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Espagne : la rage des expulsés contre le terrorisme financier des banques

Pendant des mois, des centaines, des milliers de personnes se sont mobilisés contre les expulsions tout en dénonçant le rôle des banques. Mais une violente colère a explosé durant la nuit à Barakaldo. Samedi matin (10 novembre, NDLR), des dizaines de succursales bancaires dans la zone industrielle de la ville de Bilbao et plus largement dans le reste du Pays basque ont été couvertes d’inscriptions sans équivoque rédigées en langue basque et en espagnol : "hiltzaleak", "asesinos" : « assassins »

La vague d’indignation a été déclenchée par la mort d’Amaia Egana. Cette femme de 53 ans s’est défenestrée après qu’un huissier accompagné d’officiers de police ont pénétré dans son appartement situé au quatrième étage pour procéder à son expulsion.

Les graffitis laissés en masse sur les vitrines des banques et les distributeurs automatiques de billets a été revendiquée par la plate-forme « Stop Desahucios Bizkaia », un collectif qui lutte pour bloquer les expulsions effectuées depuis quelques mois dans la province de Bilbao, comme cela est arrivé ailleurs. Son porte-parole, Marta Uriarte, a parlé de terrorisme financier, dénonçant les profits exorbitants réalisés sans scrupule sur le dos des pauvres gens qui, du fait de la crise et du chômage, ne peuvent plus se permettre de rembourser les prêts magnanimement accordés par les institutions financières à des taux (et à des pénalités) pouvant avoisiner les 20 %.

A Barakaldo, il y a avait près de 10.000 personnes à défiler, la rage au ventre et le coeur brisé par l’émotion, en signe de protestation contre le chômage, les expulsions et les coupes dans les budgets sociaux. Amaia a vécu avec son mari et son fils de 21 ans, jusqu’à ce vendredi matin où son sort bascula. Une délégation de personnes expulsées est partie le 12 novembre de Barakaldo pour manifester à Madrid sous le siège national du parti populaire de Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol. Pour crier la haine vis-à -vis d’un gouvernement qui a donné des milliards d’euros aux banques mais qui n’a ni fourni les aides économiques aux familles en proie à des emprunts toujours plus pesants, ni mis en oeuvre les mécanismes législatifs pour arrêter les expulsions par la force publique.

Le parti socialiste, sentant qu’il a un coup à jouer, ne manque pas de se faire l’écho de la colère populaire, exploitant le fait que la victime était depuis quelques années la conseillère municipale socialiste de la ville d’Eibar. Mais les membres du collectif « Stop Desahucios Bizkaia » ont explicitement invité le parti de Rubalcaba (secrétaire général du PSOE), aussi libéral et européiste que le parti populaire de Mariano Rajoy, à ne pas tirer profit de la mort de cette femme à des fins de propagande.

Dans l’État espagnol, la mort d’Amaia Egana est la seconde liée au scandale des expulsions en quelques jours. Un homme de 54 ans originaire de Grenade (Andalousie) l’avait précédée le 25 octobre ; il s’est pendu peu avant l’arrivée de la police. Le lendemain, un autre expulsé avait tenté de se suicider en Burjassot (province de Valence).

Les combats du collectif « Stop Desahucios Bizkaia » ne sont plus seulement dirigés contre les banques et les gouvernements locaux ou nationaux. Ils visent également à atténuer le désespoir qui pousse certaines personnes à franchir le pas fatidique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces derniers temps se sont multipliés de toutes parts les appels à s’organiser et à faire bloc contre les huissiers de justice.

Les revendications du mouvement contre les expulsions, soutenues par certains syndicats et quelques partis de gauche, ont trouvé un soutien pour le moins inattendu de la part de la Cour européenne de Justice. Cette dernière, dans un jugement rendu il y a peu, a en effet estimé que la législation espagnole qui réglemente la question des expulsions était juridiquement non applicable (elle date de 1909 !). Le cas d’Amaia Egana est emblématique à cet égard. Bien qu’il n’eût pas encore été procédé à l’expulsion, la banque est devenue propriétaire du bien immobilier en raison du non-paiement de l’hypothèque. La Caixa avait mis en vente l’appartement depuis au moins un an, sans même accepter ni un ajournement ni aucune autre forme de renégociation de la dette.

Le gouvernement de Mariano Rajoy, face aux difficultés rencontrées, a annoncé qu’il retoquerait la loi en question, se gardant néanmoins d’annoncer ce qu’il avait prévu de faire. Dans le même temps, certaines banques ont commencé, pour éviter peut-être d’être une cible de protestations plus radicales, de répondre à certaines des exigences du collectif. La caisse d’épargne basque Kutxabank, par exemple, a décidé de suspendre toutes les procédures d’exécution d’hypothèques jusqu’à ce que le gouvernement précise clairement ses intentions. D’autres banques ont annoncé des mesures similaires. Il faut savoir que beaucoup de maisons saisies par les banques aux expulsés à cours d’argent restent invendus ou sont vendues aux enchères à quelques dizaines de milliers d’euros. L’Espagne est en effet en proie à une crise noire, et le prix de l’immobilier s’est logiquement écroulé sous l’effet du taux de chômage (il dépasse les 25 % au troisième trimestre)… tout comme les achats immobiliers.

Pour faire bonne mesure, l’association espagnole des établissements bancaires a annoncé lundi 12 novembre, pour des raisons humanitaires, un moratoire de deux ans concernant les cas d’extrême nécessité. Elle ne précise bien entendu pas les critères définissant ces cas. En mars, le gouvernement avait déjà mis en place un code des bonnes pratiques qui incitait les banques à geler les expulsions dans les cas extrêmes, mais si restrictif qu’il a été peu appliqué.

La situation est si grave que ce sont souvent les juges eux-mêmes qui demandent au gouvernement et aux autorités locales de prendre des mesures pour prévenir des expulsions. Et, dans bien des cas, la dette auprès des banques n’est nullement éteinte ; les contrats signés par toute personne qui demande un prêt hypothécaire permettent aux institutions, une fois l’appartement saisi et vendu aux enchères, d’exiger des entrepreneurs à payer la différence entre ce qui est fruit de la vente aux enchères et l’évaluation initiale de la propriété.

Dans toute l’Espagne, ce sont déjà 350.000 familles qui ont été jetées sans tambour ni trompette à la rue. Nous saurons dans les quelques jours qui suivent si la mort d’Amaia Egana aura servi à quelque chose...

Capitaine Martin

Résistance http://www.resistance-politique.fr/article-espagne-la-rage-des-expulse...

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