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Syrie - Le cessez-le-feu imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU ne tiendra pas

Hier soir, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la Résolution 2401 qui appelle à un cessez-le-feu de 30 jours dans toute la Syrie. Le texte de la résolution adoptée ne semble pas être encore disponible. On peut trouver une copie du projet initial de résolution ici. Le gouvernement russe a présenté plusieurs amendements. Il voulait que la partie étasunienne garantisse le respect du cessez-le-feu par les ennemis de l’État syrien.

La résolution a été initiée par la Suède et le Koweït au nom des États-Unis. Elle est arrivée au moment où l’armée syrienne s’apprêtait à libérer la zone de la Ghouta orientale qui se trouve à la périphérie de Damas, la capitale. La Ghouta orientale est occupée par plusieurs groupes terroristes, dont Al-Qaïda et des groupes salafistes. Cela fait des années qu’on les sponsorise pour harceler les 7 millions d’habitants de la capitale avec des missiles et des tirs de mortier tirés au hasard. Les États-Unis ont lancé une campagne de propagande pour « sauver la Ghouta » parce qu’ils veulent prolonger la menace que la Ghouta fait peser sur la capitale syrienne.

Le cessez-le-feu ne s’applique pas à Al-Qaïda, ni à l’EI, ni aux groupes terroristes associés. La guerre contre eux continuera. Dans la Ghouta orientale, Al-Qaida (Hayat Tahrir al-Sham) est alliée à Failaq al-Rahman.

D’après ce qu’on sait, la résolution des Nations Unies permettrait la libération d’importantes zones de la Ghouta orientale, dont Harasta, Arbin, Zamalka, Ein Tarma et Kafar Batna. L’attaque sur le terrain de l’armée arabe syrienne pour libérer ces régions et d’autres parties de la Ghouta orientale a commencé aujourd’hui, quelques heures seulement après l’adoption de la Résolution. Elle progresse bien.

 L’énorme campagne de propagande sur la Ghouta orientale n’a rien à voir avec des préoccupations humanitaires ni avec le respect des règles de la guerre. L’année dernière, les États-Unis ont détruit Raqqa avec plus de 31 000 tirs d’artillerie et une vaste campagne aérienne, et ils ont tué plus de 3 200 civils. Ils ont même réduit en miettes la canalisation d’eau qui alimentait les habitants de Raqqa - un crime de guerre incontestable. À l’époque, l’ONU avait demandé un cessez-le-feu pour évacuer les civils. Les États-Unis avaient rejeté catégoriquement cette demande. Ils avaient même par la suite laissé sortir les combattants islamistes qui restaient à Raqqa et ils les entraînent actuellement à nouveau en vue d’autres attaques contre l’État syrien.

Les campagnes de propagande autour de la Ghouta font partie de la guerre « froide » entre les Etats-Unis et la Russie qui divise la Syrie. La campagne américaine actuelle qui vise à maintenir la Ghouta orientale sous le joug des terroristes a quatre objectifs :

  • démontrer au monde que le gouvernement syrien n’est pas en mesure de garantir la sécurité de Damas.
  • montrer que la Russie a eu tort de revendiquer la victoire en Syrie.
  • protéger l’EI et Al-Qaïda dont ils ont encore besoin comme mercenaires américains au sol.
  • justifier l’occupation américaine du nord-est de la Syrie et de ses champs pétrolifères et limiter ainsi les ressources financières de l’Etat syrien. (Cela donne également aux États-Unis et à Israël une zone opérationnelle pour de nouvelles attaques contre l’État syrien.)

Un aspect intéressant du cessez-le-feu ordonné par le Conseil de sécurité des Nations-Unies est qu’il s’applique aussi à l’invasion turque de la zone d’Afrine tenue par les Kurdes dans le nord-ouest de la Syrie. Les YPG kurdes, qui défendent Afrine contre les attaques turques, ne sont pas un groupe terroriste internationalement reconnu. Cela met la pression sur la Turquie pour qu’elle interrompe ou mette fin à sa campagne.

Le président Trump a encore une fois confondu sa position personnelle avec celle de l’administration au pouvoir :

Le président Donald Trump a semblé contredire son propre département d’État lors d’une conférence de presse vendredi en disant que les États-Unis sont en Syrie pour écraser l’EI et qu’ensuite ils partiront. En janvier dernier, le secrétaire d’État Rex Tillerson a donné les cinq objectifs des États-Unis en Syrie : vaincre l’EI et Al-Qaida, résoudre le conflit entre le régime et le peuple syrien, endiguer l’influence iranienne, créer les conditions permettant aux réfugiés de rentrer chez eux en toute sécurité, et mettre en place une Syrie sans armes de destruction massive. L’administration de Trump a également annoncé cette semaine qu’elle se réservait le droit de maintenir indéfiniment des troupes américaines en Syrie, même dans les zones débarrassées des combattants de l’EI, sans nouvelle autorisation du Congrès.

Il n’y a rien dans le droit international qui permette aux Etats-Unis d’occuper des pans de la Syrie. L’argument que l’administration utilise pour essayer de justifier sa présence militaire en Syrie est grotesque :

Selon eux, la menace potentielle, que constitue l’Etat islamique sur le long terme, fournit une base juridique au maintien indéfini, par l’administration Trump, des troupes américaines déployées sur place.

L’argument qu’il est légitime d’assurer une présence militaire « préventive » dans un pays étranger parce qu’un groupe terroriste pourrait s’y développer, pourrait être employé pour n’importe quelles partie du monde. C’est absolument n’importe quoi, mais il est peu probable que le Congrès intervienne actuellement pour mette fin à ce comportement criminel.

Le cessez-le-feu imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU va échouer. Les différents groupes qui contrôlent la Ghouta orientale sont désunis, mais ils ont tous intérêt à poursuivre la guerre. C’est leur seule source de revenu et leur seul raison d’être. Ils vont continuer à harceler Damas, ce qui justifiera d’autres attaques contre eux.

La campagne américaine pour « sauver la Ghouta » va donc échouer tout comme la campagne précédente pour « sauver Alep ». Le gouvernement syrien va libérer et sécuriser la zone par les moyens appropriés, avec le moins de pertes et de dégâts possibles.

Les États-Unis vont alors faire porter leur campagne de propagande sur un autre terrain et continuer leurs manœuvres sournoises et hypocrites pour prolonger la guerre contre la Syrie et essayer d’atteindre leurs objectifs chimériques, en prenant bien soin d’éviter une lutte ouverte.

Moon of Alabama

Traduction : Dominique Muselet

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 http://www.moonofalabama.org/2018/02/syria-the-unsc-mandated-ceasefire-will-not-hold.html
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COMMENTAIRES  

02/03/2018 10:59 par Autrement

Je me permets de reproduire ici mon message que Regards n’a pas laissé passer :

L’image grand-guignolesque, digne de l’ignoble pathétique à sens unique de nos JT, affichée en tête de colonne, déshonore Regards et ridiculise l’auteur de l’article : tout ça pour ça !
La guerre en Syrie se fiche bien de votre gôôôôche minable !
La Syrie aux Syriens, seule voie pour la paix !

À quand un article de véritable information sur les manoeuvres militaires, politiques et géopolitiques de l’OTAN en Europe et partout dans le monde ? Et sur sa propagande qui ne recule plus devant aucune falsification (on "suspecte", c’est "probable", "ce serait", qui devient, malgré les témoignages contraires, "c’est un fait reconnu"... vous avez oublié la fiole de Colin Powel ?), - propagande relayée par des "journalistes" ou "historiens" auto-proclamés, et par tous nos grands médias aux mains de millliardaires confortablement atlantistes ?

Sortir de l’OTAN belliciste, sortir des traités "européens"qui nous ruinent, voilà qui peut et doit UNIR tous les progressistes.

05/03/2018 22:02 par chb

RV :
L’Huma-dimanche a publié il y a dix jours un article de Labévière, sur le « télégramme diplomatique » qui expose crûment le complot takfiro-occidental contre la Syrie.
Mais voilà, outre l’incertitude quant à la crédibilité de l’info (même via Wikileaks on se serait interrogé), la diffusion de la révélation pâtit de la force de l’habitude et de la puissance de la propagande depuis tant d’années. L’OSDH et l’OTAN sont toujours les sources prises en compte, aussi ne parle-t-on guère des victimes civiles du côté loyaliste, et pas trop de la nature des rebelles « assiégés » (voir l’auto-censure sur la cartographie dans LeMonde ).
L’Huma est de nouveau vent debout contre « le régime qui bombarde les civils ». On n’a pas encore gagné la paix.

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