« Un jeune, une solution (à la con) »

Tel est le (presque) nouveau nom du dispositif gouvernemental pour venir en aide aux « jeunes » en marge de l’emploi. Et comme de coutume, ce dispositif, clairement exposé et analysé par Cyprien Boganda dans L’Humanité, se révèle une arnaque. Ou plus exactement, on pressent que ce plan va encore rater sa cible comme l’avertit l’article en relayant les propos d’économistes et de syndicalistes.

En deux mots, l’Etat annonce donner un chèque de 4000 € aux entreprises pour toute embauche d’un salarié de moins de 26 ans pour un CDI ou CDD d’au moins 3 mois. Une incitation financière pour les entreprises, et une aubaine pour les fameux « jeunes » au chômage qui pourront bénéficier pour quelques temps d’un emploi et d’un salaire.

Mais l’article pointe très justement les travers d’un tel dispositif :

--- l’effet d’aubaine : une entreprise qui, de toute façon, souhaitait embaucher va simplement toucher un bonus, mais la création d’emploi n’est pas le fruit du dispositif,

--- l’effet de seuil : certains employeurs peu scrupuleux vont en profiter pour lourder leurs « vieux » en CDD...et embaucher à la place un « jeune » subvention : là encore, pas de création d’emploi, mais simplement un précaire qui chasse un autre précaire.

Une concurrence insidieuse entre jeunes et moins jeunes privés d’emploi

Ciblé sur les jeunes de moins de 26 ans, ce dispositif « en marche » depuis août 2020 ajoute à son inefficacité et ses effets pervers d’ores et déjà constatés dans l’article de L’Humanité (Décathlon, MacDo, Carrefour...) une concurrence insidieuse entre jeunes et non-jeunes privés d’emploi, véritable ignominie qui fait diversion sur le principal enjeu de lutte : le salaire contre le marché de l’emploi.

En effet, le marché de l’emploi fonctionne comme tout marché : d’un coté l’offre (les chômeurs, offreurs de travail) et de l’autre la demande d’emploi (les patrons et actionnaires, demandeurs de travail). Et lorsque l’offre est supérieure à la demande, le prix (du travail, donc les salaires) chute et la demande a l’embarras du choix de la marchandise, qui ici se trouve être les chômeurs, cette « armée de réserve du capital » selon les mots de Marx.

C’est pourquoi il est absolument stérile d’inciter, à coup de subvention, des entreprises marchandes à employer : une entreprise marchande n’embauchera que s’il elle en a besoin, car sa fonction première n’est pas d’employer mais de produire, et de dégager un peu – voire beaucoup – de profit.

Nous l’avons constaté avec le CICE dont Le Monde rappelait le triste bilan en 2020 : 18 milliards d’euros pour l’année 2016, pour environ 100 à 160 000 créations d’emplois. Autant dire qu’avec ce pognon de dingue, on aurait pu directement verser un SMIC à plus d’un million de chômeurs, soit 10 fois plus que d’emplois créés.

Tous ces plans gouvernementaux s’obstinent à subventionner d’argent public des entreprises marchandes, ou plus exactement des propriétaires d’entreprises (actionnaires et patrons) avec peu ou aucune exigence en terme d’emploi en contrepartie, en nourrissant hypocritement l’espoir que les privés d’emplois, les précaires, les chômeurs seront sauvés à la fin, avec un retour à l’emploi, statistiques INSEE à l’appui.

On peut faire mieux en la matière : brancher directement les subventions sur les travailleurs, à savoir attribuer un premier niveau de salaire inconditionnel (PNSI) dès 18 ans à tous.

Le PNSI

Le PNSI serait en réalité bien plus qu’une subvention. Versé par la sécurité sociale qu’il contribuerait à réhabiliter, il constituerait une véritable avancée sociale. A la différence des divers RU dont on nous rebat les oreilles et qui ne sont que des RSA plus ou moins améliorés, il rend sa dignité au travailleur en le consacrant comme producteur à part entière et en le libérant largement du chantage à l’emploi.

Alors nous sommes sûrs que l’argent public – c’est-à-dire notre richesse produite en commun - touche sa cible sans passer par la case dividendes, et l’on peut espérer plus raisonnablement qu’ainsi sécurisés face aux aléas économiques, les « jeunes » notamment, mais aussi les « non jeunes » et autres « vieux ou vieilles » pourront étudier sereinement, et pour celles et ceux éloignés des études et de l’emploi, consacrer plus efficacement leur énergie pour se former, trouver un emploi, s’activer dans des sphères non marchandes, ou, pourquoi pas, créer leur business seuls ou entre amis salariés ?

Subventionnons le travail, pas l’emploi. Ne luttons pas pour des contrats, mais pour des salaires.

Affirmons le droit au salaire pour toutes et tous : un PNSI vaut mieux qu’un CICE.

 https://www.salaireavie.fr/single-post/un-jeune-une-solution-%C3%A0-la-con

COMMENTAIRES  

16/02/2021 12:22 par Geb

Et en même temps les tambours des mainstreams s’activent pour "remarquer" que quand "on" ne dépense pas, (Du moins si on est pas sous les ponts), on "épargne".

2020-une-annee-record-pour-l-epargne-en-particulier-pour-les-jeunes-magic-CNT000001xajEq.html

Pour "qui" on épargne, et chez qui "l’Epargne" en question va finir, ça, ça reste à venir dans les tuyaux.

Mais ca va pas tarder le développement de l’antagonisme entre ceux qui "épargnent" par force le peu que leur rapporte le travail qu’ils ont encore, tout en bossant comme en prison, et ceux qui crèvent de faim.

Vous avez entendu parler de la "Fenêtre d’Overton" ?

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiuwd_0ou7uAhVBXBoKHQDtBJAQFjACegQIAhAC&url=https%3A%2F%2Fla-rem.eu%2F2020%2F10%2Ffenetre-doverton%2F&usg=AOvVaw0gbAvxSByFkKa_gRQ7yqZO

Ou "Comment le Pouvoir a décidé de me convaincre de manger ma grand-mère par compassion pour elle"...

N.B. S’il y en a qui décident de venir me bouffer, même par sympathie, qu’ils ne viennent pas à poil...

La sauce est prête pour la réception. A.B.E.S... (- :

19/02/2021 10:05 par charclot

Ça, c’est quand on réfléchit à l’envers... T’es jeune, t’as autre chose à foutre que bosser ... Le boulot c’est pour les vieux.. Les d’jeuns c’est fait pour apprendre... Du coup, même si ce petit coup de jeunisme fait une peu oin oin, la réflexion suivante par contre l’est un peu moins : on est 67 millions et 30 millions d’actifs, sans compter les retraités qu’on virent parce que c’est la loi et qui, eux, ben, veulent pas vraiment s’arrêter, en gros 35 à 40 millions de personnes en état de travailler pour à peine 15 millions d’emplois réels, c’est à dire indispensables au bon fonctionnent complet du système (bon c’est à la louche mais en affinant...!) . En gros, le manque politique d’organisation collective empêche que se mette en place un élément primordial de l’évolution individuelle et collective, la possibilité d’évoluer. La pensée est au productivisme dans un monde où, justement, la surproduction est pointée comme le problème essentiel de la déflation écologique...Il est remarquable, en ces temps de flatulence intellectuelle, que toute la réflexion s’oriente vers le contrôle individuel sans laisser place à l’élévation collective. La formation individuelle devrait pouvoir se continuer jusqu’au jour de la bascule à charlot. Cela devrait être une évidence pour tous. Trente piges derrière ta machine a n’être pas autre chose qu’un rouage, trente piges derrière ta caisse avec le bip incessant et le bruit du rouleau, trente piges à changer les couches en epahd pour faire profiter des traders sous coke, on peut , c’est sur, faire mieux collectivement, même si les quelques 100 000 profiteurs qui nous dévorent s’en trouvent légèrement frustrés.. Alors oui y’a les potes et tout mais, sans vouloir vexer, se satisfaire de ses limites c’est répondre à l’éducation reçu depuis la maternelle celle du maître, dans un pays se targuant de s’en être libéré. Je renvoie mes charmants lecteurs aux lois d’Allarde et Le Chapellier qui, bien qu’elles furent abrogées, laissent une cicatrice profonde. Je n’irai pas beaucoup plus avant dans cette réflexion : peut être serait il temps pour le bénéfice de tous de restaurer les corporations ouvrières, un peu comme il existe un ordre des avocats, des médecins ou des architectes... Peut être, aurai je le plaisir de quelques réponses même fermement opposées . Dans l’attente, Poutou, Poutou....

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