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Liban : Le rapport sur l’affaire Hariri est dangereusement incomplet, par Robert Parry - Globalresearch.


Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage !

L’affaire Hariri est une parfaite illustration de cet adage, qui semble être un des favoris de Bush. Cet article de Robert Parry dénonce le peu de solidité des accusations portées contre le gouvernement syrien. Robert Parry est un journaliste dont la réputation n’est plus à faire, c’est en partie grâce à lui que le scandale de Ronald Reagan, l’Irangate, avait été porté à la connaissance du public. C.F.K


Le rapport sur l’affaire Hariri est dangereusement incomplet


23 Octobre 2005


Un nouveau rapport des Nations Unies implique le gouvernement syrien dans l’assassinat de l’ex-premier ministre libanais Rafiq Hariri, apportant de l’eau au moulin de George W. Bush qui exige un « changement de régime » à Damas. Mais l’enquête comporte de nombreuses lacunes : elle omet entre autres de poursuivre la piste d’un mystérieux fourgon lié à l’attentat à la bombe du 14 février.

Le rapport de l’ONU, qui fait 54 pages, conclut que la bombe, qui a coûté la vie à Hariri ainsi qu’à 22 autres personnes, était probablement à bord d’un fourgon Canter blanc Mitsubishi qui s’est approché du cortège d’Hariri et de son entourage avant qu’un kamikaze ne déclenche la puissante bombe.

Alors que l’on ne connaît toujours pas l’identité du kamikaze, une équipe forensique japonaise a découvert que 44 des 69 pièces qui composent l’épave du fourgon ont été fabriquées par la société Mitsubishi Fuso, et a même identifié précisément le véhicule. Il semblerait donc que la liste des propriétaires successifs du fourgon soit un élément crucial pour l’identification des assassins.

Mais sur ce point essentiel, l’enquête de l’ONU a peu progressé, ne consacrant que quelques paragraphes à la manière dont ce fourgon s’est retrouvé à Beyrouth. A La page 42 du rapport se trouve la précision suivante : l’équipe forensique japonaise a déclaré que la piste du fourgon avait été remontée jusqu’à la ville japonaise de Sagamihara où il avait été volé le 12 octobre 2004.

Le rapport des Nations Unies ne donne pas de détails concernant l’enquête japonaise sur le vol du véhicule ; il n’indique pas non plus les découvertes que la police japonaise a pu faire concernant l’identité des voleurs ou la manière dont ces derniers ont pu expédier le fourgon depuis une banlieue de Tokyo jusqu’au Moyen Orient au cours des quatre mois précédant l’assassinat d’Hariri.


Les bouchées doubles

Quoiqu’il soit probable que le vol d’un véhicule n’ait pas beaucoup retenu l’attention de la police japonaise il y a un an, il semble que le rôle apparent que joue le fourgon dans ce qui est un acte terroriste à dimension internationale justifierait que l’on mette aujourd’hui les bouchées doubles.

Au minimum, les enquêteurs de l’ONU auraient pu insister pour faire figurer dans le rapport des détails tels que le nom du propriétaire d’origine, les circonstances du vol et les noms des réseaux de vol de véhicules qui opèrent sur Sagamihara. De plus, les enquêteurs auraient pu vérifier les exportations de Mitsubishi Canter blancs à destination du Proche-Orient.

Puisqu’il s’est écoulé moins de quatre mois entre le vol du véhicule et l’attentat, les autorités japonaises auraient pu au minimum dresser une courte liste des expéditions au cours desquelles le véhicule aurait pu être transféré ; les services de douanes du Proche-Orient conservent probablement les informations relatives aux importations de véhicules.

Au lieu de cela, l"enquête de l’ONU s’est centrée sur des preuves beaucoup plus insignifiantes et anecdotiques, par exemple la comptabilisation des appels téléphoniques qu’ont échangé divers responsables de la sécurité sur le trajet emprunté par Hariri.

Pour appuyer ses conclusions incertaines qui montrent la Syrie du doigt, l’enquête de l’ONU repose aussi beaucoup sur deux témoins, dont la crédibilité peut être mise en doute ; ces témoins ont mis en cause des responsables syriens de la sécurité, bien qu’il soit fait mention du fait que ces témoignages sont en partie contradictoires.

Par exemple, les deux soi-disant témoins n’étaient pas d’accord sur ce qui était arrivé au jeune Libanais, Ahmad Abou Adass, qui avait revendiqué la responsabilité de l’attentat-suicide dans une vidéo diffusé sur la chaîne de télévision al-Jazira au lendemain de l’assassinat d’Hariri.

D’après cette vidéo, Hariri aurait été exécuté par des militants islamistes parce qu’il était de par son travail « l’agent des infidèles » et Abou Adass s’y identifie comme étant le kamikaze.

Mais le rapport des Nations Unies s’est servi des soi-disant témoins pour décrédibiliser la vidéo, disant qu’elle faisait partie d’une campagne de désinformation visant à détourner les soupçons de la Syrie.

Un des témoins - que le rapport de l’ONU décrit comme « étant d’origine syrienne mais résidant au Liban et prétendant avoir travaillé pour les services du renseignement syriens au Liban » a dit qu’Abou Asass qui « n’avait joué aucun rôle dans l’assassinat et n’avait servi qu’à détourner l’attention, » était détenu « en Syrie où on l’avait obligé, sous la menace d’une arme à feu, à enregistrer la vidéo » avant de le tuer.

Un autre soi-disant témoin, Zouhir Ibn Mohamed Said Saddik, prétend avoir vu Abou Adass dans un camp à Zabadani en Syrie où, dit-il, le fourgon Mitsubishi avait été bourré d’explosifs ; Saddik dit qu’Abou Asass avait eu l’intention de commettre l’assassinat puis avait changé d’avis et avait été ensuite éliminé par des Syriens qui avaient mis son cadavre dans le véhicule piégé.


Des témoins sujets à caution

Un des problèmes que soulèvent de tels « témoins » est qu’ils ne sont pas crédibles pour tout un tas de raisons, y compris la possibilité qu’ils puissent être soudoyés ou autrement amenés à faire de faux témoignages, dans le but d’atteindre un résultat qui aille dans le sens d’hommes politiques, ou de pays, puissants.

Les États Unis - et le New York Times - ont appris cette leçon pendant la période qui a précédé la guerre en Irak, lorsque les groupes d’exilés irakiens arrangeaient des rencontres entre des soi-disant témoins d’une part et des représentants du gouvernement et des journalistes américains d’autre part, leur donnant des renseignements sur les armes de destruction massive irakiennes, ces affirmations s’étant révélées montées de toutes pièces.

(On se pose déjà des questions similaires au sujet de Saddik, témoin-clé dans l’affaire Hariri. Der Spiegel, le magazine allemand d’informations, a écrit que Saddik , escroc notoire, a été pris en flagrant délit de mensonge par l’équipe d’enquêteurs de l’ONU. Der Spiegel a aussi raconté comment l’homme qui a servi d’intermédiaire à Saddik lors de son témoignage, Rifaat al-Assad, est un Syrien, opposant au régime du président Bashar Assad - son propre neveu - ; de plus il semblerait que Saddik ait été payé pour témoigner. Saddik a appelé son frère à Paris à la fin de l’été et lui a annoncé, « je suis devenu millionnaire, » c’est ce que le frère a raconté si l’on en croit Der Spiegel.)

Le risque que les enquêteurs acceptent des témoignages douteux émanant de sources sujettes à caution est maximal lorsque les allégations visent des pays ou des dirigeants déjà mal vus - comme ça a été le cas avec l’Irak, et comme c’est maintenant le cas avec la Syrie. La plupart des gens étant déjà prêts à croire le pire, peu d’enquêteurs ou de journalistes osent mettre leur réputations et leurs carrières en danger en exigeant qu’on leur fournissent des preuves solides. Il est plus aisé de suivre le mouvement général.

Dans l’affaire Hariri, le chef de la commission d’enquête Detlev Mehlis, un magistrat allemand, s’est retrouvé soumis à des pressions internationales intenses que certains observateurs ont comparées à celles qu’avait subies Hans Blix début 2003.

N’ayant pas trouvé les ADM irakiennes mais confronté aux Américains qui insistaient sur le fait qu’il y avait bel et bien des ADM, Blix avait essayé de louvoyer pour éviter de heurter Bush de front, ce qui n’avait pas empêché ce dernier de balayer ses objections timides et d’envahir l’Irak en mars 2003.

De même, l’administration Bush est passée au niveau supérieur dans la pression qu’elle fait subir à la Syrie par ses déclarations, accusant le gouvernement de Bashar Assad de permettre aux djihadistes étrangers de s’infiltrer en Irak où ils attaquent les troupes américaines. Par conséquent, toute attention négative portée à la Syrie ferait bien les affaires de la politique anti-syrienne de Bush.

Après la publication du rapport des Nations Unies le 20 octobre, Bush a immédiatement déclaré que ces affirmations étaient « très préoccupantes » et a demandé aux Nations Unies d’adopter des mesures contre la Syrie.

Or, alors que l’on peut considérer que la Syrie et ses services secrets extrêmement autonomes sont les principaux suspects dans l’afaire Hariri, l’amère expérience de l’Irak justifierait que l’on explore les pistes les plus évidentes, de manière à renforcer les preuves ou à les infirmer, comme le mystère du Canter blanc Mitsubishi.

Les enquêteurs pourraient se rapprocher énormément de la vérité s’ils arrivaient à déterminer ce qui est arrivé au fourgon entre le moment où il a disparu des rues d’une ville japonaise et celui où il a réapparu, presque quatre mois plus tard, se dirigeant sur le convoi d’Hariri.

La bombe ne s’est pas bornée à secouer le monde politique au Liban. Elle pourrait maintenant fournir à l’administration Bush un nouveau prétexte pour s’en prendre à un nouvel adversaire arabe.

Robert Parry


Robert Parry a révélé bon nombre des scandales de l’affaire des Contras (Irangate) dans les années 1980 pour le compte de l’Associated Press et de Newsweek. On peut commander son dernier livre, Secrecy & Privilege : Rise of the Bush Dynasty from Watergate to Iraq (Secret & privilège : l’ascension de la dynastie Bush, du Watergate à l’Irak), sur secrecyandprivilege.com. Il est aussi disponible sur Amazon.com, de même que son livre de 1999, Lost History : Contras, Cocaine, the Press & ’Project Truth.’ (L’histoire oubliée : les Contras, la cocaïne, la presse et le « Projet Vérité »

- Source : The Dangerously Incomplete Hariri Report
www.globalresearch.ca/index.php
 ?context=viewArticle&code=PAR20051023&articleId=1133


- Traduction et source : Catherine-Françoise Karaguézian
www.egueule.com/opinions%202004.html


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- Traduction d’ un article du Boise Weekly
www.egueule.com/opinions%202004.html


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