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La terre en partage

Les Zindigné(e)s n° 24

Dans son éditorial, Paul Ariès rappelle que les milieux populaires sont en fait plus écolos que les classes aisées, le bilan carbone des premiers étant meilleurs que celui des seconds. Il y a parfois chez les Verts de la condescendance vis-à-vis des pauvres, comme quand François Goulley de Rugy propose de rendre le vote obligatoire et d’infliger une « petite amende » à ceux qui ne voteraient pas. Une « petite amende » pour les salauds de pauvres !

« Qu’est-ce qu’un espace écologique », demande Sylvain Angerand des Amis de la terre ? En quoi la notion d’espace écologique peut-elle nous aider à construire des transitions vers des sociétés soutenables ?

Mohammed Taleb se prononce « contre le pillage des symboles et pour une éco-spiritualité solidaire ». Il analyse les propositions d’Edward Said sur une exploration fine des dimensions culturelles et idéologiques des rapports de pouvoir qui s’exercent du monde occidental vis-à-vis des peuples de l’« Orient ».

Pour Thierry Brugvin, il est urgent de repenser notre environnement urbain. Il ne s’agit pas de créer des villes inhumaines, flanquées d’immenses immeubles collés les uns aux autres. Comme dans certaines cités de banlieu devenues invivables, car leurs habitants étouffent coincés entre des murs grisaillant en béton armé, telles des prisons ouvertes.

Pour Jean-Marc Sérékian, la sortie du nucléaire, c’est aujourd’hui ou jamais. 
Cela peut paraître dérisoire voire puéril de réaffirmer aujourd’hui l’urgence de la sortie du nucléaire en France. En automne dernier le couperet de l’arbitraire était déjà tombé. Le mardi 14 octobre 2014, l’Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, le projet de loi relatif à la « transition énergétique pour la croissance verte ». Le statu quo nucléaire se retrouvait ainsi confirmé, promu et « bunkérisé » par la loi, comme indispensable dans le mix énergétique national. Cette urgence est pourtant la principale leçon de Fukushima : la sortie du nucléaire c’est aujourd’hui ou jamais … Même si la classe politique a tranché en labélisant le blocus nucléaire par son intégration dans la « transition énergétique pour la croissance verte », il n’est pas inutile de revenir sur les leçons irrévocables de la catastrophe japonaise. Trois vieux réacteurs déclarés « bon pour le service » au-delà de 40 ans entraient en fusion à la suite d’un séisme et d’un tsunami, le 11 mars 2011. Les implications anthropologiques de ce drame ont été immédiatement comprises en Allemagne. Comment comprendre qu’elles ne le furent pas en France ?

Jacques Testard fait l’éloge de « l’humanitude ». Nous savons tous ce qu’est l’humanitude, avant même que nous connaissions un mot pour la nommer. Nous la devinions à l’occasion de quelque expérience, rare dans la vie quotidienne, des moments inoubliables partagés avec des gens qui étaient souvent des inconnus, moments graves et exaltants où l’on échange, s’écoute et imagine un autre monde. Par exemple lors d’une grande grève, ou d’une manifestation massive. Pour les seniors il faut évoquer les mouvements mythiques comme mai 68, Lip ou le Larzac, mais les plus jeunes ont pu participer à la marche enthousiaste du Parti de gauche en mai 2013 ou fréquenter les implantations des Indignés, des Zadistes ou Alternatiba. Parfois, c’est dans un cercle de discussion improvisé que la chose arrive : soudain s’impose le sentiment d’appartenance à la communauté humaine, non pas de façon formelle comme le dit l’état-civil mais par la chair et par l’esprit, parce que la chaleur des autres nous gagne et nous aide à réfléchir ensemble au monde que nous voulons. Et ce monde n’est plus celui d’un groupe particulier explorant ses intérêts étroits, il se veut partagé avec les absents, avec les étrangers, avec les générations à venir, un monde fait pour le bien de l’humanité entière, le contraire du monde néo libéral ! C’est que la magie a opéré dans ce groupe hétérogène pour ramener chacun au plus petit commun dénominateur : l’appartenance à l’espèce Homo sapiens, à ses rêves et ses difficultés, et alors sont mis en circulation tous les neurones, tous les savoirs imbibés du vécu de chacun. Pour en arriver là, il fallait que deux qualités humaines, ordinairement étrangères l’une à l’autre, se manifestent simultanément : l’intelligence collective et l’empathie. C’est ce mélange chaud et puissant que je nomme humanitude. L’humanitude n’est pas une qualité individuelle, elle ne jaillit pas d’un mouvement solitaire mais par l’émulation qui naît au sein d’un groupe en effervescence intellectuelle, morale et affective, elle est l’expression du meilleur de l’humanité et de l’intelligence partagées.

Vandana Shiva et Lionel Astruc discutent sur le concept de « désobéissance créatrice ». A ce sujet, la personnalité de Vandana Shiva mériterait d’être mieux connue : « Emblème mondial de la révolution écologique et chef de file du mouvement altermondialiste, Vandana Shiva a basé son travail sur la pédagogie par l’exemple. Partie seule à pied sur les chemins de l’Inde à la fin des années 1980, en quête de semences menacées par l’industrie, elle en est revenue à la tête d’un cortège de 500 000 manifestants – paysans et activistes – et d’un réseau de 120 banques de graines. Ses initiatives ont pollinisé les cinq continents et ses procès contre les multinationales lui ont valu de nombreuses récompenses, dont le prix Nobel alternatif. Drapée de son éternel sari de coton artisanal, elle exhorte chacun de nous à devenir ce “petit rien” qui inversera la tendance.

Docteur en physique quantique et en philosophie, elle porte bien le nom du dieu Shiva, aussi connu pour son caractère combatif que pour sa capacité à protéger la vie. Son histoire est marquée par un engagement corps et âme, dans un pays où sévit une intense guerre des matières premières.

Pourquoi un grand changement de paradigme interviendra-t-il dès les prochaines années ? Quel rôle devons-nous jouer ? En quoi l’abondance pour les uns et la pénurie pour les autres procèdent-elles d’une même perte de souveraineté alimentaire pour tous ? Qu’est-ce que l’écoféminisme et en quoi représente-t-il une opportunité majeure, tout autant pour les femmes que pour les hommes et la planète ?

Cette série d’entretiens aborde alternativement les grands enjeux actuels et le parcours épique de cette héritière de Gandhi. »

Vincent Devictor (auteur de Nature en crise) se demande comment défendre efficacement la biodiversité. La Terre est entrée dans la sixième grande phase d’extinction des espèces. La biodiversité n’est pas simplement la diversité du vivant mais la diversité du vivant « en crise ».

Pour François Gèze (ancien responsable des éditions La découverte), l’édition française peut nous renseigner sur l’état de la vraie gauche. Et on peut se demander si le succès de livre très marqués à droite (Zemmour) signe une irrémédiable glissade du corps social français vers le pire.

Laurent Paillard analyse Opération Correa, un film de Pierre Carles antidote à la théorie du complot. Une version courte du film peut être visionnée sur le site de cp productions.
L’article est suivi d’une interview de Carles par Paillard.

En matière de productivisme, Mathieu Agostini en connaît un rayon. Il s’intéresse ici aux productivistes du PS au pouvoir. Pour Hollande, la transition énergétique passe par moins de trains et plus de cars !

YannFiévet évoque les « cartons d’Europa City » : Les lecteurs distraits des publi-reportages plus ou moins bien maquillés que diffusent de plus en plus abondamment les médias les moins regardants commencent à être familiers du nouveau mastodonte baptisé Europa City. Ici, nous supposerons que le lecteur ne se contente pas de promotion mercantile ou de gonflette publicitaire pour leur préférer une présentation critique des « grands projets structurants » dont on ne sait jamais vraiment ce qu’ils structurent. En l’occurrence, il s’agirait de construire, au mieux en 2020, dans le « Triangle de Gonesse », coincé entre les aéroports du Bourget et de Roissy-Charles-De-Gaulle, un complexe mêlant activités commerciales et activités de loisirs. Dans la partie la plus modeste du Val d’Oise et aux confins du département le plus pauvre de France, la Seine-Saint-Denis, ce « machin » à deux têtes offrirait la myriade des plus grandes « enseignes du commerce de luxe européen », des hôtels de grande capacité destinés à retenir les visiteurs instables par définition, des salles de spectacles et de sport surdimensionnées, une piste de ski d’intérieur permettant de cultiver l’exotisme qu‘il ne serait donc plus nécessaire d’aller chercher au loin. Il paraît même que ce projet, déclaré d’envergure nationale en son temps par Nicolas Sarkozy soi-même, préfigurerait « la ville de demain ». Bref, nous sommes préparés, sur papier glacé pour le moment, à toutes les outrances.

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En transformant les violences de l’extrême droite vénézuélienne en "révolte populaire", en rhabillant en "combattants de la liberté" des jeunes issus des classes aisées et nostalgiques de l’apartheid des années 90, c’est d’abord contre les citoyens européens que l’uniformisation médiatique a sévi : la majorité des auditeurs, lecteurs et téléspectateurs ont accepté sans le savoir une agression visant à annuler le choix des électeurs et à renverser un gouvernement démocratiquement élu. Sans démocratisation en profondeur de la propriété des médias occidentaux, la prophétie orwellienne devient timide. L’Amérique Latine est assez forte et solidaire pour empêcher un coup d’État comme celui qui mit fin à l’Unité Populaire de Salvador Allende mais la coupure croissante de la population occidentale avec le monde risque un jour de se retourner contre elle-même.

Thierry Deronne, mars 2014

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