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De la doxa libérale au retour de l’autoritarisme

illustration Elke Rehder

Nous sommes tous les pions d’un échiquier géant, où le pion ne peut que difficilement mettre le roi en échec. Nous évoluons sur un terrain où le jeu se fait à sens unique, où le roi s’est depuis longtemps transformé en fou, dans un tournoi d’échecs entre la finance et le commerce international.

Ce départ de réflexion est je l’accorde, un peu fataliste. C’est bien parce que dès l’enfance, on nous vend ces codes de l’indécence, qui visent à bien étudier, puis travailler pour avoir une vie suffisamment décente. C’est-à -dire acheter une maison, être propriétaire de ses biens et les protéger, acheter une voiture pour être mobile. Ah, j’oubliais. Le mariage vient sacraliser la vie de couple, bien qu’en perte de vitesse, si l’on en croit les analyses sociologiques. Et, étape fondamentale pour une vie sociale bien développée : construire sa vie. Construire sa vie, ce qui suppose souvent, comme nos parents l’ont fait, que nous fassions des enfants. Non, rassurez-vous, ce n’est pas une réflexion psychologique sur la vie de couple et ses embûches. Mais tout cela mène, en fait, à rechercher de plus en plus de responsabilités professionnelles pour accroitre son salaire et assurer la vie de famille...et tiens donc, acheter une plus grande maison pour la « venue » d’autres enfants. D’où cet ignoble cercle vicieux consumériste qui nous mène à acheter la clé qui cadenasse les chaînes que l’on s’est nous-mêmes fixés aux pieds, le cercle consommation-travail-famille-compétition-surconsommation. Voila, la boucle est bouclée, nous ne sommes pas si loin du régime chinois qui autrefois facturait la balle du condamné à mort à sa famille. Ok je vais loin, j’ai presque envie de demander pardon au lecteur. Ce schéma figé de l’évolution type dite universelle du mode de vie à l’occidentale de tout individu, ne sert qu’à tirer les rênes du capital et à le faire avancer. Pas étonnant que l’on s’attache tant à ce qu’un maximum d’individus évoluent de cette manière ! Les entreprises multinationales, leurs actionnaires et publicitaires, qui n’ont de cesse de créer nécessairement (pour eux-mêmes) du besoin et du rêve issus de ce mode de vie à l’occidentale, n’enregistreraient pas tant de bénéfices astronomiques si les gens qui peuplent cette partie « développée » de la Terre arrêtaient un peu de vivre au dessus de leurs moyens pour adopter une vie plus simple matériellement. Mais plus riche, vu l’échange social que la société post productive capitaliste pourrait apporter entre nous tous. D’ailleurs, cet enfermement social conformiste conventionnel dans une vie modèle et tout ce qui gravite autour (besoins matériels toujours plus grands) prouve bien que la logique capitaliste est profondément, gravement rentrée dans les moeurs et dans l’esprit des gens comme étant quelque chose de naturel quasiment biologique. A un tel point que de plus en plus de jeunes préfèrent s’acheter des DVD et un home-cinema avec leur tout premier salaire, plutôt que s’offrir un voyage en Asie, Afrique ou en Amérique et partir à la découverte des différentes cultures. On nous a fait gober que le « vouloir toujours plus » était le propre de l’humain, que l’homme aristotélicien, animal social par nature et mu par ses instincts, ses sentiments, se choisit des chefs par nature, entre autre qu’il fallait de la croissance économique, et que sans cette régulation monétaire qu’est l’argent pseudo nécessairement inégalement réparti, ce serait la jungle, la loi du plus fort. N’est-ce déjà pas le cas ? Tout se passe comme si renouveler son ordinateur ou sa voiture tous les ans était nécessaire à l’Humanité. Comme si acheter des voitures hybrides « Prius » allait sauver la planète de ce mal écologique endémique qu’est la destruction des écosystèmes pour la course au profit, au rentable. D’ailleurs, prôner le respect de la nature, de l’environnement et imposer la taxe « pollueur-payeur » tout en conservant le modèle actuel de production industrielle, j’appelle ça une honte. Avec cet affreux matraquage médiatique du marketing écologique pour la taxe carbone qui fait la une des priorités de nos journaleux à grand public, ou l’art de faire payer la pollution des entreprises aux prêcheurs du dieu consommation, j’attends ce jour où Nicolas Hulot et ses copains néo écolos proposeront aux consommateurs l’ordinateur écologique biodégradable. C’est écologique, puisqu’on envoie le matériel obsolète loin de chez nous, dans des décharges en Chine… On pourrait en écrire long sur ce sujet, mais le capitalisme, qu’il soit fleur de lys, bleu, rose ou vert, restera toujours le royaume de l’aliénation humaine. Non, tu te trompes, sale objecteur de conscience qu’est mon cerveau, cesse de me faire écrire ces mauvaises palabres abjectes utopiques et dépourvues de sens ! Fort heureusement, nous vivons dans une démocratie, meilleur système à ce jour existant qui offre à tous et à toutes les conditions d’accès à une vie équitable, confortable, respectueuse, et ce, en grande partie grâce au modèle républicain d’éducation nationale… nous disent ceux qui y croient encore.

1. Une égalité à plusieurs facettes…

Car il ne faut pas le nier, nous avons la chance ici d’avoir été scolarisés gratuitement ou presque, (cela ne durera pas) ce que bien des familles dans d’autres pays même riches, où l’éducation est privée, ne peuvent bénéficier du fait des coûts exorbitants des frais de scolarité. Mais même si dans le système scolaire, la chance à chacun est relativement laissée, nous « savons » depuis Bourdieu que l’éducation n’est qu’un gigantesque moule avilissant à reproduire les disparités économiques et sociales, à maintenir la classe dirigeante en haut de la pyramide. Cette pyramide aux instincts serviles qui se complait dans l’amour presque concupiscent pour le vol, et dont l’école se charge de trouver les nouveaux chefs de guerre d’une génération à l’autre. Un système d’éducation démocratique, à mon sens, ne fait pas du triage « sur le tas » des individus suivant les compétences intellectuelles qu’ils ont pu ou n’ont pas pu mobiliser lors des contrôles, de même qu’elle n’installe pas la compétition et la convoitise entre les élèves qu’elle est censée former. Bref, vous me direz, je suis aussi passé par là … Parlant de démocratie, Alexis de Tocqueville pensait d’ailleurs que le régime démocratique a pour fondements principaux d’établir l’égalité des conditions. Pourtant, comme il en était chez les grecs de l’Antiquité, de nos jours encore, l’égalité n’est pas la même suivant que l’on soit riche ou pauvre. On dirait que l’adage « on ne fait pas une société avec des hommes semblables » venu d’Aristote reste de mise, il est donc important que l’institution scolaire s’attèle courageusement à former les cerveaux des cadres dirigeants de demain.

Tout comme il vaut mieux connaître le juge en personne pour s’extirper d’une affaire juridique douteuse, il vaut mieux être familier du flic qui s’apprête à nous arrêter pour une violation au code de la route. On le voit bien, ici bas, tout est fait pour qu’un minimum de personnes ne déroge au droit chemin menant au royaume de la pensée unique. Une société où le riche sera toujours supérieur au plus pauvre…et où l’on privilégie le mec en costar plutôt que celui habillé plus classiquement n’est pas démocratique à mon sens. L’art de ce système érigé au stade ultime de « capitalisme avancé » est de nous faire croire qu’il n’existe aucune autre alternative, selon les propres voeux de l’odieuse Margareth Thatcher. S’il y a des pauvres, c’est de leur faute. De toute façon, c’est du chômage volontaire, ces gens là ne veulent pas travailler et vivent au crochet d’une société qui favorise l’assistanat. S’il y a des inégalités économiques et sociales, dites vous bien que si nous avions un autre régime politique, « ultra » socialiste, la société basculerait vers le règne de la terreur, de la misère, vers l’autodestruction, la mort de la société et la tyrannie. Et dire qu’il y a des profs de fac qui affirment cela en cours…

2. La globalisation libérale : une économie mondiale profondément inhumaine et destructrice

Le régime démocratique et son système électoral rendent possible l’alternance politique, pour éviter d’avoir la même présidence pendant trop longtemps, c’est déjà ça. Imaginez un demi-siècle de sarkozysme… Mais en réalité, le vote électoral, à chaque « échéance », est tellement conditionné par les instituts de sondages et la sphère médiatique, tous deux intimement liés au pouvoir politique, que ce sont toujours les mêmes crapules qui sont placées à la tête du pouvoir politique. Ce sur quoi il faut ajouter les intérêts privés des lobbies et des entreprises qui pèsent lourdement dans le processus hypocrite du choix électoral. Et on nous fait gober que l’élection représente le choix du peuple… Je rigole toujours un peu intérieurement, lorsque j’entends dire des gens que si Barack Obama a été élu, c’est pour que ça change, que l’argent tourne et que la politique américaine changera enfin de cap. Bien que porteur d’un grand espoir (ça ne peut pas être pire que huit années de Bush), si ce monsieur s’était porté candidat avec un programme à penchants socialistes, il n’aurait pas été placé au bureau de la maison blanche. Il est important de faire croire au changement post bushiste, ce en conservant la politique hégémonique belliqueuse en Irak, Afghanistan et Amérique Latine (cour de récréation de la CIA depuis 1973), sans nationaliser les banques, les industries (pétrole, agro alimentaire, automobile) et les services publics clés de l’économie, pour garder la sympathie des puissants capitalistes qui l’ont mis au pouvoir. Obama a beau être le premier président noir élu à la tête des États-Unis, la CIA pourra toujours continuer à faire de l’ingérence politique aux quatre coins du monde en finançant les partis d’extrême droite pour déstabiliser les gouvernements socialistes. Parenthèse fermée. Après avoir presque privatisé les États et vendu leur gouvernance aux libéraux fanatiques, la politique n’est plus que du clientélisme, et vise à satisfaire une seule partie, une caste de la population, susceptible d’avoir voté en faveur du parti politique majoritaire. Cette politique spectacle mène directement à monter certaines catégories de la population contre d’autres : fonctionnaires soit disant nantis contre salariés du privé soit disant plus travailleurs que d’autres, privilèges des fonctionnaires, universitaires, immigration, jeunesse des banlieues etc. Diviser pour mieux régner, serrer la main du diable et jeter la faute sur d’autres en se déresponsabilisant devient un art. L’Art, l’apanage du politique, qui sert d’abord la finance et ses amis avant son propre peuple. On ne peut même plus imaginer que l’État français nationalise l’industrie pétrolière (Total) ou rachète à 100% Veolia pour retrouver une souveraineté économique… Et oui, comme l’économie et les affaires publiques échappent en grande partie aux États, ceux-ci sont en une grande partie tributaires des entreprises multinationales et des grands capitalistes. Depuis une vingtaine d’années que la doxa libérale du marché triomphe, ils ont dans tous les pays recouru aux privatisations forcées des pôles clés des économies. Santé, éducation, transports, industries, rien n’échappe à l’entrée des capitaux privés dans les services publics, pas même l’armée (cf blackwater, la milice américaine privée qui se développe considérablement partout où les US passent pour imposer la démocratie). Sans compter que dans tous les pays émergeants où FMI et Banque Mondiale sont passés, (ont accordé un prêt) non seulement une part considérable du PIB est obligatoirement consacrée au remboursement de la dette et surtout aux intérêts de la dette, mais en plus, les ajustements structurels privent la population des services habituellement accessibles, devenus trop chers, car ayant été privatisés. C’est ainsi que des milliers de personnes sont privées de l’accès au réseau d’eau potable ou d’électricité par exemple. Au Brésil, des milliers de gosses s’intoxiquent en mangeant de la terre car ils sont privés de nourriture du fait que l’eau soit trop chère pour irriguer les terrains agricoles. Les exemples où le FMI paupérise lamentablement la population sont nombreux, ce fut le cas à Cochabamba (Bolivie) sur la privatisation de l’eau en 2001, en Afrique du Sud, aux Philippines, en Inde, au Brésil, en Argentine… Je ne suis pas rapporteur spécial de l’ONU, mais j’ai le temps de m’informer un peu, et je suis toujours un peu dégoûté quand je lis (pas dans la presse écrite, bien sur !) qu’une majeure partie des haricots produits dans la région orientale de l’Afrique (Éthiopie, Kenya, Rwanda, Ouganda) sont exportés en Europe, et que les devises issues de ce commerce servent à enrichir des riches propriétaires terriens (qui se sont arrangés à saper le marché des petits agriculteurs locaux) pendant qu’ils exploitent dans les usines des asiatiques payées à moins de lances pierres. Ce sentiment de honte d’être occidental revient lorsque l’on voit que le Mali, dixième exportateur mondial de coton, a été obligé dans le cadre de la politique d’ajustements structurels par le FMI de privatiser la Compagnie Malienne pour le Développement du Textile (CMDT). Le coton malien, dont la qualité est l’une des meilleures au monde, est confronté aux « jeux » des marchés financiers car le coton produit en Chine est devenu plus compétitif que le coton malien pour les exportations en Occident. Cela fait froid dans le dos lorsque l’on voit en parallèle que trois millions de maliens (sur 12.3 millions d’habitants) en vivent directement, ce qui représente 24.3% de la population totale ! Vous me direz, le FMI vient d’annoncer la suspension (temporaire ?) du remboursement des intérêts de la dette publique des « pays les moins avancés ». Premier pas.

Il reste que cette armée de requins, commerciaux véreux, mafieux, lobbyistes et chefs d’entreprises corrompus ont le pouvoir non seulement de faire renverser un gouvernement qui leur déplait, mais peuvent aussi obliger ces États à passer des lois liberticides, tant que celles-ci leur offre une garantie pour maintenir leurs intérêts. Et bien entendu, la police et l’armée sont là pour réprimer et contenir les coups de gueule des premiers concernés : le peuple. Et d’ailleurs, comme le pouvoir a souvent peur des mouvements sociaux, les déploiements policiers sont de plus en plus massifs… et les violences policières semblent de plus en plus se radicaliser, elles ne sont plus seulement sporadiques, mais deviennent récurrentes.

3. Propagande et dérives sécuritaires : un retour de l’autoritarisme ?
Soyons pragmatiques : si des forces de l’ordre massives armées jusqu’aux dents font barrages au nombre de dangereux insoumis qui croient pouvoir faire entendre leurs mécontentements dans la rue, et surtout, si ces premières répriment dans le sang la manifestation pacifique de ceux qui ne veulent que pouvoir manger et ne plus être réduite à l’esclavage du patronat, c’est uniquement parce que l’on ne fait pas d’omelette sans casser les oeufs : ceux qui se révoltent n’ont pas lieu de le faire, sont des déviants, marginaux qu’il est important de faire taire.

A chaque fois qu’éclate un mouvement social, la propagande redouble de vitesse. Argument choisi par nos médias de masse : ces manifestants crachent dans la soupe, ils ne sont que des feignants qui ne savent faire que la grève. (Où est le problème, alors, puisque désormais quand il y a une grève, il paraît que l’on ne s’en aperçoit pas ?...) Et oui, chers « concitoyens », vous qui tous les cinq ans votez pour l’ordre la sécurité, le crime organisé, le pillage et le saccage généralisé de la planète, si votre téléviseur vous dit qu’il y a eu des échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre, vous comprenez que la rue a été envahie de violents anarchistes prêts à en finir avec l’oppression de l’État, et prêts à violenter, brûler, spolier toute personne qui ne soit pas d’accord avec leur revendication antidémocratique. Et vous le croyez dur comme fer ! Ainsi, le gentil petit consom-acteur électeur, effrayé, quasi décervelé par sa télé en vient à se convaincre que la révolte ne débouche que sur le mal. Qu’il faut attendre les jours meilleurs, dans le calme, chacun prenant son mal en patience. Et encore, s’il n’y avait que cela. Quand une seule journée de grève est annoncée en France, on a le sentiment que tout s’est effondré, que c’est la fin du monde. Comme si c’était la catastrophe, et nos journalistes s’en donnent à coeur joie pour sélectionner le bon gueulard, la bonne personne qui se dira « prise en otage par une bande de fouilles merde parce qu’elle ne peut pas aller bosser ». Moi j’ai envie de lui répondre : ma pauvre, tu ferais une drôle de mine alors si une grève générale était décrétée, et je ne peux m’empêcher de penser que cette mobilisation syndicale qu’elle n’a pas l’air d’apprécier, la protège, malgré tout de certaines atteintes au droit du travail… Fin 2007, quand qu’un gendarme de la garde mobile prend son arme dite non létale et loge gratuitement un coup de flash-ball dans l’oeil d’un adolescent, (mouvement contre la LRU fin 2007 à Nantes), et lui tire dessus à bout portant de sang froid, il y a de quoi se poser des questions... L’ado en question à perdu son oeil, mais l’affaire fait flop et perd de son droit de cité là où elle suffirait à elle seule de mot d’ordre de révolte, d’insurrection contre un pouvoir politique davantage présidentiel (autoritaire) que parlementaire. Heureusement que les « grands sages » du Conseil d’État sont là pour tempérer un petit peu de temps à autre les dérives hystériques d’un ministère de l’Intérieur devenu complètement obnubilé par ses délires paranoïaques : le décret de 2008 portant sur l’utilisation du taser pour les polices municipales vient d’être annulé par ce même Conseil d’État (mercredi 2 septembre 2009). Maigre consolation, me direz-vous face à une instrumentalisation grandissante des peurs sécuritaires pour faire parler/voter le populo. L’on pourrait se dire, et pourquoi ne pas interdire tout court ce fameux taser, -tout droit venu des politiques New-Yorkaises de la « tolérance zéro », que l’on sait dangereux pour certaines personnes plus sensibles aux « stimulations cardiaques », et dangereux par des pulsions dominatrices qu’un policier excité n’arriverait pas à maîtriser sur sa proie- mais c’est déjà une première étape. Il reste que cette connivence entre les médias et les violences policières nous crève les yeux un peu plus, à chaque fois qu’un mouvement social éclate.

Simple exemple d’actualité : un jeune en région parisienne, est décédé sur son scooter en tentant d’échapper à la police lors d’un « contrôle » policier…nous disent les journaux. Plusieurs polémiques fleurissent, comme quoi la police aurait heurté le véhicule du jeune, donc commis un homicide involontaire, les témoins et habitants du quartier ont le malheur d’oser supposer publiquement que les responsables sont les policiers dans cette affaire. Réaction du ministère de l’Intérieur ? Mr le sinistre ministre B. Hortefeux porte plainte contre ces mêmes riverains !! Une première dans ce qu’on appelle encore par défaut notre république…Plus, il n’est pas rare de lire que les forces de l’ordre ont maîtrisé une bande organisée de casseurs aux abords d’une rue envahie d’une foultitude de manifestants, alors qu’en réalité, il s’agisse simplement de syndicalistes gazés et tabassés sur place par des CRS. Lorsque les Ouïghours subissent la répression chinoise, nos journaux crient honte à la dictature chinoise, lorsque le ministère français fait intervenir les gendarmes, donc l’armée dans la rue pour mater la rébellion, les mêmes crient que la démocratie a été sauvée du chaos. Cherchez l’intrus…

Mais ce phénomène de renforcement des pouvoirs de la police ne date pas du 6 mai 2007. Depuis le début de ce siècle, et avec les attentats du 11 septembre 2001, de nombreuses lois sont venues entraver les libertés, morceau par morceau, l’air de rien pour que cela n’ait pas l’air autoritaire. Tel un chat feignant une claque, qui s’y prend par deux ou trois fois pour chiper le bout de poisson grapillé par petits bouts, les pouvoirs publics passent leurs étés à signer des petits décrets qui, assemblés bouts à bouts, arrivent à des constatations vraiment effrayantes pour nos libertés. Ce, avec tout un verbiage médiatique du prêt-à -penser sécuritaire dont il fallait bien préparer le terrain auprès du citoyen auparavant, pour qu’il accepte cette amère politique de répression. L’on pourrait se remémorer des réformes de la justice, et de l’univers carcéral avec les lois sur la prévention de la délinquance, la loi sur la sécurité quotidienne (2001), sur la sécurité intérieure (2003), la loi « Perben II » sur l’évolution de la criminalité, la loi sur la présomption d’innocence (2000), et j’en oublie. Sans compter les fichiers de police de plus en plus nombreux, dont les informations peuvent se recouper, sans compter les surveillances vidéos aux abords des rues, des métros, de tout lieux publics, d’éventuelles conversations téléphoniques mises sur écoute… C’est une véritable société du contrôle de chacun qui s’est installée, et l’on sent en lisant la presse, que nous ne sommes pas au bout du tunnel, ce n’est peut-être même qu’un début. Même avec cette « inflation législative », ils auront beau augmenter les effectifs dans l’administration pénitentiaire par exemple (tiens, ces fonctionnaires, coûtent moins cher qu’à la Poste ?), cela n’empêche hélas toujours pas les suicides de détenus dans leur cellule. Mais il faut du résultat dans les chiffres, pour montrer que le gouvernement est actif… La rhétorique sécuritaire véhiculée par les médias permet de miser sur la peur du peuple après l’avoir installée, en relayant du fait divers à outrance. Et un électorat qui a peur, est un électorat directement, facilement manipulable. De fait, la logique revient toujours à voter pour que rien ne change. Et nous pourrions même citer Renaud, qui disait que « si les élections, ça changeait vraiment la vie, y’a un bout d’tems mon colon, que voter ça serait interdit ». (C’est quand qu’on va où ?)

Regardons maintenant la répartition du budget 2008 en France : après les dépenses d’enseignement, c’est le pôle sécurité-défense qui pèse le plus lourd. La part attribuée à la santé, représente la quatrième part la plus faible du budget total, et même la part attribuée aux médias a été plus élevée que pour la santé. A mon sens, cela connote bien la politique choisie par les pouvoirs publics actuels, qui est loin d’être sociale...

Budget défense 2008 : 36 866 millions d’euros
Sécurité et Défense : 52 744 millions d’euros
Budget sécurité 2008 : 15 878 millions d’euros
Budget santé 2008 : 426 millions d’euros
Budget médias 2008 : 507
Budget Enseignement : 59 053 millions

(www.performance-publique.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/chiffres_cles.pdf)

Il est important, en somme, que la masse en surnombre, passe plus de temps à l’usine ou au bureau qu’à décrypter l’information, à lire, ou à s’informer. Car ceci pourrait lui donner des idées malsaines. Notre cher « patron » du Figaro, Dassault, -qui vend des « bouts de fer » au Congo pour que les Tutsis se vengent des Hutus, a même déclaré que « Les journaux doivent diffuser des idées saines, car nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche. J’espère que vous allez cesser de former des journalistes de gauche ! »… Décidemment, entre l’empire décomplexé de la doxa libérale et la tendance depuis quelques années à la radicalisation, à la criminalisation des dissidences, et des dérives autoritaires généralisées, on est pas gâtés !!

Samuel MOLEAUD

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