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Paris est un avertissement : il n’y a pas de cloison étanche entre nous et nos guerres. (The Guardian)

Les attaques en France sont le contrecoup des interventions dans le monde arabe et musulman. Ce qui arrive là-bas, arrive aussi ici.

La réponse officielle de l’Occident à chaque attaque terroriste d’inspiration djihadiste, depuis 2001, a été de jeter de l’huile sur le feu. Ça a été le cas après le 11 septembre, quand George Bush a lancé sa guerre contre le terrorisme, dévastant des pays entiers et répandant la terreur dans le monde. Ça a été le cas en 2005, après les bombes de Londres, quand Tony Blair a réduit les libertés publiques et envoyé des milliers de soldats anglais en mission impossible en Afghanistan. Et ça a été le cas, la semaine dernière, après les horribles massacres à Charlie Hebdo et dans un supermarché juif de Paris.

En écho à la rhétorique de Bush, la réaction de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, aux attaques contre “nos libertés” a été de déclarer une “guerre des civilisations”. Au lieu d’être simplement là avec les victimes – et, aussi, par exemple, avec le grand nombre de victimes de Boko Haram au Nigéria – on a élevé le magazine satirique, et sa manière de représenter le prophète Mouhammad, au rang de symbole sacré de la liberté occidentale. La sortie, mercredi, d’une édition de Charlie Hebdo sponsorisée par l’état est devenu le dernier test en date du “qui n’est pas avec nous est contre nous” dans l’engagement à “nos valeurs”, tout cela pendant que les députés français votaient, par 488 votes pour et un seul contre, la poursuite de la campagne militaire en Irak. Si l’on en juge par le bilan des 13 dernières années, cela se révélera être une décision dangereuse, et pas seulement pour la France.

Absolument rien ne justifie l’assaut meurtrier des journalistes de Charlie Hebdo, et encore moins celui des victimes juives sélectionnées sur le seul critère de leur identité religieuse et ethnique. Ce qui est devenu terriblement évident la semaine dernière, en revanche, c’est le fossé qui sépare la manière dont est perçue la position officielle de l’état français en matière de politique intérieure dans le pays et à l’étranger ainsi que par de nombreux citoyens musulmans du pays. Cela est vrai de l’Angleterre aussi bien sûr. Mais ce qui est salué par la France blanche comme une laïcité dénuée de tout préjugé racial, garantissant l’égalité à tous, est vécu par de nombreux Musulmans comme de la discrimination et comme un déni de leurs liberté fondamentales.

Dans un pays où les femmes sont embarquées dans des cars de police à cause de la manière dont elles s’habillent, la liberté d’expression peut aussi donner l’impression d’être à sens unique. Charlie Hebdo prétend pratiquer “l’offense égalitaire”, en insultant toutes les religions. Mais la réalité, comme un de ses anciens journalistes l’a souligné, était que le journal souffrait d’une “névrose islamophobe” et que son fonds de commerce était l’attaque raciste de la minorité la plus marginalisée de la population. Il ne s’agissait pas simplement de “représentations” du prophète, mais d’humiliations pornographiques à répétition.

Malgré tous les beaux discours sur le fait que la liberté d’expression est un droit non négociable en France, la négation de l’Holocauste y est illégale et les spectacles du comédien noir antisémite Dieudonné y ont été interdits. Mais c’est avec le même aveuglement dont les milieux progressistes français ont fait preuve en ne se rendant pas compte que l’idéologie laïque, qui servait autrefois à lutter contre le pouvoir des puissants, servait aujourd’hui à contrôler le segment le plus faible de la population, que le droit de cibler une religion et de l’insulter à qui mieux mieux a été élevé au statut de valeur libérale fondamentale.

Tout le monde a pu constater l’absurdité de la situation à la manifestation “Je suis Charlie”, à Paris, dimanche. Une marche supposée défendre la liberté d’expression était menée par des rangs serrés de va-t-en guerre et d’autocrates : des leaders de l’OTAN et de celui d’Israël, Binyamin Netanyahou, au roi Abdullah de Jordanie et au ministre des Affaires Etrangères égyptien qui, tous autant qu’ils sont, ont harcelé, jeté en prison et assassiné des pléthores de journalistes tout en commettant des massacres et en lançant des interventions armées qui ont fait des centaines de milliers de morts, bombardant, en chemin, les stations de TV de la Serbie jusqu’à l’Afghanistan.

La scène était d’un ridicule achevé. Mais elle mettait aussi en lumière le rôle central de la guerre contre le terrorisme dans les atrocités commises à Paris, et la manière dont les rangs serrés de meneurs de la manif, sont en train de la récupérer pour faire avancer leur agenda personnel. Bien sûr, le cocktail de causes et de motivations qui a présidé aux attaques est complexe : il va de l’héritage de la sauvage brutalité coloniale en Algérie, à l’idéologie takfiri djihadiste, en passant par la pauvreté, le racisme, la criminalité.

Mais ces attaques n’auraient certainement pas eu lieu si les puissances occidentales, dont la France, n’avaient pas attaqué le monde arabe et musulman pour le mettre au pas et le réoccuper. Cette guerre contre le terrorisme dure depuis 13 ans – même s’il y a eu des tentatives bien antérieures de contrôler la région – et sème massivement la destruction et la terreur.

C’est ce que les meurtriers disent eux-mêmes. Les frères Kouachi se sont radicalisés à la guerre d’Irak et ont été entraînés au Yémen par al-Qaida. Cherif Kouachi a dit clairement que les attaques avaient pour but de venger les “enfants des Musulmans en Irak, Afghanistan et Syrie”. Ahmed Coulibaly a dit qu’elles étaient une réponse aux attaques de la France contre Isis tout en affirmant que le massacre du supermarché avait pour objet de venger les morts de Musulmans de Palestine.

Ces assassinats gratuits sont bien sûr tout à fait contre-productifs et nuisent aux causes qu’ils sont censés promouvoir – et le fait que les victimes soient choisies en fonction d’un cadre religieux réactionnaire, donne à penser que ces assassinats sont une sorte de produit mutant des guerres culturelles européennes. Mais ces attaques n’existaient pas avant 2001. Les bombes de 1995 à Paris qui semblent me contredire, étaient en fait une retombée directe de la guerre civile en Algérie et du rôle qu’y jouait la France. Par contre, la guerre de l’Union Soviétique en Afghanistan, il y a 30 ans, a favorisé le développement d’une forme de fondamentalisme violent qui revient en boomerang frapper le cœur de l’occident.

La France est célèbre pour avoir refusé de prendre part à l’agression étasuno-anglaise contre l’Irak. Mais depuis elle a rattrapé le temps perdu en envoyant des troupes en Afghanistan, en intervenant dans un pays africain après l’autre : de la Libye et du Mali à la Côte d’Ivoire et à la République centrafricaine, en bombardant l’Irak et en soutenant les rebelles syriens. Comme l’Angleterre, la France a armé les autocrates du Golfe et basé des troupes chez eux, et dernièrement, le président français a déclaré qu’il était le “partenaire” du dictateur égyptien Sissi et qu’il était “prêt ” à bombarder à nouveau la Syrie.

L’ancien premier ministre français, Dominique de Villepin, chef de file du camp opposé à la guerre en Irak, a dit, cette semaine, qu’Isis était “l’enfant monstrueux” de la politique occidentale. Les guerres occidentales dans le monde musulman “nourrissent toujours de nouvelles guerres” et “elles nourrissent le terrorisme chez nous”, a-t-il écrit, pendant que “nous simplifions" ces conflits “en ne regardant que le symptôme islamiste ”.

Il a raison – mais il ne fait pas partie des leaders qui ont mené la marche en rangs serrés et qui vont utiliser ces attaques pour justifier d’autres interventions militaires. Etant donné les événements de la dernière décennie, les Européens ont de la chance d’avoir eu si peu d’attentats terroristes. Mais le prix à payer est la perte des libertés, la montée de l’antisémitisme et l’islamophobie rampante. Plus nous laissons cette guerre s’éterniser, plus la menace s’alourdit. Dans un monde globalisé, il n’y a pas moyen de s’isoler. Ce qui arrive là-bas, finit par arriver ici aussi.

Seumas Milne

Traduction : Dominique Muselet

 http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/jan/15/paris-warning-no-insulation-wars-arab-muslim-world
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COMMENTAIRES  

19/01/2015 10:22 par gérard

@ Grand Soir
Il faut être plus attentif de tout ce qui provient de la perfide Albion.
Le jeu consiste à relever dans cet article les passages pour le moins assez perfides, vite fait :
 « Dans un pays où les femmes sont embarquées dans des cars de police à cause de la manière dont elles s’habillent, »
...c’est bien évidemment une pratique quotidienne, mais quelle est donc cette "manière dont elles s’habillent " ?
 « les spectacles du comédien noir antisémite Dieudonné y ont été interdits »
...Non ! (quitte à me faire incendier) j’affirmerai que le terme « d’antisémite » est impropre, celui d’antisioniste conviendrait beaucoup mieux, mais il est plus "perfide" d’utiliser le terme d’antisémite...
 « Une marche supposée défendre la liberté d’expression était menée par des rangs serrés de va-t-en guerre (...) »
Discrètement apparaît ensuite le terme de " leaders de l’OTAN", on aurait pu aussi imaginer que le rôle « va-t-en guerre » du Royaume Uni en Libye soit aussi un peu évoqué, donc celui d’un certain David Cameron, mais ça...
 « Par contre, la guerre de l’Union Soviétique en Afghanistan, il y a 30 ans, a favorisé le développement d’une forme de fondamentalisme violent qui revient en boomerang frapper le cœur de l’occident. »
...Responsabilité évidente des communistes ! Ce ne sont surtout pas les "cousins" américains qui ont été les principaux supporters des "fondamentalistes", et encore moins leur "créateurs", ben voyons !
Etc, à chacun de chercher, car il y en a encore d’autres de ce style.
L’explication de ces assassinats est enfin donnée :
« Ces assassinats gratuits (...) et le fait que les victimes soient choisies en fonction d’un cadre religieux réactionnaire, donne à penser que ces assassinats sont une sorte de produit mutant des guerres culturelles européennes. »
La responsabilité en incomberait donc principalement à l’Europe et ne serait qu’une mutation de ses "guerres culturelles". Qu’est-ce à dire ? Rien d’autre ?
L’auteur avait pourtant LA véritable explication, et il la donnait juste après en écrivant :
« Mais ces attaques n’existaient pas avant 2001 »
Avant quoi ?

19/01/2015 14:17 par Maxime Vivas

[le terme « d’antisémite » est impropre, celui d’antisioniste conviendrait beaucoup mieux...]

Un homme public qui dit qu’il ne sait qui a commencé entre Hitler et les juifs, qui a volé qui, un humoriste qui doute de l’existence des chambres à gaz, qui copine avec Faurrison et Le Pen, qui insinue que le sida a été inventé par les juifs pour éliminer les noirs, qui fait un fonds de commerce avec des moqueries sur la shoah, etc. serait antisioniste ?
Antisioniste comme moi qui soutient le peuple palestinien et critique le gouvernement israélien ?

La vérité est que Dieudonné est dans une dérive obsessionnelle et mercantile et qu’il ne cesse d’attribuer aux pratiquants d’une religion des tares ataviques, génétiques, ce qui en fait un antisémite.

19/01/2015 14:54 par Archer Gabrielle

(reprise) _ « La réponse officielle de l’Occident à chaque attaque terroriste d’inspiration djihadiste, depuis 2001, a été de jeter de l’huile sur le feu. »
Hollande et son gouvernement vont bouffer la merde qu’ils ont remuée et ça n’est que le commencement... Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées« à Grozny, capitale de la Tchétchénie, » lundi 19 janvier, pour protester contre les caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo. Le ministère de l’intérieur de cette petite république musulmane.....!

19/01/2015 15:05 par Emilio

Oui , bien sur, et tes remarques sont juste Maxime..sauf que le CRIF , conseiller -pour le moins - du gouvernement français actuel , ne fait plus de difference entre antisemitisme et antisionisme.. la , ça coince .. tu crois pas Maxime ?

question de mots et d extension ..
un peu comme Netanyahou qui , invite en hommage en France , a une manifestation de liberte d expression et qui prend son droit de s exprimer - comme si de rien n etait et comme si il etait chez lui > "il faut combattre les forces de l Islam "
C est sans nuances et les faits nous ont montres maintes fois que les civils palestiniens etaient inclus dans ces forces la ... ça grince en consequences dans ce raisonnement extensif et ça gemit dans les chaumieres.. hostiles.

19/01/2015 19:30 par Maxime Vivas

O

ui , bien sur, et tes remarques sont juste Maxime..sauf que le CRIF , conseiller -pour le moins - du gouvernement français actuel , ne fait plus de difference entre antisemitisme et antisionisme.. la , ça coince .. tu crois pas Maxime ?

Vrai, et on est bien placé pour le savoir au GS. On sort d’en prendre (à supposer qu’on en soit sortis).

19/01/2015 15:13 par Archer Gabrielle

OUI ! à cela > [le terme « d’antisémite » est impropre, celui d’antisioniste conviendrait beaucoup mieux...]
Oui comme moi > Antisioniste comme moi qui soutient le peuple palestinien et critique le gouvernement israélien ?
Mais pas antisémite...
Et puis je suis "anti-yankees" pantagonistes exterminateur d’indiens et autres ethnies... anti-Sam l’ordure le suppôts de Sion parmi les plus horrible des criminels que la terre ait portée.....!

19/01/2015 16:26 par gérard

@ Maxime Vivas
On ne va pas recommencer indéfiniment le débat sur Dieudonné, comme je connais très peu ses "méfaits", si méfaits il y a, je serais déjà un piètre avocat. Toujours est-il qu’il y a controverse, qui dit controverse dit doute.
Moi, le peu que j’ai écouté de lui, dont en direct le sketch sur le rabbin qui m’a fait bien rire, me fait pencher la balance Dieudonné pour de l’antisionisme.
Toujours est-il que pour l’auteur de cet article, le doute n’existe pas. Il choisit la pire option, et j’aurais donc tendance à lui rétorquer : de quoi je me mêle !
En ce qui concerne le sionisme, en ce moment passe ou est passé sur je ne sais plus quelle chaîne de télévision, "the promise". Je conseillerai donc à l’auteur de cet article de regarder attentivement cet excellent téléfilm, justement britannique. Il remet sérieusement les pendules à l’heure...
Je pense qu’on peut le visionner ici, si par un fait du "hasard" il n’a pas été retiré, car un drôle de phénomène de "vidéos retirées" commence à apparaître sur la toile :
http://nemesistv.info/video/GMB7M2WH372O/the-promise-le-serment-episode-1#
Il y a un concept qu’il faut impérativement prendre en considération est que, ni Charlie, ni Dieudonné n’ont une quelconque importance dans la marche du Monde, ce ne sont que pour ainsi dire que des alibis, des boucs-émissaires, et même des victimes.
Le 11 Septembre a fait côté américain 3000 morts/première époque et au moins 6000morts/"deuxième époque" dus aux poussières (entre autre d’amiante) et ce n’est pas fini.
Quant au nombre de victimes dans le Monde Arabe, il y a des chiffres tellement effrayants qu’ils dépassent l’imagination.
Charlie et Dieudonné, en admettant l’inadmissible, feraient un peu figure d’amateurs face à ceux qui ont conçus et mis en œuvre le 11.9., non ?
Je suis d’accord avec cet article lorsqu’il dit qu’on n’en serait pas là "si les puissances occidentales, dont la France, n’avaient pas attaqué le monde arabe et musulman", mais il faudrait savoir ce que l’on entend par "puissances occidentales".
Non, je n’aime pas cet article. Il ne faut jamais oublier que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et je le reconnais, il en contient parfois et des pertinentes, mais ses approximations et ses omissions gâchent tout.

19/01/2015 17:49 par Palamède Singouin

@ gérard

A partir d’interprétations très personnelles vous prêtez à Milne de bien sombres intentions.

Une seule question : connaissez vous dans la grande presse quotidienne française un seul éditorialiste qui fasse preuve du même esprit critique ?

Rappel : le Guardian est un quotidien de centre gauche très modéré, qui n’en passerait pas moins, à la seule lecture des éditos de Milne, pour un brulot bolchevik à côté de nos Libé et Le Monde.

19/01/2015 22:56 par gérard

@ Palamède Singouin
Et non, je ne lis aucune Presse...papier oserai-je dire, Libération, depuis une éternité, et quant au Monde...je lui préférais le "Diplomatique", mais c’était il y a longtemps.
Bien que j’ai écrit au sujet de cet article :« je le reconnais, il en contient parfois, (de bonnes intentions) et des pertinentes » que je n’aurais peut-être pas assez relevé que tout n’était quand même pas négatif dans cet article.
Quant à mon "interprétation très personnelle", l’est-elle tant que cela, et en quoi ? Je ne le pense pas.
J’imagine que nous sommes beaucoup à penser que le 1/7 est la conséquence directe et hélas logique du 11.9., la preuve en est qu’on arrête pas de parler, et même dans les médias main stream, "d’un 11 septembre à la française". La question brûlante est : dans quel sens ?
Aucun journaliste/Système ne répond, ne veut pas répondre, ne peut pas répondre à cette question (rayer les mentions inutiles).

19/01/2015 23:52 par Leo Lerouge

D’abord, à noter que "rampant", en anglais, ne veut pas dire "rampant", sauf en héraldique.
"Rampant Islamophobia", ne se traduit pas par : "islamophobie rampante" ce qui ne veut pas dire grand-chose, surtout dans le contexte actuel, mais par "islamophobie endémique", ce qui est bien plus vraisemblablement ce qu’a voulu dire Milne.

A part cela, l’article de Seumas Milne est très sensé et très bien documenté.
Merci à lui de nous expliquer, entre autres, que, contrairement à ce que dit bruyamment haut et fort une gauche qui se prétend radicale, que les caricatures de CH étaient tout sauf d’innocentes attaques contre les religions.
Si c’était le cas, ils auraient depuis longtemps été attaqués par les observateurs scrupuleux de l’antisémitisme, par exemple.
Au lieu de cela, on voit sur une photo, BHL lisant (ou faisant semblant, mais l’important, c’est le soutien affiché) CH avec un sourire amusé.
BHL, qui, rappelons-le, est une pointure en repérage d’antisémitisme et qui a poussé les gouvernements à tous les bombardements contre les pays musulmans. Le contenu de CH devait bien correspondre à ses attentes pour lui avoir fait une telle publicité, non ?
Pareil pour l’encadrement catho qui a fait sonner le glas à Notre-Dame de Paris.

Quant aux dessins de CH, qui se voulaient provocateurs comme ceux de leurs aînés, ils sont le contraire de ce vent de liberté débridée qui seyait à l’air du temps de l’époque.
Quand on cible les opprimés, quand on ridiculise le malheur des faibles, quand on humilie les minorités, en se moquant de leur foi, quand on dessine leur prophète dans des positions pornographiques, et qu’on épargne les nantis, ou qu’on les égratigne à peine, question d’avoir un alibi, on se place automatiquement dans le camp des puissants. TINA.
Deux dessins illustrent la subtilité des "caricatures" de CH. C’est ce que rappelle l’article de Black Agenda report, "Charlie Hebdo : “Je Suis White People".
D’abord, celui-ci, qui présente C. Taubira en singe, soi-disant en réponse à un dessin "raciste"(cette fois-ci) de Minute, pour lequel ce dernier a été condamné à 10.000 euros d’amende.
Où est la différence ? Et pourquoi y a-t-il eu différence de traitement ?
Taubira en singe, de quelque bord que ce soit, c’est tout aussi inadmissible.
L’autre représente les jeunes filles enlevées par Boko Haram.
Quel esprit malsain peut prétendre à un quelconque humour derrière ce dessin ?
D’ailleurs, les lecteurs ne s’y sont pas trompés, qui n’achetaient plus le magazine.
Ceux que cela faisait rire avaient leurs propres publications. Les autres, passés les coups de pub pour défendre la "liberté d’expression de CH", s’en désintéressaient.

D’autre part, il est de bon ton, dans la France blanche, comme le dit justement Milne, de se déclarer ouvertement islamophobe, une formule magique pour ne pas tomber sous le coup de la loi contre le racisme. A ce qu’on croit.
Je me demande si tous ceux qui disent "cracher" sur les religions, quelles qu’elles soient, iraient jusqu’à se proclamer ouvertement "judéophobes", question de prouver que c’est bien des religions qu’il s’agit et "pas d’attaques racistes".
Pourtant, contrairement à ce qu’on nous explique pour bien marquer la différence, les lois françaises sont claires : elles condamnent, et sont censées punir, les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse.

Or, malgré les caricatures, malgré les innombrables reportages qui paraissent dans les magazines, qui sont autant de provocations à la haine religieuse, personne, à ma connaissance, n’a jamais été condamné pour islamophobie.
Et parmi la gauche, beaucoup ont accepté sans états d’âme, voire avec la satisfaction de celui qui se pense supérieur, les discriminations flagrantes à l’encontre des musulmans (dont parle Milne, mais qui sont niées par ceux-là mêmes), en justifiant cela par les lois de la république, dont les textes, on le voit, sont à l’opposé de ce qu’ils prétendent vouloir faire appliquer en son nom.

Ceux qui défilaient dimanche en même temps que les criminels de guerre pour défendre la liberté d’expression, sous une bannière probablement écrite par quelque agence de com’ (comme pour les "révolutions de couleurs" ; dire que nous, dotés d’un esprit critique hérité des Lumières, n’y avons vu que du feu !), n’avaient même pas conscience de ce que la situation pouvait avoir de pathétique.

Comme s’ils ignoraient que ces gens-là musèlent depuis toujours, et de plus en plus, leur liberté d’expression par le biais, entre autres, de leurs grands médias, et de leurs journalistes et "experts" triés sur le volet.

Sans parler des pressions, voire de la répression, exercées contre les journalistes d’opposition.
Ainsi, par exemple, l’armée US (et ses alliés) est responsable, au cours des guerres au MO, de la mort d’un grand nombre de journalistes.
En 2003, par exemple, les locaux d’Al Jazeera, dont les reportages depuis Bagdad irritaient les forces d’occupation, étaient bombardés par un missile, faisant trois morts et quatre blessés parmi les journalistes.
Et en juillet 2007, deux journalistes de l’agence Reuters, Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh, qui travaillaient à Bagdad étaient froidement assassinés par les US.

Et il y a eu aussi :
 L’armée israélienne a tué 17 journalistes au cours des bombardements de l’été dernier sur Gaza.
 En avril 1999, l’Otan bombardait délibérément le siège de la radio et de la télévision d’état serbe, tuant 16 personnes. D’autres structures avaient également été attaquées dans tout le pays.
Loin d’avoir des scrupules après ce crime de guerre, le porte-parole de l’OTAN avait déclaré avec aplomb que cette station TV était le "ministère des Mensonges"
 En juillet 2011, l’Otan avait bombardé les installations de la télévision d’état en Libye, tuant trois personnes et en blessant 21.
Etc. etc. etc.
Alors, manifester pour la liberté d’expression avec ces assassins, c’est du pur Orwell, qui ne doit pas arrêter de se marrer dans sa tombe, tellement il en a l’occasion.

Et que la gauche se soit crue obligée de rejoindre, sous une bannière œcuménique et donc prétendument d’"unité nationale", les rangs de la droite la plus dure et la plus liberticide qu’on ait connue, ce n’est même plus scandaleux, c’est accablant, tellement on se sent seuls et impuissants dans les vestiges d’une force d’opposition.

Et on a raison de dire qu’il y aura désormais un "avant-Charlie" et un "après Charlie", car cela marquera la date où la gauche s’est définitivement sabordée pour s’allier ostensiblement aux classes dominantes et s’en prendre ouvertement aux libertés des populations les plus démunies, ce sous-prolétariat exploité, qui, pieds et poings liés au pouvoir blanc, n’a d’autre recours que la religion pour croire à un monde meilleur.
L’extrême-droite ne gagne du terrain que parce que nous n’avons rien à lui opposer, si ce n’est du vent pour souffler dans les bronches des victimes de l’empire.

@ Palamède Singouin : tout à fait exact.
Vous m’avez précédé.
La critique de Seumas Milne est gratuite et ignorante.
Milne est un militant pacifiste qui n’a pas attendu qu’on le lui dise pour manifester ouvertement contre les derniers bombardements sur l’Irak et la Syrie (ici) et contre les guerres de l’occident, dont celles de Cameron et de ses prédécesseurs.

C’est plus que quiconque ne l’a fait en France contre les crimes perpétrés par Hollande, et avant lui Sarkozy, au MO et en Afrique. C’est bien plus que quiconque fera pour manifester contre les nouveaux bombardements qui ne manqueront pas de se produire avec l’aval de la majorité de la population française, toute émoustillée de s’être retrouvée dans la rue pour une cause commune.

Mais, si les observateurs extérieurs lui donnent des leçons d’humanité et de pacifisme, le coq français renâcle.
Ce qu’écrit Milne n’est ni de la complaisance envers son propre gouvernement, ni le rejet de la faute sur l’Union Soviétique.
Mais pour savoir qui est Milne, il faudrait avoir lu ce qu’il écrit dans le Guardian.

Ici, il parle de ce qui se passe en France et en sait bien plus que le petit commentateur toujours en quête de son quart d’heure de gloire.
Quant à la "perfide Albion", elle a parmi sa population une foule de gens qui se sont élevés contre les guerres impériales, ce que le franchouillard, trop occupé à se regarder le nombril et à gloser sans fin, ne peut revendiquer de ce côté-ci de la Manche.Ici, contre la guerre en Irak m et contre l’Afghanistan, entre autres exemples.
Et, enfin, quel rédacteur en chef adjoint français d’un grand organe de presse milite effectivement contre les guerres impérialistes, affiche en public ses positions contre celles-ci et dénonce les crimes de ses dirigeants, qui appellent la guerre contre l’Afghanistan "la Guerre juste" ?
C’est la raison pour laquelle il faut aller voir ce qui se dit à l’étranger pour avoir une analyse honnête de la situation ici en France.
Quant à l’Afghanistan, voici ce qu’il en dit ici.

Quant à l’article ci-dessus, où il mentionne l’Union Soviétique, il dit exactement ceci :
"Instead, a form of violent fundamentalism fostered in the war against the Soviet Union in Afghanistan 30 years ago has blown back into western heartlands"
Ce qui se traduit par :
["avant 2001, il n’y avait pas eu d’attentats de ce type en Europe…"]
Une forme de fondamentalisme violent qui a été encouragé pendant la guerre contre l’Union Soviétique en Afghanistan il y a trente ans se répercute depuis en plein cœur des pays occidentaux.
Ce qui ne veut pas du tout dire la même chose.

Quand on veut critiquer les propos d’un auteur, la première des choses à faire, c’est de lire ce qu’il a dit dans sa version originale.

20/01/2015 04:19 par gigi

Dieudonne est personna non grata en Angleterre....

20/01/2015 07:02 par P. Gaudet

Il faut espérer qu’un jour les citoyens français se réveillent et agissent contre l’impunité des militaires et des donneurs d’ordre politiques comme le font les militants argentins en organisant des "scratches"contre les auteurs impunis de violations de droits de l’homme sous la dictature. La France, depuis la 2ème guerre mondiale et sa collaboration à l’Holocauste, est responsable de massacres permanents (Indochine, Algérie, massacre de Chardonne, combien de pays d’Afrique avant et après le Rwanda, bombardements de civils en Afghanistan ou en Libye, etc... ) Des officiers français qui ont sévi en Algérie ont même participé à la formation de tortionnaires argentins ! Étrange apathie de la société, étrange impunité.

20/01/2015 08:57 par gérard

@ Leo Lerouge
Pourquoi faut il que vous gâchiez systématiquement vos propos, alors que je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec eux, avec ce style de prose inqualifiable :
«  il parle de ce qui se passe en France et en sait bien plus que le petit commentateur (qui ?) toujours en quête de son quart d’heure de gloire.  »
«  le franchouillard, trop occupé à se regarder le nombril et à gloser sans fin, ne peut revendiquer de ce côté-ci de la Manche. »
Pour pouvoir jugez d’un texte, selon vous, il faudrait avoir lu tout ce qu’a écrit son auteur, et de surcroît en version originale pour en apprécier la traduction...ben voyons !
 Concernant un article en chinois, vous faites comment ?
 « Pourrir Insidieusement un débat » ça se dit comment en....Thaïlandais ?
Votre nouvelle traduction ne change absolument rien à mon propos :
« Une forme de fondamentalisme violent qui a été encouragé pendant la guerre contre l’Union Soviétique en Afghanistan(...) »
LA question que j’ai toujours posée est : cette forme de fondamentalisme violent a été : crée par qui ? "Encouragée" par qui ? Et a perduré avec quel prétexte" ?
Seumas Milne, comme tous les journalistes/système, à mon avis ne répond pas fondamentalement à cette question, mais le pourrait-il sans risquer de se retrouver au chômage ?
Ma réponse est le 11.9. Ce n’est pas la vôtre, soit, et je ne manifeste aucun mépris envers elle, alors s’il vous plaît....
Je tiens en conclusion à tout de même faire remarquer que les assassinats ou/et attentats du 1/7, ont eu un terrible retentissement en France et même à l’Étranger, ce qui est on ne peut plus normal. Le 11.9 par son ampleur et avec a suite qu’on connaît, ne serait toujours selon vous qu’un "incident" ?

20/01/2015 10:09 par domi

Finkelstein : ce n’est pas de la satire, c’est du sadisme !

Un article formidable sur Norman Finkelstein, un homme qui défend les Palestiniens au prix de sa carrière. En voici un extrait :

Ce que les caricatures du Prophète Mahomet par Charlie Hebdo ont réalisé « n’est pas de la satire », et ce qu’ils ont soulevé n’était pas des « idées », a soutenu Finkelstein.

La satire authentique est exercée soit contre nous-mêmes, afin d’amener notre communauté à réfléchir à deux fois à ses actes et à ses paroles, soit contre des personnes qui ont du pouvoir et des privilèges, a-t-il affirmé.

« Mais lorsque des gens sont misérables et abattus, désespérés, sans ressources, et que vous vous moquez d’eux, lorsque vous vous moquez d’une personne sans-abri, ce n’est pas de la satire », a affirmé Finkelstein.

« Ce n’est rien d’autre que du sadisme. Il y a une très grande différence entre la satire et le sadisme. Charlie Hebdo, c’est du sadisme. Ce n’est pas de la satire. »

La « communauté désespérée et méprisée » d’aujourd’hui, ce sont les musulmans, a-t-il déclaré, évoquant le grand nombre de pays musulmans en proie à la mort et à la destruction, comme c’est le cas en Syrie, en Irak, à Gaza, au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen.

http://www.sayed7asan.blogspot.fr/

20/01/2015 10:10 par sidonie

Quand l’attentat de Charlie hebdo pourrait déteindre sur Areva au Niger :

http://www.leblogfinance.com/2015/01/quand-lattentat-de-charlie-hebdo-pourrait-deteindre-sur-areva-au-niger.html

21/01/2015 18:37 par DePassage

Sans remettre en question la sincérité de Seumas Milne que je ne connaissais pas avant d’avoir lu cet article, je me suis toujours gardé une petite gêne envers The Guardian que je considère un média pas bien différent d’autres médias conformistes (un peu plus hypocrite, peut-être…). Ils ont leurs scandales douteux et sont très habiles dans la manipulation par le verbe drapée de « bonnes intentions ».

Il a d’ailleurs une place bien au chaud aux côtés d’autres médias de manipulation de masse sur Media Lens (un genre de Acrimed Britannique).

Et un simple coup d’oeil sur qui sont à la tête du conseil de Guardian Media Group, milieu de la finance, des assurances, de grands groupes publicitaires et d’études de marché, du milieu bancaire, de multinationales états-uniennes comme Pepsico, Microsoft, Procter & Gamble ou Apple, de média comme la BBC et la conservatrice El Pais experte en propagande contre Cuba et le Venezuela, suffit à me convaincre que mes suspicions ne sont pas sans fondement.

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