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Quand des scientifiques étasuniens tombent de la Lune… à Cuba

On trouvera ci-dessous un article tout récent d’une revue scientifique étasunienne. Il coïncide avec une des nouvelles mesures d’allègement du blocus adoptées par l’administration Obama le 14 octobre et entrées en vigueur hier : les sociétés étasuniennes ont maintenant le droit d’importer des médicaments cubains et de les commercialiser dans le pays une fois passés par les filtres de l’Agence chargée de les accepter. L’étonnement du docteur Lee et du rédacteur en chef de la revue prouve à mon avis deux points : l’incapacité de nombreux Étatsuniens, même scientifiques, à voir au-delà de leur petit pré, par ignorance ou par arrogance ; l’influence du blocus sur la divulgation aux USA des résultats du secteur scientifique cubain le plus brillant, entre autres, à titre de simple exemple, parce que les chercheurs cubains ne peuvent publier dans les nombreuses revues universitaires, scientifiques et savantes de ce pays, et parce que rares sont les scientifiques étasuniens qui osent venir participer aux très nombreuses réunions scientifiques organisées à Cuba. Espérons que ces nouvelles mesures d’Obama permettront un rapprochement entre centres de recherche et laboratoires de Cuba et des USA, et seront utiles aussi aux Étatsuniens. Exemple : Cuba produit le seul médicament au monde capable d’éviter l’amputation (fréquente) de ce qu’on appelle le « pied diabétique ». Le rapport 2106 de Cuba sur le blocus affirme :

Le Centre d’ingénierie génétique et de biotechnologie (CIGB) a mis au point un médicament novateur et unique en son genre, l’Heberprot-P, pour soigner l’ulcère sévère du pied diabétique, dont plus de 230 000 patients du monde entier ont bénéficié à ce jour et auquel ont été concédés 21 licences sanitaires et plus de 30 brevets. Selon les statistiques, on compte environ 29,2 millions de diabétiques aux États-Unis, soit 9,3 p. 100, dont 3,5 p. 100, soit plus d’un million de personnes chaque année, souffrent du pied diabétique, dont 204 296 pourraient être atteintes de complications. Si elle pouvait exporter l’Heberprot-P pour pouvoir traiter 5 p. 100 des Étatsuniens ayant chaque année des complications du pied diabétique, ce qui contribuerait par ailleurs à éviter les plus de 70 000 amputations faites aux USA, l’industrie biotechnologique cubaine pourrait faire des recettes de plus de 122 millions de dollars.

Réjouissons-nous donc de cette découverte tardive…

P.S. Je passe sur l’étiquette de « dictateur » accolée à Fidel, qui fait plus de tort à celui qui la colle qu’à celui qui la reçoit. Comme quoi, on peut être très intelligent dans un domaine et très bête dans un autre…

Jacques-François Bonaldi

CUBA SERA-T-ELLE LE PROCHAIN CENTRE D’ACTIVITÉS MONDIAL EN BIOTECHNOLOGIE ?

Source : Life Science Leader

par Rob Wright, Chief Editor, Life Science Leader

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La revue Life Science Leader a été invitée récemment à participer au Forum de santé War On Cancer organisé par The Economist à Boston, le 28 septembre 2016. Bien que toutes les séances de la journée aient piqué ma curiosité, la seule qui m’a fait me lever de ma chaise pour réclamer un micro une fois finie a eu lieu à 16 heures. Intitulée : « A la recherche d’exemples d’avancées exhaustives en cancérologie à travers le monde », son premier intervenant a été le docteur Kelvin Lee, président de la section d’immunologie de l’Institut du cancer Roswell Park, qui a raconté que son expérience de travail avec Cuba avait démarré presque par accident en 2011 (working with Cuba)

Malgré une opinion répandue aux États-Unis, la biopharmacie cubaine n’est pas enlisée dans les années 50

« À ce moment-là, nous pensions au Roswell Park de Buffalo que Cuba était enlisée à l’époque de ‘I Love Lucy’, admet le docteur Lee. Nous estimions impossible que la biotechnologie puisse y exister. » Or, il advint qu’une chercheuse du Centre d’immunologie moléculaire de Cuba rendit visite à un parent à Pittsburgh. « Elle nous a téléphoné pour nous dire : ’J’ai entendu parler de votre réputation en cancer. Puis-je venir vous voir et vous parler de nos vaccins contre le cancer ?’ », rappelle le docteur Lee. « Elle est donc venue au Roswell et a donné une conférence remarquable sur des vaccins contre le cancer du poumon vraiment novateurs (autrement dit le CIMAvax) et d’autres vaccins sur lesquels son Centre travaillait. Nous étions surpris que ceci puisse se passer à Cuba. » En 2012, une équipe du Roswell Park est allée à Cuba pour nouer des relations plus solides qui ont abouti à faire entrer les vaccins cubains dans les essais cliniques des États-Unis.

Le docteur Lee suppose que l’innovation biopharmaceutique à Cuba est le résultat de deux facteurs :

  • Le pays a fait de la santé publique une priorité nationale.
  • La nation, par suite de l’embargo des États-Unis, souffre de restrictions économiques extrêmes.
    « L’espérance de vie à Cuba est la même qu’aux États-Unis et au Canada, ainsi que le taux de mortalité infantile », affirme Lee. [Ce qui est faux, la mortalité infantile de Cuba est inférieure à celle des États-Unis pour l’ensemble du pays, et bien inférieure à celle qu’y connaissent certaines communautés. Note du traducteur.] « Mais Cuba dépense en santé par habitant le cinquième de ce que nous dépensons, nous. » Selon Lee, si Cuba a été capable de rivaliser avec les statistiques de santé des États-Unis, c’est en produisant des produits innovateurs et en les appliquant à la population au niveau des soins de santé primaires. « Il s’agit d’une approche de la médecine résolument diffuse précise et non personnalisée. Cuba innove à partir d’un seul ensemble d’industries biotechnologiques qui fonctionne en circuit fermé. Ainsi, ceux qui travaillent à la recherche-développement (RD) traverse le hall pour amener leurs résultats à ceux qui travaillent au développement préclinique, qui vont ensuite voir ceux qui travaillent aux produits finis, etc. » Le Centre d’immunologie moléculaire conduit lui-même les études de la phase 1 à la phase 4, et, une fois le médicament approuvé par les différentes agences concernées, il le produit lui-même à des fins commerciales, aussi bien pour Cuba que pour le reste du monde. Grâce à ce circuit fermé, il n’existe pas de traversée de la « vallée de la Mort » dans la mise au point de médicaments cubains. « Ils sont très soigneux, et disposent d’installations de niveau mondial », affirme Lee. « À Cuba, il y a de huit à dix compagnies biopharmaceutiques de la taille et de la stature de Celgene/Millennium. »

J’ai eu soudain l’impression d’avoir vécu dans une caverne pour ne pas savoir tout ça au sujet de Cuba. J’ai donc demandé à d’autres personnes assises à ma table si elles étaient au courant, et elles ont toutes répondu : « Non. »

À la fin de la communication de Lee, je me suis présenté pour lui dire que j’étais abasourdi de ne rien savoir de Cuba, et il m’a répondu : « Personne ne le sait », et il s’est mis à me raconter l’histoire de Cuba et de l’interféron.

Son isolement a poussé Cuba à innover

En 1980, quand le monde a su que l’interféron apportait la promesse d’une éventuelle guérison du cancer, Fidel Castro à Cuba l’a su aussi. Le dictateur a donc envoyé six scientifiques à l’étranger pour apprendre à le produire. À leur retour, une petite installation à l’Ouest de La Havane a été transformée en laboratoire et en à peine quarante-deux jours a produit de l’interféron-α naturel. C’est ainsi que l’industrie biotechnologique cubaine a vu le jour.

À cause de l’embargo des États-Unis, Cuba a dû compter uniquement sur elle-même et elle produit maintenant 70 p. 100 des médicaments dont elle a besoin, dont des vaccins pour vingt-et-une maladies différerentes. Selon l’OMS, l’industrie biotechnologique cubaine possède environ 1 200 brevets internationaux et vend ses produits pharmaceutiques et ses vaccins dans plus d’une cinquantaine de pays. Cuba compte plus de trois cents centres de biotechnologie. Le Pôle scientifique de l’Ouest de La Havane emploie à lui seul 12 000 travailleurs et plus de 7 000 scientifiques et ingénieurs. Selon des estimations à l’échelle nationale, Cuba compte environ 1,8 scientifique pour 1 000 habitants, un taux comparable à celui des USA (mais avec un PNB bien inférieur).

On a du mal à imaginer que Cuba puisse rivaliser avec ses homologues de Boston ou de San Francisco comme centre mondial de biotechnologie, mais l’idée n’est peut-être pas aussi farfelue qu’on pourrait le penser. Pour commencer, le pays a la taille de la Pennsylvanie et une population équivalente à celle de l’Ohio. Mais ce qui est bien plus important, ce sont ses résultats en biopharmacie. Comme le docteur Lee et ses collègues peuvent en témoigner, les initiatives de Cuba en matière de cancer sont assez révélatrices pour avoir poussé le Roswell Park à demander à l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) l’autorisation de s’associer au Centre d’immunologie moléculaire pour développer le vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon (le CIMAvax). Cela suffit pour qu’on se pose la question : qu’est-ce que Cuba peut bien garder dans ses archives qui vaille la peine d’en savoir plus ? Ou encore : À qui l’embargo des États-Unis vieux de cinquante-quatre ans a-t-il fait le plus de mal ? En tout cas, la cure du cancer du poumon, le plus mortel (et de loin) aux États-Unis, reste une nécessité médicale encore sans réponse, et le CIMAvax cubain pourrait offrir plus qu’un simple espoir.

Rob Wright

http://www.lifescienceleader.com/doc/will-cuba-be-the-world-s-next-leading-biotech-hub-0001

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