RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Poésie et révolution (11)

Un des derniers géants du XIXe siècle : Paul Verlaine. Fils d’un capitaine du génie ayant démissionné peu avant le coup d’État du 2 décembre. Il fréquente normalement le lycée puis, brièvement, la faculté de droit. Un de ses premiers poèmes de potache, " Des morts " , chante les vaincus des insurrections parisiennes de 1832 et 1834 qui « ne virent jamais ce que nous vîmes » : l’étranglement de la République. Il souhaite un futur sombre à l’impératrice :

On prétend que Badinguette

Doit finir comme Antoinette

Il fait partie de l’aile gauche des Parnassiens, critique la conception romantique et conformiste de la poésie, les « jérémiades lamartiniennes ». Il admire Baudelaire et Mallarmé. Il est ébranlé par le mariage et la mort de sa cousine dont il était amoureux. Il sombre dans l’alcool et la violence : il en sort provisoirement en épousant Mathilde Manthé, la soeur du musicien Charles de Sivry. Mathilde a été l’élève de Louise Michel, présente au mariage. Mais le couple se sépare.

En 1867, il collabore au Hanneton, périodique satirique où il rencontre le graveur Cattelain (http://huguenots.picards.free.fr/sagas/agricol.php) qui sera le chef de la Sûreté durant la Commune. Le 4 septembre 1870, il applaudit à la proclamation de la République et il s’engage dans la Garde nationale. Il est solidaire de cette « révolution à la fois pacifique et redoutablement conforme au si vis pacem para bellum. » Lorsque la Commune est écrasée, il se cache dans le Pas-de-Calais.

En 1871, il est bouleversé par sa rencontre avec Rimbaud, la lecture des premiers poèmes du jeune homme, notamment " Les premières communions " et " L’orgie parisienne " . Leur vie amoureuse et errante en Angleterre et en Belgique débouche sur la célèbre scène où, à Bruxelles, Verlaine blesse superficiellement au poignet celui qu’il appelle « l’époux infernal ». Jugé et condamné, il restera en prison jusqu’au début de 1875, retrouvant le catholicisme de son enfance et écrivant des poèmes qui prendront place dans ses derniers recueils Sagesse (1880), Jadis et Naguère (1884) et Parallèlement (1889).

Mathilde tente de reconquérir son mari et lui propose de s’exiler en Nouvelle-Calédonie pour retrouver Louise Michel. Il hésite et rejoint Rimbaud à Londres où il gagne ensuite sa vie comme professeur. Il rentre en France, à Rethel, où il noue une relation équivoque avec un de ses élèves, Lucien Létinois. Cette amitié particulière, qui dure de 1877 à la mort de Lucien en 1883, les mène à une vie instable en Angleterre puis dans les Ardennes où Verlaine a acheté une ferme avec l’argent de sa mère. Commence alors une déchéance sociale et morale qui le réduit à l’état de clochard alcoolique. Usé, Verlaine meurt à moins de 52 ans le 8 janvier 1896 d’une congestion pulmonaire. L’absinthe, les taudis infects, les grabats d’hôpitaux auront fait de lui une épave, mais aussi l’une des figures les plus extraordinaires du poète maudit.

Les vaincus

[…] Les vaincus se sont dit dans la nuit de leurs geôles :

Ils nous ont enchaînés, mais nous vivons encor.

Tandis que les carcans font ployer nos épaules,

Dans nos veines le sang circule, bon trésor."¨

Dans nos têtes nos yeux rapides avec ordre

Veillent, fins espions, et derrière nos fronts

Notre cervelle pense, et s’il faut tordre ou mordre,

Nos mâchoires seront dures et nos bras prompts."¨

Légers, ils n’ont pas vu d’abord la faute immense

Qu’ils faisaient, et ces fous qui s’en repentiront

Nous ont jeté le lâche affront de la clémence.

Bon ! la clémence nous vengera de l’affront."¨

Ils nous ont enchaînés ! mais les chaînes sont faites

Pour tomber sous la lime obscure et pour frapper

Les gardes qu’on désarme, et les vainqueurs en fêtes

Laissent aux évadés le temps de s’échapper."¨

Et de nouveau bataille ! Et victoire peut-être,

Mais bataille terrible et triomphe inclément,

Et comme cette fois le Droit sera le maître,

Cette fois-là sera la dernière, vraiment !"¨

Ballade en l’honneur de Louise Michel

[…] Elle aime le Pauvre âpre et franc"¨

Ou timide, elle est la faucille

"¨Dans le blé mûr pour le pain blanc"¨

Du Pauvre, et la sainte Cécile"¨

Et la Muse rauque et gracile"¨

Du Pauvre et son ange gardien"¨

A ce simple, à cet indocile."¨

Louise Michel est très bien.

FIN

http://bernard-gensane.over-blog.com/

URL de cet article 17006
   
Même Auteur
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer.

Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.