Mythes et réalité du système éducatif aux Etats-Unis
Promotion sociale :
Mythe : c’est aux Etats-Unis qu’un enfant a le plus de chances de bénéficier de l’ascenseur social.
Faux : Un enfant dont les parents n’ont pas terminé le cycle d’études secondaires n’a que 29% de chances de faire des études supérieures.
Sur les 28 pays étudiés, les US sont 3° avant la fin.
Enseignants
Mythe : les enseignants (protégés par des syndicats insatiables) travaillent moins et gagnent plus.
La chasse est ouverte contre les agents du service public, surtout les enseignants et leurs syndicats. Ils sont trop payés. Ils ont trop d’avantages sociaux. Ils ont la sécurité de l’emploi alors que le reste de la population vit dans la crainte d’un licenciement. Et ce sont des fainéants qui sont en vacances tout l’été. Si l’éducation est en déclin, cela ne peut être que la faute des enseignants.
Faux : les enseignants aux Etats-Unis effectuent entre 1050 et 1100 heures d’enseignement par an. Sur les 38 pays qui ont été étudiés, il n’y en avait que deux où les horaires des enseignants étaient plus chargés - l’Argentine et le Chili. Et quand il s’agit des enseignants du primaire, ce sont les Etats-Unis qui arrivent en tête de liste.
Quant aux salaires, le rapport indique :
"alors que dans la plupart des pays de l’OCDE, les salaires des enseignants tendent à être inférieurs en moyenne aux salaires des autres travailleurs à qualifications égales, aux Etats-Unis, le fossé est très grand, surtout pour les enseignants les moins diplômés".
Etudes supérieures
Mythe : c’est l’Etat-providence (grâce à l’argent du contribuable, donc) qui finance les études supérieures.
Faux : dans tous les états, les uns après les autres, les élus réduisent actuellement le budget destiné aux études supérieures. Les Etats-Unis investissent de plus en plus d’argent dans les prisons, et, à ce qu’ils prétendent, ils n’ont, donc, plus les moyens de subventionner les facultés et les universités (voir (ang) : "Crazy Country : 6 Reasons America Spends More on Prisons Than On Higher Education").
En réalité, aux Etats-Unis, 38% des dépenses pour les études supérieures proviennent des fonds publics et 62 % du privé. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 70% des dépenses pour les études supérieures proviennent des fonds publics et 30% sont versés par le secteur privé.
Et c’est ainsi qu’aux Etats-Unis, le secteur des compagnies de prêts pour étudiants pèse mille milliards de dollars et fait constamment pression sur les élus pour s’assurer que les étudiants et leurs parents ne cesseront d’être les seuls responsables de la dette.
Ecoles maternelles
Mythe : les programmes en maternelle sont excellents.
Faux : "en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 84 % des élèves des écoles maternelles sont accueillis dans des établissements publics ou des institutions sous contrat avec l’Etat, tandis qu’aux Etats-Unis, 55 % vont dans un établissement public et 45 % dans des écoles indépendantes. Aux Etats-Unis, l’âge pour être admis en maternelle est, en général, de 4 ans, alors que dans 21 autres pays de l’OCDE, c’est 3 ans, voire moins.
D’autre part, les enseignants de maternelle aux Etats-Unis ne sont souvent pas formés et n’ont pas de programme officiel.
Résultat :
Pour les enfants de 3 ans (en maternelle) : les US sont au 25ième rang sur 36 pays.
4 ans (maternelle et primaire) : les US sont au 28ième sur 38.
5-ans à 14 ans (tous niveaux) : ils sont au 29ième sur 39.
Diplômes universitaires
Mythe : c’est aux Etats-Unis qu’il y a le pourcentage le plus élevé de diplômés d’études supérieures.
Faux : les Etats-Unis arrivent au 14° rang dans le monde en pourcentage de diplômés d’études supérieures pour les 25-34 ans (42%).
Mais ils sont premiers dans un domaine. Et c’est révélateur. Ils arrivent à la première place pour le nombre de personnes entre 55 et 64 ans qui ont fait des études secondaires jusqu’au diplôme final (les baby boomers ont, en effet, fait des études secondaires) avec un taux de 90%, alors que la moyenne de l’OCDE est de 65 %.
Ces chiffres montrent que les Etats-Unis avaient, après la Seconde Guerre mondiale investi dans leur population.
La "GI Bill of Rights", par ex, permettait à plus 3 millions de GIs de retour du front de poursuivre les études supérieures.
Les super-riches payaient des impôts élevés, ce qui avait permis d’investir dans l’éducation, dans un réseau routier national, et d’alimenter le budget de la défense.
Les syndicats étaient encouragés par l’Etat et avaient imposé des augmentations de salaires un peu partout.
Mais, explique Les Leopold, directeur de l’institut des travailleurs et de l’institut de la santé publique à New York :
"Vous voyez aucun de ces mythes ne concerne les riches.
Leurs enfants ont plein de choix d’écoles maternelles. Leurs enfants ne vont pas étudier dans des écoles délabrées. Leurs enfants ne s’endettent pas pour aller à l’université. En fait, nos classes dirigeantes sont sur orbite pour prospérer dans une économie mondialisée. Ils peuvent s’en prendre aux écoles publiques, aux syndicats d’enseignants, à l’Etat providence sans en subir les conséquences.
Et, franchement, ils se fichent pas mal du rang que les Etats-Unis occupent au niveau mondial".
Réforme actuelle du système éducatif
Si le système éducatif est, on le voit, largement inégalitaire, la "réforme", à savoir la suppression du service public d’Education, que cherchent à mettre en place définitivement les démocrates, soutenus en cela par les républicains, ne fera que creuser davantage cet énorme fossé entre les pauvres et les classes moyennes et les riches.
La Santé, les prisons, la Recherche, l’Université sont entre les mains du secteur privé, l’armée et la police sous-traitent à des sociétés privées, etc. restaient les vestiges de l’Education publique, convoitée par les rapaces de Wall-St.
A la suite de l’effondrement financier de 2008, qui a déclenché la plus grande crise économique mondiale depuis les années 1930, les "réformes" mises en place pour soi-disant stopper l’hémorragie n’ont réussi qu’à amplifier les inégalités socio-économiques dans tout le pays, les pauvres, une fois de plus, payant le prix le plus élevé.
Et ces attaques ont été particulièrement féroces contre les agents du secteur public, les syndicats et les retraites.
Ce n’est, donc, pas une surprise si les enseignants se retrouvent en première ligne, aujourd’hui. Ces attaques contre l’Education publique, qui ont déjà commencé de la façon la plus violente qui soit, en particulier à l’encontre des enseignants, accusés à répétition d’incompétence notoire, se poursuivent inexorablement pour se généraliser dans tout le pays.
Objectif de la réforme
L’objectif de cette réforme est clair : supprimer les écoles publiques pour les remplacer par des "charter schools", écoles gérées par des administrateurs privés et subventionnées par l’Etat (autrement dit, sous-traitées par lui), et pour finir, sans doute, financées par les parents d’élèves en partie.
On constate les effets néfastes de cette politique dans l’Education supérieure, où les frais de scolarité sont énormes et en constante augmentation,ce qui empêche la grande majorité des diplômés du secondaire de poursuivre des études universitaires.
Wall St, évidemment, non seulement voit d’un bon oeil cette politique, mais pousse les élus à accélérer le mouvement.
Or, c’est Wall ST qui finance les candidats aux élections. Ceux-ci ont, donc, tout intérêt à se plier.
Et si Wall St se frotte les mains, c’est que la privatisation des écoles publiques va remplir les poches du secteur privé, qui récoltera in fine les fonds publics destinés à l’éducation, devenue, enfin, une marchandise comme les autres.
Et il y a, c’est certain, énormément d’argent public à siphonner dans les caisses de l’Etat : les fonds réservés à l’éducation s’élèvent à près de 600 milliards de dollars.
D’autre part, si les milieux financiers poussent à une réforme de l’éducation, c’est dans le but de mettre fin au système éducatif pour tous, obtenu grâce aux luttes ouvrières.
Ne s’avouant jamais battue, revancharde, l’oligarchie revient toujours à la charge contre les acquis des classes ouvrières.
C’est ainsi que, dans le but de privatiser le secteur de l’Education, les pouvoirs publics ont créé les "charter schools" pour concurrencer les écoles publiques.
Parallèlement, ils ont imposé aux élèves une série de tests nationaux standards pour les évaluer, mais, également, pour classer les écoles et tout le personnel, et plus particulièrement, montrer du doigt les enseignants des écoles les plus défavorisées.
Une méthode sournoise, et certainement pas mise en oeuvre dans le but d’améliorer le système éducatif, puisque, forcément, la réussite ou l’échec scolaire dépendent de bien d’autres facteurs que de la capacité à répondre à des tests ciblés élaborés par des bureaucrates et qui imposent aux enseignants de faire du bachotage toute l’année et aux élèves du "par coeur" - ce qui élimine l’approfondissement des sujets, les innovations pédagogiques et une véritable évaluation du travail de l’enseignant.
Or, ces facteurs déterminants - comme le milieu, familial et scolaire, les dotations dont bénéficient les écoles (plus il y a de pauvres dans un secteur, moins il y a de financement pour les écoles - que ce soient des fonds publics ou privés), les effectifs, etc. - sont totalement ignorés par cette méthode d’évaluation.
Mais les syndicats enseignants sont encore forts …
Les syndicats d’enseignants sont les derniers obstacles restants qui se mettent en travers d’une privatisation totale de l’éducation publique. Et Wall Street, qui en a parfaitement conscience, les combat sans relâche depuis toujours.
Et, cela, avec, aujourd’hui, la contribution active des deux partis, complètement redevables aux financiers de Wall Street, et qui poussent actuellement à une réforme radicale de l’école - comme on le voit à Chicago, où un démocrate néolibéral mène l’offensive.
Grande grève à Chicago
Le 10 septembre dernier, les enseignants des écoles publiques, qui accueillent plus de 80% d’élèves à faibles revenus, se sont mis en grève dans toute la ville de Chicago, troisième plus grand district scolaire du pays.
L’appel à la grève du syndicat des enseignants de Chicago, le CTU ("Chicago Teachers Union") a été lancé après que la grève a été votée par 98% des délégués syndicaux.
Malgré les menaces du maire, Rahm Emanuel, ancien chef de cabinet du Président Obama, le CTU et les dirigeants des communautés, décidaient, donc, massivement, de mener une action d’envergure pour s’élever contre des mesures que les parents d’élèves, en lutte également, qualifiaient d’"apartheid éducatif".
Emanuel, par le biais du conseil d’administration des établissements scolaires dont les membres ont été triés sur le volet par ses soins (où siègent très peu de véritables enseignants, mais où pullulent les PDG millionnaires, les experts en privatisations, et les promoteurs immobiliers) a décidé de laisser les opérateurs du secteur privé s’emparer des écoles publiques.
Les institutions de Chicago sont connues pour ce genre de politique. Milton Friedman, père spirituel de la dérèglementation, et économiste à la Chicago School of Economics, avait dit, de triste mémoire :
Seule une crise - réelle ou perçue - crée un véritable changement. Quand une crise se produit, les mesures qui sont prises dépendent des idées qui sont dans l’air. C’est cela, d’après moi, qui est notre fonction fondamentale … jusqu’à ce que ce qui est impossible politiquement devienne inévitable politiquement.
Souscrivant aux idées de Friedman, le maire cherche à profiter de la crise économique pour supprimer les cours de lettres et sciences humaines libéraux, muter des centaines d’enseignants, réduire la couverture maladie et le nombre de titularisations d’enseignants, et privatiser des services essentiels.
Il exige également que les évaluations des enseignants du public - et, donc leur rémunération, assujettie aux primes au mérite - soient liées aux résultats des tests communs des élèves, un projet qui nuit aux élèves pauvres ainsi qu’aux enseignants des écoles surpeuplées des quartiers défavorisés, forcés de resserrer les programmes.
Cette "réforme" implique donc que les enseignants, s’ils veulent conserver leur emploi, effectuent plus d’heures pour un salaire inférieur dans des conditions largement dégradées pour eux et leurs élèves.
Victoire des enseignants ?
Le mercredi 19 septembre, après neuf jours de grève, les enseignants des écoles publiques de Chicago retournaient en classe.
Le mardi 18, 800 délégués du syndicat Chicago Teachers Union (CTU) votaient à une majorité écrasante la suspension de la grève pour annoncer l’accord conclu avec la municipalité devant l’ensemble des adhérents.
Cet accord comprend l’embauche de plus de 600 enseignants d’arts plastiques, de musique et d’éducation physique, et une évaluation des enseignants où seuls 30% de la note globale concerneront les tests d’évaluation.
La présidente du CTU, troisième plus important syndicat aux US, qui avait appelé à la grève pour la première fois en 25 ans, parle de "victoire".
Disons que c’est une victoire sur l’énorme régression que prévoyaient les mesures du maire, Rahm Emanuel, et qui concernait tous les enseignants du public.
Que va-t-il se passer, toutefois, quand une nouvelle série de fermetures d’écoles publiques dans les quartiers à majorité noire ou latino de Chicago mettra des milliers d’enseignants au chômage ?
Très probablement, ils seront en partie réembauchés, dans les "charter schools", pour plus de flexibilité et d’heures de travail, une année scolaire prolongée, un salaire nettement inférieur dépendant de primes à la docilité, la baisse des prestations sociales et ... l’assurance qu’ils ne se syndiqueront pas.
D’autre part, cette victoire s’inscrit dans un contexte précis :
En cette période électorale, Obama et ses amis ne peuvent pas se permettre de mécontenter le secteur public et les syndicats où ils puisent une grande partie de leur électorat.
Barack Obama, Rahm Emanuel et les autres
Or, le maire de Chicago, Rahm Emanuel, est non seulement démocrate, mais c’est un proche d’Obama.
Pour mémoire, même s’il a quitté la Maison Blanche, où il était chef de cabinet d’Obama, Emanuel (qui a mis ses enfants dans le privé, est-il besoin de le préciser) est resté très proche d’Obama.
Jusqu’à la semaine dernière, il était vice-président national de l’équipe de campagne présidentielle et il est actuellement président du "Super PAC" d’Obama ( qui se charge de collecter des fonds auprès des entreprises pour payer sa campagne, NDA).
Un conflit dans la ville d’origine d’Obama (Chicago) entre un démocrate dont il est très proche et les travailleurs syndiqués pourrait compromettre la réélection d’Obama.
Ce qui explique, sans doute, qu’Emanuel ait lâché du lest assez vite, probablement même après une intervention d’Obama lui-même, qui en tirerait un profit politique, lui qui, en tant que candidat, avait dit, aux syndicats qu’ils "le trouveraient à leurs côtés sur les piquets de grève" (la fourberie d’Obama est incommensurable).
Mais, d’un autre côté, le maire étant maintenant un des plus importants collecteurs de fonds auprès des grands groupes financiers, il lui faut également ménager Wall St (qui a, à ce jour, déjà versé jusqu’à 40 millions de dollars aux démocrates pour les élections prochaines - contre les 3 petits millions de dollars de contribution des syndicats).
C’est, donc, Wall St qu’il faut rassurer, pas les syndicats. Or, la réforme scolaire néolibérale d’Emanuel est un projet qui a les faveurs de Wall Street depuis longtemps.
Et, de ce fait, les candidats étant largement dépendants des fonds privés, ils n’ont pas intérêt à fâcher les gros contributeurs à la campagne.
Mais Wall St est patient : il attendra la réélection du président.
Car, jusqu’à présent, ni Emanuel, ni a fortiori, Obama, n’ont démérité.
Même si le candidat Obama avait fait une multitude de promesses à son électorat populaire en matière d’éducation, de santé, d’immigration, de justice sociale, de justice tout court, de retrait des troupes, de budget de la défense, de défense des femmes, des orphelins, des personnes âgées, que sais-je encore, c’est, au final, Wall St qui a raflé la mise partout.
D’ailleurs, pour ce qui concerne l’Education, c’est Arne Duncan, ancien président des écoles publiques de Chicago et architecte du programme de privatisations qu’il a baptisé "Renaissance 2010", qui est le secrétaire de l’éducation - nommé par le président Obama. Sa politique suit la ligne de la réforme d’Obama appelée "race to the Top" (course au sommet), un programme anti-syndicats qui impose aux états de faire des réformes s’ils veulent recevoir des subventions fédérales.
On voit bien vers qui se portent les regards …
Source initiale du billet : "des bassines et du zèle"
(Sources tirées de l’article : "Shocking Report Explodes 5 Myths About American Education").
Voir aussi : "Mort programmée du système éducatif public aux Etats-Unis : le processus est désormais bien engagé" (29 mai 2012).