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Le Monde Diplomatique (mai 2018)

Serge Halimi évoque Mai 68, « un espoir d’océan » : « Dans la vie d’un peuple, c’est un moment précieux. Le couvercle des lois sociales se soulève. Soudain, la résignation, les habitudes deviennent des sujets de réflexion, puis sont remises en question. Le « fleuve des villes grises, et sans espoir d’océan » en rencontre d’autres, s’illumine ; et tous rejoignent la mer. Le « pourquoi pas ? » succède au « c’est comme ça ! ». Une contagion des soulèvements — il y a cinquante ans, on ne parlait pas encore de « convergence des luttes » — rappelle que l’histoire n’est pas finie, que les réformes et les révolutions qui l’ont façonnée voulaient souvent abolir l’obligation d’obéir et de subir.

En mai 1968, la répétition générale ne fut pas suivie d’une première. Un soulèvement marqué par l’une des plus grandes grèves ouvrières de l’histoire de l’humanité eut même sa postérité entachée parce que ses incarnations les plus médiatisées furent aussi celles qui avaient le plus mal tourné. Fauché en octobre dernier, le dirigeant étudiant Jacques Sauvageot fut au contraire l’un des visages lumineux, et par conséquent irrécupérables, du mouvement de Mai. Il avait vu dans celui-ci le « produit de collectifs œuvrant dans une optique dépassant les individualités ». Il avait rappelé que les insurgés d’alors réfléchissaient à l’abolition du capitalisme, question qui, regrettait-il, « n’est plus posée par grand monde ». Ses camarades et lui refusaient une « modernité » fondée sur la rationalisation du travail plutôt que sur son partage ou sur celui des richesses. La mondialisation à laquelle ils aspiraient visait au « développement nécessaire de la solidarité internationale », pas à la circulation toujours plus rapide des marchandises. Enfin, en mai 1968, il s’agissait pour eux de combattre un pouvoir qui entendait, déjà, « faire de l’université une entreprise rentable ».

Que cherche la Russie au Proche-Orient ?, demande Nikolaï Kožhanov : « En décidant d’intervenir militairement en Syrie, en septembre 2015, Moscou a sauvé le régime de M. Bachar Al-Assad et lui a permis de récupérer la plus grande partie du territoire perdu. Le Kremlin cherche désormais à imposer sa vision d’un règlement politique, tout en gardant un point d’équilibre dans ses relations avec tous les acteurs impliqués sur le terrain : Occidentaux, Turcs, Israéliens, Saoudiens, sans oublier les Iraniens. »

Pour Jean-Michel Dumay, “ La France abandonne ses villes moyennes ” : « Délaissées au profit des métropoles, les villes moyennes comptent leurs plaies : isolement, faibles ressources, exil des jeunes et des diplômés, chômage, pauvreté. Pour leurs élus, l’égalité des territoires prévue par la Constitution n’est plus qu’un souvenir. Comme à Montluçon (Allier), où le combat pour une desserte ferroviaire décente en conditionne beaucoup d’autres. »

Pour Anna Feigenbaum, depuis la Grande Guerre, les gaz lacrymogènes, ces “ larmes en or ” sont devenues une arme universelle de la répression : « Comme les manifestants français – ceux de Mai 68, mais aussi ceux qui se mobilisent pour la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou contre la sélection universitaire à Nanterre , les protestataires du monde entier font une expérience commune : l’inhalation de gaz lacrymogène. En un siècle (depuis les trancgées de la guerre 14-18), cette arme présentée comme inoffensive s’est imposée comme l’outil universel du maintien de l’ordre. »

Nikolaï Kožhanov a repéré une “ Alliance pragmatique entre Moscou et Téhéran ” : « M. Donald Trump doit annoncer le 12 mai si les États-Unis soutiennent toujours l’accord sur le nucléaire iranien. Un désengagement ouvrirait la voie à une nouvelle crise avec la République islamique, qui pourrait alors relancer son programme d’enrichissement de l’uranium. L’Iran cherchera aussi à renforcer son rapprochement avec Moscou, en dépit d’une histoire commune tumultueuse. »

Que cherche la Russie au Proche-Orient ?, demande Nikolaï Kožhanov : « En décidant d’intervenir militairement en Syrie, en septembre 2015, Moscou a sauvé le régime de M. Bachar Al-Assad et lui a permis de récupérer la plus grande partie du territoire perdu. Le Kremlin cherche désormais à imposer sa vision d’un règlement politique, tout en gardant un point d’équilibre dans ses relations avec tous les acteurs impliqués sur le terrain : Occidentaux, Turcs, Israéliens, Saoudiens, sans oublier les Iraniens. »

Thomas Vescovi estime qu’Israël est “ hanté par la Nakba ” : « Ce mois de mai débutent les célébrations du 70e anniversaire de la création de l’État d’Israël. C’est l’occasion pour le peuple palestinien de rappeler la catastrophe vécue en 1948 et de revendiquer le droit au retour des réfugiés, prévu par les résolutions des Nations unies. Les manifestants qui, à Gaza, affrontent les balles des soldats israéliens s’inscrivent dans cette exigence de justice. »

Guillaume Pajot a constaté la “ Fin du « printemps birman » ” : « Deux ans après l’arrivée au pouvoir du parti de Mme Aung San Suu Kyi, la liberté d’expression est en fort déclin en Birmanie. Un verrou semble avoir été posé sur l’État de l’Arakan, où l’armée mène une campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingyas. Entre menaces de mort et fausses nouvelles, la haine nationaliste se propage en ligne, tandis que les voix dissidentes subissent intimidations et poursuites judiciaires. »

Anne Vigna a observé le “ retour de la violence politique au Brésil ” : « Qu’elles semblent loin, les couvertures de magazines qui promettaient au Brésil un avenir radieux. Secoué par une vague de violences, tel l’assassinat de la conseillère municipale de gauche Marielle Franco, le plus grand pays d’Amérique du Sud multiplie les ruptures avec l’ordre constitutionnel. Au point que certains droits acquis après la fin de la dictature, en 1985, semblent désormais menacés. À commencer par la liberté d’expression et celle de choisir ses dirigeants. »

Amérique latine où “ les patrons prennent le pouvoir ” (Miguel Serna) : « En Amérique latine, les chefs d’entreprise raflent les plus hautes fonctions exécutives : présidences du Pérou, du Chili, du Paraguay, de l’Argentine… Une étude confirme la très large surreprésentation actuelle des élites économiques au sein du pouvoir législatif. »

Pour Aaron Maté,le « Russiagate » “ aveugle les démocrates ” : « Pour justifier leur défaite à la présidentielle de 2016, les démocrates américains ont avancé toutes sortes de raisons : l’iniquité du système électoral, les « fausses nouvelles », ou encore les Russes, accusés de collusion avec M. Donald Trump. Cette focalisation sur Moscou occulte les véritables causes de la déroute, notamment un programme économique entièrement tourné vers l’« innovation ». »

Thomas Frank a observé “la religion de l’innovation ” à Boston : « Quand vous interrogez des démocrates sur leur bilan — les accords de libre-échange, par exemple, ou la législation incompréhensible pour réformer Wall Street —, ils répondent que personne n’aurait pu faire mieux. Après tout, ils devaient composer avec ces horribles républicains qui faisaient de l’obstruction systématique au Sénat et redécoupaient les circonscriptions électorales à leur avantage. N’allez donc pas croire que toutes ces mesures allant du modéré au tiède que les présidents William Clinton et Barack Obama ont fait passer à Washington représentent vraiment la fougueuse âme démocrate. »

De Johannesburg à Kinshasa, “ les lanceurs d’alerte sont en première ligne ” (Olivier Piot) : « En Afrique, un nombre croissant de lanceurs d’alerte mène dans l’ombre un périlleux combat pour dénoncer corruption et pratiques illégales. Dans des pays où les autres modes d’expression démocratique (élections transparentes, liberté de la presse) sont grippés ou pervertis, révéler les turpitudes des hommes au pouvoir devient un ultime acte de résistance. »

Un nouveau scandale alimentaire analysé par Kyle G. Brown : “ L’Afrique dépouillée de ses poissons ” : « Les océans font l’objet d’une exploitation si intense qu’elle met en péril la reproduction de nombreuses espèces. L’accaparement des eaux poissonneuses de l’Afrique par les chalutiers industriels français, espagnols, chinois, coréens, japonais ou russes menace la sécurité alimentaire du continent. Il prend une forme légale avec les accords ouvrant les zones côtières aux navires des pays riches, auxquels s’ajoute un pillage à grande échelle contre lequel la lutte semble inégale. »

Il faut “ Mettre fin au trafic des données personnelles ” (Frank Pasquale) : « Longtemps, les États ont toléré toutes les infractions des industries numériques, qu’il s’agisse de fiscalité, de propriété intellectuelle ou de vie privée. Il fallait « agir vite et casser des choses », selon le mot de M. Mark Zuckerberg. Mais le rapport de forces avec les puissances publiques bascule. La question n’est plus de savoir si l’activité de ces groupes sera réglementée, mais comment et au profit de qui. »

Alexia Eychenne a traqué à Amiens “ Goodyear et ses fantômes ” : « Supprimer plus de mille emplois en France alors qu’elle réalise des milliards de bénéfices dans le monde : telle fut la méthode de l’entreprise Goodyear pour mettre au pas les syndicats. À Amiens, après une longue occupation de l’usine, le combat ouvrier a pris fin en 2014, et les premiers morts sont tombés. Revenir sur les lieux permet de mesurer le coût humain des licenciements. »

L’austérité “ au filtre des eaux usées ” s’aggrave en Grèce (Mohamed Larbi Bouguerra ) : « Alors que la grève des transports terrestres et aériens, des écoles et des hôpitaux paralysait le pays, le Parlement grec a adopté mi-janvier de nouvelles mesures d’austérité. Ce vote exigé par les créanciers a permis, après accord des ministres des finances de la zone euro, le versement de 6,7 milliards d’euros à Athènes. Les effets de ce genre de plan sur la population sont désormais mieux connus. »

Pour Michel Pigenet, l’indépendance syndicale est “ épineuse ” : « Certains proposent de la « réinterroger », d’autres de la « dépasser ». Parce qu’elle affirme l’indépendance des syndicats à l’égard des partis politiques, la charte d’Amiens est parfois présentée comme un obstacle à la convergence des luttes. Adopté par la Confédération générale du travail en 1906, ce texte fondateur ne se résume pourtant pas à une séparation hermétique entre social et politique. »

Antony Burlaud s’est rendu “ Au pays de l’« ardeur révolutionnaire » ” : « La ville de Trèves, où Karl Marx vit le jour le 5 mai 1818, s’apprête à fêter en grande pompe le bicentenaire de la naissance du penseur allemand. En France, l’événement revêt surtout une dimension éditoriale et universitaire. Une telle discrétion ne reflète guère la place occupée par ce pays, à la fois terre d’asile et champ de batailles politiques, dans la vie et l’œuvre du théoricien communiste.

Racialement parlant, la confusion s’amplifie de jour en jour : “ Vous n’aurez pas ma souffrance ” (Walter Benn Michaels) : « En août 1955, Emmett Till, un Noir américain de 14 ans originaire de Chicago, est battu à mort dans l’État du Mississippi, où il rendait visite à des membres de sa famille. Ses deux meurtriers blancs sont arrêtés et jugés ; il faut une heure au jury pour rendre son verdict – « non coupables ».

Ce meurtre n’avait rien d’inhabituel : l’abolition de la ségrégation raciale dans les écoles par la Cour suprême en 1954 avait déclenché une contestation souvent violente. La singularité de l’affaire tient plutôt au fait que ses auteurs ont été jugés et qu’elle a soulevé une vague de réactions dans le pays, notamment grâce à la décision de la mère d’Emmett Till d’organiser des funérailles à cercueil ouvert : « Il faut que les gens voient ce qu’ils ont fait à mon garçon »,expliqua-t-elle. Les clichés de son visage brutalisé firent ainsi le tour des États-Unis.

En mars 2017, la biennale du Whitney Museum de Manhattan expose un tableau de l’artiste blanche Dana Schutz intitulé Open Casket (« cercueil ouvert »), qu’un critique décrit comme« une réponse puissante, en peinture, à la photographie tristement célèbre d’Emmett Till défiguré lors de ses funérailles ».Or l’œuvre n’est pas reçue comme une arme supplémentaire dans les luttes actuelles contre le racisme, mais comme une forme de racisme. L’artiste britannique Hannah Black publie une lettre ouverte demandant le retrait du tableau, devant lequel des spectateurs se rassemblent pour protester. Des événements analogues se déroulent à Saint-Louis contre des œuvres utilisant des photographies de manifestants noirs battus par la police à Selma, en 1965, et à Minneapolis contre une installation en mémoire de l’exécution de trente-huit Indiens Dakotas en 1862. »

Bernard Gensane

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