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Robin des Banques ou cocu du Capital ?

C’est commode. Comme le purin annonce l’élevage de cochons, la banque représente le guichet le plus visible du système. Et le salariat est la condition d’existence des exploités comme l’herbe est la condition d’existence des vaches. Sans notre salaire, nous survivons à peine. Faut-il alors lui préférer la petite entreprise ?

Depuis les tentatives du 19ème siècle pour « vivre ensemble autrement », les communautés et autres phalanstères se sont essayés à la production directe de leurs conditions d’existence. Pourtant, face à ce « déchaînement de forces critiques » apparent, l’exploitation capitaliste a tenu bon. Flûte, alors ! Peut-être que la production vivrière réduit un peu de l’exploitation, mais cela n’est ni un en-dehors du système, ni une révolution du monde marchand.

J’ai bien écouté. Enrique Duran-Giralt affirme « nous pouvons vivre sans le capitalisme » mais cette galéjade ne se résume qu’à un programme de décroissance. Bien sûr, l’action individuelle d’insoumission à la banque paraît retrouver les projets activistes des Jules Bonnot et autres anarchistes. C’est ce que le mensuel CQFD a encensé en parlant de « robin des banques ». Assez des amnésiques ! L’illégalisme, lui, ne s’est jamais proposé à la reconstruction d’un système d’échange, nommé pour la bonne cause, alternatif ou social. Bien au contraire, les emprunts effectués par Duran l’entraînent désormais à rester pauvre pour ne plus être solvable, c’est-à -dire pour ne pas rembourser la dette contractée.

Toutefois, le projet de Duran a peut-être quelques mérites. Dans un premier temps, il a utilisé une stratégie d’expropriation bien connue des anarchistes, même si elle ne mettra jamais à nu le capitalisme en soi. Cette manière permet de se doter des moyens pour prendre la parole. En s’associant par groupes d’affinité, les personnes peuvent développer leur colère et même s’aventurer à de nouvelles résistances.

Mais, la stratégie de Duran est incroyablement modeste au mieux, caricaturale au pire. Il ne parle plus que d’argent et de petit commerce. On se fourvoie ici. Son objectif réel est seulement de prétendre diminuer sa dépendance au capitalisme. Réduire sa dépendance n’est pas résister, c’est admettre la misère et le mercantilisme. Cette illusion de la décroissance n’a, au bout du compte, qu’une visée anti-productiviste. Elle brigue alors maladroitement de refaire un nouveau monde marchand, avec la défense du petit commerce et la morale de la pauvreté volontaire en mire.

C’est ballot. Le monde marchand ne va pas s’écrouler parce que des pauvres vont s’échanger des services et de la monnaie. Sinon il suffirait de vivre dans la misère d’une économie vivrière pour voir s’effondrer le système. Il suffirait de refuser les miettes, de vivre sans aucun des minuscules acquis sociaux, congés, sécu, retraite, rsa obtenus lutte après lutte. Le capitalisme aussi tolère ses solidarités. Mais la marchandise a besoin de garder des pauvres, même petits entrepreneurs vivriers. Se prétendre en dehors de l’économie marchande, c’est donner le faux espoir d’une préexcellence des membres d’une communauté par rapport à des exploités qui seraient, eux, davantage soumis et malvoyants. C’est une idée aveugle, une idée de cocu.

Car enfin, le capitalisme n’est pas une somme d’argent qui stagne et il est capable d’absorber des déficits autrement plus importants que la perte de quelques millions. Le capitalisme est précisément l’art de la dette. Rappelez-vous. Il y en eut pour commander de retirer le petit pécule de son compte, mais il faut être bien naïf pour penser qu’un découvert bancaire intimide le monde marchand. Faire croire qu’organiser des coopératives ou des opérations mutualistes peut nous sortir de l’économie marchande est une aberration qui n’empêche évidemment rien du rapport d’exploitation des autres. Pire, c’est annoncer péremptoirement que ceux qui n’admettraient pas la prétendue « économie solidaire » seraient eux-mêmes responsables de la continuité des saloperies du vieux monde, que les pauvres seraient des collaborateurs du monde marchand. Cette incroyable arrogance est, au mieux une illusion de bobos malvoyants, au pire un vandalisme des idées libertaires…

Non, le capitalisme n’est pas un système mal organisé qu’il suffirait d’aménager, c’est fondamentalement un rapport social d’exploitation. Il faut le redire. Il n’y a évidemment pas d’en dehors au rapport marchand. L’argent, l’économie, la monnaie « sociale » ou autre pitrerie parle toujours d’économiser nos vies. L’économie n’est que le langage de la marchandise.

Cornegidouille ! Non, il ne s’agit pas d’économiser la misère de l’exploitation, mais de changer le monde.

A bas la marchandise, à bas le salariat, à bas notre condition d’existence d’exploité.

Thierry Lodé
Professeur d’écologie évolutive

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