RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Savoir voter ou voter sans savoir

Le capitalisme, depuis longtemps hors d’haleine, cherche en permanence de nouvelles bouffées d’oxygène pour retrouver un temps de la vigueur. Ses principaux acteurs, les firmes transnationales, le font en se noyant dans de colossales opérations de concentration du capital telle la récente et monstrueuse fusion Bayer-Moncento. Les banques de rang international, quant à elles, réussissent plutôt bien à faire transformer leurs dettes privées en dettes publiques, moyen commode de transférer le fardeau pesant sur leurs actionnaires vers les épaules des contribuables impuissants. Le capitalisme étant réputé la seule voie possible vers le bonheur sur terre les Gouvernements unanimes s’ ‘entendent pour lui apporter le plus d’air possible : les Traités de libre-échange ont cette fonction de sauvetage avant même l’argument officiel de la création de Croissance qu’ils permettraient. Il en va ainsi des négociations entre l’Union Européenne d’une part et le Canada ou les Etats-Unis d’autre part. Et gare aux Etats qui voudraient sortir du rang bien ordonné par l’orthodoxie néolibérale.

Le rouleau compresseur de « la mondialisation heureuse », comme l’a audacieusement qualifié un éminent spécialiste voilà vingt ans, est parfois ralentie par le sursaut d’un peuple qui ose dire NON lors d’un référendum ou d’une Assemblée démocratiquement élue qui se refuse à voter un texte décisif à l’aveuglette. En cet automne au climat dangereusement chaleureux ce fut au tour des Wallons de tenter de gripper la pompe à oxygène. Alors, les foudres de la Commission européenne s’abattirent illico sur la pauvre Belgique. Rendez-vous compte : deux parlements régionaux francophones ont voté au plat pays contre le projet d’accord entre l’UE et le Canada (CETA). Les députés de Wallonie ont dit non le 14 octobre. Cette assemblée réclame une renégociation, ou du moins une « déclaration interprétative », une explication de texte dotée de garanties juridiques précises pour chacun des articles du projet. Les Wallons s’inquiètent pour l’avenir de leur agriculture, de leurs normes sociales et environnementales, du rôle des pouvoirs publics, que d’autres traités pourraient également menacer à l’avenir. Une ­majorité d’entre eux s’oppose d’ailleurs au TTIP négocié avec les Etats-Unis.

Leur clairvoyance est décrétée insupportable par tous ceux qui veulent le bonheur des peuples malgré eux.

Le CETA , Canada-EU Trade Agreement (en français Accord Économique et Commercial Global), a été conclu entre la Commission européenne (mandatée par les Vingt-Huit) et Ottawa en septembre 2014, à l’issue de cinq ans de négociations. Le CETA étant de fait négocié entre les 28 Etats de l’Union et le Canada ne peut donc entrer en ­vigueur dans son intégralité qu’après l’adoption à l’unanimité des 28 dirigeants européens et par le premier ministre canadien. Il doit ensuite avoir le feu vert du Parlement européen et de l’ensemble des parlements nationaux des Vingt-Huit pays membres de l’UE. Pour la première fois en la matière, les gouvernements de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont décidé d’impliquer leur parlement dès le début du processus. D’où un examen beaucoup plus attentif que dans d’autres pays du contenu exact d’un texte de… 1 600 pages, dont la version finale n’a été dévoilée qu’en février dernier. Alors, il faut que ces députés soient blâmés pour vouloir sérieusement travailler avant de voter ce texte crucial. La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, a prestement donné jusqu’au 21 octobre à la Belgique pour trouver une solution avec la Wallonie et donner son feu vert au traité. Sans quoi, avait-t-elle prévenu, le sommet Europe-Canada du 27 octobre, censé formaliser la signature de l’accord en présence du premier ministre, Justin Trudeau, n’aurait pas lieu. Un arrogant ultimatum lancé contre un vote souverain et démocratique. Et comme cette injonction pourrait ne pas suffire la Commission européenne menace la Wallonie de ne plus bénéficier du Feder (Fonds européen de développement régional). Voilà qui est clair !

Les opposants au CETA sont justement motivés à deux titres au moins. Beaucoup refusent les accords de libre-échange par principe, considérant qu’ils détruisent plus d’emplois qu’ils n’en créent, qu’ils menacent sérieusement les services publics et les normes environnementales, sanitaires ou sociales européennes. D’autres s’inquiètent du contenu même du CETA, les agriculteurs, notamment, redoutant que les multinationales américaines de l’agroalimentaire ayant un siège au Canada profitent de l’accord pour mieux pénétrer les marchés européens et les inonder, entres autres marchandises frelatées, de viande aux hormones ou de poulets chlorés. Théoriquement, le CETA ménage un accès aux marchés publics canadiens, prévoit la reconnaissance par Ottawa de 143indications géographiques protégées (l’équivalent de l’AOP en France) – mais aucune en Wallonie – et propose un système de règlement des différends entre Etats et multinationales, avec des tribunaux d’arbitrage censés garantir la capacité de légiférer des Etats. On sait les limites de la théorie en la matière. Pratiquement, quels sont les Etats qui prendront, en période de vache maigre budgétaire endémique, le risque de se faire condamner pour entrave au commerce au profit d’une transnationale plaignante ?

Certains observateurs posent encore une question naïve : pourquoi la Commission et la plupart des dirigeants européens tiennent-ils au CETA ? Un échec du CETA pourrait décourager les Japonais, entrés en discussion avec l’Europe en 2013 pour un accord d’envergure. Cela pourrait également refroidir les ardeurs des Vietnamiens, des Mexicains et d’autres encore ... Bruxelles mène actuellement une vingtaine de négociations de front. Une vraie boulimie ! Lancée tardivement, la mobilisation anti-CETA est désormais non négligeable. En France, la fondation Nicolas Hulot, Attac, l’extrême gauche et une partie de la gauche dénoncent un « cheval de Troie » comme pour le TTIP, le traité de libre-échange avec les Etats-Unis. La contestation est tout aussi intense en Allemagne bien que la Cour constitutionnelle allemande ait récemment autorisé – avec des réserves – le gouvernement à ratifier le texte. En Autriche, le chancelier Christian Kern a lui aussi exprimé des réticences. On râle mais on ne promet pas de ne pas voter au final.

Les bouffées d’air données au Capitalisme pour sa survie ne tombent jamais du ciel. Elles sont régulièrement – et de plus en plus massivement – volées au bien commun des peuples désormais gouvernés le plus souvent par les représentants d’oligarchies aux intérêts économiques et financiers bien compris. Les traités de libre-échange sont le moyen le plus puissant de renforcement de la domination de ces minorités prédatrices. Le risque existe que l’on ne puisse interrompre leur marche vers l’uniformité générale.

A moins que la prochaine crise financière globale ne stoppe leur route en lieu et place des peuples privés de leur vote.

Yann Fiévet

URL de cet article 31056
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Chasseurs de matières premières.
Michel COLLON
Chaque citoyen européen consomme par an en moyenne 26 kilos d’appareils[1] en tous genres : ordinateurs, téléphones, télévisions, électro-ménager... L’avons-nous décidé ? Le souhaitons-nous ? Quoi qu’il en soit, cet acte apparemment innocent a en réalité un impact énorme. Sur la Nature, on s’en doute, mais aussi sur des êtres humains. Des femmes et des hommes du Sud sont condamnés à mourir de faim, leurs enfants seront privés d’éducation, ils souffriront de la malaria, de la tuberculose et autres maladies (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

La liberté de la presse est la liberté que les capitalistes ont d’acheter des journaux et des journalistes dans l’intérêt de créer une opinion publique favorable à la bourgeoisie.

Karl Marx

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.