14 commentaires

N’oubliez jamais que l’enjeu est Bradley Manning, pas le mariage gay

La même semaine où il recevait le Prix Nobel de la Paix 2009, Barack Obama ordonnait des bombardements au Yémen qui firent 63 morts, dont 28 enfants. Lorsqu’Obama annonça récemment qu’il soutenait le mariage gay, les avions américains venaient de pulvériser 14 civils afghans. Dans les deux cas, l’assassinat en masse n’a reçu pratiquement aucune couverture médiatique. L’important était les vacuités cyniques d’une célébrité politique, le résultat d’un état d’esprit promu par les forces du consumérisme et des médias et destiné à faire diversion des luttes pour une justice sociale et économique.

L’attribution du Prix Nobel au premier président noir sous prétexte que celui-ci « offrait de l’espoir » était à la fois absurde et la véritable expression du libéralisme sociétal qui contrôle une bonne partie des débats en occident. La question du mariage gay fait partie de la panoplie de diversion. Aucun « enjeu » ne détourne l’attention avec autant d’efficacité que celui-là  : ni le vote au Parlement de l’abaissement de la majorité sexuelle pour les relations homosexuelles, promu par le remarquablement libéral et criminel de guerre Tony Blair ; ni les mesures en faveur de la « promotion des femmes » qui ne contribuent en rien à la libération de la femme et ne font qu’amplifier la revendication de privilèges bourgeois.

Le mariage gay ne devrait pas être entravé par des textes de loi. Mais il s’agit d’une affaire civile et privée ; l’acceptabilité bourgeoise n’est pas encore un droit humain. Les droits historiquement associés au mariage sont ceux de la propriété, c’est-à -dire du capitalisme. Elever le « droit » du mariage au-dessus du droit à la vie et à la justice est aussi obscène que de s’allier à ceux qui nient ces droits à tant de gens, de l’Afghanistan jusqu’à la Palestine.

Le 9 mai, quelques heures avant sa déclaration à Damascene sur le mariage gay, Obama a envoyé des messages à des donateurs de sa campagne pour clarifier sa position. Il a demandé de l’argent. En retour, selon le Washington Post, sa campagne a connu une « hausse massive de dons ». Le lendemin, alors que les informations dans les médias étaient dominées par l’annonce de sa « conversion », il a participé à Los Angeles à une soirée de récolte de fonds organisée dans la maison de l’acteur George Clooney. Selon Associated Press, « Hollywood est le foyer des personnalités les plus engagés en faveur du mariage gay, et les 150 donateurs qui payeront 40.000 dollars pour participer au dîner chez Clooney se sentiront sans aucun doute revigorés par l’annonce fracassante d’Obama la veille. » La soirée chez Clooney devrait récolter une somme record de 15 millions de dollars pour la réélection d’Obama et sera suivie par « une autre soirée de récolte de fonds à New York organisée par les partisans gays et latinos d’Obama. »

Il n’y a que l’épaisseur d’une feuille de cigarette qui sépare les partis Démocrate et Républicain sur les questions de politique étrangère et économique. Tous les deux représentent les super riches et l’appauvrissement de la nation d’où des milliers de milliards de dollars d’impôts ont été transférés vers l’industrie de la guerre permanente et les banques qui ne sont pratiquement plus que des associations de malfaiteurs. Obama est aussi réactionnaire et violent que George W. Bush, et par certains côtés encore pire. Sa spécialité à lui est le recours aux drones armés de missiles Hellfire qui tirent sur des victimes sans défense. Sous couvert d’un retrait partiel des troupes d’Afghanistan, il a envoyé des forces spéciales US dans 120 pays où des escadrons de la mort sont formés. Il a ressuscité la guerre froide sur deux fronts : contre la Chine en Asie et un « bouclier » de missiles pointés sur la Russie. Le premier président noir a présidé à l’emprisonnement et la surveillance de plus de noirs qu’au temps de l’esclavage en 1850. Il a fait poursuivre en justice plus de donneurs d’alerte - des gens qui disent la vérité - qu’aucun de ses prédécesseurs. Son vice-président, Joe Biden, un va-t-en guerre zélé, a qualifié le rédacteur en chef de Wikileaks, Julian Assange, de « terroriste hi-tech ». Biden s’est lui aussi converti à la cause du mariage gay.

Un des véritables héros de l’Amérique est le soldat gay Bradley Manning, le donneur d’alerte accusé d’avoir fourni à Wikileaks les preuves sans précédent du carnage américain en Irak et en Afghanistan. C’est l’administration d’Obama qui a qualifié son homosexualité de « tordue », et c’est Obama lui-même qui a déclaré coupable cet homme qui n’a pas été condamné pour un crime ni même jugé.

Qui parmi tous les flagorneurs et prétentieux de la fête à fric hollywoodien chez Clooney a crié « Souvenez-vous de Bradley Manning » ? A ma connaissance, aucun porte-parole éminent d’un mouvement de défense des gays ne s’est élevé contre l’hypocrisie d’Obama et de Biden qui affirment leur soutien au mariage gay tout en terrorisant un homme gay dont le courage devrait être une source d’inspiration pour tous, sans considération pour sa sexualité.

La réussite historique d’Obama en tant que président des Etats-Unis a été de réduire au silence les mouvements contre la guerre et pour la justice sociale associés au parti Démocrate. Une telle servilité à l’égard d’un extrémisme déguisé et incarné par un manipulateur intelligent et amoral constitue une trahison envers la riche tradition de protestation populaire aux Etats-Unis. On dit que le mouvement Occupy représenterait cette tradition, et peut-être pas.

La vérité est celle-ci : pour tous ceux qui aspirent à contrôler nos vies, ce qui leur importe n’est pas couleur de notre peau, notre sexe ou notre préférence sexuelle, mais la classe sociale que nous servons. Leur objectif est de nous pousser à poser notre regard sur nous-mêmes et pas sur les autres pour nous empêcher de prendre conscience de l’ampleur du caractère antidémocratique du pouvoir, et par là même obtenir notre collaboration pour isoler ceux qui résistent. Cette guerre d’usure qu’ils mènent pour criminaliser, brutaliser et interdire la contestation peut très facilement transformer nos démocraties occidentales en états oppresseurs.

Le 12 mai à Syndey, en Australie, foyer du Mardi Gras gay et lesbien, une marche de soutien au mariage gay a rempli le centre-ville. La police a observé la scène d’un oeil bienveillant. Ce fut une belle démonstration de libéralisme. Trois jours plus tard, une marche était organisée pour commémorer la « Nakba » (« la Catastrophe »), le jour de deuil qui marque l’expulsion par Israël des Palestiniens de leurs terres. La police a interdit la marche et il a fallu une intervention auprès de la Cour Suprême pour obtenir l’autorisation.

C’est pour cela que le peuple grec devrait nous inspirer. Ils savent par expérience douloureuse qu’ils ne retrouveront leur liberté qu’en s’opposant à la Banque Centrale allemande, au Fonds Monétaire International et leurs semblables à Athènes. Les peuples en Amérique latine ont réussi : les « indignados » en Bolivie ont viré les propriétaires privés de l’eau et les Argentins ont envoyé paître le FMI. Leur arme fut le courage de la désobéissance. Alors souvenez-vous de Bradley Manning.

John Pilger

http://johnpilger.com/articles/never-forget-that-bradley-manning-not-gay-marriage-is-the-issue

Traduction "tant qu’il n’y aura pas un gay pride à Téhéran, Libération refusera de vendre des t-shirts à l’effigie d’Ahmadinejad" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles.

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COMMENTAIRES  

24/05/2012 13:28 par Michel D.

Diable !
Oser qualifier de « respactabilité bourgeoise » la principale revendication de l’avant-garde révolutionnaire mondiale !!
Ne convindrait-il pas de dénoncer fermement l’homophobie de M. Pilger ?

24/05/2012 18:40 par Cinto

@Michel D
Mettre le droit à la survie des peuples au-dessus du "droit" au mariage gay n’est pas de l’homophobie et J. Pilger montre parfaitement comment l’idéologie gayfriendly sert de cache-sexe au libéralisme le plus brutal. Il faut savoir gré à Pilger d’oser transgresser les oukases du politiquement correct.

25/05/2012 05:45 par ADSKIPPY

JOHN PILGER : "A LONE VOICE OF REASON IN A WORLD OF JOURNALISTIC EMPTINESS".

" UNE VOIX SOLITAIRE DE RAISON DANS UN MONDE DE DESERT JOURNALISTIQUE"

29/05/2012 13:29 par Michel D.

@Cinto
En est-on arrivé au point qu’il faille mettre des émoticônes à chaque mot pour se faire comprendre ?
C’était de l’ironie...J’admets que c’est un art pour le moins en perte de vitesse.
Ceci dit je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à ^^etre écoeuré par le politiquement correct tel qu’il règne dans nos "élites".

20/12/2013 17:50 par AristippeO

Je découvre et commente cet article 1an et demi après sa parution et mon seul lecteur sera un lecteur perdu comme moi.
Perdu, je le suis après la lecture de cet article. Si j’ai bien compris, les homos devraient se marier en privé (dans leur salon ?) car s’ils ont des droits relatif au mariage (héritage, impôt..) c’est vraiment abominablement bourgeois. Donc qui dit bourgeois, dit capitaliste, dit néo-ultra-maxi-libéral .
Moi qui suis pédé et au RSA, si un jour j’avais le souhait de ma marier je deviendrais alors la cheville ouvrière et sexuelle du grand capital (si si).
Cette filiation d’homosexualité et néolibéralisme je l’ai aussi découverte à gauche chez Michéa et chez le fasciste français Alain Soral. Je ne comprend toujours pas pourquoi ce rapprochement. Pourquoi ne partent t’ils pas alors en guerre contre le mariage en général plutot que contre le mariage homo en particulier ?
Pour la gauche résistante, l’homo être le type de guerrier sans droit ni famille pour combattre la dignité de la classe ouvrière contre Goldman-Sachs et le pentagone. Pour l’extrême droite l’homo devrait resté planqué dans son coin, et sucer à l’occasion les hétéros quand ils sont un peu bourrés après un match de foot et se laissé casser la gueule ensuite.
J’avance une idée un peu osée : c’est quand même décider beaucoup de chose pour moi, non ?
Je dis moi, car je ne connais pas de communauté homo. J’ai des ami(e)s homos, mais on ne fait pas de communauté dans le même lit à longueur d’année. On est juste des individus très différents, socialement, politiquement, et autres trucs en "ment".
A propos de l’image qui illustre l’article, on y voit un drapeau arc en ciel et un casque américain : est-ce à dire que les pédés soutiennent Washington ? Tiens, moi homo de province, tendance français souverainiste et socialo-communiste, je soutiendrais l’empire à l’insu de mon plein gré ? Bah, surement puisque qu’on vous le dit.
Quand le grand soir arrivera, ce qui ne va pas tarder selon moi, et avant de me tondre et de m’égorger, j’espère que vous serez tomber sur ce post.

20/12/2013 19:24 par legrandsoir

Après des milliers de lecteurs, vous êtes apparemment le seul à réagir ainsi...
Voir aussi les commentaires précédents.
Bref, merci de ne pas (faire semblant de ?) faire passer Pilger pour un abruti, il vaut beaucoup mieux que ça.

22/12/2013 05:24 par AristippeO

Je suis infiniment désolé d’être en opposition à certain raccourci dangereux de cet article et je présente mes excuses aux 4 auteurs des post précédents pour l’expression de mon opinion.
Il est vrai que je ne représente rien en comparaison à John Pilger. Il est incontestable que celui-ci ne puisse faire fausse route dans ses prises de positions, Sa parole est d’or pour tout. Comment ai-je pu oser le contester ?
Alors au nom de la "common decency" d’Orwell très en vogue c’est dernier temps, j’abdique toute demande de liberté, d’égalité et de fraternité, parce que je suis homosexuel (mais aussi français socialo-communiste) et parce que les traîtres socio-démocrates (d’Obama à Hollande) manipulent des revendications de droits à des fins électorales.
Bref, je baisse les armes car je suis inévitablement décadent pour la droite comme pour la gauche, Les socio-démocrates se frottent les mains car ils ont réussi à rendre les homos détestables, comme ils ont réussi à rendre détestable bien d’autres avant moi.
Politquement je me considère comme un homme homosexuel de gauche et français. Pour moi Liberté Egalité Fraternité ne sont qu’un tout. La liberté ne va pas sans l’égalité ni la fraternité.
La liberté seul mène au monde libertarisme d’aujourd’hui. L’égalité seul conduit au simulacre soviétique. La fraternité comme idée majeur se traduit par des ONG bien pensantes et manipulables.
C’est l’idée très française -et qui me rend fier d’être français- qui m’oppose à une segmentation anglo-saxonne de ces principes. John Pilger lui préfère segmenter, c’est sa culture et elle a contaminé depuis des décennies la gauche et la droite française.
Pilger parle de Bradley Manning en tant que gay. Pilger parle en tant qu’anglo-saxon qui segmente. Que Manning soit de droite, royaliste ou qu’il baise des chèvres n’aurait rien retiré au fait que Manning a pris d’immense risque pour dénoncer des abus de pouvoir.
Le fait que des pédés ou des gouines peuvent être des "héros" ne donne, de facto, aucun droits aux pédés et aux gouines. Ce qui peux leur donner des droits c’est le principe républicain et révolutionnaire de liberté, d’égalité et fraternité, même si certains homos peuvent être pétainiste et raciste.

Je lis dans un commentaire à cet article :
"Mettre le droit à la survie des peuples au-dessus du "droit" au mariage gay n’est pas de l’homophobie et J. Pilger montre parfaitement comment l’idéologie gayfriendly sert de cache-sexe au libéralisme le plus brutal."
Les socio-démocrates ont réussi et Pilger aussi à faire de moi un social traite et à faire de l’amitié entre les gens (fraternité à la française) un soupçon de collaborationnisme à l’ordre néo-libéral.

je lis encore :
"Diable !
Oser qualifier de « respactabilité bourgeoise » la principale revendication de l’avant-garde révolutionnaire mondiale !!
Ne conviendrait-il pas de dénoncer fermement l’homophobie de M. Pilger ?"
Là encore, il y a confusion. Les homos ne sont pas une avant garde, ils ne sont pas révolutionnaire, Ils sont des individus de toutes les couleurs de l’offre politique de leur milieu, de leur nation. Ils ne font pas communauté politique. Est-ce pour cela qu’on doit leur dénier des droits ?
L’idée communément admise est que les homos sont des bobos des centres villes qui vote pour le PS.
Les bras m’en tombent. Mon témoignage en tant que français de gauche, pédé de province est très différente.
Je vis en Basse-Normandie, j’ai constaté que beaucoup d’homos du département de la Manche (50) étaient très catholique et pour certains anti-nucléaires (Flamanville-Hague) ou encore gauche chrétienne. Dans le Calvados d’ou je parle, nombres d’ouvriers homos sont épuisés du toyotisme (PSA Caen) ou de la course à la productivité (logistiqueNorma-trans). Des cadres en sur-activité, en sous promotion et sous salaire parce qu’ils sont pédés ou gouines. Chez les ouvriers c’est pareil. Femmes, homos, musulman, mêmes compétences mais sous salaire.
Dans le département de l’Orne, les pédés et les gouines rasent encore les murs. Ils ont intégrés l’idée qu’il était disqualifiant dans le monde du travail et social/familiale de faire état de leur différence. Pour beaucoup le sujet est tabou et certains se présentent comme hétérosexuel alors qu’ils n’ont que des relations amoureuses homosexuelles.
Il y a en France, en région, un monde souterrain de faux semblant, de haine de soi intégrée dans la norme. Un bon homo est un homo qui ne revendique rien, qu’on sous paye, qu’on méprise et que certain intello dénonce comme un lobby à l’égal du complexe militaro-industriel américain et mondialisé. Ces hommes et ces femmes n’ont pourtant rien demandé, surtout pas à être instrumentalisés.
Qu’un modérateur du GS me demande de ne pas faire semblant de faire passer Pilger pour un abruti, je me dit que "le droit du plus fort" " que dénonçait Fassbinder est toujours bien en vigueur.
Oui Pilger est un abruti !
Il n’y a qu’une chose qui selon moi libérera les hommes et les femmes du fascisme néolibérale, c’est cette idée française et révolutionnaire qu’est " Liberté Egalité Fraternité". Trois notions indéfiniment liées que les fascismes de toutes les époques ont toujours voulu séparer, segmenter.
Ma liberté n’a de justification que dans l’égalité et la fraternité !
Il n’y a pas de communauté homos comme il n’y a pas de communauté noire.
En France il n’y a qu’aux individus qui l’ont donne des droits.
Chez les anglo-saxons, il n’y a qu’au (speudo ?) communauté qu’on donne ces droits
Pilger dénonce cette dernière vision, peut être devrait-il se naturalisé français ?!

22/12/2013 05:35 par AristippeO

Désolé pour mes nombreuses fautes d’orthographe. Ma mauvaise maîtrise du français ne doit pas disqualifier mon opinion, en tout cas je l’espère.

22/12/2013 07:53 par quimporte

Je ne comprends pas la réponse que le GS a faite à Aristipe : comment un site comme celui-ci peut-il opposer à un témoignage mettant en question le contenu d’un article de presse, l’argument que "des milliers" d’individus n’ont pas réagi à cet article ? Comment peut-il justifier le contenu d’un article de presse par la célébrité de son auteur ?

22/12/2013 08:02 par Sheynat

22/12/2013 à 05:24, par AristippeO
Pilger parle de Bradley Manning en tant que gay.

Cela ne semble pas être ce qu’affirme Pilger, au contraire, je le cite :
« A ma connaissance, aucun porte-parole éminent d’un mouvement de défense des gays ne s’est élevé contre l’hypocrisie d’Obama et de Biden qui affirment leur soutien au mariage gay tout en terrorisant un homme gay dont le courage devrait être une source d’inspiration pour tous, sans considération pour sa sexualité. »

« Pilger parle en tant qu’anglo-saxon qui segmente. »

Oui bof, on n’a pas besoin d’être anglo-saxon pour segmenter, il suffit de se regarder soi ou de regarder autour de nous, il y a tout le temps un processus de segmentation et cela devient une discrimination lorsque cela se fait au détriment d’une vision panoramique...

« Que Manning soit de droite, royaliste ou qu’il baise des chèvres n’aurait rien retiré au fait que Manning a pris d’immense risque pour dénoncer des abus de pouvoir. »

Hé bien, voir ce que déclare Pilger :
« La vérité est celle-ci : pour tous ceux qui aspirent à contrôler nos vies, ce qui leur importe n’est pas couleur de notre peau, notre sexe ou notre préférence sexuelle, mais la classe sociale que nous servons. Leur objectif est de nous pousser à poser notre regard sur nous-mêmes et pas sur les autres pour nous empêcher de prendre conscience de l’ampleur du caractère antidémocratique du pouvoir, et par là même obtenir notre collaboration pour isoler ceux qui résistent. »

« Là encore, il y a confusion. Les homos ne sont pas une avant garde, ils ne sont pas révolutionnaire, Ils sont des individus de toutes les couleurs de l’offre politique de leur milieu, de leur nation. Ils ne font pas communauté politique. Est-ce pour cela qu’on doit leur dénier des droits ? »

Je suis totalement d’accord avec vous.

Personnellement, j’ai remarqué deux sortes de stratégies dans le processus de discrimination :

 la première est simple, basique.
Elle consiste à faire valoir qu’un être différent de soi est inférieur, donc qu’il ne devrait pas bénéficier des mêmes droits (égalité), des mêmes sentiments de solidarité et d’empathie (fraternité), ni des mêmes libertés (ce qui est directement en rapport avec sa différence devrait être caché, on emploie le terme « privé », ou « pas public », ça passe mieux). C’est du à une croyance irrationnelle et passéiste qui fonctionne sur un système de structure verticale car la base des répartitions ne peut être conçue autrement que de manière pyramidale et hiérarchique.
Pour faire simple, cette croyance donne l’illusion que si un être un tant soi peu différent bénéficiait des mêmes droits dont nous nous contentons en espérant en obtenir de plus égalitaires, fraternels et libertaires, ça se ferait au détriment des miettes qui nous sont accordées, et nous nous retrouverions de fait, un cran au dessous de l’échelle de valeur verticalisée.
Pour justifier cette peur irrationnelle et irraisonnée, on postule alors que les revendications de l’autre, l’étrange étranger, - celui qui a une sexualité (l’homo), une croyance (le musulman), une culture (le port du foulard), une couleur de peau (le noir), une espèce (l’animal) un genre (la femme)... etc. différents de nous- doivent passer après les nôtres parce que sinon, elles « séparent ». Et ce, même si les statistiques démontrent qu’en terme de classe, les revendications de l’autre sont justifiées à cause des discriminations dont il est victime dans tous les secteurs.
A mes yeux c’est une erreur, puisque la séparation, ou la segmentation est déjà présente, et qu’elle est à l’origine des injustices.
Il s’agit d’un « angle mort » qu’on persiste à refuser de considérer, par crainte de morfler encore plus des injustices sociales dont on souffre aussi, personnellement.
Comme si, le fait de tourner la tête pour voir ce qu’on ne peut voir dans le rétroviseur latéral à cause de l’angle mort, nous ferait détourner le regard de ce qui nous arrive en face et qu’ainsi, on perdrait le cap et se prendrait en pleine poire un véhicule qui arrive en face.

 la deuxième est plus complexe et de facto, sa manipulation est plus difficile à détecter : elle consiste à instrumentaliser les minorités victimes de discrimination pour amplifier les injustices sociales dont tous les peuples sont victimes.
C’est beaucoup plus habile, c’est faire d’une pierre deux coups.
Et cette stratégie provient du plus haut de la pyramide, de la part de ceux qui tirent les ficelles et ont la croyance de ne jamais en être délogés (donc, pas de crainte de leur part de descendre un cran en dessous de l’échelle verticale), avec aucun déni de l’angle mort : au contraire, ils en connaissent d’autant plus l’existence qu’ils vont tout faire pour le maintenir.
Pour rester dans l’illustration de « l’angle mort », ils demanderont au conducteur de tourner la tête pour voir le véhicule qui arrive à son niveau, mais profiteront de ce moment de diversion pour balancer un bulldozer en sens inverse qui écrabouillera les deux véhicules à la fois.
C’est, à mon avis, ce que dénonce Pilger lorsqu’il dit :
Qui parmi tous les flagorneurs et prétentieux de la fête à fric hollywoodien chez Clooney a crié « Souvenez-vous de Bradley Manning » ?
Ainsi, ils marginalisent définitivement les petites différences pour en faire un danger (alors qu’elles devraient être considérées comme une diversité qui fait la richesse de ce monde).
Par ailleurs -et là je me demande si Pilger et ceux qui soutiennent son article en tiennent compte- ils donnent raison à ceux qui s’estiment lésés à chaque fois qu’un de leurs droits est accordé à une minorité défavorisée, puisque ces flagorneurs agissent en ce sens : d’un côté ils accordent un petit quelque chose à une partie, de l’autre ils enlèvent un gros morceau à tous.
Et le raisonnement erroné sera : « ne donnez pas un petit quelque chose à Bidule, sinon on sera encore plus dans la mouise » au lieu de « OK pour Bidule, c’est le moins que vous puissiez faire mais laissez-nous tirer les ficelles pour qu’on répartisse nous même tous les morceaux de manière égalitaire ».

« on y voit un drapeau arc en ciel »

 : ce n’était pas le rêve de Mandela, « la société arc-en-ciel » ? Il a tenté de rendre la société plus juste en modifiant, entre autre, la constitution afin d’abolir les discriminations dont étaient victimes aussi les homosexuels, et en légiférant le mariage pour tous, non ? Je pose la question car j’ai l’impression qu’on n’en parle pas trop de ça, de cette capacité de Mandela à avoir une vision panoramique.

22/12/2013 08:13 par Sheynat

Je me corrige, n’ayant pas été assez explicite, en ajoutant :
« OK pour Bidule, c’est le moins que vous puissiez faire mais laissez-nous, avec Bidule, et tous les autres, discriminés ou pas, que vous les instrumentalisez ou pas -car on a compris votre manip’-, tirer les ficelles pour qu’on répartisse nous même tous les morceaux de manière égalitaire ».

22/12/2013 11:56 par AristippeO

22/12/2013 à 08:02, par Sheynat

Nous n’avons pas lu le même article. je reprends votre post.
1er- Pilger dit "Un des véritables héros de l’Amérique est le soldat gay Bradley Manning". Il le qualifie de gay contrairement à ce que vous avancez.
Pilger ment ou joue les hypocrites, Maning a reçu des soutiens de la part de gays ou non gays :
http://www.abc.net.au/unleashed/4023802.html
http://links.org.au/node/2881
et bien d’autre encore
2sd - A propos de segmentation des individus votre "oui bof" m’a éminemment convaincu.
3ème - Votre théorie de l’ange mort est un blabla que seul vous devez comprendre pour justifier je n’ai toujours pas compris quoi. " Ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement" disait, parait-il, Nicolas Boileau.
4ème- Nous nous rejoignons tout à fait sur l’instrumentalisation, quelle soit le fait des politiques ou de certains intellectuels.

27/12/2013 20:06 par Sheynat

@ AristippeO
Moi j’ai compris l’article dans le sens que Pilger aborde l’aspect de l’instrumentalisation des politiques (la stratégie 2 que j’explique mal dans mon commentaire précédent), mais pas la peur de la différence et la stratégie 1 de discrimination qui en découle -que j’explique mal aussi.
Je pense qu’il occulte l’autre aspect tout aussi essentiel du problème.
En fait, vous avez pointé quelque chose qui m’avait échappé à la première lecture.

« Votre théorie de l’ange mort est un blabla que seul vous devez comprendre pour justifier je n’ai toujours pas compris quoi. " Ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement" disait, parait-il, Nicolas Boileau. »
C’est sûr que j’ai du mal à concevoir le fait d’avoir un regard aussi pointu concernant certaines formes de manipulation, et aussi aveugle lorsqu’il s’agit de manipulation visant à discriminer ce dont on ne se croit pas concerné (ou pire encore :ce dont on se satisfait), ce qui est le cas de la part des militants de gauche aussi, malheureusement, d’où sans doute mes difficultés à être claire.

Je retenterai une autre fois si vous le voulez bien. Mais sachez que je ne cherchais pas à justifier mais à comprendre, à poser le problème, ce qui aurait permis de trouver des solutions.
De plus, je parlais d’angle mort et pas d’ange mort, c’est un exemple concret qu’on peut tous appréhender, pas du blabla.
"Angle mort" ou "vision tronquée" c’est pour moi une autre façon d’évoquer ce que vous dénoncez par ailleurs et pour laquelle je vous donne entièrement raison :
"Pour moi Liberté Egalité Fraternité ne sont qu’un tout. La liberté ne va pas sans l’égalité ni la fraternité."
Mais votre raisonnement est logique, alors qu’il n’y a pas de logique de la part des considérations discriminatoires, y compris celles contre la liberté-fraternité-égalité des homosexuels, entre autres.
C’est pourquoi j’avançais qu’une grande part de peur empêchait le raisonnement logique et rationnel et pouvait rendre partiellement aveugle.

Désolée de m’être mal exprimée, sans doute la fatigue.
Je prendrai le temps de lire (avec 1 bot de traduction) les textes que vous avez donné.

@ tout le monde : quand je lis ceci :

« ni les mesures en faveur de la « promotion des femmes » qui ne contribuent en rien à la libération de la femme et ne font qu’amplifier la revendication de privilèges bourgeois. »

je constate que Pilger cible l’instrumentalisation d’une certaine forme de féminisme, mais aussi, il le fait sans aller plus loin, c’est à dire, sans montrer qu’il ne suffit pas de dénoncer l’instrumentalisation des personnes opprimées, mais de dénoncer surtout les discriminations.
S’il ne fait que la moitié de la démonstration, cela confortera ceux qui tiennent à dénigrer les revendications des opprimés en lutte et fera pire que de « ne contribuer en rien à la libération de la femme ».
Il fait pareil pour les gays. Défendre Manning se passe de critiquer le mariage pour tous, son action courageuse devrait être considérée en dehors de ses orientations sexuelles : je pense que AristippeO a raison.

27/12/2013 20:55 par legrandsoir

@ quimporte

Je n’ai jamais invoqué la "célebrité" de Pilger (la pratique de la modération des forums d’un site vous apprend au moins une chose : que les gens ne lisent pas vraiment.)

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