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La police de la pensée matraque qu’il n’y a pas d’alternative possible au système...

La rêvolution, camarades

Révolution, rêvolution, ce n’est pas qu’une question d’accent circonflexe. Le rêve, l’utopie, recèlent une force propulsive, comme de « grands récits » et de grands moments de notre histoire l’ont prouvé.

Guevara ne rejetait pas le « romantisme révolutionnaire » ; il en faisait au contraire l’un des moteurs de la révolution. Sans rêve, l’avenir est obéré : no futur. L’utopie et son frère presque jumeau, le rêve, détiennent une fonction de mobilisation activable à tout moment, inépuisable tant qu’ils restent l’étoile pour des millions d’hommes et de femmes, comme la magie existe tant que les enfants y croient ; une fonction à la fois de critique notamment sociale, d’horizon alternatif. La critique du système exige le rêve, l’utopie, tout comme le rêve et l’utopie portent en eux la critique d’un système, le capitalisme, dont les dégâts posent la question même de la révolution, du communisme. Ne vaut-il pas mieux rêver ensemble que se désespérer seul ? Le père Hugo , prophétique, écrivait : « l’utopie, c’est la vérité de demain ». Sans le rêve et l’utopie, il ne reste que l’impossible gestion d’un capitalisme capable en fait de récupérer même ceux qui croient pouvoir en atténuer les effets, qui « l’humaniser », qui le « verdir »...

La révolution demeure à l’ordre du jour, y compris anthropologiquement. Elle est absolument nécessaire, toujours valide, plus urgente que jamais. Comment, alors, la rendre possible ? D’abord, en appelant un chat un chat, la révolution révolution : en reconquérant les concepts et la sémantique, en invalidant le méticuleux travail de sape des « voleurs de mots », des organisateurs du consentement, de la passivité, du contrôle social, de l’acceptation par défaut... Et aussi, en adoptant un projet politique de rupture. La critique du capitalisme a repris des couleurs, notamment en Amérique latine ; il est illusoire de croire que l’on pourrait se contenter de « réguler » le capitalisme sans toucher au coeur du système : le capital, la finance, les rapports de production, de propriété... La gueule de bois de nombreux militants est à la mesure des désillusions successives (et l’on aurait tort de les imputer seulement à d’autres), à la mesure des espoirs frustrés. Réactiver l’utopie, c’est réactiver la lutte des classes, qui pour les dominants n’a jamais cessé. Il convient de répondre plus radicalement à la demande de politique, d’intégrer des problématiques nouvelles, de redéfinir certains concepts, notamment ceux de progrès, d’écologie, de production, de travail, de consommation... , de réintégrer l’individualité comme levier de la révolution, une obsession du Che. L’homme et la femme doivent se transformer en transformant le monde, dans le même mouvement d’émancipation, sinon, ajoutait-il, le socialisme et la révolution ne valent rien. Aucune histoire, n’ayons de cesse de le rappeler, n’est prédéterminée. S’il n’y a pas de socialisme sans socialisation des secteurs clés de l’économie, de la banque, qui deviennent en quelque sorte des biens communs, rien de vraiment nouveau n’est réalisable, désirable. A condition d’intégrer également une pédagogie du bien commun, tout en engageant des logiques d’intérêt collectif, pour affronter la privatisation de l’espace public par le capitalisme, les multiples souffrances, et mutilations (etc.), engendrées par le modèle dominant actuel.

Ainsi conçu, le rêve concret, rebelle, communiste, est bien plus qu’un rêve, qu’un idéal. Il devient un mouvement libérateur, une éthique sociale et politique, humaine. Capable, en quelques mots, de changer la mesure du monde, de le remettre à l’endroit, de rompre avec les moules dominants. L’idée que le monde dans lequel nous vivons est inacceptable est, me semble-t-il, majoritaire. Mais pourquoi avons-nous alors tant de mal à faire partager des alternatives, à avoir le courage de les nommer vraiment, à retrouver crédibilité, lisibilité, différence ? La police de la pensée matraque en permanence qu’il n’y a pas d’alternative possible au système ; tout, pourtant, prouve le contraire. La pauvreté, se fatigue à répéter Jean Ziegler, est un crime délibérément organisé.

Les luttes créent du politique. Même perdues, elles ne sont jamais vaines. Elles entretiennent la colère, l’espoir, le refus de la fatalité, la créativité... Un proverbe vietnamien dit en substance : lorsque tu as un problème et que tu ne fais rien, tu es au coeur du problème. De la convergence des luttes peut émerger la concrétisation de l’idéal qui nous porte. Et qui vaut, malgré tous les malgré, la peine d’y consacrer une vie.

Jean ORTIZ, universitaire communiste.

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COMMENTAIRES  

28/12/2017 17:54 par CN46400

Feu sur la sémantique bourgeoise !
 1-La classe ouvrière (producteurs manuels salariés), même moins concentrée que par le passé, existe toujours, elle doit être désignée par son nom
 2-Le prolétariat (ceux qui doivent travailler pour vivre) existe aussi, c’est une "immense majorité" et pas que dans le métro ! qui fait peur aux bourgeois mais pas aux communistes. On le désigne donc sans complexe.
 3-La bourgeoisie (infime minorité qui vit, plutôt bien, du travail des autres) mérite aussi d’être désignée, sans pincettes, par son nom ! 4-Le capitalisme n’a rien à voir avec la liberté, ne mérite donc pas d’être désigné par "libéralisme" !
 5-Les "classes populaires", la "classe moyenne", le "peuple", les "riches", les "pauvres" sont des données sociologiques, étrangères à la lutte des classes. On utilise donc ces mots en conséquence.
D’une manière générale, ne perdons pas de vue que la bourgeoisie conduit la lutte de classe aussi dans la sémantique et tend à promouvoir les expressions qui conviennent le mieux à ses intérêts. Pour devenir des "techniciens de surface" les balayeurs n’ont jamais eu besoin de se mettre en grève....

28/12/2017 18:03 par Dominique

Il convient de répondre plus radicalement à la demande de politique, d’intégrer des problématiques nouvelles, de redéfinir certains concepts, notamment ceux de progrès, d’écologie, de production, de travail, de consommation... , de réintégrer l’individualité comme levier de la révolution, une obsession du Che.

Il convient surtout de redéfinir notre concept de civilisation afin d’en finir avec cette opposition entre sauvage et civilisation, entre état naturel et civilisé, d’en finir avec cette obsession qui nous fait tout considérer sous l’angle économique, d’en finir avec cette maladie mentale qui nous fait considérer l’environnement comme un ensemble de ressources à exploiter.

Pour cela il faut redéfinir notre rapport avec la nature, reconnaître que nous ne faisons qu’un avec elle, et qu’au lieu d’être obsédé par la mort au point d’accepter une vie indigne d’un être humain avant celle-ci, reconnaître que sans elle nous n’existerions pas et que par conséquent, au lieu de l’exploiter, nous devons la respecter. Comme notre rapport avec la nature conditionne tous les autres rapports humains (une évidence pour les peuples premier, évidence prouvée scientifiquement par les anthropologues), le reste suivra. Sans cela, la fuite en avant vers plus d’exploitation et de souffrance ne pourra que continuer, ceci quelque soit la couleur politique, jusqu’au moment où notre civilisation, noyée par son propre béton et ses propres biens de consommation, sombrera dans les oubliettes de l’histoire et nous avec.

Cela ne sera pas facile car j’ai pu constater à Cuba que les sirènes de la société de consommation sont puissantes au point de faire rêver la majorité des cubains de pouvoir faire comme nous : élever leur niveau de vie pour pouvoir se payer des voitures et des voyages. Il y a même des voix qui s’élèvent contre le fait qu’il soit encore possible à Cuba de vivre sans travailler. Comme chez nous quand des retraités non rien d’autre à faire que de critiquer les punks qu’ils croisent dans les magasins à 3 heures de l’après-midi : Aller travailler au lieu de faire des enfants !

La civilisation a 3 mamelles : le progrès, le travail obligatoire et l’argent. C’est sa trinité et ce n’est qu’en nous débarrassant des 3 que nous pouvons espérer un changement positif. Chez les peuples premiers, celles et ceux qui ne travaillent pas reçoivent autant que les autres. De plus ceux qui travaillent le font bien moins que nous, cela malgré un niveau technologique rudimentaire. Les activités artistiques y ont une place normale : celles d’activités comme les autres faisant partie de la vie de tous les jours. Ils n’ont pas de star du show-business, ni d’élite politique, ni de people. Ils respectent leur environnement et ils sont solidaires les uns des autres. Ils sont aussi économes des ressources et au lieu de la détruire, ils participent au développement de la biodiversité. Bref, ils ont beaucoup à nous apprendre si nous voulions bien nous donner la peine d’avoir une autre rencontre avec la nature et ses habitants, qu’ils soient humains ou non-humains.

29/12/2017 07:36 par CN46400

@ dominique
Moi quand je visite Cuba, je trouve normal que des cubains aient envie de visiter la France.....

29/12/2017 10:10 par Assimbonanga

Ça ne s’arrêtera pas. L’Homme ira jusqu’au bout. Le tourisme est le vecteur pacifique de la contagion consumériste. Comment prétendre qu’on n’y aurait pas droit ? Après tout, les bourgeois le pratiquent couramment, pourquoi les prolos devraient-ils se priver ? Donc, continuons comme ça et vogue la galère ! C’est pas moi qui y changerai quoi que ce soit.

30/12/2017 23:48 par AF30

Jamais dans son histoire l’humanité n’aura connu un tel niveau de manipulation des masses. Mais le plus dramatique pour ceux qui rêvent d’un autre monde est de constater que les moyens qui devaient y conduire, à savoir l’éducation et l’information, ont été détournés par le système en sa faveur. Ainsi pour l’éducation d’un côté les bataillons des CSP+++ qui sont les maîtres d’oeuvre des politiques actuelles, de l’autre le reste de la population qui est hypnotisée par des informations sélectionnées et fragmentaires. Ils sont encore nombreux ceux qui croient que la tyrannie se limite à la coercition directe et violente. Ce schéma correspond au temps passé car aujourd’hui celle-ci utilise la séduction qui s’insinue dans toute sorte de médias car même si la publicité représente le deuxième budget mondial après l’armement elle resterait insuffisante toute seule. Sans doute, comme toute chose, l’efficacité de la publicité a ses limites c’est pour cette raison que monte graduellement la répression traditionnelle. Le problème du "graduellement " est qu’il est homéopathique comme l’histoire bien connue de la grenouille et de l’eau chaude.

02/01/2018 08:43 par calame julia

Tous les marins savent que la mer trop calme précède la tempête...
Bonne année Jean Ortiz.

02/01/2018 17:28 par Dominique

Sur le consumérisme et Cuba, c’est juste un constat, pas une critique. Il faudrait, comme sur d’autres sujets comme l’armée ou les frontières, que les grandes puissances montrent l’exemple. Malheureusement, tout comme les frontières et l’armée sont indispensables à assurer la cohésion des états dits modernes, la consumérisme et son évangile la publicité sont indispensables pour assurer la pérennité du progrès, ce mythe superstitieux qui nous fait croire que ce sera mieux si nous accumulons des biens à l’obsolescence programmée.

Quand à la manipulation des masses, elle atteint des sommets. Ici en Suisse des camarades qui font comme s’ils étaient bien informés reproduisent un article sur l’Iran de ce grand journal de gauche dirigé par la droite qu’est l’humanité, ceci dans un contexte où l’empire est en train de préparer une guerre contre ce pays, mais ils ne savent même pas qu’en cette nuit du réveillon des centaines de personnes furent arrêtée à Genève par les flics, plus de 150 furent emmenées au poste pour s’y faire prendre leur ADN, et celles qui essayèrent de résister furent en plus tabassées. https://www.facebook.com/search/str/%23prenonslaville/keywords_search

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