ETAT D’URGENCE PERMANENT : Depuis le 13 Novembre, nous subissons un « Etat d’Urgence » qui tend à se prolonger. A l’origine, un attentat terroriste mortifère, qui justifie toutes les décisions d’un pouvoir pourtant aux abois, puisque minoritaire dans le Pays, c’est dire « l’urgence » de sa situation… A se demander si l’objectif des décisions prises, n’est pas de faire oublier aux peuples qui subissent les politiques d’austérité, la situation dramatique du Pays, en termes d’activité, d’emplois, de chômage de masse, de précarité, d’insécurité sociale et individuelle permanente, conséquence des politique libérales développée depuis 30 ans. Le vote F.N, quelque soient les illusions qu’il véhicule, est le produit de ces désagrégations sociales successives, sans que l’alternative progressiste ne puisse apparaitre comme le chemin à emprunter, à la différence notable de l’Espagne, du Portugal, et de la Grèce, ce qui pose un sacré problème à nos « dirigeants politiques » actuels. Pour faire de la politique, il faut donc retirer son visage des écrans médiatiques de l’instant. Faire de la Politique, c’est prendre de la hauteur, c’est regarder en quoi le capitalisme est toujours un « Etat d’Urgence » permanent.
DE LA REPUBLIQUE : La République tel que l’a constitutionalisé les philosophes des lumières, propose un « contrat social » [1] de la Nation pour elle-même. La République mets l’intérêt de la Nation (« des citoyens associés ») au-dessus des intérêts individuels. C’est pourquoi les lois sont prises au nom de l’intérêt général épousant ainsi l’idée de Montesquieu : « « La monarchie dégénère ordinairement dans le despotisme d’un seul ; l’aristocratie dans le despotisme de plusieurs ; la démocratie dans le despotisme du peuple. », Inspirant ainsi Robespierre qui proclama : « Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. » Observons à ce propos que le communisme, quand il déclare, avec Karl Marx, la « dictature du prolétariat » ne fait que poursuivre l’œuvre historique de Montesquieu. Tout est donc dictature, la question étant…. Qui la mène ?
LE DESPOTISME DU PEUPLE : Le peuple, les peuples n’ont jamais demandé à déclarer, rentrer ou faire la guerre. Les peuples ne visent qu’à vivre en paix. Robespierre, présenté comme dictateur sanguinaire, proclamait : « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés… » [2]. Pourtant il fut celui qui gouverna « la France de la Révolution », de l’Etat d’urgence (gouvernement Révolutionnaire) et des guerres contre l’envahisseur, car au moment de la Révolution, envahisseur il y eut, d’où les paroles de la Marseillaise, qui appartiennent aux sans culottes révolutionnaires, pas au F.N, qui n’en fait que son « fonds de commerce ».
L’ETAT D’URGENCE DE LA REVOLUTION : Lors de la Révolution Française de 1789, tous les pays européens sont soumis au joug de la féodalité de droit divin, qui institutionnalise le Roi comme « le représentant de Dieu sur Terre ». Il est de ce fait, impossible de remettre en cause les décisions du Roi, ce serait remettre en cause Dieu lui-même, créateur de l’Univers, et de la Vie [3]… La Révolution Française est d’abord scientifique. Elle est le produit du constat fait, que le « représentant de Dieu » sur terre ne cesse de se tromper. Famines successives, pauvreté, insécurité, dettes publiques, impôts féodaux injustes (la gabelle) accompagné déjà, des scandales politico financiers de l’époque (fermiers généraux, scandale du collier de la Reine etc.) [4]. C’est face à ces délitements politiques successifs, que surgit la Révolution. En mettant à bas le régime despotique, en proclamant la République durant la nuit du 4 aout, la Nation Française éclaire le monde d’où sa proclamation d’une « République universelle » et définit la nationalité, comme étant celle de « la terre où les hommes vivent », sans distinction de race, de couleur, de religion, ou d’opinion philosophique. Cette proclamation est un danger pour toutes les monarchies d’Europe, il faut la combattre, d’où les guerres d’envahissement, d’où « l’Etat d’urgence » et le comité de salut public. C’est la Révolution et Robespierre qui inventent et créent « l’Etat d’urgence », en aucun cas le F.N ou la droite.
LA REPUBLIQUE SOCIALE : Pour ses philosophes, la république ne peut être que sociale et durable. Dans le régime féodal d’inégalité, Montesquieu a écrit : « Il est très surprenant que les richesses des gens d’Eglise aient commencé par le principe de pauvreté. ». Il dénonçait de ce fait l’opposition entre l’appel à la pauvreté et le constat établi que le clergé était riche. Jean-Jacques Rousseau indiquant pour sa part : « Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien. » Saint-Just proclamant : « Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent. » ce que Karl Marx poursuivra en dénonçant le capitalisme, comme étant un système d’exploitation fondé sur la « lutte des classe » opposant « les prolétaires » aux « bourgeois ». Il faudra bien d’autres révolutions (1838, 1848, 1871) et de luttes sociales (Fourmies 1891), pour qu’un début de « social » voit le jour sous les auspices de la République. Il faudra en fait la résistance de 1944 sous la forme de « guerre pour la liberté » pour que le Conseil National de la Résistance impose au patronat français, un début de République sociale et durable, débouchant d’ailleurs, sur ce qu’on appelle les « trente glorieuses », conséquence du rapport de force imposé par la « lutte des classes ».
QU’EST-CE QUE LE MARCHE ? Le marché et tout étudiant en première année d’économie vous le dira, se définit comme « le croisement entre une courbe d’offres et de demandes sur un marché, qui fixera un prix d’équilibre » [5]. Il est précisé que si les conditions du marché sont réunies (concurrence, libre échange), le nirvana nous est promis, puisque le marché fonctionne à l’optimum économique (croissance, emplois, chômage, inflation etc.) des agents présents sur le marché (tant pis pour les autres).
UNE SUITE DE DESEQUILIBRES : Le marché est toujours par définition un « équilibre de court terme ». Le marché ne fixe qu’un prix d’équilibre de l’instant (offre et demandes). Ainsi, la baisse actuelle des prix du pétrole nous est expliquée par ce principe. Mais si on observe une baisse de 50 % du prix, sachant de plus que l’offre se raréfie (peak-oil), il faudrait nous faire croire qu’en moins de deux ans, la baisse de demande de pétrole aurait chuté dans des proportions identiques et ce alors que l’Allemagne ( 3ème puissance économique du monde) et le Japon (4 ème ) n’utilisent plus de nucléaire comme mode énergétique…et que de plus, on nous parle de retour de la croissance, donc de besoins énergétiques supplémentaires. Il y a là une contradiction majeure que la production de « gaz de schiste » ne peut expliquer. Par définition, le marché n’est qu’une suite de déséquilibres, résultant du jeu des acteurs financiers dominants (la bourse).
LA SOCIETE UNE CONSTRUCTION DE LONG TERME : A l’ opposé de ce « court-termisme » du marché, il y a la société qui n’existe que dans le cadre d’un projet collectif de long terme qui peut se résumer par l’expression « l’humain d’abord ». On ne construit pas des hôpitaux et des écoles, sans « sécurité sociale » et « Education nationale ». La société se définit, comme les relations que nouent les hommes entre eux pour le bien commun, définissant, par ailleurs la commune, espace de la décision commune, contre la Métropole, territoire du « tout profit ». Et en France, cette relation s’appelle République et se définit par notre banderole « Liberté, Egalité, Fraternité », celle-là même que Robespierre proposa et qui se retrouve aujourd’hui sur le fronton des bâtiments de la République. Le capitalisme s’oppose en tout point à ce projet et à cette ambition, car il est fondé sur le marché, formalisation du court terme et de l’immédiat.
LE TERRORISME NECESSAIRE : De tout temps, les pouvoirs en échec, ont toujours eu besoin d’ennemis pour que la vox populi dénonce les juifs, les communistes, les immigrés, les syndicalistes, le voisin, comme étant la cause de leurs malheurs. « Hollande-Machiavel », élu pour combattre les marchés financiers, trouve dans ce rôle de chef de guerre, son meilleur rôle suivant en cela, l’exemple donné par Bush. Confronté à son impuissance à combattre effectivement le chômage et la précarité il se réfugie, dans le dernier secteur économique où l’Etat a encore la main [6], la guerre. Et cette guerre est doublement gagnante, elle permet à la fois de projeter les forces à l’extérieur, et d’imposer un « Etat d’urgence » autorisant les limitations de liberté à l’intérieur. Le terrorisme et le F.N sont décidemment les meilleurs alliés des gouvernements en échec social, mais voulant se reproduire au pouvoir (2017).
GUERRE SOCIALE AUSSI : La guerre est aussi sociale, car toutes les lois actuelles (Retraites, santé, emplois, formation, service public), remettent en cause les droits des salariés (loi Macron), présentés comme des « freins à l’emploi » (code du travail), pour « libéraliser » l’économie. Mais devant l’échec de ces politiques menées tant par les gouvernements de droite que de « gauuuuche », on continue droit devant, comme si l’histoire du Titanic et de la crise de 1929 avaient été oubliées au fond des abysses. Le patronat continue de dénoncer le « coût du travail » [7], les « charges » [8] et les impôts, voulant revenir à la période bénie d’avant le programme du Conseil National de la Résistance. Pire, sans le proclamer, il soutient de fait « l’ubérisation » de la société, c’est-à-dire le retour à une situation du « travail à la tâche » et sans « contrat de travail écrit ». Il n’y aurait plus que des « indépendants » s’offrant à une demande aléatoire, sans plus aucune sécurité collective, ni entreprise structurée au sens d’un « espace-temps humain partagé » [9] créateur de richesses. La « numérisation de l’activité » peut en effet favoriser cette logique, mais, du fait de l’instabilité ainsi générée (88 % des emplois créés aujourd’hui sont hors C.D.I), nécessite un « Etat d’urgence permanent » détournant ainsi le regard des peuples des questions sociales vers les menaces du terrorisme et des guerres.
LE PROFIT CONTRE LA SOCIETE : Dans son évolution le capitalisme est passé par une période où le profit était la résultante d’une « prise de risque » initial mesuré par les investissements (bâtiments, machines, hommes). Le profit était alors présenté et justifié comme la récompense de l’initiative. On pouvait alors visualiser un fonctionnement cohérent avec sa philosophie, le libéralisme, quel que soient par ailleurs les violences du système (salaires bas, journée de travail sans fin, travail des enfants etc…). Avec la Révolution Informationnelle (numérisation) [10], la modernisation des outils de mobilité (bateaux, avions etc.), et les politiques décidées (concurrence, libre échange) le capitalisme a désormais inversé les données. Le profit n’est plus le résultat d’une prise de risque initial, mais une donnée fixée en amont de tout « process ». Dès lors, ce qui était stable et permettait à la société de se développer, l’emploi, ne peut que devenir la variable d’ajustement du système et donc instable, expliquant en retour le développement des précarités (salaires, emplois, logements, santé etc.). En imposant ainsi le profit en amont de toute chose, le « tout profit » fonctionne contre la société, imposant de plus un « état d’urgence permanent », pour régler les déséquilibres provoqués par ce système de « court-termisme » [11].
LE CAPITALISME UN ETAT D’URGENCE PERMANENT : Depuis la crise de 1929, on sait que le capitalisme de marché, se développe sur une suite de crises ininterrompues. C’est pour faire face à ses crises successives, qu’une première régulation keynésienne est survenue en 1944, contre le « tout marché », expliquant la période dite des « trente glorieuses » avec une croissance élevée, le plein emploi et des salaires en progression régulière (résultat des luttes sociales). C’est ce modèle, fondé sur un Etat fort intervenant directement dans l’économie (Nationalisations, Planification, services publics), qui permis à notre Pays, en parti détruit en 1944, de devenir la 4ème puissance économique du monde. L’implosion de l’U.R.S.S, comme modèle alternatif potentiel et l’affaiblissement de « la lutte des classes » au sein des pays dits développés, a conduit au développement de l’impérium du marché mondial, dénommé « mondialisation ». Les crises successives de 1989, 1993, 2000 et 2008 (Subprimes) sont là, pour nous rappeler qu’à chaque fois, ce sont les Etats qui sont intervenus pour sauver le système de sa propre crise. Les crises ne viennent jamais des fonctionnaires, mais en permanence ce sont les marchés qui par leur logique de « court-termisme », produisent les déséquilibres qui débouchent sur les « cracks boursiers », déclenchant les récessions et les crises. Oui, le capitalisme, par ses crises successives et qui vont en s’aggravant, nécessite un « état d’urgence permanent » qui oblige les Etats à intervenir pour le sauver au quotidien, expliquant l’ensemble des lois décidées en faveur des marchés (loi Macron), expliquant en retour, la guerre sociale intérieure (coût du travail, Compétitivité, « baisse des charges » etc.).
LE LIBERALISME, LA PROPAGANDE DU CAPITALISME : Pour conclure, la question qu’il reste à comprendre, est le rôle du libéralisme dans ce cadre ? En Economie Politique, il faut distinguer ce qui ressort des données observables et mesurables [12], de ce qu’est l’idéologie [13]. Le capitalisme mondialisé génère des crises, dont celle des migrants d’ailleurs [14], c’est un fait incontestable, mais dangereux pour les pouvoirs en place qui ont pactisé avec lui, expliquant les nombreux pactes signés récemment (Pacte de Compétitivité, Pacte de Responsabilité). Il faut donc masquer cette réalité, tel est le rôle dévolue au libéralisme, qui est l’enveloppe idéologique derrière laquelle se cache la violence du capitalisme. Qui peut s’opposer au libéralisme, qui contient le mot de « liberté » ? Qui peut de ce fait,
s’opposer, en ces temps de « chômage de masse » [15], à l’objectif de « libérer » le travail ? Le mot de « liberté », utilisé à toutes les sauces du libéralisme, peut donc faire croire que nous sommes libres, alors que la réalité de l’analyse des rapports sociaux actuels, montre que nous n’avons jamais été autant prisonniers de ce système. L’imagerie de l’esclave prisonnier de ses chaînes, n’est pas démodée, dès lors que l’on substitue aux chaînes rouillées, l’actuel enfermement de la pensée et des idées, dont l’objectif est de masquer les chaines bien réelles, mais invisibles de « l’ubérisation économique » [16]. Une caricature parue dans Marianne, vaut tous les discours.
Fabrice AUBERT