Quelque chose me manque dans cet article et ses commentaires, en tout cas cela n’y apparaît pas clairement : l’origine de l’usage actuel du mot populisme.
Moi qui suis un vieux con-servateur, j’ai encore un dico Petit Robert du tournant des années 70-80. A « Populisme » et « Populiste », on n’y trouve que l’art du même nom, comme les romans de San-Antonio, les dialogues de Michel Audiard, les chansonniers de Montmartre et d’ailleurs, les sketchs de Coluche, les chansons de Bruant ou d’Edith Piaf, etc., mais... aucune définition politique.
Cet art n’est pas toujours très fin, même s’il réclame un grand talent, il n’est pas spécialement de gauche, il caresse volontiers une certaine connerie dans le sens du poil, mais il reste destiné à faire rire ou pleurer, pas à faire voter fasciste. Le mettre dans le même sac que les discours de haine du clan de Montretout, c’est con et dégueulasse.
Je n’ai pas sous la main le Grand Robert en 6 ou 7 volumes (remarque hors sujet, mais pas question de renoncer à un jeu de mots stupide : pour ceux qui espéraient consulter le gros robert en deux volumes, vous vous êtes trompés de site !), ni le Littré, ni l’Encyclopédia Universalis de la même époque,. Peut-être y trouvait-on les références au populisme politique, à savoir un mouvement anti-tsariste, russe bien sûr, et un mouvement de gauche dans certains états américains, calquant son programme sur des revendications de travailleurs, tous deux au 19ème siècle. Des mouvements oubliés et qui, de toute façon, n’avaient rien de fasciste.
Il paraît, d’après un commentaire, que Marx trouvait ces mouvements utopistes, je n’ai pas assez lu pour le savoir, mais on ne nous dit pas qu’il en parlait comme de ceux qui manipulaient les « Lumpenproletarier » pour mieux assurer la victoire du capitalisme.
Laissons l’érudition aux érudits, et il est clair que « populisme » n’a pris son sens politique actuel pour les médias et donc les masses que dans les années 80, d’abord en France, avant de connaître le succès chez tous les réacs de la planète.
C’était l’époque où Mitterrand décida que Le Pen lui serait utile, à court terme pour gêner Chirac, et à long terme pour achever le PCF. Il ordonna que Le Pen se voit dérouler des tapis rouges à la TV et ses courtisans intellos se mirent au boulot pour faire la promotion du FN en faisant semblant de le combattre.
En particulier, il devint littéralement impossible à un journaliste de radio ou de TV de parler de Marchais sans mettre Le Pen en parallèle.
Et c’est pour créer ce parallèle et bien l’enfoncer dans les crânes que fut créé le sens politique actuel du mot « populisme ».
Ce mot avait tous les avantages pour les magouilleurs reaganno-mitterrandiens de ces années-là. Et il les a conservées de nos jours pour les réacs de tout poil.
Il permet en effet, contrairement au trop savant et trop péjoratif « démagogie », de se montrer méprisant pour le peuple tout en faisant semblant de le défendre contre ceux qui le manipulent. Ainsi, ceux qui en ont marre de voir les bourgeois se gaver entendent dire que Le Pen serait « populiste », donc pour le peuple, et qu’il serait méprisé comme le petit peuple par les dits bourgeois.
Et comme l’extrême droite n’hésite jamais à plagier le discours de gauche, en particulier communiste, les intellos reaganno-mitterrandiens l’ont très vite eu facile de mettre les deux dans le même sac, mais avec toujours la fine allusion que si un prolo veut voter contre le capitalisme, il aurait plutôt intérêt à choisir les fachos.
On connaît, bientôt 35 ans plus tard, le succès que connut l’opération. Une classe ouvrière à qui on a fait croire que le mitterrandisme était de gauche, qui s’est donc dégoûtée de la « gauche » et qui désormais se partage entre une abstention massive et le vote dit « populiste » d’extrême droite. Un parti communiste qui s’écroule, dont les dirigeants finissent par lâcher la rampe, n’osant même plus parler de nationalisations, et un FN qui, désormais, a toutes les chances de figurer au deuxième tour de toutes les élections, obligeant les électeurs au non-choix entre droite et extrême droite.
« Populisme ». continue d’être utilisé pour entretenir la confusion entre extrême droite et communisme, confusion que la première recherche et que le deuxième vomit, comme le savent tous ceux qui l’utilisent.
Depuis que le PCF est dans les choux, les réacs ont eu un peu peur, en 2012 et 2017 que Mélenchon ne relance une gauche vraiment de gauche, susceptible de gouverner un jour. On a donc eu droit au parallèle Le Pen Mélenchon en remplacement de Le Pen Hue et Le Pen Buffet, tout cela évidemment au nom de la dénonciation du « populisme ».
Depuis les législatives, la bourgeoisie a compris que FI a une priorité absolue d’en finir avec le PCF, et qu’elle n’a aucune envie de gouverner, refusant de passer les alliances et donc les compromis (pas les compromissions !!) qu’il faudrait pour cela. Les insoumis ont exigé des actes de soumission de leurs alliés potentiels et ne les ont, bien sûr, pas obtenus. Il ont un groupe à l’assemblée, mais pas plus, donc aucune responsabilité, et peuvent faire le spectacle à bon marché. De la sorte, en plus, les 17 sont déjà sûrs d’être réélus dans 5 ans, même si leur mouvement se vide de ses militants.
Un échec relatif : ils ont pu empêcher les PCF d’avoir un groupe homogène, mais ils n’ont pas pu le réduire à une poignée de « non-inscrits ».
Que va devenir le mot « populisme » avec cette nouvelle donne autour de LREM, FI et FN, je n’en sais rien, ma boule de cristal est buggée.
La gauche n’a pas su combattre l’emploi de ce mot, comme elle ne sait généralement pas combattre l’antilangue parlée par le patronat et ses larbins. Cela m’a toujours désespéré, car je suis au contraire très sensible au vocabulaire (sans doute le côté positif et sérieux de mon goût pour les jeux de mots comme celui sur « robert » au début de cet article !). Ça me gonfle toujours énormément d’entendre un syndicaliste ou un politicien de gauche parler de « charges » au lieu du « salaire indirect », de « paiement au mérite » au lieu de « promotion lèche-cul », de « partenaires sociaux », etc.
Et bien sûr « populisme », le pire de tous, la fusée aux multiples étages des mots tricheurs, dont je mesure en écrivant cet article combien il est difficile d’en démonter les rouages en restant clair et que je trouve lamentable de trouver jusque dans l’Huma ou sur LGS.
Je vois à présent que certains se revendiquent d’un populisme de gauche. Puisque le mot s’est imposé, pourquoi ne pas essayer de lui donner un peu de noblesse ? Je ne veux pas condamner à priori une entreprise face à laquelle je n’ai rien à proposer. Mais je crois que cela consacrera seulement la victoire de ceux qui l’ont inventé.
Moi, je ne peux que constater la victoire des reaganno-mitterrandiens des années 80 et exprimer mon pessimisme.
Fald