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Face à l’Iran, l’empire a toujours cherché à jouer le rôle de monarque

Winston Churchill fut nommé Premier Lord de l’Amirauté en 1911, devenant ainsi le commandant civil de la Royal Navy britannique et impulsant d’importantes réformes et modernisations au sein de cette dernière. La Première Guerre mondiale, qui allait se dérouler de 1914 à 1918, se profilait déjà. L’une des décisions les plus marquantes de Churchill fut la transition des navires à charbon aux navires à pétrole, qui transforma radicalement la géostratégie mondiale.

Bien que cet empire fût déjà en déclin, Sa Majesté continua d’exercer une influence sur une grande partie du monde, directement ou indirectement, principalement dans des régions où le pétrole était aussi abondant que l’air : le Moyen-Orient, où il suffisait désormais d’exercer une influence décisive pour faire bouger le monde. Cela fut fait en collaboration avec son ancienne colonie, l’empire naissant, les États-Unis.

Suite à la découverte d’un important gisement pétrolier à Masjid Soleiman, en Perse (aujourd’hui l’Iran), l’Anglo-Persian Oil Company fut fondée le 14 avril 1909. Cinq ans plus tard, Londres acquit 51 % des parts de la société, assurant ainsi son contrôle. L’approvisionnement en pétrole de la Royal Navy britannique et de tout allié que Sa Majesté pourrait choisir pendant la Première Guerre mondiale était déjà assuré. Cette société inaugura l’extraction pétrolière en Iran, qui, en 1935, serait rebaptisée Anglo-Iranian Oil Company, puis British Petroleum, BP.

Une fois la guerre terminée, comme s’il s’agissait d’un moment de loisir, tandis qu’il regardait la fumée de ses cigares se dissiper, Churchill commença à créer des nations et à reconfigurer les frontières, en fonction des intérêts économiques de Sa Majesté et des demandes qu’il avait acceptées de plusieurs princes arabes amis. Avec la complicité de la France, l’Irak, la Jordanie, la Syrie, le Liban et le Mandat britannique en Palestine étaient nés.

Les réalités ethniques, tribales, religieuses et même linguistiques n’avaient aucune importance, ou alors les experts de Londres et de Paris ne les comprenaient tout simplement pas ; il suffisait qu’ils répondent à leurs intérêts. Cela a donné lieu à de nombreux conflits, tels que nous les connaissons encore aujourd’hui.

Churchill soutint dès 1917 l’idée d’un « Foyer national juif » en Palestine, alors sous contrôle de l’Empire ottoman. Au sein du gouvernement britannique, il était rare de trouver quelqu’un qui s’y opposât. Et c’est lors de sa visite à Jérusalem en 1921, en tant qu’allié clé et défenseur du sionisme, que Churchill déclara son soutien à la cause : « Mon cœur est rempli de sympathie pour le sionisme. L’établissement d’un Foyer national juif en Palestine sera une bénédiction pour le monde entier. » Sous protection britannique, bien sûr.

Churchill participa ensuite à la définition des frontières, mais aussi des fondements administratifs, du futur État. La création officielle d’Israël eut lieu le 14 mai 1948, lorsque les dirigeants juifs de Palestine proclamèrent l’indépendance, un jour avant le retrait britannique du Mandat de Palestine.

Et le calvaire commença pour le peuple palestinien et la déstabilisation de la région en raison de l’avidité extrême et violente pour le pouvoir territorial qu’incarne le sionisme, ce qui est très différent d’être juif.

Au cours de tous ces processus, le gouvernement britannique occupa une position dominante en Iran, influençant toute sa vie politique et économique. Rien ne pouvait être fait en Iran si cela ne convenait pas à Londres et sa compagnie pétrolière.

Tout allait pour le mieux pour les intérêts britanniques et leurs partenaires en Iran jusqu’à l’élection démocratique de Mohammed Mossadegh au poste de Premier ministre en avril 1951. Il commit le péché impardonnable de nationaliser l’industrie pétrolière. Cette mesure souveraine exigeait le paiement du coût réel du pétrole et de ses dérivés, car les Britanniques avaient pour habitude de tout prendre comme si c’était leur propriété, sans rendre de comptes à personne.

Les Britanniques demandèrent l’aide de Washington, qui délégua le renversement de Mossadegh à la toute nouvelle Agence centrale de renseignement (CIA). Entre le 15 et le 19 août 1953, elle organisa le coup d’État en Iran, avec le soutien du MI6 britannique.

Non seulement il s’agissait de la première action secrète des États-Unis visant à renverser un gouvernement étranger en temps de paix, mais l’« opération Ajax », comme elle fut baptisée, marqua le début de la « guerre intégrale ». Depuis lors, jusqu’à la rédaction de ce texte, elle a été adaptée et perfectionnée pour répondre à l’évolution des besoins, et a été utilisée partout dans le monde, notamment en Amérique latine contre des gouvernements démocratiques qui ne plaisaient pas à Washington.

La guerre intégrale utilise les médias pour déformer les réalisations et les objectifs d’un gouvernement ; elle utilise la psychologie pour gagner le cœur et l’esprit du peuple. Elle exploite les besoins fondamentaux du peuple ; versement de pots-de-vin aux politiciens et aux militaires ; si nécessaire, elle recourt à des actions terroristes et au recours à des paramilitaires ; et, surtout, elle mobilise des manifestants, payés par la CIA, pour créer des troubles et justifier l’intervention, y compris des organisations et des partis de gauche.

Ils installèrent ensuite Mohammad Reza Chah Pahlavi comme empereur, dont le règne fut marqué par une autocratie croissante et la soumission totale de l’Iran à Londres et à Washington. Alors que le monarque allait devenir l’un des hommes les plus riches du monde, l’Iran était peuplé de pauvres et d’exclus.

Comme prévu, sous le régime du Shah, les relations entre l’Iran et Israël étaient cordiales, avec des liens diplomatiques et commerciaux étroits. Après la Turquie, l’Iran fut le deuxième pays à majorité musulmane à reconnaître l’État d’Israël. Il est logique que cette alliance soit en grande partie due au fait que les deux pays étaient des alliés de Washington et de Londres.

Pendant ce temps, depuis son exil à Paris, l’ayatollah Khomeini gagnait le soutien d’un nombre croissant d’Iraniens qui considéraient l’occidentalisation proposée par le monarque comme une insulte à l’islam. Ses discours et sermons, enregistrés sur des centaines de cassettes, circulaient clandestinement dans tout le pays, écoutés par les ouvriers, les paysans, les étudiants, autrement dit, les démunis de cette nation riche.

La répression et l’accumulation de tensions sociales, politiques et religieuses conduisirent à la révolution iranienne de février 1979, qui mit fin à trente-sept ans de dictature du « roi gâté de l’Occident ». C’est ainsi qu’est née l’actuelle République islamique d’Iran.

Et la colère de l’Occident a commencé. Sa première action étant d’utiliser tous les médias pour attaquer, jour après jour, l’image du nouveau gouvernement, le faisant passer pour un État terroriste, peuplé de fondamentalistes islamiques déchaînés. Et l’Occident et ses médias l’ont presque fait croire au monde entier.
Tout a changé avec la Révolution islamique. Le nouveau gouvernement considérait Israël comme un « régime illégitime » et un oppresseur du peuple palestinien, cédant l’ambassade israélienne à Téhéran à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). L’Iran adopta une position ouvertement antisioniste, rappelant les origines sionistes d’Israël. Mais Iran s’opposa également à « l’impérialisme » étasunien.

Dans ce contexte, l’Irak envahit l’Iran de manière inattendue en septembre 1980. Son prétexte était les conflits territoriaux et l’influence négative que la révolution pourrait avoir sur son pays et la région. Washington, profondément préoccupé par l’énorme flux de pétrole perdu en Iran, avait poussé son proche allié Saddam Hussein à mener une guerre par procuration. Washington assura à Hussein qu’il s’agirait d’une guerre brève, car il bénéficierait du soutien de l’Occident en matière d’armement, renseignements et images satellite.

L’« aide » comprenait également des armes chimiques, qui furent utilisées par Bagdag contre des milliers d’innocents : la presse cria naturellement au scandale en accusant l’Iran, de sorte que l’image de Téhéran continua à se dégrader. Des années plus tard, lorsque la vérité est apparue, la presse n’a pas voulu la dire.
Tout cela, ajouté à l’isolement international instauré par l’Occident à l’égard de l’Iran, aurait facilité les choses pour gagner la guerre. Mais cela n’a pas été le cas : elle a tenu huit ans, se heurtant à une résistance iranienne plus forte que prévu.

Des analyses ultérieures ont montré que l’Iran résista grâce à la mobilisation populaire et à la structure des Gardiens de la Révolution, tandis que l’Irak bénéficiait du soutien d’autres pays arabes et, en particulier, des États-Unis et de leurs alliés occidentaux.

Les États-Unis n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. Ils l’ont eux-mêmes répété à maintes reprises. Henri Kissinger l’a pourtant exprimé plus clairement : être notre ennemi est mauvais. Être notre allié est fatal.

Pendant la guerre Iran-Irak, le président Ronald Reagan a insisté par tous les moyens, s’appuyant sur son passé de mauvais acteur, sur le fait que l’Iran et son chef spirituel, l’ayatollah Khomeini, étaient le diable vivant. Selon lui, et ses alliés perroquets, tous les malheurs pour l’avenir de l’humanité pourraient venir de l’Iran.

En novembre 1986, un article ébranla les fondements du pouvoir à Washington, ciblant directement Reagan, son vice-président Bush et toute son équipe du Conseil de sécurité nationale. Il avait été publié par un journal libanais à faible tirage : les États-Unis vendaient des armes au « diable ». Pour couronner le tout, nombre de ces armes parvenaient à ce « démon » via... Israël !

Si Reagan a pu terminer son mandat, c’est grâce à un compromis avec le parti démocrate et d’autres puissances secrètes de ce pays, car les preuves étaient irréfutables. Ce fut un nouveau scandale, mais bien pire que celui qui avait coûté la présidence à Richard Nixon. C’était déjà trop pour la “démocratie” tant vantée de ce pays.

Bien que Reagan et ses complices aient justifié les ventes d’armes en affirmant qu’elles visaient à faciliter la libération des citoyens étasuniens kidnappés par des milices chiites au Liban, prétendument alliées à l’Iran, peu y ont cru. On a également avancé, sans grand succès, que cela empêcherait l’Union soviétique d’étendre son influence en Iran. Ils ont également allégué que ces relations clandestines avec Iran permettraient aux États-Unis de retrouver une présence dans ce pays clé de la région, riche en pétrole.

La situation semble simple aujourd’hui, mais comme l’a révélé l’enquête du Sénat des EU, sur ce qui est devenu connu sous le nom d’Irangate ou IranContra, l’affaire ait été très grave : un tsunami de corruption et de trahison de la nation, depuis le sommet du pouvoir.

En 1979, les sandinistes avaient mis fin à la dictature de Somoza, autre favori de Washington, en s’emparant du pouvoir. Un an plus tard, Reagan prenait ses fonctions et décidait de la renverser en priorité, car le communisme venu d’Union soviétique atteindrait le Texas depuis le Nicaragua, répétait-il à la télévision, et tout le monde le croyait.

Reagan et son Conseil national de sécurité formèrent « La Contra », un groupe paramilitaire entraîné, contrôlé et financé par les États-Unis. Mais le Congrès lui interdisait toute aide autre qu’« humanitaire ». Reagan et ses hommes se sentirent pieds et poings liés, voyant déjà l’Armée rouge défiler à Washington.

Que s’est-il passé ? A la fin 1981, le Conseil de sécurité nationale décida de négocier avec les Iraniens : nous leur vendrions les armes dont ils pourraient avoir besoin dans la guerre déclarée par l’Irak. Bien que réticent, l’Iran accepta. Par l’intermédiaire de marchands d’armes et de conseillers du Conseil de sécurité nationale, cet échange débuta en 1984, malgré l’embargo sur les armes imposé la même année par le Congrès étasunien, après que l’Iran eut été désigné comme État soutenant le terrorisme.

L’implication d’Israël commença à se faire jour l’année suivante. L’opération, hautement secrète, était dirigée par un super-comité israélien dirigé par le Premier ministre de l’époque, Shimon Peres. Comme à la Maison Blanche, ses propres contrôles internes furent ignorés. La CIA et le Mossad exécutèrent la vente d’armes. Celle-ci comprenait des missiles antichars et antiaériens, des pièces détachées d’avions et d’autres équipements militaires puissants.

Le surplus de la vente de ces armes devait être utilisé secrètement pour armer la Contra, dans la guerre contre le gouvernement Sandiniste. Seul le scandale politique qui éclata mit un terme à cette opération.

Pourquoi Israël a-t-il participé à cette opération ? Parce qu’il considérait l’Irak comme une menace pour sa propre sécurité, et non pas tant pour l’Iran révolutionnaire. Comme les temps ont changé ! À l’époque, l’Irak était considéré comme le pays arabe le plus puissant militairement et n’était pas très favorable à Israël, même si Saddam Hussein était un autre dictateur favorisé par Washington. Une victoire irakienne renforcerait sa position de puissance régionale. Aider l’Iran faisait donc partie intégrante de sa propre sécurité.

Curieusement, au milieu du scandale Iran-Contra, Israël et les États-Unis ont commencé à raconter l’histoire, et leurs perroquets à le répéter, selon laquelle l’Iran serait capable de produire des bombes atomiques...

 https://venezuela-news.com/contra-iran-el-imperio-siempre-ha-intentado-ser-monarca-por-hernando-calvo-ospina/
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