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Et si nous admettions nous être trompés ?

Le capitalisme me fascine : le pouvoir de l’argent est tel qu’il fait perdre la raison à tous, que vous soyez pauvres ou riches, de gauche ou de droite, blanc ou noir, juif ou musulman. Vous en avez envie, et si vous n’en avez pas envie vous en avez besoin. Impossible de s’en passer, impossible d’y résister, il vous en faut, ne serait-ce que pour survivre. Plus on s’en approche, plus on en devient dépendant. D’ailleurs, les analogies avec la drogue sont nombreuses, et il est bien certain que le problème avec l’argent n’est pas d’en obtenir, mais bien plutôt de savoir s’en passer.

C’est le monde entier qui fonctionne désormais ainsi, car le système capitaliste a profondément marqué votre esprit, et même votre inconscient. Il a réussi à remplacer chez vous les notions de don, de partage et de fraternité par celles de l’échange, de l’individualisme et de la concurrence. A l’intérieur de vous-même, que vous le vouliez ou pas, vous êtes contraints de réfléchir en ces termes, car le capitalisme fonctionne ainsi : c’est vous ou «  eux », et il vaut mieux que ce soit VOUS.

La valeur de l’être humain en a elle-même été modifiée, car elle n’est aujourd’hui jugée que selon des critères "calculables", financiers donc. Ce qui compte aujourd’hui n’est plus ce que vous êtes, mais ce que vous faites. Toutes vos actions ne sont plus dirigées que par un critère ultime, qui détermine votre place au sein de la société : votre compte en banque. Si ce que vous faites rapporte de l’argent, alors vous êtes «  un type bien », tandis que si vous n’êtes que «  un type bien » sans argent, vous ne valez rien. Non seulement aux yeux des autres, mais même à vos propres yeux.

Mais si nous nous étions trompés ? Si, au lieu de nous avoir été profitable, le système capitaliste nuisait en définitive au bon fonctionnement de la société, de l’humanité ?

Même de bonne foi, imaginez qu’Adam Smith se soit trompé, et que toute son histoire de «  main invisible » soit une erreur... Ce n’est pas si compliqué, il n’y a qu’à regarder autour de soi pour le comprendre : les promesses du système capitaliste n’ont pas été tenues, et il semblerait que la tournure que prennent les évènements nous démontre qu’à terme nous allions droit dans le mur : les valeurs sur lesquelles reposent le capitalisme sont, d’un point de vue global (mondialisé) incompatibles avec la satisfaction de l’intérêt général.

Cette hypothèse retenue, que fait-on après ? On continue à foncer droit dans le mur en fermant les yeux ou on essaie de freiner avant l’impact ?

Mais il n’est pas si facile d’admettre que l’on s’est trompé. C’est qu’à force de se considérer selon la valeur de son compte en banque, il serait une humiliation insupportable que de reconnaître qu’à part ce dernier, nous n’avons pas forcément grand chose à exhiber pour nous rassurer. Bien que le simple fait de le reconnaître soit une preuve suffisamment grande de notre «  substrat » d’humanité, pour certains cela signifierait de remettre toute leur vie en cause, et d’y rechercher un sens qu’ils n’y trouveraient plus : le vide absolu, le néant, une vie «  pour rien ». Les plus investis seraient sans doute les plus retors, mais pourquoi continuer à persister dans l’erreur ?

Et pire encore, que penser d’une humanité qui dans son ensemble se serait ou trompée, ou laissée berner par un système qui ne tient pas, et ne pouvait pas tenir ses promesses ? En s’apercevant, en reconnaissant que le capitalisme n’est pas le système qu’on croyait capable d’apporter le bonheur à tous, alors nous devrions remettre en cause des milliers d’années de civilisation, de progrès technique et social, de guerres inutiles et de famines inacceptables. Sans compter notre lâcheté collective : plutôt que d’admettre au plus tôt que nous n’étions pas sur la bonne voie, nous avons préféré nous mentir à nous-mêmes en tentant d’inverser la courbe sans jamais remettre en cause l’erreur primordiale sur laquelle repose toutes les autres : l’argent qui de moyen est devenu fin, comme il était inscrit dans ses «  gênes » (et contre lequel on a mis en garde il y a plus de 2000 ans). Perdus face à une réalité infiniment complexe, nous avons préféré continuer dans cette voie plutôt que d’en chercher une meilleure, parce qu’il était beaucoup plus facile de mentir et de tromper que de rechercher d’autres modes de fonctionnement. La guerre est plus facile à faire que la paix.

Mais nous aurons bon chercher tous les «  autres » coupables du monde, stigmatiser certaines minorités ou faire toutes les guerres pour y trouver le responsable, nous n’en deviendrons pas meilleurs, ni même plus avancés. Car le véritable problème est l’argent. L’argent qui nous a été utile un temps, mais qui nous est devenu indispensable : les hommes sont trop faibles pour lui résister. Quand nous accédons à l’argent, nous perdons nos repères et la notion des valeurs qui vont avec. Nous adoptons tacitement les règles du «  jeu » capitaliste, et les faisons nôtres. Nous nous «  déshumanisons » à mesure que nous intégrons les modes de pensée qui permettent d’accéder à la «  réussite », celle que le capitalisme considère comme telle en tous cas, la réussite financière, au mépris de toute autre considération. L’argent est une substance nocive qui corrompt les coeurs et les esprits. Il nous faudra bien apprendre à nous en séparer, au moins pour ne pas tout détruire. Toutes les injustices, toutes les guerres et toutes les famines, tous les maux humains ne proviennent, au bout du compte, que de l’argent qui, de main en main, de lieu en lieu, corrompt tout ce qui le touche.

Si nous remettions tout cela en question, sans doute alors nous serions tous considérés comme responsables du plus grand crime qui soit, c’est à dire de nous savoir coupables sans réussir à changer notre comportement criminel (y compris vis à vis du climat et de la planète, et de nos descendants...).

Mais changer nos comportements implique la reconnaissance de notre erreur, et de celle de tous, et de tous ceux qui nous ont précédé. Cela implique une remise en question totale de toute l’histoire humaine, de toutes nos valeurs et de tous nos désirs. Cela implique d’assumer un passé fait de misères et de guerres inutiles, de massacres honteux ou de calculs stériles, mais c’est seulement en agissant ainsi que nous pourrions avancer : nous serions alors déjà un peu plus humains.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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COMMENTAIRES  

16/05/2011 22:32 par Anonyme

Article qui part de bonnes intentions mais qui fait porter sur les "épaules" de l’argent d’autres vices plus fondamentaux qui sont de l’ordre du pouvoir, de la domination, voire de la distinction sociale. Les questions qui sont très justement soulevées au sujet de la déshumanisation progressive de nos sociétés ne trouvent pas leurs réponses dans les "2000 ans" cités (qui doivent, je pense, référer aux marchands du temple). Ces questions me semblent inhérentes aux groupes sociaux, et les penchants dénoncés doivent être résolus par la question du politique, de l’organisation sociale. L’argent comme valeur d’échange des biens et des services n’est pas la source de l’individualisme, il ne faut pas faire de tels raccourcis.

17/05/2011 01:00 par Anonyme

Le monde entier ?

NON ! Une petite île peuplée d’irréductibles cubains resiste encore et toujours à l’envahisseur.

17/05/2011 10:27 par babelouest

Contrairement à ce que pense un commentateur anonyme, l’argent est bien un fléau, dans la mesure où il donne une pseudo-valeur d’échange à des choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Ce qui est le plus sain, c’est le don. Je te donne une chose, un coup de main, on un fruit, tu me donnes à une autre occasion une autre chose.... mais les deux actions ne sont pas liées. Dans la vie, dans le monde, chacun a une tâche à accomplir, selon le besoin, le moment, et la possibilité qu’il a de l’accomplir. C’est ainsi qu’il faudrait que les choses fonctionnent. Pas le troc, non, le don. Certaines tribus "vierges" fonctionnent encore ainsi. Et si par exemple, il fallait des guetteurs la nuit, qui ne pouvaient donc pas recueillir la nourriture le jour, les cueilleur du jour ne laissaient pas pour autant ces guetteurs sans nourriture. Tout simplement parce que c’était nécessaire, et non pour les "payer". L’enfant paie-t-il sa mère pour le changer ?

L’argent désolidarisé de l’action, thésaurisable, est déjà le premier pas vers le PROFIT, donc le capitalisme. C’est donc là qu’il faut commencer par frapper. Une bonne approche pouvait résider dans les Cercles de Bakounine, en russe les Soviets, ce concept que Lénine a sciemment perverti pour les détruire parce qu’ils niaient son pouvoir SUR eux. Ce qu’il faut, c’est pouvoir ensemble, avec les autres humains et en parfaite égalité. A chacun, selon ses possibilités, sa tâche, en harmonie avec les autres tâches accomplies par tous selon les possibilités de chacun.

Révolutionnaire ? Oui, un peu.

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