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Italie : et maintenant ?

Que retenir de l’improbable séquence politique italienne qui a multiplié les rebondissements depuis un mois ? Sur quoi peut-elle déboucher ?

Les parlementaires italiens s’apprêtent à voter la confiance au gouvernement formé par l’alliance entre le Mouvement cinq étoiles (M5S) et la Ligue, et dirigé par un juriste novice en politique, Giuseppe Conte.

Ainsi se conclut – provisoirement – une séquence marquée par une succession de trois coups de théâtre. Depuis les élections du 4 mars, la situation politique transalpine semblait bloquée. Mais le 9 mai – premier coup de tonnerre – l’ex-Premier ministre Silvio Berlusconi, angoissé par la perspective d’un nouveau scrutin qui paraissait inéluctable et qui aurait probablement été fatal à sa formation, Forza Italia, donnait son feu vert à la Ligue, son alliée, pour se rapprocher du M5S.

En moins de deux semaines, les chefs du parti fondé par le comique Beppe Grillo, Luigi Di Maio, et de l’ancien mouvement autonomiste du Nord désormais converti en force nationale proclamée anti-Bruxelles, Matteo Salvini, se mettent d’accord sur un programme et sur une équipe gouvernementale. M. Conte, qui n’appartient à aucun des deux mouvements, est pressenti pour diriger celle-ci.

Puis, deuxième tremblement de terre : le président de la République, Sergio Mattarella s’oppose à la nomination de certains ministres, notamment celui pressenti pour le portefeuille des finances, Paolo Savona, jugé trop critique quant à l’euro. Le chef de l’Etat ne s’en cache guère : il relaye le refus à peine voilé de la Commission européenne, comme de Berlin et de Paris, quant à ce cabinet jugé hérétique.

MM. Di Maio et Salvini sont furieux. Ils soulignent qu’une telle attitude bafoue le vote majoritaire des citoyens. Des élections semblent à nouveau inévitables. Tout laisse à penser que, dans cette hypothèse, la Ligue sortirait grande gagnante, capitalisant sur le déni de démocratie. Une hypothèse qui tétanise les élites dirigeantes de l’UE tout comme la classe politique européiste italienne.

S’en suivent alors de discrètes négociations. Ultime coup de théâtre : exit le gouvernement de transition imaginé par le président Mattarella (qui aurait été conduit par une figure emblématique du FMI, une véritable provocation après un vote clairement anti-austérité...) ; et réapparition de Guiseppe Conte, qui, après avoir jeté l’éponge, accepte finalement de conduire une équipe gouvernementale M5S-Ligue. Cette dernière inclut cependant certains désidératas du chef de l’Etat.

Certes, Luigi Di Maio prend un très large portefeuille incluant le travail et le développement économique, tandis que Matteo Salvini hérite de celui de l’intérieur, qu’il guignait. Mais l’éphémère ministre des finances Savona se retrouve finalement aux affaires européennes, un poste important mais moins stratégique. Le nouveau grand argentier, Giovanni Tria, ne remet nullement en cause la monnaie unique. Quant au ministre des affaires étrangères, il échoit à Enzo Moavero Milanesi, qui a appartenu aux très pro-UE gouvernements Monti et Letta, et qui a lui-même longtemps travaillé pour Bruxelles.

Que retenir de ce prologue mouvementé ? Et sur quoi cette configuration inédite peut-elle déboucher ?

Premier constat : le vote des Italiens en faveur de partis réputés « antisystème » et accusés par l’oligarchie d’être anti-UE, n’a pu être ignoré. Cette « alliance populiste et d’extrême-droite qui épouvante l’Europe » constituait bien et reste le pire cauchemar que Bruxelles pouvait imaginer.

En témoigne le concert d’imprécations de la part des dirigeants européen. Parmi tant d’autres, l’actuel locataire de Bercy a ainsi martelé avec une déroutante arrogance : « chacun doit comprendre en Italie que l’avenir de l’Italie est en Europe ». Et Bruno Le Maire d’asséner sans réplique : « les engagements qui ont été pris par l’Italie (...) valent, quel que soit le gouvernement ». Bref, l’Italie est libre de ses choix à condition que ceux-ci ne changent pas.

Les commissaires européens se sont également succédé pour jouer leur partition dans ce registre. La palme revient à l’Allemand Günther Oettinger : ce dernier n’a pas hésité à affirmer que les marchés financiers sauraient bien venir à bout des volontés des électeurs italiens.

Il y a cependant un deuxième constat : le compromis accepté par MM. Di Maio et Salvini laisse à penser qu’entre les partis réputés « antisystème » et le « système » lui-même, tous les canaux de communication ne sont pas rompus. Ce n’est pas une réelle surprise. Ni les dirigeants de la Ligue, ni encore moins ceux du M5S ne revendiquent leur hostilité fondamentale à l’intégration européenne. Luigi di Maio a même terminé sa campagne par des déclarations d’amour à l’Europe... Cela rappelle étrangement l’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce, prétendant combattre l’austérité tout en voulant rester dans l’UE et la monnaie unique. On connaît la suite.

Troisième constat : le programme ressemble à un bric-à-brac baroque. La fin de l’austérité, la remise en cause de la réforme des retraites, le durcissement de la politique migratoire, la levée des sanctions contre la Russie (un horrifique chiffon rouge pour les dirigeants européens), voisinent avec la baisse des impôts, le revenu minimum citoyen, l’arrêt du tunnel sous les Alpes ou la fin de la vaccination obligatoire...

Pour autant, la mise en œuvre ne serait-ce que du quart des propositions de la première catégorie serait explosive, tout particulièrement dans la troisième puissance de la zone euro.

Trois points de friction majeurs en particulier sont susceptibles de mener à l’affrontement dès le Conseil européen prévu fin juin : l’intégration plus poussée de la zone euro, évidemment contradictoire avec un assouplissement de l’austérité ; la réforme de la politique migratoire et d’asile, où l’Italie se trouve en première ligne ; et la reconduction des sanctions contre la Russie, reconduction contre laquelle les deux partenaires gouvernementaux sont unis.

Il reste la question majeure : jusqu’à quel point la majorité des Italiens, qui ont exprimé leur colère le 4 mars dernier, seraient-ils décidés à se laisser brutalement décevoir ? Naguère encore, une réponse pessimiste aurait semblé s’imposer.

Mais depuis quelques mois, en Allemagne, en Autriche, en Tchéquie, en Hongrie, les électeurs ont déjà pris un malin plaisir à enchaîner les claques adressées à Bruxelles. Sans parler du vote en faveur du Brexit. Bref, l’idée européenne est en loques. Même si un récent sondage « eurobaromètre » croyait pouvoir récemment discerner des citoyens « de plus en plus favorables » à l’Europe, comme a cru pouvoir le pointer l’Italienne Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’UE. A ce niveau, ce n’est plus de la méthode Coué.

C’est de l’humour.

Pierre LEVY

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Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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