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Le Sarkophage n° 14

Très dense numéro 14 du Sarkophage.

Dans l’éditorial, Paul Ariès s’avoue désespéré mais optimiste. Il met en garde : « Croissances bleue, rouge ou verte conduisent toutes dans le même mur, tout en alimentant la machine à faire des inégalités sociales. »

Jean-Marie Harribey écrit que quand « on puise on épuise », tandis que Philippe Godard nous exhorte à trouver un souffle nouveau : « Durant les premiers de cette année, les directions des principaux syndicats ne sont pas restées apathiques. Elles ont au contraire travaillé à museler le mouvement social, à lui faire croire qu’il ne pouvait rien ou pas grand-chose, à distiller le poison de la division et du défaitisme dans nos rangs. » Godard pense que « ce qui va se jouer dans les semaines et les mois qui viennent est l’extension des champs de contestation du mouvement vers des formes bien plus politiques, ou son dépérissement tranquille. »

Pour Gérard Filoche, encore membre du PS (le pôvre !), une université d’été ne fait pas printemps : « Le PS se trouve de plus en plus tiraillé entre les tenants d’une alliance avec le MODEM et ceux de l’Union de la gauche. Les courants libéraux ont été vaincus à La Rochelle, mais une université d’été ne fait pas un congrès. »

Jean-Michel Chaumont évoque le problème de la traite des Blanches : « Les véritables causes de la présence des prostituées sont d’ordre socio-économique ; le discours des experts en fait un phénomène d’ordre criminel. Dès lors, nous sommes tenus dans l’illusion qu’un problème économique puisse être solutionné par des mesures répressives. »
Aurélien Bernier nous demande de « refuser l’écologie anti-sociale ». Il critique naturellement la taxe carbone de Rocard : « Le pauvre ayant malheureusement besoin de se déplacer, de manger, de se vêtir, il payera d’autant plus que ses marges de manoeuvre dans ses comportements d’achat sont étroites. […] A de rares exceptions près, adopter un mode de vie écologique est pour l’instant inaccessible à toute une partie de la population, même dans les pays développés Donc le pauvre payera. »

Bonne intervention de Mireille Popelin sur « la gauche et l’école » : « Depuis plus de trente ans, la " gauche " , tout en essayant de lutter contre l’offensive de la droite contre l’école, a avalé toutes les couleuvres destinées à lui faire accepter […] un système d’éducation qui n’est plus NATIONAL, mais sous la coupe de l’Union européenne qui exige une école européenne pour une économie … européenne ; l’abaissement des exigences facilite la formation des professeurs, en démantelant les droits statutaires et encourageant les " bonnes performances " , c’est-à -dire le payement au mérite. »

Nico Hirtt, un des meilleurs spécialistes des questions scolaires, nous livre quelques-unes de ses réflexions :

« Si l’on veut expliquer pourquoi la méritocratie tombe en panne durant les Trente glorieuses, il faut observer que durant les années 50-80 le besoin de qualification s’accélère et s’étend presque à toute la main-d’oeuvre et que, dès lors, la sélection ne se fait plus " naturellement " à l’entrée de l’enseignement secondaire, mais à l’intérieur de celui-ci, par le biais de l’échec scolaire. On passe ainsi d’une sélection positive (méritocratique) des " meilleurs " à l’élimination des " moins bons " par l’échec.

[…] Au lieu d’affirmer que les enfants du peuple seraient inadaptés à l’école bourgeoise, je dirais que l’école est inadaptée à tous les enfants. N’y réussissent que ceux qui trouvent ailleurs, hors de l’école, le moyen d’en compenser les lacunes.

[…] Tout le discours qui s’oppose à la transmission des savoirs par l’école répond surtout fort opportunément aux demandes exprimées par les porte-parole du capitalisme international. […] Pour la Banque mondiale, les professeurs doivent devenir des facilitateurs d’apprentissage plutôt que de transmettre des savoirs. […] La conception pédagogique de la Banque mondiale n’est pas incohérente. Elle correspond aux besoins d’une économie où la technologie ne sert pas à libérer l’homme des tâches les plus pénibles, mais à en accélérer le rythme pour augmenter la productivité, rendant ainsi ces tâches encore plus abrutissantes. Dans une telle économie, il n’y a pas de place pour le " savoir " ou la " culture " . Seules comptent l’employabilité et l’adaptabilité. »

Ancien élève de l’École Polytechnique, Teodor Liman renchérit (voir son livre Classé X) : « En France, l’école ne forme pas, elle sélectionne.

[…] les écoles d’ingénieur n’ont plus d’ingénieur que le nom. A l’époque où je fréquentais les Ponts et Chaussées, une infime minorité d’élèves choisissaient l’apprentissage des techniques de construction, la majorité se tournant vers l’économie et la finance.

[…] Les critères de sélection façonnent des étudiants puis des salariés obéissants, respectant la hiérarchie et fidèles, sous couvert d’objectivité scientifique, aux normes de toute espèce. C’est ainsi que d’anciens bons élèves deviennent les petits soldats du capitalisme et que se rejoignent, dans le même mal, l’arrogance de l’école et du marché. »

Excellentissime interview d’Alain Accardo (" Faut-il désespérer de Billancourt ? ») qui réfléchit sur l’ethos des classes populaires et la lutte des classes : « Je crois qu’il serait très aventureux de faire l’hypothèse que l’ethos plébéien subsistant encore dans les classes populaires urbaines des années cinquante se retrouve indemne chez leurs petits-enfants. Le système n’a cessé un seul instant de malaxer la pâte sociale, avec des effets culturels adultérants.

[…] l’erreur a été, non pas de considérer que toute amélioration immédiate de la condition matérielle et morale des travailleurs et de leurs familles était bonne à prendre (c’était un point de vue légitime), mais de réduire le combat révolutionnaire à la négociation sans fin de ces améliorations, par voie " démocratique " parlementaire, sans réaliser que le fait d’assigner un tel objectif à la lutte des salariés relevait à leur faire épouser définitivement un modèle inscrit dans l’essence même du capitalisme.

[…] A force de libéralisme libertaire, nous voyons se profiler aujourd’hui en Europe cette variété de néofascisme larvé que Clouscard pressentait déjà dans Néofascisme et idéologie du désir (1973), cette société cauchemardesque où " tout est permis mais rien n’est possible " .
[…] Ce que des rapports de force ont fait historiquement, d’autres rapports de force peuvent le modifier, surtout si la crise structurelle du système poursuit ses dégâts et aggrave la paupérisation des classes moyennes, réduisant par là même leur rayonnement propre et l’écart avec les classes populaires. Un tel processus pourrait hâter la recomposition d’une gauche radicale, comme il pourrait à l’inverse favoriser une poussée de l’extrême droite. »
Accardo donne également sa vision du communisme : « la seule issue concevable parce que la seule conforme aux principes de justice et d’humanité, c’est le partage, la mise en COMMUN de toutes les ressources, la restitution à la communauté des humains, et d’abord des moins bien lotis, de tout ce qui permet de mener une vie digne, dans le respect de soi-même et des autres, y compris des autres formes de vie sur la terre. »

Un article un rien moqueur de Vincent Cheynet sur Gérard Collomb, maire « socialiste » de Lyon, qui « symbolise à lui seul toutes les dérives de la gauche. […] Jadis homme de la gauche socialiste (CERES), il a depuis longtemps rasé sa barbe et ses idées jadis " révolutionnaires " ont disparu avec sa pilosité. Le marketing politique est bien une avancée de l’oligarchie … antidémocratique. » « Collomb ne s’est pas opposé à la guerre de Bush en Irak car " la paix ne peut jamais être fondée sur la faiblesse " . […] Il affiche inconditionnellement son soutien inconditionnel à la politique de l’État israélien. »

Un article de Yann Fiévet, également publié par Le Grand Soir (http://www.legrandsoir.info/Le-travail-sous-la-toise-de-la-crise-du-ca...). J’en cite l’introduction : « La crise du capitalisme - dont l’origine est bien antérieure à l’effondrement récent de la finance internationale - devrait être le prétexte de remises en cause tant théoriques que pratiques afin de commencer à construire une société plus juste et plus écologique. En ces temps de basses eaux du mouvement social c’est au contraire l’exacerbation des causes du « malheur » capitaliste qui l’emportent. La question du travail est à cet égard l’un des exemples les plus significatifs de la soumission des individus à des impératifs qui leur échappent. »

Denis Collin dénonce le « mythe de la croissance illimitée des forces productives ». « Le communisme à venir serait d’abord un idéal éthique accompagnant une transformation radicale des rapports sociaux et des rapports de propriété, […] la marche vers une société digne du niveau atteint par nos connaissances, […] la liberté réelle du progrès de la raison, de la culture et de la véritable richesse de l’individu qui n’est rien d’autre que l’ensemble de ses relations sociales. »
Laurent Paillard analyse l’utilisation par Sarkozy et la bourgeoisie française du mot " tabou " . Ce mot remplace tout simplement le mot " droit " . « Chaque fois que le président ou le gouvernement cherche à remettre en cause un droit - la durée légale du travail, le droit de grève etc. - il le qualifie de " tabou " (le tabou des 35 heures).

Le mot " tabou " renvoie aux interdits religieux des sociétés archaïques, celui qui le brise serait donc un vecteur de modernité. Mais en réalité la droite ne brise aucun tabou, elle ne fait que détruire le fondement de la modernité politique, à savoir le droit. »

Paul Desmarais est l’un des hommes les plus riches et les plus influents au monde. Normal qu’il soit un pote de Sarko. Ou, plus exactement, Sarko est son obligé. Desmarais lui a maintenu la tête hors de l’eau après la mauvaise passe de 1995. En échange, Sarkozy a fait de lui l’actionnaire de référence de Gaz de France qui, jamais, aux dires de Sarkozy le menteur, ne devait être privatisé. Desmarais est également actionnaire de référence chez Total (" Une amitié dont la France et le Québec payent déjà le prix " ).

Une réflexion originale de Gérard Noiriel sur " Histoire, théâtre et politique " : « Ce n’est pas un hasard si Hitler prenait des cours d’art dramatique, à une époque où les hommes politiques ne disposaient pas encore de conseillers en communication. »

Laurent Paillard revient sur le RSA, cette loi conservatrice « pilotée par un transfuge de la gauche. » « Le nom du dispositif est extrêmement pervers puisqu’il présente la solidarité comme quelque chose de conditionné alors que la solidarité, c’est la solidarité. Le RSA vise à remplacer le RMI car ce dernier, en bonne logique libérale, donne une petite liberté de choix aux précaires (échapper aux emplois les plus dégradants).

Le Sarkophage s’insurge contre la prime à la casse car « les voitures sont devenues jetables. On détruit sciemment des véhicules qui pourraient faire encore moult kilomètres. »

Sombre article de Bernard Méheust, " Devant la catastrophe " : « Si l’expression développement durable est employée de manière aussi généralisée, c’est que l’on sait bien que cela n’est pas durable. Il s’agit d’un oxymore qui permet au marché de recalibrer la problématique pour la rendre sarkocompatible et dont l’emploi aurait pour objectif d’empêcher tout mouvement de pensée. »

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