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Retour sur l’ascension de Houari Boumediene.

À l’issue de la réunion du CNRA (conseil national de la révolution algérienne), tenue du 16 décembre 1959 au 18 janvier 1960, les congressistes unifient le commandement militaire sous la houlette de Houari Boumediene. Bien que le CNRA ait pris soin, au préalable, de créer le comité interministériel de la guerre (CIG), dirigé par les 3B (Belkacem Krim, Boussouf Abdelhafid et Bentobbal Lakhdar), force est de reconnaitre que l’EMG (état-major général) constitue, dès sa création, le vrai centre du pouvoir.

Fonctionnant jusque-là dans la collégialité, cette décision – quelle mouche a piqué les dirigeants de la révolution pour qu’ils abandonnent ce principe ? – va s’avérer néfaste. Ainsi, malgré les abus de pouvoir des 3B, les équilibres sont maintenus. Pour ce faire, chacun dispose de sa clientèle et le groupe sur lequel il s’appuie. En revanche, leur seul point commun réside dans leur hostilité maladive à l’émergence d’une tête politique.

D’ailleurs, quand la révolution en avait une, en l’occurrence Abane Ramdane, les 3B ont conjugué leurs forces en vue de la neutraliser. Du coup, après la défaite de la ligne politique soummamienne, les 3B deviennent les maitres incontestés de la révolution. Mais, dans le cas où les 3B n’arrivent pas à aplanir leurs différends, quelles seront les conséquences sur la révolution ? Et en 1959, la mésentente entre les 3B atteint le point de non-retour. En effet, bien qu’ils soient unis contre les politiques, « Krim, Bentobbal et Boussouf sont divisés sur la question de leadership, que Krim revendique au nom de l’historicité, car il est le seul en liberté du « comité des six ». Bentobbal et Boussouf lui contestent ce droit au nom de cette même historicité. Selon eux, les vrais fondateurs du FLN sont les membres du « comité des 22 » auquel Krim, messaliste repenti, n’a fait que se rallier », note l’éminent historien, Mohamed Harbi.

Cependant, malgré la succession de crises (l’affaire Lamouri, l’affaire Hambli et le mouvement des officiers libres en wilaya 3), la révolution, sous l’égide des 3B, tient bon. En revanche, il n’en est pas de même de l’affaire dite Amira. En mars 1959, comme le prouve la lettre de démission de Lamine Debaghine, ministre des Affaires étrangères du GPRA, celle-ci échappe au contrôle des 3B. Pour rappel, Amira a été convoqué par les services de Boussouf au siège du GPRA au Caire en raison de sa campagne de dénigrement à l’encontre du président Ferhat Abbas. Cet ancien militant du PPA ne voyait pas d’un bon œil la nomination de l’ancien chef de l’UDMA à la tête du GPRA. Défenestré, Amira est retrouvé à quelques pas du siège du GPRA. Contrairement aux autres liquidations, celle-ci n’est pas classée. En effet, ni les Égyptiens ni Lamine Debaghine, ami de longue date d’Amira, ne veulent enterrer l’affaire. De la même façon, malgré leur union contre les politiques, l’affaire Amira divise les 3B. D’après Mohamed Harbi, « dans l’affaire Amira, Krim et Debaghine font face à Abbas et Boussouf. Debaghine défend la mémoire d’un ami politique, Abbas et Boussouf sont mis en cause. Krim va jouer cette situation pour revendiquer la présidence du GPRA. Il n’y arrive pas, mais arrive à persuader Bentobbal et Boussouf de mettre en veilleuse le GPRA sous le prétexte que ses divisions sont le fait des politiques Abbas et Debaghine. »

Quoi qu’il en soit, en dépit de la suggestion de Ben Youcef Ben Khedda proposant le retour de la direction à l’intérieur du pays, « le GPRA fait bloc autour de Boussouf qui oppose son veto », souligne Mohamed Harbi. Par ailleurs, bien que la convocation de la réunion de l’arbitrage des colonels en exercice soit faite par le président du GPRA [depuis cette période jusqu’à aujourd’hui, à l’exception du règne sans partage de Boumediene, on tient toujours à préserver les apparences de la légalité], dans la réalité, ce sont les 3B qui contrôlent tout. Mais, ces maitres du moment oublient, selon Mohamed Harbi, un détail capital. « L’arbitrage des chefs militaires est une bombe à retardement posée par le GPRA. Le triumvirat décide des critères de participation à la réunion, mais une fois les chefs réunis, ceux-ci ont le pouvoir entre les mains », écrit-il.

D’ailleurs, dès l’entame des travaux, les 3B sont bousculés par le prestigieux colonel Lotfi. D’emblée, celui-ci s’interroge sur la présence des 3B à la réunion. « Il y a ici des membres du GPRA qui sont juges et parties. Je vous demande quelle est votre place ici ? Ou bien vous sortez et vous nous laissez arbitrer, ou bien vous appelez les autres membres du gouvernement », clarifie-t-il la situation. Hélas, les prébendes de cette opération ne profitent pas à l’homme intègre, le colonel Lotfi. En revanche, parmi les sept colonels présents à la réunion, il y a un calculateur qui ne guette que le moment opportun pour s’emparer du pouvoir. Cet homme s’appelle Houari Boumediene. Ainsi, au bout de 110 jours de réunions des 10 colonels et 33 jours de session du CNRA, le rapport de force change de camp.

Partant, après le remaniement gouvernemental, Houari Boumediene, sans vouloir précipiter les choses, sait que les rênes du pouvoir sont entre ses mains. Et pour cause ! La suppression du ministère des forces armées, un portefeuille détenu jusque-là par Krim Belkacem, et l’unification des commandements de l’Est et de l’Ouest, confiée à Houari Boumediene, corroborent la thèse du transfert du pouvoir. Du coup, dès le 5 février 1960, soit deux semaines après la fin de la session du CNRA, le débat sur la nouvelle stratégie militaire tourne en faveur de la vision de Bouemdiene. « Sa rétrogradation [commandant Kaci, éminence grise de Krim Belkacem] et l’exil du deuxième conseiller du chef kabyle, le commandant Mouloud Idir (nommé ambassadeur à Karachi) indiquent que la stratégie de Krim va être abandonnée au profit de celle de Bouemdiene », note Albert Paul Lentin, dans un article de mai 1973, dans « Historia magazine ».

Cela dit, fin calculateur, Houari Boumediene n’abat pas toutes ses cartes. Dans le premier temps, ce qui lui semble capital, c’est la réorganisation de l’ALN. En peu de temps, avec surtout la fermeture hermétique des frontières [les barrages électrifiés le long des frontières], « l’armée à l’extérieur de l’Algérie est la composante la plus importante de la révolution », souligne l’auteur de « FLN, mirage et réalité ». Bien qu’aucun dirigeant ne puisse s’opposer la formation d’une grande armée, le pari du CNRA est risqué. En effet, il suffit que son premier responsable ait des intentions politiques pour que la mission de l’armée soit déviée de son objectif. Pour le cas de l’ALN des frontières, celle-ci ne tardera pas à devenir « en quelques sorte le relais de forces qui visent consciemment le pouvoir », écrit encore Mohamed Harbi. Pour son chef, il suffit d’attendre la fin de la guerre pour balayer les politiques.

Pour conclure, il va de soi que la défaite des 3B n’est nullement à déplorer. Dès le départ du CCE à l’extérieur, en février 1957, ils n’arrêtaient d’imposer leur propre vision. Même la création du GPRA, en septembre 1958, n’a pas été entérinée par le CNRA, et pourtant seul organisme habilité à prendre ce genre de décision. Mais, en se neutralisant mutuellement, leur lutte de leadership a bloqué la révolution. Pendant six mois, les organismes de la révolution sont uniment bloqués. Enfin, en appelant à l’arbitrage des colonels en exercice, ils cèdent, sans le vouloir bien sur, leur pouvoir. Hélas, le successeur, à la tête du commandement militaire, reproduit le même modèle, voire pire. Ainsi, en réorganisant l’armée des frontières, Houari Boumediene ne le fait pas dans l’intérêt du pays, mais il le fait pour qu’il puisse exercer son pouvoir personnel.

»» http://ait-benali.over-blog.com/
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