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La guerre qui rode.

D’autre part, depuis l’été dernier, le gouvernement nord-américain a imposé à la République tchèque et à la Pologne l’implantation de bases de missiles anti-missiles et de systèmes radars correspondants. Même un gamin naïf, ce que n’est certainement pas Poutine, ne peut croire que c’est pour prémunir l’Europe centrale des attaques ... nord-coréennes et iraniennes, ainsi que l’expliquent certains représentants de l’administration Bush ! Il s’agit en réalité d’un authentique acte de guerre dirigé contre la Russie, et au delà contre tous les peuples européens, à commencer par les Tchèques et les Polonais qui peuvent constater que leurs gouvernements ont retrouvés avec Bush les réflexes de la "souveraineté limitée" du temps de Brejnev.

1er juin 2007.

Une croissance mortifère.

Les exigences de la valorisation du capital sont plus que jamais destructrices. C’est pourquoi la réalité de la croissance mondiale depuis quelques années n’est absolument pas une bonne nouvelle et ne signifie pas l’amélioration des conditions de vie de la majeure partie de l’humanité, mais sa détérioration.

La croissance présente repose, d’une part, sur l’intensification de l’extraction de plus-value dans plusieurs pays dont l’un est l’élément décisif de ce processus, la Chine. Or, à deux reprises en quelques mois, des à -coups à la baisse de la Bourse de Shanghaï ont provoqué une onde de choc instantannée dans la finance mondiale (cf. Lettre de Liaisons n° 208 du 3 mars dernier). A chaque fois, le début de panique boursière en Chine s’est immédiatement répercuté à Wall Street par l’intermédiaire des déclarations inquiétantes du pourtant retraité ancien patron de la FED (Federal Reserve Bank, la banque centrale US), Alan Greenspan.

Si l’insécurité structurelle du capitalisme chinois, sénile dés sa naissance et menacé par l’aspiration à la vie de centaines de millions d’exploités et d’opprimés, se combine au risque de crédit nord-américain -le crédit des pauvres, pris à la gorge par les "mort-gages", un terme surgi des temps féodaux qui désigne les prêts immobiliers hypothécaires faits à des petits salariés par des officines d’escrocs, comme le crédit des riches, consistant en produits financiers hermétiques et sophistiqués- si donc l’insécurité chinoise et l’insécurité américaine se mettent à s’exciter mutuellement, alors, laisse entendre en substance le vieux gourou Greenspan, tout peut sauter. Carrément.

Ce qui ne veut pas dire que tout va automatiquement sauter. L’important pour nous est de comprendre que dans un cas comme dans l’autre -que la pyramide financière explose ou qu’elle reparte dans une nouvelle fuite en avant- l’auto-entretien de ce système fou suppose la misère, la guerre et la famine à l’échelle planétaire. Dans la plus totale "modernité" ...


Un vote historique.

Les empiétements du retraité Alan Greenspan sur le tenant du titre de directeur de la FED, Ben Bernanke, comme l’affaire de corruption ayant finalement produit la démission du directeur du FMI (Fonds Monétaire International) Paul Wolfowitz, un personnage clef de l’équipe de Bush, sont des symptomes de l’affaiblement de l’appareil exécutif nord-américain et de l’appareil politico-financier mondial qui en est assez largement une excroissance. Leur affaiblissement provient de leur enlisement irakien, de l’échec de l’invasion israélienne du Liban l’été dernier- alors que cette provocation aurait dû, de leur point de vue, inaugurer une nouvelle phase offensive-, et aussi de l’hostilité montante de la classe ouvrière et du peuple nord-américains à leur politique meurtrière.

Mais quand ces gens là s’affaiblissent, ils s’efforcent de contre-attaquer quand ils en ont encore les moyens, ce qui est le cas.

Alors que l’opposition à la guerre en Irak et en Afghanistan n’a jamais été aussi forte dans le peuple américain, les représentants démocrates au Congrés viennent de faire passer les crédits de guerre de Bush. Nancy Pelosi, leur dirigeante, a manifestement négocié avec l’administration Bush et dans le parti démocrate une division des rôles assez répugnante, par laquelle elle-même et les candidats éventuels à la présidentielle (Hillary Clinton, Barak Obama et Christopher Dod) ont voté contre, mais une majorité de représentants démocrates au Sénat, et un nombre suffisant à la Chambre des représentants, ont ajouté leurs voix à celles des Républicains pour faire passer le budget de Bush - 100 milliards de dollars de crédits de guerre de plus.


Somalie et Darfour.

Ce budget énorme est, avec la plus-value des prolétaires chinois, l’autre poumon du capital financier mondial. Il correspond à plus que la simple poursuite et aggravation de la guerre en Irak et en Afghanistan.

A ces deux pays s’ajoute depuis quelque mois la Somalie. Des centaines de milliers de boat people fuient les combats et les massacres et sont, dans le plus total silence des grandes âmes qui veulent par ailleurs "sauver le Darfour", rançonnés et tués par les policiers et les pirates (qui sont souvent les mêmes) des pays voisins.

Au Darfour, justement, les mêmes bonnes âmes meurtrières disent vouloir maintenant sauver les population d’un quasi génocide ... qui en réalité a eu lieu il y a 4 ans, perpétré par les milices janjawids du régime islamiste de Khartoum. La vraie cause de ce concert de fausses vierges éplorées est la volonté de l’impérialisme nord-américain de mettre franchement ses grosses pates au coeur de l’Afrique ; aussi curieux que cela puisse paraître, la maîtrise de cette sorte d’océan terrestre qu’est le Sahara est un élément montant de sa stratégie. De plus, l’ascension chinoise s’est traduite depuis 4 ans par des liens renforcés entre Pékin et Khartoum, ce qui explique aussi cet activisme. L’impérialisme français, comme on sait, estime avoir des "droits historiques" sur le même Sahara, et il a sa principale base de paras à N’djamena, au Tchad, dont il soutient à bout de bras la dictature. Par la voix de son vieil agent Kouchner, ministre de Sarkozy, il vient de proposer des "corridors humanitaires" sous contrôle de ses troupes à partir du Tchad vers le Darfour. Manière de faire croire que ce que les Etats-Unis prétendent faire, il peut le faire lui-même. Pas moins de 4 ONG notoires -Action contre la Faim, Médecins sans Frontières, Médecins du monde, Solidarités- viennent de déclarer que ces projets de l’ "humanitaire" Kouchner risquent de perturber gravement leur action et de détériorer encore la situation humanitaire réelle ...

Notons en passant que le gouvernement Sarkozy-Fillon-Kouchner, par ses gesticulations sur le Darfour et par la réception du vieux bandit Omar Bongo par Sarkozy (voir communiqué Survie), a pris résolument la suite de la tradition de tous les assassins qui l’ont précédé à la tête de l’Etat français.


Nahr el Bared, aprés Tal el Zaatar, Sabra et Chatila ...

Mais revenons à la stratégie nord-américaine globale. Echec libanais, enlisement irakien, statu quo momentanné et peu satisfaisant avec l’Iran et la Corée du Nord, menace révolutionnaires des peuples latino-américains, composent un tableau trés inquiétant pour l’administration Bush. Or, celle-ci est bel et bien en train de multiplier les provocations tous azimuts et l’accord passé avec les Démocrates au Congrés, contre le peuple américain, va lui lacher un peu plus la bride.

Les réfugiés palestiniens du camp de Nahr el Bared, au Nord du Liban, sont ainsi pris en otages et massacrés par les tirs croisés d’une organisation islamiste sunnite salafiste notoirement financée par les services saoudiens, et de l’armée libanaise. Aprés Tal el Zaatar, attaqué par l’armée syrienne (1976), Sabra et Chatila, attaqués par les milices chrétiennes protégées par l’armée israélienne (1982), s’allonge donc la liste des camps palestiniens martyrisés.

L’interprétation officielle de cette nouvelle tragédie pour les peuples palestinien et libanais est que ces méchants "islamistes" sont, bien entendu, à la solde de la Syrie, de l’Iran et d’al-Qaïda. C’est tout simplement invraisemblable, surtout au moment même où les réseaux d’al-Qaïda en Irak perpétuent des attentats et des massacres massifs de civils shî’ites, confortant la volonté de guerre civile seule à même de maintenir l’occupation nord-américaine du pays. Les régimes syriens et iraniens comme la direction du Hezbollah, ces fallacieux "anti-impérialistes", sont bien entendu incapables de répondre intelligemment à de telles provocations,si ce n’est par d’autres provocations, mais le plus vraisemblable est quand même qu’il s’agit de cela. Concomitantes de l’amorce d’une nouvelle opération terroriste de l’armée israélienne contre la population de Gaza, ces provocations visent à effacer le rapport de force issu de la défaite israélienne -et impérialiste- subie l’an dernier au Sud-Liban.

Cela tendrait à indiquer que des liens existent toujours entre al-Qaïda et les services américains (avec l’aide éventuelle d’ "intermédiaires" libanais) ? La chose n’aurait rien d’étonnant et peut parfaitement aller de pair avec des actions de guerre les opposant comme en Afghanistan. Comme l’analyse l’important chroniqueur américain Seymour Hersh dans le New Yorker, l’échec de Bush est tel au Proche Orient qu’il prend des initiatives "irrationnelles" menant au chaos. En langage de "décideurs" du capital, cette irrationnalité s’appelle d’ailleurs la "gouvernance". Sa rationnalité cachée est que mieux valent le chaos et le désordre sanglants que l’union des peuples opprimés contre l’impérialisme et contre leurs exploiteurs et gouvernements locaux.


Il y a beaucoup plus grave encore ...

Le feu et le sang déchainés par le capitalisme au Proche-Orient ne sont cependant que la partie émergée de l’iceberg dans le jeu dangereux qui se joue ces jours mêmes, et dont nos médias évitent avec soin de trop nous parler. L’Iran et la Corée du Nord eux-mêmes ne sont pas les pièces les plus importantes du jeu, loin de là . A la faveur des crimes du 11 septembre 2001, l’impérialisme nord-américain a pris pied en Asie centrale puis en Irak, massivement. Depuis l’automne 2006 sa haute stratégie militaire, au niveau continental, est déterminée par deux décisions dont l’importance n’a d’égal que la discrétion avec laquelle on nous en "informe".

D’une part, en décembre dernier, le même congrés américain (préparant ainsi le ralliement des Démocrates aux crédits de guerre en Irak, en affirmant la solidarité des deux partis du capital américain dans sa stratégie globale), autorisait Washington à engager avec l’Inde une coopération militaire civile. L’Inde n’étant pas signataire du TNP (le traité de non prolifération nucléaire) cette coopération revient de facto à aider massivement le nucléaire militaire indien. Qui peut être visé sinon la Chine ?

D’autre part, depuis l’été dernier, le gouvernement nord-américain a imposé à la République tchèque et à la Pologne l’implantation de bases de missiles anti-missiles et de systèmes radars correspondants. Même un gamin naïf, ce que n’est certainement pas Poutine, ne peut croire que c’est pour prémunir l’Europe centrale des attaques ... nord-coréennes et iraniennes, ainsi que l’expliquent certains représentants de l’administration Bush ! Il s’agit en réalité d’un authentique acte de guerre dirigé contre la Russie, et au delà contre tous les peuples européens, à commencer par les Tchèques et les Polonais qui peuvent constater que leurs gouvernements ont retrouvés avec Bush les réflexes de la "souveraineté limitée" du temps de Brejnev.

Authentique acte de guerre, car si l’on peut arguer, déjà avec hypocrisie, qu’un système de défense anti-missile sur le sol nord-américain n’a que des fins défensives (protéger les Etats-Unis en cas d’attaque nucléaire russe), s’agissant de son implantation sur le sol de l’Europe centrale, la seule explication possible et cohérente est de couvrir une attaque nucléaire dirigée contre la Russie en interdisant toute riposte analogue !

Mais alors, les choses en sont là , et on ne nous dit rien ? !

Attention, il n’y a pas d’antagonisme fondamental entre l’impérialisme nord-américain, d’une part, et d’autre part le régime soi-disant "communiste" chinois ou le sombre bonapartisme de Poutine. Il ne s’agit pas non plus de la continuation de la "guerre froide" du temps de l’URSS stalinienne puis brejnévienne. Ce à quoi nous assistons, c’est aux sautes épileptiques de l’impérialisme nord-américain.

Le temps où celui-ci était le pilier de l’ordre, le gendarme du monde, est révolu. Sa puissance est devenue sa faiblesse. L’effondrement du bloc stalinien ne lui a procuré ni domination absolue, ni partenariat multilatéral avec les autres grandes puissances. Lancé dans une course en avant, il est devenu le facteur n° 1 du désordre mondial (le spectre islamiste, censé dans ses représentations tenir lieu d’ennemi, étant d’ailleurs trés largement sa création). Plus encore, la restauration du capitalisme, sous des formes différentes, en Russie et en Chine, tout en donnant du souffle à l’impérialisme au plan économique, ne stabilise pas son système mondial, mais porte en elle les germes des prochaines guerres continentales. Nous ne reverrons peut-être pas des "guerres inter-impérialistes" classiques comme le XX° siècle en a fourni jusqu’en 1945 mais le risque domine au XXI° de guerres continentales directement suscitées par la crise, par le pourrissement, de l’impérialisme.


La crise diplomatico-militaire en Europe court depuis la décision du gouvernement de Bush d’implanter ses bases anti-missiles en Europe centrale.

La Russie a suspendu sa participation au traité de 1990 sur la réduction des armements conventionnels en Europe et vient de procéder, d’un bout à l’autre de la Sibérie, à un tir de missile démonstratif censé faire voir qu’elle peut franchir les lignes des systèmes anti-missiles US. En Ukraine, les morceaux de l’appareil d’Etat, de l’armée, des troupes de choc du ministère de l’Intérieur, sont au bord de l’affrontement armé entre pro-russes et pro-OTAN. En Estonie, le gouvernement membre de l’Union Européenne a fait tirer sur des manisfestants russophones et Poutine a fait opérer des mouvements de troupes, des coupures de liaisons ferroviaires et des opérations de piratage informatique massif en représaille.

Au Kossovo, l’administration contrôlée par l’OTAN prétend concéder au peuple albanais une fausse indépendance, tronquée et octroyée, managée par les structures mafieuses de l’UCK et devant entraîner inévitablement des pogromes contre les minorités, Serbes et Roms notamment, que la police de Sarkozy tentera de refouler aux frontières ... Nationalistes serbes et Russie refusent cette mesure au nom de la slavophilie et de l’orthodoxie ... Il n’est pas jusqu’à la récente réunification du patriarcat orthodoxe russe et des églises orthodoxes de l’exil, qui reprochaient au patriarcat d’avoir été la chose de Staline et de ses successeurs, qui ne soit un maillon de cet affrontement, supervisé par Poutine. La répression des libertés démocratiques et syndicales en Russie, des Tchétchènes, ne pourra qu’être facilitée par l’assimilation entre ceux qui cherchent à s’organiser et les "agents de l’Occident", cet "Occident" qui est en train de mettre en place les conditions d’une guerre nucléaire sur le sol européen, dans le silence général ...

Ni la Russie, ni la Chine (ni l’Iran) ne peuvent ni ne veulent prendre l’initiative de contre-attaques pour desserrer l’étau -tout au plus peuvent-ils faire des manoeuvres de diversion. Ils sont sur la défensive, mais une défensive surarmée et également dangereuse. C’est l’impérialisme nord-américain qui, apparemment, fixe toutes les règles et les non-règles du "jeu", établissant lui-même jusqu’où il lui est permis d’aller trop loin ... En apparence, car les phénomènes de chaos qu’il instaure peuvent se retourner contre lui, et parce que les mouvements authentiques de résistance contre sa politique sont bien réels, y compris de la part du peuple et de la classe ouvrière nord-américains eux-mêmes.

Une chose est sûre : poursuivre dans cette voie du chaos signifie et nécessite des attaques redoublées pour augmenter le taux d’exploitation du travail salarié, la destruction des conquêtes sociales, et le pillage des paysanneries pauvres et des ressources naturelles planétaires -toutes choses qui s’appellent la "croissance" dans l’ordre capitaliste des choses.

Dans ces conditions le relatif affaiblissement, l’usure, de l’exécutif nord-américain et aussi de celui représenté par Tony Blair en Grande-Bretagne (par rapport auquel la succession de Gordon Brown ne constitue pas un second souffle), est pour eux un problème non négligeable. Le remplacement de Bush est à moyen terme inévitable, mais sa volonté d’instaurer des situations de non-retour, depuis son avènement en 2000 qui avait été un coup d’Etat, rend la chose difficile et complexe.


Restaurer un exécutif fort en France.

C’est dans cette situation que la victoire électorale de Nicolas Sarkozy est une bonne nouvelle pour la classe capitaliste mondiale.

Dans cette tension montante, la France est en effet un maillon faible. Impérialisme de seconde zone et de grandes prétentions, elle a connu les poussées vers la grève générale, posant la question du pouvoir, de 1995, de 2003 et de 2006. En finir avec cela, pour restaurer en France un exécutif fort en alliance étroite avec l’impérialisme nord-américain (malgré les frottements qui ne manqueront pas de survenir avec lui) et "relançant la construction européenne", selon la formule consacrée, serait un succés majeur pour le capital en tant que force sociale mondiale. Il ne nous rapprocherait pas de la stabilité, loin de là , mais il faciliterait la marche en avant destructrice de l’autoreproduction du capital. Mater la classe ouvrière française est une oeuvre majeure à accomplir au compte du capital mondial. C’est de cela qu’il s’agit, le reste est idéologie et littérature. Restaurer un exécutif fort en France faciliterait grandement la reprise de la prétendue "construction européenne", la guerre et les préparatifs de guerre des Etats-Unis...

"Vince Sarkozy, Cambia l’Europa ..."

Vincent Présumey




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Jean BRICMONT
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment (…)
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