Si Guaido est fait prisonnier aujourd’hui, s’il quitte le pays, ou si Leopoldo Lopez et les États-Unis le remplacent demain, il faudra repartir de zéro et ce brusque changement nous sera préjudiciable. La course contre la montre ne joue pas en notre faveur.
En fait, nous devons accepter, même si cela ne nous plaît pas, que Guaido est nécessaire pour tendre des pièges politiques et opérationnels, qui annuleront son action, et détruiront les plans que les États-Unis ont construit autour de lui. Même si cela est douloureux pour le pays. Cela va au-delà des opérations secrètes. En politique, Guaidó est nécessaire car il est usé et même parce qu’il ne doit pas être un obstacle aux différentes options politiques de sortie de crise.
Guaido est devenu le principal foyer de division du camp antichaviste, et cette division est nécessaire pour la survie de la République.
Sa position aujourd’hui est celle d’un loup (ou plutôt d’un idiot) solitaire, sa présence ne tient que par la grâce des États-Unis, mais elle ne pourra pas se prolonger éternellement. L’opposition l’a abandonné, sauf les rares exceptions de son entourage salarié. Guaido devient alors une pierre d’achoppement qui devra inévitablement céder par inertie ou par la force. La touche finale reviendra au chavisme mais aussi à une partie de plus en plus évidente de l’opposition.
Cela signifie qu’il existe une possibilité d’accord politique entre le chavisme et les deux ou trois partis politiques qui soutiennent encore Guaido et qui permettra de résoudre partiellement les problèmes liés au blocus, et de sortir de l’impasse politique en convoquant des élections parlementaires. Même les adecos [membres de AD, un des deux partis qui a gouverné le Venezuela pendant 40 ans avant Chávez-NDT] souhaitent que cette élection ait lieu cette année.
Si l’objectif est la préservation de la Nation et des institutions ainsi que la cohésion du pays, alors la guerre doit être évitée.
Un Guaido en prison ou mort ne sert pas à répondre aux besoins actuels du pays ; au contraire, un Guaido en prison ou mort ne sert qu’à déclencher d’autres situations.
Lorsque Guaido ira en prison, nous saurons que son utilité en liberté est terminé, et qu’il peut être éliminé une fois pour toutes du jeu politique. Nous devrons attendre. On ne tardera pas à le voir.
Si certains chavistes, plus chavistes que Chávez, ceux qui « commandent » sur Twitter (et ils sont nombreux) étaient aux commandes du pays et décidaient de résoudre le problème à leur manière, nous serions anéantis.
J’ai le regret de vous informer qu’aucun enfantillage ou imbécilité n’est admise sur le front de la Realpolitik. Certaines décisions pour sortir des situations conflictuelles ne peuvent se prendre sous le coup de l’émotion ou de manière impulsive. En tout cas, pas dans la situation actuelle du Venezuela. Le contraire ne se produit que dans les livres d’aventures du Che, à une autre époque, sans jamais se référer à la politique qui se jouait en coulisse à ce moment-là.
Face à cette situation, vous avez deux options. Soit relire ce que nous venons d’exposer calmement, plusieurs fois, bien analyser l’échiquier politique, et vous injecter une dose de réalisme. Soit vous pouvez continuer à réagir en bisounours dans un monde politique imaginaire tout en affirmant haut et fort "je suis le plus patriote de tous".
Franco VIELMA
Traduction de l’espagnol par Romain Migus