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Des considérations géopolitiques motivent l’intervention des Nations unies au Darfour, par Chris Talbot.








WSWS, 25 août 2007.


Le Conseil de sécurité des Nations unies a accepté à l’unanimité une résolution visant à envoyer une force armée combinée de l’ONU et de l’Union africaine (UA) au Soudan dans la région du Darfour. Cette force étant avancée comme la plus grande force de maintien de la paix au monde, 20.000 soldats et 6.000 policiers intégreront l’actuelle force de 7.000 soldats de l’UA déjà présente au Darfour. Elle sera déployée sous le Chapitre 7 de la charte de l’ONU, ce qui lui permettra d’employer la force militaire pour protéger les civils et les travailleurs humanitaires. Les premiers soldats devraient être envoyés en octobre mais le déploiement complet nécessitera probablement beaucoup plus de temps.

La majorité des efforts pour faire adopter la résolution semblent être venus du président français Nicolas Sarkozy et du premier ministre britannique Gordon Brown, qui se sont tous deux servis de la question du Darfour depuis leur arrivée au pouvoir pour rehausser leur crédibilité humanitaire. Cela leur a aussi permis d’offrir leur soutien au président George Bush. Après que la résolution fut adoptée à l’ONU, Brown a personnellement remercié Bush « pour son leadership au Darfour ».

Il ne fait aucun doute qu’un désastre humanitaire s’aggrave au Darfour : un récent rapport de l’ONU déclarait que plus d’un demi million de personnes sur un total de 4,2 millions de personnes touchées n’avaient accès à aucune aide humanitaire. Mais la motivation derrière l’intervention qui est proposée est l’intérêt qu’ont les Etats-Unis et les puissances occidentales à prendre davantage contrôle de cette région stratégique et de sa richesse pétrolière.

On prévoit que la plupart des soldats de cette force de maintien de la paix seront africains mais il n’y aura qu’une seule voie hiérarchique de l’ONU qui dictera les ordres des gouvernements occidentaux sur les opérations. L’actuelle force de l’UA est sous-financée par l’Occident et elle est petite et inefficace car n’ayant pas été sous son contrôle direct.

La France s’est déjà portée volontaire pour envoyer des soldats. Le conflit au Darfour s’est en effet propagé aux pays voisins que sont le Tchad et la République centrafricaine, où la France a déjà des troupes cantonnées et soutient des régimes impopulaires contre les forces rebelles (voir Le nouveau gouvernement Sarkozy hôte d’une conférence sur le Darfour).

La Grande-Bretagne et la France, avec l’accord de Washington, ont laissé tomber une demande pour que « d’autres mesures » soient prises contre le gouvernement soudanais et les forces rebelles pour leur manque de coopération. Selon certains diplomates, une résolution plus « conciliatoire » fut adoptée pour s’assurer que la Chine n’oppose pas son veto à la résolution au Conseil de sécurité et que des pays africains ne soient pas écartés de la décision. La Chine achète la majeure partie des exportations de pétrole du Soudan et fournit celui-ci en armes, et elle s’était précédemment opposée aux propositions américaines et britanniques dirigées contre le régime soudanais. La Chine appuie maintenant l’intervention de l’ONU, apparemment inquiète que les Jeux olympiques de Pékin de 2008 ne deviennent la cible de manifestants.

Des pressions d’organisations telles que la Coalition Sauvons le Darfour - qui bénéficie d’un large appui aux Etats-Unis - ont joué un rôle dans l’accord de la Chine pour l’envoi d’une force de maintien de la paix. Parmi ces organisations se trouvent des milliers de jeunes qui sont véritablement touchés par la souffrance des réfugiés au Darfour. Cependant, la perspective simpliste mise de l’avant par les organisateurs de la campagne qui affirme que le problème n’est que le soutien du régime de Khartoum pour les milices janjawids contre le reste de la population n’a servi qu’a détourner l’attention de la question fondamentale et est utilisée pour légitimer une intervention militaire des grandes puissances.

Le Darfour est une autre conséquence tragique de la domination impérialiste du continent africain. Il est aussi extrêmement naïf de penser que l’on pourrait convaincre l’administration Bush, responsable de crimes de guerre en Irak, d’entreprendre des activités humanitaires au Soudan.

Le régime soudanais - ainsi que d’innombrables autres régime oppresseurs dans des pays en développement qui ne sont pas à ce point-ci la cible de reproches par les Etats-Unis - prospère dans un système impérialiste qui supervise l’exportation de milliards de dollars en allègement de dette aux banques occidentales sous les auspices du Fond monétaire international et la création d’énormes profits provenant de l’exploitation minière par les transnationales, tandis que la très grande majorité de la population est forcée de vivre dans la pauvreté la plus abjecte. Peu importe la rhétorique anti-occidentale employée pour tromper la population, un rôle crucial est joué par des gouvernements brutaux comme celui de Khartoum pour maintenir le statu quo.

L’administration Bush, tout en appliquant des sanctions contre le régime soudanais et en introduisant le terme « génocide » en relation avec le Darfour, a également donné un appui tacite au régime en utilisant ses service de renseignements comme source d’information et même d’opération secrètes (voir "CIA uses Sudanese intelligence in Iraq" ).

Contrairement à l’administration précédente de Clinton, qui avait donné au Soudan le statut d’Etat paria, l’administration Bush a négocié en 2005 une paix entre le régime de Khartoum et les rebelles du sud, le Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLM), le dit « Accord de paix global » (CPA), mettant fin à la plus longue guerre civile en Afrique. Il y a actuellement près de dix mille soldats de maintien de la paix de l’ONU déployés pour faire respecter cet accord. L’une des premières considérations à Washington était que dans une entente de partage du pouvoir le SPLM puisse avoir une partie des richesses pétrolières du Soudan et ouvrir des possibilités aux compagnies occidentales plutôt qu’aux firmes chinoises.

Compte tenu de ces considérations, les Etats-Unis ne voulaient pas d’une intervention de l’ONU au Darfour - en fait, le Darfour avait délibérément été mis de côté lors des négociations sur l’Accord de paix, ce qui a permis au régime soudanais de continuer sa politique de longue date consistant à utiliser des milices locales pour tuer et expulser les villageois. Ceci n’empêchait pas les Etats-Unis d’aller de l’avant pieusement à l’ONU avec des résolutions sur le Darfour, sachant que la Chine et la Russie imposeraient leur veto.

Il se pourrait bien qu’il y ait maintenant un virage politique et que la balance penche en faveur des sections de l’élite dirigeante américaine, spécialement au sein du parti démocrate, qui demandent une intervention militaire. A part les conflits au sein de l’administration américaine, cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs ayant trait au Soudan lui-même.

Premièrement, le conflit au Darfour est devenu de plus en plus complexe et violent. L’intervention de maintien de la paix de l’ONU a été mise en oeuvre sans même qu’il y ait une entente de paix en place. En mai de l’an dernier, sous les auspices des Etats-unis et de la Grande Bretagne, une entente avait été conclue entre le gouvernement soudanais et l’un des mouvements rebelles du Soudan, mais les deux autres mouvements le rejetèrent, faisant échouer l’entente.

Au lieu d’être limités à un affrontement entre ces groupes rebelles et la milice arabe janjawid épaulée par le gouvernement, la plupart des conflits se passent cette année entre des groupes arabes rivaux. Il y maintenant plus de 12 groupes rivaux, certains ayant des liens avec le gouvernement du Tchad, qui est de plus en plus impliqué dans le conflit. Ces groupes ont maintenant été invités aux pourparlers de Arusha en Tanzanie.

Un des dirigeants rebelles en vue, Abdel Wahed Mohamed el-Nur du Mouvement de libération du Soudan, a refusé d’y participer. Un autre dirigeant, Suleiman Jamous, est retenu à Khartoum par le gouvernement. Il semble peu probable qu’une entente de paix significative puisse être conclue dans un futur rapproché.

Deuxièmement, l’Accord de paix global entre le nord et le sud craque de tous côtés et il est possible que le conflit entre Khartoum et le SPLM recommence. Le gouvernement soudanais était supposé retirer en juillet ses troupes des régions du sud. Selon le dernier rapport de l’International Crisis Group, cela ne s’est pas produit dans les régions productrices de pétrole. L’ ICG note également que les paiements de Khartoum au gouvernement régional du sud, censés représenter sa part des revenus du pétrole, vont en diminuant.

Troisièmement, le régime soudanais est lui-même de plus en plus instable. A cause de la grande disparité de revenus entre les cercles gouvernementaux qui profitent de la manne du pétrole et le reste de la population, le régime est en train de perdre toute base d’appui. En plus du Darfour, il y a des conflits ou des conflits potentiels moins publicisés dans plusieurs autres parties du pays, le grand nord, l’est du Soudan et la région de Kordofan.

Quelles que soient les machinations des cercles dirigeants américains, la principale préoccupation des gouvernements américain et occidentaux comment freiner l’implication croissante de la Chine au Soudan et dans une bonne partie de l’Afrique. Contrairement au Fonds monétaire international, épaulé par les États-Unis, la Chine n’a pas fait d’exigences aux gouvernements africains pour qu’ils acceptent une politique de libre marché au nom de la « bonne gouvernance » avant de leur accorder des prêts ou du financement. Elle a aussi investi dans une gamme de projets d’infrastructure et fait une cour assidue aux dirigeants africains, évitant les références habituelles et hypocrites aux droits de l’homme faites par l’Occident.

Tel qu’expliqué dans un livre récent : « Pour les politiciens et décideurs occidentaux, le profil montant de la Chine dans l’exploitation du pétrole africain représente plus qu’une menace commerciale pour les entreprises occidentales. La dépendance croissante de Pékin sur le pétrole africain l’a lancé sur une trajectoire menant à une collision frontale avec les priorités politiques des Etats-Unis pour le continent. De nombreuses voix se sont élevées à Washington, allant des députés aux chroniqueurs, pour se plaindre de la volonté de la Chine à faire affaire avec des pays que les Etats-Unis cherchent à pressurer ou isoler. » [1]

Le gouvernement soudanais a accordé des concessions de pétrole partout au Darfour et dans d’autres parties du pays, anxieux d’aller au-delà de ses champs de pétrole actuels qui ont atteint leur production maximale. Mettre cette manne potentielle de pétrole sous la supervision de l’ONU et la rendre sujette à l’exploitation des gouvernements occidentaux plutôt que la Chine, tel est l’un des motifs clés de l’ intervention projetée de maintien de la paix.




Darfour : les enjeux du conflit meurtrier, par Jean Nanga.

Darfour : simplification et moralisation du conflit, par Réseau Voltaire.

Pourquoi le Soudan ? par Karen Kwiatkowski.






[1Untapped : The Scramble for Africa’s Oil by John Ghazvinian, Harcourt, 2007.


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