le seuil de 232 voix pondérées disparaît.

Il faut au moins 4 États pour bloquer une décision sur proposition de la Commission.

Recul : le seuil de 50% des pays (vote sur proposition de la Commission) passe à 55%.

Recul : le seuil de 67% des pays (vote sans proposition de la Commission) passe à 72%.

Recul : le seuil de 62% de la population passe à 65 %.


Dans le cas des votes obtenus avec l’appui de la commission, la suppression du premier critère (vote pondéré) et l’instauration d’une minorité de blocage par le projet de constitution facilite, en règle générale l’obtention des majorités. Mais cela n’est pas systématique.

Ainsi pour 100 majorités qualifiées possibles actuellement avec le traité de Nice sur proposition de la Commission, 1 seule ne l’est plus avec le projet de constitution. Mais 277 nouvelles peuvent être dégagées.

100 -1 + 277 -> 376

Dans le cas des votes sans l’appui de la commission, c’est l’inverse qui se produit, la suppression du premier critère en voix pondérées rend généralement plus difficile l’obtention d’une majorité.

Ainsi pour 100 majorités qualifiées possibles actuellement avec le traité de Nice, hors proposition de la Commission, 43 ne sont plus valides avec la constitution, mais 18 nouvelles peuvent être dégagées.

100 - 43 + 18 -> 73


Conclusion 1 : la modification des critères de majorité qualifiée par le projet de constitution facilite la toute puissance de la Commission et freine la possibilité de s’y opposer.


Conclusion 2 : la conclusion 1 n’est vraie que statistiquement, en moyenne, mais tous les contre-exemples sont possibles. Il est donc abusif d’expliquer que cette modification rendrait l’Europe systématiquement plus facile à gouverner.


Que se passerait-il avec l’adhésion des deux futurs États membres, c’est-à -dire à 27 ?

Avec l’appui de la Commission, pour 100 majorités qualifiées possibles avec le traité de Nice, presque toutes resteraient valides avec le projet de constitution et 674 nouvelles pourraient être dégagées.

100 +674 -> 774

Sans l’appui de la Commission, pour 100 majorités qualifiées possibles avec le traité de Nice, 60 ne seraient plus valides avec le projet de constitution. Mais 19 nouvelles pourraient être dégagées.

100 - 60 + 19 -> 59


Conclusion 3 : avec l’élargissement la conclusion 1 est encore plus vraie !


Pour illustrer ce recul, imaginons un scénario où la position des États membres sur un projet de loi non proposé par la Commission serait défini à partir de leur taux d’impôt sur les sociétés, selon qu’il est inférieur ou supérieur à 25% : les pays ayant un taux inférieur voteraient non, ceux ayant un taux supérieur voteraient oui, et ceux qui sont au taux de 25 % partageraient leurs votes

Avec le traité de Nice, une telle proposition serait adoptée par le Conseil. Avec le projet de traité, elle serait rejetée car elle n’aurait l’accord que de 17 pays sur 25, soit 68 % et donc moins que le seuil de 72 % (cf. le tableau suivant. A voir en PJ en bas de page).



Boniments n°4 : Ce n’est qu’une étape, l’Europe va progresser, l’Europe va mieux s’unir


Qui dit cela ?


Par exemple Yann Wehrling, secrétaire national des Verts :

« Ainsi chaque petit pas annonce le pas suivant. Ce nouveau Traité ne contient aucun recul, sauf un : celui de l’unanimité au Conseil sur des dizaines de sujets ! Et quand l’unanimité recule au Conseil, c’est le fédéralisme européen qui avance ! N’est-ce pas ce que veulent les Verts ? »

Les socialistes favorables au oui :

Ce qui est faux, C’est que le traité soit gravé dans le marbre. Fort heureusement, les révisions seront possibles. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui se passe depuis 20 ans : en moyenne nous avons connu un nouveau traité (amendant les précédents) tous les quatre ans en dépit de la règle de l’unanimité (acte unique, Maastricht, Amsterdam, Nice, Bruxelles).


Pourquoi est-ce très discutable ?


Parce que, pour modifier la constitution, il faudrait respecter des règles précises fixées par la constitution elle-même.

La constitution, établie "pour une durée illimitée" (IV-446), peut être révisée, en théorie.

Seul le Conseil européen peut décider à la majorité simple qu’il convient d’examiner des propositions de modification, et convoquer une convention. Celle-ci adopte ensuite une position, par consensus uniquement. Le dernier mot revient aux gouvernements dont l’unanimité est nécessaire pour valider les modifications. A toutes ces étapes, il faut ajouter la ratification par l’ensemble des États membres (IV-443).

Des procédures simplifiées existent (IV-444), notamment pour réviser la partie III qui définit les politiques de l’Union (IV-445), mais l’unanimité des gouvernements et des États membres est toujours indispensable ainsi que l’accord de tous les parlements nationaux et du parlement européen (IV-444-3).

Mais dans tous les cas la procédure exige l’unanimité des Etats membres.

Cette règle de l’unanimité n’est pas nouvelle. Tous les traités de la construction européenne ont été adoptés à l’unanimité. Mais ce qui était déjà difficile à 6, l’est devenu un peu plus à 9 puis à 12 et 15. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer une mesure ayant un peu d’ambition qui ne se heurte pas à l’intérêt d’un des 25 gouvernements.

Comme, de plus, les « coopérations renforcées » seraient extrêmement difficiles à mettre en oeuvre (au moins un tiers des pays avec l’accord de tous les autres), l’espoir de voir la construction européenne prendre appui sur cette constitution est totalement illusoire.

Quant au parlement Européen il disposerait avec le projet de constitution du pouvoir d’initiative pour des amendements constitutionnels. Il ne s’agit que d’un pouvoir de proposition, et au seul Conseil, qui n’est en rien obligé de suivre cette proposition. Il ne s’agit en fait que d’un voeu, tout comme aujourd’hui (voir ses voeux pour une information pluraliste sur le Traité Constitutionnel)

Loin d’être, comme le disent certains, un début, cette constitution marquerait en fait la fin de la construction européenne, dissoute dans un vaste marché ouvert à la concurrence... libre et non faussée par les législations sociales.



Boniment n°5 : Avec la constitution tout va changer dés 2006


Qui dit cela ?


Les socialistes favorables au oui :

« On vous dit que : « nous avons le temps de renégocier puisque le traité constitutionnel ne s’appliquera pas avant 2009 », C’est faux. L’entrée en vigueur du traité constitutionnel contrairement à ce que prétendent les partisans du non est fixée au 1er novembre 2006 (art IV -447). »


Pourquoi est-ce un boniment ?


Parce qu’il ne faut pas confondre « entrée en vigueur » et « mise en application ».

En apparence tout est simple : l’article IV-447 est ainsi rédigé :

« 2. Le présent traité entre en vigueur le 1er novembre 2006, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt de l’instrument de ratification de l’État signataire qui procède le dernier à cette formalité. »

Mais le protocole 34 « sur les dispositions transitoires relatives aux institutions et organes de l’Union » introduit de nombreux bémols :

« Pendant la législature 2004-2009, la composition et le nombre des représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre restent ceux existant à la date d’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, »

« 1. Les dispositions de l’article I-25, paragraphes 1, 2 et 3, de la Constitution, relatives à la définition de la majorité qualifiée au Conseil européen et au Conseil, prennent effet le 1er novembre 2009, après la tenue des élections parlementaires européennes de 2009, conformément à l’article I-20, paragraphe 2, de la Constitution. »

[...]

« 4. Les dispositions suivantes relatives à la définition de la majorité qualifiée prennent effet le 1er novembre 2009 : »

Suivent quatre pages qui reprennent en détail toutes les modalités d’application des majorités qualifiées en les alignant sur les conditions prévues par le traité de Nice.

Cela veut dire que, sur le plan institutionnel, une part essentielle des modalités du traité de Nice reste en vigueur jusqu’en 2009.

D’ailleurs le projet de décision que devrait adopter l’Union Européenne en 2009 est déjà rédigé et annexé à la constitution (Déclaration ad article I-25) :

« Il convient d’adopter des dispositions permettant une transition sans heurts du système de prise de décision du Conseil à la majorité qualifiée - tel qu’il est défini dans le traité de Nice et repris à l’article 2, paragraphe 2, du protocole sur les dispositions transitoires relatives aux institutions et organes de l’Union annexé à la Constitution, qui continuera de s’appliquer jusqu’au 31 octobre 2009 - au système de vote prévu par l’article I-25 de la Constitution, qui s’appliquera à compter du 1er novembre 2009.

..... Ici, diverses mesures transitoires

La présente décision prend effet le 1er novembre 2009. Elle reste en vigueur au moins jusqu’en 2014. Après cette date, le Conseil peut adopter une décision européenne l’abrogeant.

L’article I-26 du traité constitutionnel prévoit par ailleurs un autre délai :

5. La première Commission nommée en application de la Constitution est composée d’un ressortissant de chaque État membre, y compris son président et le ministre des affaires étrangères de l’Union, qui en est l’un des vice-présidents.

6. Dès la fin du mandat de la Commission visée au paragraphe 5, la Commission est composée d’un nombre de membres, y compris son président et le ministre des affaires étrangères de l’Union, correspondant aux deux tiers du nombre d’États membres, à moins que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, ne décide de modifier ce nombre.

De plus le Titre III - article 4 des dispositions transitoires ajoute :

« Les membres de la Commission qui sont en fonction à la date d’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe le restent jusqu’à la fin de leur mandat. »

Faisons les calculs : L’actuelle Commission est nommée pour 5 ans : 2004+5 = 2009. Elle reste en fonction jusqu’à cette date.

Ce n’est qu’en 2009 que serait désignée « La première Commission nommée en application de la Constitution ».

Et la suivante, à effectif réduit ne serait nommée qu’en 2014.

Pour résumer : en 2006 au plus tôt, si tout va bien, c’est à dire si les 25 pays ont ratifié le traité, commence la phase de transition avec 2 dates : 2009 nouvelles modalités de détermination de la majorité qualifié et la composition du parlement, 2014 pour une Commission réduite d’un tiers et pour abroger les dernières « scories » du traité de Nice.

On est loin d’un bouleversement brutal et rapide que l’éventuelle victoire du NON viendrait remettre en cause.

Dans tous les cas il faudrait de nombreuses années de transition.



Perles en vrac


Avant de conclure, pourquoi ne pas citer quelques perles des inconditionnels de la constitution libérale ... accompagnées de brefs commentaires ?

UDF (F.Bayrou) : " Le fait qu’il y ait pour l’Europe, une Constitution qui garantisse la séparation, l’équilibre des pouvoirs, la responsabilité des dirigeants et les droits des citoyens ; nous espérons que ce sera contagieux pour notre pays et pour tous les pays européens, mais particulièrement pour la France où, Dieu sait, la démocratie laisse à désirer"

Dieu sait aussi qu’avec cette même constitution, le parlement serait impuissant devant la Commission qui a le privilège d’être la seule à pouvoir proposer des lois.

Le projet de constitution de caractérise par la confusion des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire :

- le pouvoir législatif est partagé entre la Commission, le Conseil, le Parlement et la Banque centrale européenne,

- le pouvoir exécutif est partagé entre la Commission et la Banque centrale européenne,

- le pouvoir judiciaire est partagé entre la Cour de justice et le Conseil.

PS : (les socialistes favorables au oui )

Pourquoi les partisans du « non » ne se sont-ils pas élevés plus tôt contre ces principes qui ont déjà valeur constitutionnelle dans notre ordre juridique national ? (La propriété privée, comme la liberté de commerce et de l’industrie, c’est-à -dire les deux principes de base de l’économie de marché sont en France des normes de valeur constitutionnelle, contre lesquelles la loi ne peut rien).

Assimiler « concurrence libre et non faussée » à l’économie de marché c’est faire preuve d’une pauvreté de jugement navrante : l’économie de marché s’accommode de services publics, d’aide de l’Etat. La concurrence libre et non faussée les refuse et les combat.

Si la libre concurrence est aussi dangereuse, pourquoi ceux qui feignent aujourd’hui d’en découvrir les méfaits, ont-ils été aussi imprudents en faisant approuver l’ « acte unique » européen qui a établi en 1986 le « grand marché intérieur » ?

C’est toute la différence entre le capitalisme régulé et le capitalisme sauvage. Quand on se dit socialiste et qu’on n’envisage plus de renverser celui-ci, on devrait au moins comprendre cette différence, et on aurait dû, dès 1986 signaler les risques de dérive, car après tout, qui était au pouvoir en 1986 ?

Le traité étend à plus de 20 domaines nouveaux le vote à la majorité qualifiée dont, par exemple, l’énergie et les transports

Extraits du Traité constitutionnel : (A propos de l’énergie)

Article II-234-2

[...] Le Conseil adopte à l’unanimité des lois ou lois-cadres européenne établissant [...] les mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.

Article III-256

1. Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise :

Par dérogation au paragraphe 2, une loi ou loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures qui y sont visées lorsqu’elles sont essentiellement de nature fiscale. Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen.

On voit donc que de nombreux aspects touchant à la politique de l’énergie restent traités à l’unanimité.

Le PS triche donc quand il parle de recours systématique aux majorités qualifiées pour traiter des questions énergétiques. Mensonge par omission : sauf si cela a des incidences fiscales, c’est à dire pour nombre de cas !


Pour finir, et pour rire un peu, comparons la vision de la constitution par M. Lamassoure (UMP) et celle de M. Badinter :

M. Lamassoure (UMP) :

Enfin, ce texte est le couronnement de ce qu’on peut appeler la vision française de l’Europe, contre la vision anglo-saxonne, purement libre-échangiste, intergouvernementale et souverainiste. Jacques Chirac l’a souligné sans être contredit : « Cette Constitution a été voulue par la France, et elle a été très largement inspirée par elle ». Aucun autre pays n’a joué un rôle plus important dans sa conception et son élaboration. Aucune famille politique n’y a plus contribué que le Parti Populaire Européen, et notamment l’UMP. Et pourtant aucun autre texte n’aurait pu recueillir un consensus aussi large à travers toute l’Europe.

M. Badinter :

« Tout au long de la Convention, les représentants britanniques ont témoigné d’une habileté et d’une constance de vues conformes à la grande tradition diplomatique du Royaume-Uni. La recherche du consensus permettait d’ailleurs à la partie qui témoignait de la plus ferme volonté de s’assurer, en définitive, de la maîtrise du jeu, en usant avec art des concessions sur l’accessoire pour s’assurer de l’essentiel. [...] Il serait équitable de dénommer le projet de Constitution de l’Europe des Vingt-cinq « la Britannique », en hommage au talent diplomatique de nos amis anglais. » Le Nouvel Observateur 19 juin 2003

Rappelons que M. Badinter fit partie de la convention européenne qui a élaboré le texte qui sert de base au projet de constitution



Références des documents utilisés


Textes officiels :


On peut trouver la constitution européenne sur de nombreux cites Internet. Par exemple, sur le très officiel http://europa.eu.int. On y trouve :

La partie I :

http://europa.eu.int (64 pages)

La partie II (La charte des droits fondamentaux de l’Union) :

http://europa.eu.int (27 pages)

La partie III (les politiques et le fonctionnement de l’Union) :

http://europa.eu.int (247 pages)

La partie IV (dispositions générales et finales) :

http://europa.eu.int (14 pages)

Les protocoles et annexes I et II annexés au traité établissant une Constitution :

http://europa.eu.int (382 pages)

Les déclarations finales :

http://europa.eu.int (121 pages)

Ces six documents constituent la totalité du traité constitutionnel. Ils entreraient en vigueur si le référendum ratifiait la constitution européenne.

Ils sont, si l’on veut être rigoureux, à comparer avec les textes issus du « traité de Nice »

http://europa.eu.int (87 pages).

Le « Traité de Nice » s’appelle en fait "TRAITE MODIFIANT LE TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE, LES TRAITÉS INSTITUANT LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET CERTAINS ACTES CONNEXES ".

Il ne comporte que les articles modifiés ou nouveaux. Pour comparer ce que propose le traité constitutionnel et le traité de Nice il faut en particulier consulter les versions consolidées (c’est à dire incluant les modifications apportées par le traité de Nice) des traités constituant l’Union Européenne, la Communauté Européenne, la CECA, Euratom etc...

Pour les besoins de nos démonstrations nous nous sommes limités au traité instituant la Communauté Européenne et au traité sur l’Union Européenne :

http://europa.eu.int

http://europa.eu.int

Les articles modifiés à Nice sont suivi de (*) les nouveaux de (**)


Les documents analysés


Le document de la direction du PS "le vrai le faux sur le traité constitutionnel " est disponible sur le site www.ouisocialiste.net, à l’adresse suivante :

www.ouisocialiste.net

Coté UMP, l’"argumentaire sur la Constitution européenne « Tout ce que vous avez voulu savoir sur la Constitution européenne, sans toujours oser le demander »" se trouve sur le site : www.ump-europe.org à l’adresse :

www.umpeurope.org

Pour les Verts, tous les documents (pour le oui comme pour le non) sont regroupés dans :

http://lesverts.fr

Pour l’UDF la déclaration de F. Bayrou est téléchargeable à cette adresse :

www.udf.org


Autres documents

Nous avons aussi, pour ce qui concerne les chiffres de la non harmonisation fiscale en Europe, utilisé un document rédigé par Monsieur Patrick Artus du Cabinet d’Analyse Economique (rattaché au cabinet du Premier ministre) pour Ixis.

Ce document a pour titre : « Faut-il supprimer les petits pays ? » et tend à démontrer que « Les petits pays, dans une union économique, ont intérêt à utiliser la concurrence fiscale » On peut ne pas partager cet avis, on ne peut nier les chiffres qu’il fournis. Il n’est, semble-t-il, pas disponible sur Internet.



Conclusion


« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas [y] faire écho » (Jean Jaurès).

Dans tout débat, il peut y avoir une part de facilités pour entraîner la conviction, de demi vérités et de mensonges par omission. Ces seules facilités, lors de l’actuel débat sur le projet de constitution européenne, ne justifieraient pas ce document.

Mais certains ne répugnent pas à des manipulations du texte en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas et en taisant ce qu’il dit. Il ne s’agit pas ici de la part d’appréciations personnelles qui peuvent, qui doivent, diverger entre les différents courants d’opinion, ce qui d’ailleurs fait la richesse du débat dans une démocratie. Il s’agit de véritables mensonges.

Mensonges ou erreurs ?

En cas de mensonges, volontaires, ces pratiques déshonorent leurs auteurs, d’autant plus qu’ils sont responsables politiques nationaux et donc expérimentés et responsables. Elles déshonorent surtout leur conception du débat politique, leur conception de la politique tout court. Nous ne pouvons que dire "Non" à cette conception-là de la politique. Ce n’est pas sur de telles bases que se construira l’Europe, du moins l’Europe que nous souhaitons, démocratique, solidaire, respectueuse des équilibres écologiques. Celle-ci ne saurait se construire que sur la transparence, la rigueur, la clarté, le débat franc entre les responsables politiques, sociaux et l’ensemble des citoyens européens.

En cas d’erreurs, donc involontaires, et donc sans faire de procès d’intention à quiconque, on ne peut qu’être étonné par le manque de sérieux et l’amateurisme de nombre de partisans du projet de constitution. L’ont-ils seulement lu ? Ou, s’ils l’ont lu, l’ont-ils compris ? Une part d’entre eux s’en sont sans doute remis aux dires de leurs leaders. Mais que dire pour défendre ces leaders ?

Heureusement ces mensonges que nous avons démontrés ici, ces boniments que nous avons débusqués, ne sont pas le lot de tous les responsables politiques, chez les partisans du non, mais aussi chez des partisans du oui.

Que des ultra-libéraux se disent partisans du projet de constitution est cohérent. On peut ne pas être d’accord avec leurs options politiques qui organisent la compétition sauvage entre citoyens, entre entreprises et entre pays, mais on ne peut leur reprocher pour cela de double langage ou d’incompétence.

Mais lorsque des responsables politiques qui se disent profondément attachés aux fondements démocratiques de la république ne voient pas la régression démocratique qu’organise au niveau européen le projet de traité, nous sommes en droit de nous interroger sur leurs convictions démocratiques.

Ainsi, lorsque, répondant à un auditeur sur France Inter le 14 mars François Hollande déclare : « La Directive Bolkestein, elle est pas approuvée. C’est un projet de directive aujourd’hui totalement remis en cause. D’ailleurs, sois en fier, ce sont les socialistes européens qui ont permis ça. Il n’y a plus de directive Bolkestein. Les Services Publics ont été protégés, les Services Sociaux aussi. Ce que tu appelles AGCS, l’Accord général sur les services, c’est pas dans l’Europe. Ca, c’est ce que veut faire l’OCDE. Là aussi, nous avons remis en cause ces principes de concurrence, et pour l’instant la menace est derrière nous. »

Est-il incompétent, menteur ou stupide ? Qu’il confonde l’OMC et l’OCDE est excusable dans le cours d’une discussion. Mais peut-il ignorer que son camarade de parti Pascal Lamy est un chaud partisan de l’AGCS et postule à la tête de l’OMC ? Personne ne lui a donc dit que la directive Bolkestein fut le fruit d’un long processus d’élaboration dans lequel ses amis politiques (ils ne furent pas les seuls hélas) ont, dés le début, voté le principe du « pays d’origine » ? N’a-t-il pas entendu le président de la Commission Européenne, M. Barroso, continuer à défendre la directive Bolkestein, acceptant seulement de repousser son adoption définitive au lendemain du référendum en France ?


Lorsque des responsables qui disent se battre pour l’Europe sociale tentent de nous démontrer à coup de mensonges ou d’erreurs que tel est l’objectif du traité, nous sommes en droit de les accuser de double langage.

L’important, au-delà des mensonges et boniments des responsables d’opinion, est bien que les citoyens français et européens soient pleinement informés du contenu du projet de constitution, de ses tenants et aboutissants, et votent en conséquence lors du référendum, pour les Européens qui ont la chance de pouvoir s’exprimer eux-mêmes. Tel est l’objectif d’Attac, association d’éducation populaire.

Son analyse du projet, dont nous n’avons donné ici que quelques aperçus en rapport direct avec les dires des partisans du oui, a amené ses adhérents et donc l’association à appeler à rejeter ce projet de constitution. C’est un non à l’Europe ultra-libérale, à la concurrence sauvage, mais aussi un non aux mensonges et aux boniments.

C’est un oui à l’Europe solidaire, sociale, démocratique, durable. C’est donc un appel à ouvrir une nouvelle page de l’histoire européenne.


Jean-Pierre Gaillet, Robert Joumard, Rémi Thouly, 16 avril 2005.


Dix mensonges et cinq boniments

- Source : ATTAC www.france.attac.org


François Hollande n’ a strictement rien à faire de la Constitution Européenne ... « si Chirac avait mis en jeu son mandat, le PS aurait naturellement appelé à voter NON, comme pour De Gaulle en 69 »... 26 mai 2005


"Si la Constitution Européenne échoue, les Etats-Unis ne se réjouiront pas"

Constitution : Quand un « Non de gauche » écrit au « Oui de gauche »...





- Illustration : Lateliergraphique.org
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Dix mensonges et cinq boniments

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