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L’Amérique latine secoue le joug des Etats-Unis (The Guardian)

La dispute avec l’Equateur montre que les Etats-Unis n’ont toujours pas compris qu’ils ont perdu leur hégémonie régionale.

Jeudi, les Etats-Unis ont expulsé l’ambassadeur d’Equateur, en riposte à l’expulsion mercredi de l’ambassadeur US en Equateur. Les Etats-Unis se retrouvent sans représentation diplomatique dans trois pays d’Amérique du sud - les deux autres sont la Bolivie et le Venezuela - dépassant ainsi l’administration Bush en matière de problèmes diplomatiques dans la région.

L’ambassadrice US Heather Hodges a été déclarée «  persona non grata » et priée de quitter l’Equateur «  au plus tôt » après la révélation par un câble Wikileaks de ses remarques désobligeantes envers le président équatorien, Rafael Correa. Dans le câble, elle affirme que le Président Correa avait connaissance de la corruption d’un ancien chef de la police nationale.

Bien que l’administration Bush soit intervenue dans les affaires intérieures de pays tels que la Bolivie ou même le Brésil, elle était en quelque sorte plus douée pour «  pister la proie » et éviter des conflits secondaires qui auraient pu la détourner de son objectif principal. L’objectif principal, bien sûr, c’est le Venezuela - où sont situées les plus grandes réserves de pétrole au monde, estimées par US Geological Survey à 500 milliards de barils. L’objectif de Washington depuis dix ans est un changement de régime. L’équipe Bush avait compris que plus elle entrait en conflit avec d’autres pays de la région, moins sa propagande accusant le Venezuela de tous les maux serait crédible.

Ca n’a vraiment rien de personnel. Si le président vénézuelien Hugo Chavez avait été un parfait diplomate, cela n’aurait rien changé pour le gouvernement des Etats-Unis. Et ce n’est pas uniquement le pétrole, puisque le Venezuela vend toujours aux Etats-Unis plus de 1 millions de barils par jour, et qu’il existe d’autres sources d’approvisionnement le cas échéant. C’est simplement parce que n’importe quel pays avec autant de pétrole finit par exercer une influence régionale, et les Etats-Unis refusent tout simplement de traiter avec une influence régionale non-lignée sur ses propres objectifs - surtout s’ils peuvent s’en débarrasser. Et ils ont failli réussir en 2002 avec le coup d’état contre Chavez - et ils ne vont pas abandonner.

Mais ici aussi la Maison Blanche perd du terrain. Un gros coup fut le changement intervenu dans la politique étrangère de la Colombie l’été dernier lorsque le président Juan Manuel Santos est arrivé au pouvoir. Un des axes importants de la stratégie de Washington est de faire régner une tension permanente entre la Colombie et le Venezuela, facilitée par les 2000 km de frontières communes souvent marquées par des violences paramilitaires ou de guérilla depuis des dizaines d’années. Les conflits entre la Colombie et le Venezuela sont importants aussi pour la stratégie électorale de Washington au Venezuela. Lorsqu’un conflit éclate entre les deux pays, comme en 2009, lorsque le Venezuela a coupé les échanges commerciaux bilatéraux en réponse aux efforts US d’étendre leur présence militaire en Colombie, il produit des effets négatifs pour de nombreux Vénézuéliens qui habitent les régions frontalières. Ce qui permet de faire gagner quelques voix anti-chavistes dans ces zones, comme lors des dernières élections législatives au Venezuela. Et les accusations d’un soutien vénézuélien aux guérillas de la FARC en Colombie - malgré l’absence de preuves - font partie des efforts de Washington pour positionner sa campagne contre le Venezuela sur le terrain de la «  guerre contre le terrorisme ».

Bien que le précédent président, Alvaro Uribe, était - dans les dernières années - un allié dans la stratégie des Etats-Unis envers le Venezuela, le nouveau président Santos l’a immédiatement rejeté et a décidé de faire la paix avec Chavez. Ce qui était assez facile à faire, malgré les conflits à l’époque où Santos était le ministre de la défense d’Uribe. Comme le savent tous ceux qui suivent le Venezuela, Chavez se montre amical avec tous les dirigeants d’état ou de gouvernement qui se montrent eux-mêmes amicaux avec le Venezuela.

Le demi-tour effectué par Santos est très intéressant à plusieurs égards. D’abord, il montre l’importance de l’intégration économique régionale en tant que facteur de paix et de stabilité dans la région. La tentative de Washington et du prédécesseur de Santos de renforcer la présence militaire US en Colombie a provoqué une baisse de 2,3 milliards de dollars des exportations de la Colombie vers le Venezuela qui était devenu son deuxième partenaire commercial. Cela représentait plus de 11% des exportations colombiennes, et la majorité était constituée de bétail et produits textiles pour lesquels il n’y a pas de marché alternatif. Le Venezuela entretient aussi des relations très étroites avec le Brésil et pratiquement tout le reste de l’Amérique du sud qui pensaient tous la même chose de la politique étrangère de la Colombie - et s’y sont opposés encore plus fermement lorsque des documents de l’armée de l’air US ont été rendus publics et indiquaient clairement que l’expansion était destinée «  à des opérations mobiles... sur le continent Sud-américain » et visait «  la menace permanente » de «  gouvernements anti-américains ».

Santos avait en gros le choix entre continuer d’obéir à Washington ou faire partie de l’Amérique du sud. Il a choisi l’Amérique du sud. Le rôle clé du commerce ici, alors que l’Amérique du sud poursuit son intégration économique, montre un des plus importants «  gains » tirés des échanges commerciaux. Ces gains sont bien plus importants que les «  gains de productivité » néoclassiques, souvent exagérés par les partisans des accords de «  libre-échange ».

Le choix de Santos de faire partie de l’Amérique du sud montre à quel point les changements géopolitiques menés par les gouvernements de gauche de la région ont désormais une influence y compris sur les gouvernements de droite. C’est le résultat de changements dans les institutions (ministres des affaires étrangères, organisations multilatérales telles l’UNASUR, le groupe de Rio), des idées, et des normes mises en application ces dix dernières années.

Voilà maintenant Washington qui demande à la Colombie d’extrader un certain Walid Makled, un vénézuélien accusé de narcotrafic et arrêté en Colombie, vers les Etats-Unis. Non, merci, répond le Président Santos - ce type ira au Venezuela. Santos évoque la loi colombienne, et dit que premièrement, la Colombie a un accord d’extradition avec le Venezuela, mais pas avec les Etats-Unis ; et deuxièmement, le Venezuela a présenté sa demande en premier ; et troisièmement, Makled est recherché pour des crimes plus graves (meurtre) au Venezuela qu’aux Etats-Unis (trafic de drogue). Autant d’éléments qui exigent une extradition de Makled vers le Venezuela.

Et Washington est furieux. Pour comprendre pourquoi cette histoire est si importante pour le Département d’Etat US, il faut analyser leurs déclarations sur l’impossibilité d’un «  procès équitable » pour Makled au Venezuela et autres bêtises répétées avec un air faussement naïf par tous les grand médias.

Une élection présidentielle est prévue au Venezuela l’année prochaine. A chaque élection ou référendum important au Venezuela - et il y en a beaucoup, mais aucun n’est aussi important que celui-là aux yeux de Washington - on assiste à une campagne médiatique internationale, avec la participation du gouvernement US. (Un câble récent de Wikileaks montre que le gouvernement Colombien a collaboré avec les fonctionnaires US pour coordonner la campagne médiatique qui liait à la fois Chavez et Correa aux guérillas colombiens, les FARC). Makled a déjà offert de parler sur la corruption de certains officiels vénézuéliens, mais uniquement s’il est extradé vers les Etats-Unis. Ainsi, s’ils pouvaient le faire venir jusqu’à Miami, là ils pourraient monter un procès-spectacle meilleur que n’importe quelle campagne médiatique que le Département d’Etat pourrait organiser.

Pour tous ceux qui pensent que de tels efforts paraissent disproportionnés, rappelons que c’est exactement ce qui s’est passé en 2008. Les autorités US ont utilisé un vague procès-spectacle d’un Venezuelien accusé «  d’agir en tant qu’agent étranger non-enregistré » - il n’a pas été accusé d’espionnage - afin de diffuser des accusations de corruption «  au plus haut niveau » du gouvernement Vénézuélien. Ces accusations ont fait la "une" des journaux de tout le continent et, bien sûr, ont été reprises en boucle par les médias vénézuéliens dominés par l’opposition. Imaginez ce que le procès de Markled pourrait faire : personne ne demanderait ce qui aurait été offert à l’accusé en échange de son témoignage, ni si son témoignage repose sur quelques éléments de preuve. Ce serait juste une gigantesque campagne de diffamation que les journaliste avaleraient tout rond.

Mais Santos refus de jouer le jeu, malgré les énormes pressions exercées et, bien sûr, l’accord de «  libre-échange » en attente de ratification entre les Etats-Unis et la Colombie. Peut-être parce que cet accord est plus important pour Washington que pour lui.

En tous cas, l’administration Obama - comme celle de son prédécesseur - livre un combat perdu d’avance. Le voyage récent d’Obama en Amérique latine fut à peine meilleur que ceux de Bush. Obama est mieux traité - pas d’émeutes dans les rues et pas de dignitaires Maya pour purifier le site après son passage. Mais tous les présidents et ministres des affaires étrangères là -bas voient bien que la politique des Etats-Unis n’a pas changé d’un iota.

Mark Weisbrot

http://www.guardian.co.uk/commentisfree/cifamerica/2011/apr/08/venezuela-ecuador

traduction "Obama, c’est bonnet noir, noir bonnet" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

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