Plein écran
14 commentaires
L’art de la guerre

Impérialisme olympien (Il Manifesto)

Parmi les équipes présentes aux Jeux Olympiques de Londres, il y en a une, multinationale, formée de journalistes qui, entraînés par des coach politiques, excellent dans toutes les disciplines de la falsification. La médaille d’or revient aux Britanniques, premiers dans la discréditation des athlètes chinois, décrits comme des «  embrouilleurs, farces de la nature, robots ».

Une seconde après que la nageuse Ye Shiwen a gagné, la BBC a insinué le doute du dopage. Le Mirror parle de «  brutales fabriques d’entraînement », dans lesquelles les athlètes chinois sont «  construits comme des automates » avec des techniques «  aux limites de la torture », et d’ «  athlètes génétiquement modifiés ». La médaille d’argent va au Sole 24 Ore [1] qui, par son envoyée Colledani, décrit ainsi les athlètes chinois : «  La même tête carrée, la même concentration militaire, photocopie les uns des autres, machines sans sourire, automates sans héroïsme », créés par une chaîne de montage qui «  produit des gosses comme des boulons », en les obligeant au choix : «  plutôt que la faim et la pauvreté, mieux vaut la discipline et le sport ».

Il y a à Londres une nostalgie des belles années d’antan, quand au 19ème siècle les Chinois étaient «  scientifiquement » décrits comme «  patients, mais paresseux et fripouilles » ; quand les impérialistes britanniques inondaient la Chine de leur opium, en la saignant à blanc et en l’asservissant ; quand, après que les autorités chinoises en avaient interdit l’usage, la Chine fut contrainte par la guerre à céder aux puissances étrangères (dont l’Italie) des parties de son propre territoire, définies comme «  concessions » ; quand à l’entrée du parc Huangpu, dans la «  concession » britannique à Shanghai, se trouvait le panneau «  Entrée interdite aux chiens et aux chinois ».

Quand elle se fût libérée, en 1949, la nouvelle Chine, n’étant pas reconnue par les Usa et leurs alliés, fût de fait exclue des Jeux Olympiques auxquels elle ne pût participer qu’en 1984. Depuis lors ses succès sportifs sont allés crescendo. Ce n’est cependant pas cela qui préoccupe les puissances occidentales, mais le fait que la Chine est en train d’émerger comme puissance capable de défier la prédominance de l’Occident à l’échelle globale. Il est emblématique que même les uniformes de l’équipe étasunienne aux J.O. soient made in China. A partir de 2014 ne seront utilisés que ceux made in America, a promis le Comité olympique étasunien, organisation «  no profit » financée par les multinationales. Qui, avec les miettes de ce qu’elles retirent de l’exploitation des ressources humaines et matérielles d’Asie, Afrique et Amérique Latine, financent le recrutement d’athlètes de ces régions pour les faire concourir sous la bannière étoilée. La Chine au contraire considère «  le sport comme une guerre sans usage d’armes », accuse le Mirror. Ignorant que le drapeau olympique a été hissé par des militaires britanniques, qui ont utilisé leurs armes dans des guerres d’agression. La Chine est la dernière à avoir des «  athlètes d’Etat », accuse Il Sole 24 Ore. Ignorant que, sur les 290 olympiens italiens, 183 sont des employés de l’état en habit de membres des forces armées, car celles-là seulement (par un choix politique précis) leur permettent de se consacrer à plein temps au sport. Une militarisation du sport, que le ministre Di Paola appelle «  binôme sport-vie militaire, fondé sur une éthique partagée, caractéristique de l’appartenance à un corps militaire comme à un groupe sportif ».

Alors ce n’est pas une guerre qui a eu lieu contre la Libye, mais un entraînement pour les Jeux Olympiques.

Manlio Dinucci

Edition de mardi 7 août 2012 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120807/manip2pg/14/manip2pz/326939/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Je n’ai pas retenu les noms des journalistes qui, ici, avec une rapidité olympienne, ont repris l’accusation de dopage contre la jeune nageuse chinoise alors qu’elle était encore sur le podium ; les media français se classent très bien aussi dans la course aux médailles de la falsification et du ragot les plus minables.

Mais du coup les jeunes athlètes chinois, qui classent leur pays en tête du palmarès général, échappent à la question redoutable de nos grands journalistes après chaque victoire française : ’Pouvez-vous nous décrire votre émotion ?’ : ’voilà ’, ’génial’, ’que du bonheur’ ’j’ai tout donné’ et gratitude, lourdement suggérée par le journaliste, envers leurs parents, tellement peu discrets dans les gradins qu’il est impossible, de toutes façons, de les oublier.

On peut s’attendre au pire -de la part de nos media- si un athlète syrien monte sur un podium ; pourtant ’Ce serait formidable d’entendre l’hymne national syrien résonner à Londres, a raconté (sic) à l’AFP Ghofrane Mohammed, qui, à 23 ans, participe pour la première fois à des Jeux. Le monde entier saura que nous avons pu nous entraîner et participer malgré la crise’ (suite de l’article, modèle du genre, sur http://www.france24.com/fr/20120726-athletes-syriens-porte-drapeaux-regime-CIO-politique )

Sous réserve de confirmation, on verra sur http://www.ism-france.org/temoignages/Les-athletes-de-Palestine-aux-Jeux-Olympiques-2012-a-Londres-et-le-debut-des-effets-boycott-pour-ceux-de-l-entite-sioniste-article-17231 de quelle façon subtile se place le Qatar pour se classer avantageusement (et devant le Hamas) en Palestine occupée : ’Maher Abu Rmeileh (judo), Baha Alfarra (400m), Woroud Sawalha (800m), Sabine Hazboun (50m nage libre), et Ahmed Gebrel (50m nage libre) participent cette année au JO de Londres, après s’être entraînés à l’extérieur de leur pays occupé, dans des centres sportifs mis en place pour eux par le Comité olympique palestinien, répartis entre l’Espagne, le Qatar et l’Ouzbékistan’...

Sans commentaire.

m-a

Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

08/08/2012 08:37 par babelouest

La Chine et ses citoyens, brocardés par des plumitifs descendants des condescendants lanciers du Bengale et autres troupes d’occupation de l’Inde, des envahisseurs qui abrutirent d’opium l’Empire du Milieu il y a un siècle et demi... lui qui n’a envahi personne.

Voilà qui n’est pas très "sport", et s’avère même shocking, Gentlemen. Allez vous rhabiller, avec votre eau chaude five o’clock et son nuage de lait. Le dernier qui sort éteint la lumière. J’ai dit.

08/08/2012 09:18 par CN46400

Merci pour cet article. Que penser du traitement comparé entre les jeunes (moins de 16 ans) nageuses chinoises et américaines ? Et la razia GB sur les médailles cyclistes, on en pense quoi dans nos studios occidentaux ?

Quand aux "délégations fonctionarisées" ; laissons la crise se propager, les crédits publics s’attrophier, et on verra les délégations, y compris occidentales, s’alléger !

08/08/2012 12:35 par Gargamel

Vous avez bien du courage, pour lire des articles de presse consacrés aux Jeux Olympiques...

08/08/2012 14:52 par marie-ange.patrizio

Si vous aviez lu cet article vous sauriez qu’il ne traite pas des JO mais de l’impérialisme qui s’y déploie là comme ailleurs, relayé comme d’habitude par nos media.
Merci à LGS pour la photo de Ye Shiwen ; et à Babelouest et CN46400 pour leurs commentaires. Je viens de les signaler à Manlio Dinucci qui, avec sa femme Carla, a vécu 4 ans en Chine dans les années 60, comme traducteurs aux Editions de Pékin. Les photos que j’ai vues de leur séjour sont splendides : on y voit le bonheur sur le visage de leurs camarades chinois, travaillant en ville et à la campagne, pour construire leur pays délivré de l’impérialisme.
J’espère qu’ils auront le temps, un de ces jours, de raconter cette expérience en l’illustrant de leurs superbes photos.

Vous comprenez que les commentaires racistes et stupides des journalistes (y compris des free-lance embauchés par il manifesto pour rendre compte des JO depuis Londres) ne les laissent pas sans réaction ?
m-a p.

08/08/2012 15:20 par daniel

"Et la razia GB sur les médailles cyclistes, on en pense quoi dans nos studios occidentaux ?"

Faudra bien en parler un jour !...et même en chinois.

08/08/2012 19:16 par Dwaabala

D’abord les chinois y s’ressemblent tous, ils sont comme des boulons, et pi y sont impérialistes, zyeutez-y comment qui treustent les médailles.
Y-s-ont même pas été capabes d’inventer les Zeux Olympiques et y faut qui viennent la ram’ner.
C’est pas d’une de leur nageuses qu’une commentatrice enthousiaste dirait : « et qui plus est Chinoise ! », c’est réservé à l’Amerloque.

08/08/2012 20:29 par Yannik

Les JO c’est la grand-messe du chauvinisme, du pognon, de l’hypocrisie, de la tricherie, des anabolisants et autres cochonneries vétérinaires prises à longueur d’années et soigneusement planquées à la dernière minute pour l’occasion, c’est à gerber quoi ! Parfait pour les beaufs quoi, et ça tombe bien ils adorent ça ces cons…

Attention au Kazakhstan, ils ne sont qu’à deux médailles d’or de la France, deux de plus et les Gaulois ne s’en remettraient pas, déjà qu’ils se sont fait griller en beauté par les Niacs de Corée du sud... Hé, hé !

09/08/2012 07:40 par calame julia

Les commentateurs italiens des J.O.! Un monde où se révèle, finalement,
l’esprit d’un pays. Qu’ils se rassurent : nous arrivons à reconnaître
les subtiles variantes des pays européens ! quand eux ne font que constater
les grandes différences.

09/08/2012 08:53 par Yannik

PS :

On notera s’agissant d’hypocrisie que dans ce beau petit hexagone gaulois, pendant les JO les Mamadou, Mokhtar, Nguyen et autres Pouvanaa redeviennent brutalement…. gaulois ! Eh oui, quand il s’agit de célébrer la grand-messe du chauvinisme, il faut bien faire une petite parenthèse obligée dans les bonnes vieilles habitudes du racisme ordinaire et quotidien, mais rassurez-vous, dès les grands jeux du cirque achevés la nature va reprendre ces droits, les mêmes qui s’époumonent aujourd’hui à grands coups de cocoricos auront vite fait de remettre les pendules à l’heure et de vous rappeler que les Nègres, les Arabes et autres Niakoués sont le malheur de la France éternelle.

09/08/2012 10:05 par Alain

Et dans un an, un animateur de Télémarché viendra confesser que Bolt avait le sourire annabolisé et Phelps nageait dans la came.
De toute façon, l’idéal olympique a le bras complètement tordu par tous ces pros riches à millions d’euros qui viennent défendre l’idéal amateur. Il n’y a que les animateurs télé et les consultant grassement payés pour faire semblant d’y croire.

Cerise sur le gâteau moisi, on a droit, au pays des Montiel et des Holtz, à la fresque franchouillarde à chaque fois, alors que FTV comme les autres machines à spectacle s’est évertuée au fil des années à tuer la qualité, à doper la concurrence et à mettre à l’affiche les sports compétitifs à coups de millions d’euros, le sport des spectateurs fortunés.

Ainsi, Télémarché de Pflinlin, après les valeurs prônées la main sur le coeur, a sorti le portefeuille et Mediamétrix, sous l’ex et aujourd’hui sous présidence rose.
Se voient relégués résolument dans l’ombre les sports du partage, du bénévolat, de l’amateurisme noble, au profit sport des élites bourgeoises qui détestent les pauvres, comme les sports pauvres qui mouillent le maillot dans la fraternité, en toute convivialité.

10/08/2012 08:49 par Faverges

« Quand elle se fût libérée [...] fût de fait exclue [...] ne pût participer... »
C’est se fut, fut et put, sans accents circonflexes qu’il faut écrire. Quand elle se fut libérée est le passé antérieur de l’indicatif et exprime un fait réel antérieur à un autre. Quand elle se fût libérée est le plus-que-parfait du subjonctif et exprime un fait irréel dans le passé ; c’est une façon très littéraire de dire Même si elle s’était libérée.
BF

10/08/2012 13:20 par Eric

merci pour cet article
je suis en Chine en ce moment et je suis les JO à travers les athlètes chinois ce qui me permet de découvrir d’autres sports plus populaires tel le Badminton et le tennis de table. les propos de ces journalistes occidentaux sont écoeurants mais pas étonnants quand on les voit à l’oeuvre dans d’autres domaines où ces propagandistes font feu de tout bois.
ainsi ils seraient des automates : pourtant j’ai vu un joueur de badminton fou de joie après sa victoire en finale contre un joueur malaisien, j’ai vu cette joueuse de volley fondre en larmes après une défaite contre des rivales japonaises, ce plongeur inconsolable après avoir perdu contre son rival russe sur un dernier plongeon, ce joueur de tennis de table courir dans tous les sens après avoir battu son compatriote en finale....dans les victoires comme dans les défaites, l’émotion est palpable et intense chez ces athlètes.
La Chine quoique en pensent ces abrutis scribouillards, est une nation sportive. Les Chinois font de l’exercice dans leur quotidien et des appareils sont à disposition dans les rues et les parcs. Jeunes, adultes et veillards font des exercices. Les complexes sportifs sont ouverts et sont bondés le soir. Les gens font de la danse, de la marche, du tennis de table, du foot dans une ambiance de fête.
Eric Colonna

10/08/2012 23:17 par marie-ange.patrizio

HHHHH ! Fut, put, sut, tut, crut, merci B. Faverges, je m’en souviendrai et j’espère que je ne ne le ferai plut. Jamut.
m-a p.

Post scriptum : autre erreur de ma part dans cette traduction : j’ai oublié dans la dernière phrase : « Alors ce n’est pas une guerre qui a eu lieu contre la Libye l’an dernier, mais un entraînement pour les Jeux Olympiques »

12/08/2012 21:23 par REM

USA, Chine, France tous chauvins !! C’est beau l’esprit Olympique ; Ni les sportifs américains, ni chinois , ou de n’importe quel pays me fait rêver !! C’est la drogue du peuple , et ça fonctionne !

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
 Contact |   Faire un don
logo
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft :
Diffusion du contenu autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.