M. Mélenchon,
Après 40 ans de militantisme, je crois bien que c’est la première fois que je rédige une lettre ouverte. Je veux dire une lettre sérieuse, sans l’ironie qui me caractérise (parait-il). Et j’imagine que les chats que vous avez à fouetter en ce moment sont nombreux. Mais voilà, je ne sais plus exactement à qui, ni à quoi, m’adresser. Il s’agit de Julian Assange.
Pourquoi m’adresser à vous ? Disons que j’ai confiance en vous depuis une certaine soirée où j’ai assisté à un échange qu’on pourrait qualifier d’anecdotique. Mais j’ai tendance à évaluer les personnes à certains détails plus qu’à leurs professions de foi publiques. Que voulez-vous, on ne se refait pas. J’étais venu assister à une réunion de solidarité où divers intervenants, français et étrangers, ont pris la parole. J’avoue que ce soir-là, j’ai pas mal piaffé d’impatience, et souvent d’agacement, sur ma chaise – particulièrement lors des interventions des Français. A la fin de la soirée, la salle s’est vidée et pour une raison qui m’échappe, je suis resté. Il ne restait plus que vous et votre entourage proche – et moi, assis tranquillement dans un coin, en train de ressasser les recadrages et critiques que je me reprochais de ne pas avoir formulés à voix haute pendant la réunion. Puis vous vous êtes adressé à votre équipe, pour faire une sorte de bilan. Et là, j’ai entendu des propos que j’espérais entendre depuis une éternité dans la bouche d’un important responsable politique français. Je pense être assez proche de la réalité en disant que vous les avez (gentiment) tancés. Et à juste titre. Et dans ma tête, il y a eu un « ouf, enfin ! ». Comme j’ai toujours eu l’impression que vos propos n’étaient pas vraiment destinés à d’autres qu’à ceux qui vous entouraient ce soir-là, et avec le sentiment que j’étais devenu malgré moi une souris dans un coin, je ne m’arrogerai pas le droit d’en dire plus. Oui, je sais : écrire tout ce qui précède pour finalement ne rien dire, c’est un peu ballot de ma part. Mais je sais qu’il y en a qui me liront et me comprendront, et cela me suffit. J’espère que vous me comprendrez aussi.
Julian Assange, donc. Vous connaissez l’effroyable calvaire qu’il subit. Vous connaissez l’insoutenable injustice qui lui est faite. Et vous entendez, comme moi, le silence assourdissant qui s’est instauré autour. Et je ne m’attarderai pas sur l’attitude scandaleuse des média qui n’ont eu cesse de se livrer à des campagnes de désinformation et de calomnies, car, au moment où j’écris ces lignes, les seuls mots que je trouve, parce que les seuls qui me restent, sont des insultes.
Il y a quelques jours, la mère de M. Assange a lancé un cri d’alarme (*). Christine Assange, qui est une personne aux propos mesurés, en appelle à la mobilisation. En effet, l’évolution de la situation est telle que, en plus de la santé de Julian qui se dégrade (il n’a pas accès aux soins), c’est désormais sa vie qui est en danger.
La stratégie des gouvernements équatorien, britannique et états-unien est maintenant clair. Il s’agit de briser moralement, psychologiquement et physiquement cet homme - pour en quelque sorte le « convaincre » de sortir « de son plein gré » de l’ambassade. A partir de là, son extradition vers les Etats-Unis paraît certain. Là-bas, il risque le bagne de Guantanamo, la torture et même la peine de mort.
A destination du lecteur non-averti, et pour limiter la longueur de cette lettre, je me contenterai d’un rappel désespéramment laconique : Julian Assange n’a violé aucune loi d’aucune juridiction dont il dépendait. Il n’a jamais été mis en accusation pour un délit ou crime quelconque. Si vous avez eu l’impression du contraire, vous pouvez demander des éclaircissements à votre journal préféré (bonne chance).
M. Mélenchon, vous avez de l’influence, vous êtes respecté, vous avez beaucoup d’amis. Vous vous êtes déjà exprimé sur cette affaire. Une fois de plus ne serait pas de trop. Pour Julian, pour nous tous.
Merci.
Cordialement,
Viktor Dedaj
(*) https://www.youtube.com/watch?v=5nxigIRUkcU