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Le nouveau visage du capitalisme

« L’inégalité est en hausse partout dans le monde capitaliste post-industriel (...) Les gouvernements doivent accepter que, aujourd’hui plus que jamais, l’inégalité et l’insécurité sont les conséquences inévitables des opérations de marché », écrit Jerry Z. Muller, professeur d’histoire à l’Université catholique d’Amérique et auteur de The Mind and the Market : Capitalism in Western Thought [1].
Deux questions sont au cœur du débat actuel dans les pays capitalistes développés : la montée des inégalités économiques et l’ampleur de l’intervention du gouvernement pour y remédier.

À gauche, la tendance est à l’augmentation des impôts et des dépenses, à droite on plaide pour leur réduction.
« Les deux ont tort », lance de prime abord Jerry Z. Muller. Pourquoi ? Parce que les inégalités croissantes résultent, naturellement, comme l’œuf de la poule, de l’activité capitaliste, même si leur accroissement et leur corollaire, l’insécurité économique, « peut éroder l’ordre social et générer une réaction populiste contre le système capitaliste dans son ensemble ».

Des exceptions tempèrent cette lame de fond historique. Les seuls, et rares, succès enregistrés dans la réduction de l’insécurité sont inhérents à l’État-providence moderne du milieu du XXe siècle qui a finalement « permis au capitalisme et à la démocratie de cohabiter dans une relative harmonie ». La rupture date des dernières décennies ; elle a été provoquée par l’évolution des technologies, de la finance et du commerce international, avec les incidences sociales que l’on connaît : des vagues d’insécurité, aussi bien pour les classes inférieures paupérisées que pour la classe moyenne.

Cette tendance semble s’inscrire dans la durée et les États capitalistes doivent admettre qu’inégalité et insécurité sont inséparables, car elles sont « le résultat inévitable des opérations de marché ».
Cela ne diminue en rien les mérites du capitalisme aux yeux de l’auteur. Le système en question a historiquement élargi les possibilités de développement du potentiel humain, même s’il l’a fait de façon inégalitaire ;

« des obstacles formels ou informels à l’égalité des chances, par exemple, ont toujours empêché différents secteurs de la population — comme les femmes, les minorités et les pauvres — de bénéficier pleinement de toutes les offres du capitalisme ».

Les sociétés capitalistes ont été, pour l’essentiel, orientées vers l’innovation et le dynamisme, la création de nouvelles connaissances, de nouveaux produits et de nouveaux modes de production et de distribution. Tout cela a changé le lieu de l’insécurité, le déplaçant de la nature à l’économie.
Depuis les débuts, la créativité et l’innovation du capitalisme industriel ont été porteuses d’insécurité pour le travail.

Dans les décennies du milieu du XXe siècle, en réponse au chômage de masse et les privations induites par la Grande Dépression (et aussi les conquêtes sociales enregistrées par le bloc socialiste qui ont convaincu de nombreux libéraux éclairés que trop d’insécurité constituait une menace pour le capitalisme lui-même), de nombreuses démocraties occidentales ont embrassé l’État-providence. C’est dans ce cadre que sont intervenues les mesures en faveur des plus démunis, des personnes âgées (l’assurance-chômage et les diverses mesures de soutien aux familles), etc.
Les progrès de l’économie industrielle ont, pour l’essentiel, permis de siphonner les profits et les salaires à des fins de redistribution, par le biais de la fiscalité. Il s’en est suivi un équilibre temporaire au cours duquel les pays capitalistes avancés enregistrèrent une forte croissance économique, des créations élevées d’emplois, et une relative égalité socioéconomique.

Plus près de nous, les changements les plus marquants affectèrent ce que l’auteur appelle « l’auto-culture » :

« Une grande partie des fruits des développements récents est dans nos esprits et dans nos ordinateurs portables, et non pas tant dans les secteurs de l’économie générateurs de revenus. »

Toutefois, ces progrès, aussi importants soient-ils, ne sauraient éclipser des caractéristiques pérennes du capitalisme, à leur tête l’inégalité et l’insécurité. Dans le monde postindustriel, l’économie du savoir, la production de biens manufacturés dépend plus des apports technologiques que des compétences des travailleurs, ce qui se traduit par une baisse relative de la nécessité et de la valeur économique des ouvriers qualifiés et semi-qualifiés —comme cela avait déjà été le cas avec le déclin de la nécessité et de la valeur des travailleurs agricoles.

Par ailleurs, aucune sphère institutionnelle n’échappe à la lame de fond néolibérale. Aux États-Unis, parmi les évolutions les plus marquantes de ces dernières décennies, il a été enregistré une nouvelle « stratification des schémas de nuptialité entre les différentes classes et groupes ethniques de la société ». Avec l’assouplissement des dispositifs légaux régissant le divorce, dans les années 1960, une augmentation du taux de divorce a été enregistrée au sein de toutes les classes sociales.

Vingt ans plus tard, dans les années 1980, un nouveau modèle voit le jour : le divorce diminue parmi les portions les plus instruites de la population, tout en poursuivant son ascension parmi les fractions les moins instruites. Par ailleurs, les catégories les plus instruites et les mieux nanties étaient plus susceptibles de se marier. Aussi, compte tenu du rôle de la famille comme « incubateur de capital humain », ces tendances ont des retombées insoupçonnables sur l’inégalité.

De nombreuses recherches montrent en effet que les enfants élevés par deux parents dans une union permanente sont plus susceptibles de développer l’auto-discipline et la confiance en soi pour réussir dans la vie, alors que les enfants — et en particulier les garçons — élevés dans des familles monoparentales (ou, pire, les ménages ayant une mère qui a une série de relations temporaires) ont un risque accru « d’effets indésirables ».

« Un élément du capital humain est la capacité cognitive : vivacité d’esprit, capacité de conclure et d’appliquer des modèles tirés de l’expérience, et la capacité de faire face à la complexité mentale. Un autre est le caractère et les aptitudes sociales : l’auto-discipline, la persévérance, la responsabilité. Et un troisième est la connaissance réelle. Tous ces éléments sont de plus en plus cruciaux pour réussir sur le marché postindustriel. »

L’accroissement des inégalités a été aggravé par l’insécurité croissante, le stress, la peur du lendemain et l’anxiété. Cette tendance est attribuée à la financiarisation de l’économie, surtout aux États-Unis, et l’avènement de ce qui a été caractérisé comme un « capitalisme gestionnaire de fonds » par l’économiste Hyman Minsky ou encore par la formule de « capitalisme agence ».

La vieille fable, chère aux libéraux et aux capitalistes, soutenant que « plus les riches s’enrichiront, moins les pauvres le seront », le débordement de la richesse leur étant – par ricochet — bénéfique, a fait son temps…

Ammar Belhimer

»» http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/12/31/article.php++cs_INTERRO++sid=1585...

ammarbelhimer@hotmail.fr



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