Les puissances occidentales ont salué la défaite militaire du groupe Etat islamique en Syrie en mars dernier. Ce sont pourtant ces mêmes puissances qui ont créé les premières cellules islamistes dans la région, rappelle l’historien et ancien ministre du Liban Georges Corm.
Invasion américaine de l’Irak, ingérences étrangères en Syrie ou au Yémen, l’Occident participe largement du chaos au Moyen-Orient, estime Georges Corm, invité de Géopolitis. "On n’a jamais vu les puissances occidentales envahir avec autant de facilité des pays souverains, sous de faux prétextes parfois, et sans qu’il y ait une demande d’un Parlement démocratique, ni un vote du Conseil de sécurité, ce qui est assez ahurissant", déplore-t-il.
L’historien pointe même la responsabilité occidentale dans la naissance des cellules islamistes : "Les Américains sont très bavards", dit-il. "Madame Clinton nous a raconté comment ils avaient fabriqué tous ces mouvements islamistes déments et fous, qui ont semé la terreur dans toute la Syrie et en Irak." Et d’ajouter : "L’Etat islamique n’existe pas. C’est une émanation de la CIA et d’autres officines."
Georges Corm rappelle aussi les liens troubles entre le Renseignement américain et Al-Qaïda : "Toutes les cassettes vidéos de Monsieur Ben Laden arrivaient par le canal de la télévision Al Jazeera. Et au Qatar, il y a la plus grande base militaire américaine. Il nous faut quand même réfléchir un peu...!"
"En Israël, il faut mettre fin au système d’apartheid"
Le 9 avril dernier en Israël, le Likoud, parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, est arrivé en tête des élections législatives. Cette victoire ne changera pas au fond le sort des Palestiniens, estime Georges Corm : "La seule différence entre un gouvernement travailliste et celui de Monsieur Netanyahu, c’est que les travaillistes ont la parole plus légère. Le Likoud a la parole dure et la main dure, mais les travaillistes (lorsqu’ils étaient au pouvoir, ndlr) ont eu la main dure aussi : c’est avec eux qu’a commencé et que s’est intensifiée la colonisation".
Pour l’essayiste libanais, la résolution du conflit, vieux de 71 ans, ne peut se faire qu’en "mettant fin au système d’apartheid, comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud ou même en Algérie".
Peu avant la victoire de Netanyahu, le président américain Donald Trump avait reconnu la souveraineté d’Israël sur du plateau du Golan, ce territoire syrien annexé en 1967. "Monsieur Trump ne dit pas le droit international. C’est le rôle des Nations unies, qui ne reconnaissent ni l’annexion du Golan ni Jérusalem comme capitale d’Israël", souligne Georges Corm.
La Ligue arabe a timidement protesté lorsque Washington a reconnu l’annexion du Golan, et même au moment de reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Selon l’économiste libanais, "la Ligue arabe a cessé d’exister. Je dirais que ce n’est plus qu’une annexe de l’OTAN. (...) Je crois qu’aucun Arabe dans son bon sens vous dira que les rois et les chef d’États arabes les représentent."
Après l’EI, l’Iran premier ennemi des Etats-Unis
La République islamique d’Iran est aux yeux de Washington le premier ennemi à combattre. "Une iranophobie est devenue très envahissante, qui empêche de raisonner et de réfléchir", relève Georges Corm.
"Une des raisons majeures de cette diabolisation est le soutien de l’Iran à la question palestinienne", dit-il. "Rappelons-nous le temps du Shah d’Iran. Le shah était adoré et respecté. Et pourtant sa politique ressemblait à celle d’aujourd’hui. Sauf sur un point : le shah avait de très bonnes relations avec l’Etat d’Israël".
Zahra Alsagban, Marcel Mione