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Un juge brise un tabou et remet en cause la propriété lucrative

Une décision de justice historique commentée par Charles Sannat dans son dernier édito au style toujours aussi savoureux : « Commerçants, la décision de justice qui change tout et permet de ne plus payer les loyers !! » mérite qu’on s’y arrête : un commerçant dont l’activité a été interdite par l’Etat durant les mois de mars et avril 2020 (mesures sanitaires et confinement) n’est pas tenu de payer ses loyers à son propriétaire. Il s’agit d’une rare atteinte au droit de propriété sanctuarisé dans le code civil et la constitution française. L’article pointe les conséquences "explosives" d’une telle décision :

- certains gros propriétaires telles que sociétés foncières et SCPI (sociétés de placement immobilier, créées le plus souvent par des banques) vont subir des pertes, et derrières elles des milliers de petits et gros épargnants (qui, rappelons-le, ont tout de même "joué" en bourse..) ;

- certains petits propriétaires, souvent d’anciens commerçants ayant acquis leurs murs et décidé de les louer ensuite pour s’assurer un complément de retraite indispensable, vont y perdre et peut-être voir leurs conditions de vie se précariser ;

- si le phénomène fait tache d’huile à grande échelle, c’est l’amorce d’une crise financière et bancaire pouvant entrainer des faillites.

Mais disons-le clairement : ces situations sont le fruit de l’organisation économique qu’impose le capitalisme. Dans le capitalisme, il n’y a qu’un seul chemin possible : l’accumulation de capital. Le capitalisme est obnubilé par les profits et non les salaires comme source de revenus. Des profits qui s’enracinent obligatoirement dans la propriété des moyens de production qui prennent la forme, ici, de l’immobilier commercial. La propriété donne au propriétaire un droit de tirage sur ceux qui utilisent « son » bien. Il faut distinguer cette propriété lucrative de la propriété d’usage (lorsque le propriétaire utilise son bien pour lui-même sans exploiter qui que ce soit) qui est parfaitement légitime.

C’est donc le « droit sacré » du propriétaire lucratif au revenu de sa propriété qui vient d’être remis en question à cause du Covid-19.

Investir en économie libérale assistée

Investir selon le capitalisme, c’est prêter une épargne que l’on n’utilise pas à d’autres qui en ont besoin pour leur activité, en exigeant en retour des intérêts. A la base, ces intérêts dont une partie est d’ailleurs bien nommée "prime de risque" dans le jargon du rendement immobilier, ont pour contrepartie un risque de défaillance. Et le taux de l’intérêt augmente avec la prise de risque.

Quoi de plus normal, donc, que de perdre un peu (on parle de 2 mois de loyers) et même tout (pensons à 2008) quand le risque survient et que le débiteur est incapable de rembourser ? Au nom de quoi l’Etat providence devrait-il assumer ce risque pour les prêteurs ? Lorsqu’ils encaissent sans vergogne des taux démentiels en dépit de toute justification dans l’économie réelle – on le voit avec Sanofi qui verse 4 Mds € de dividendes sans avoir vraiment brillé sur la scène vaccinale – l’Etat-providence vient-il récupérer sa part ? Et les salaires ? Non bien sûr, on privatise les profits, et on socialise les pertes.

C’est cela le capitalisme en économie mixte, c’est à dire là où le mot libéralisme rime avec liberté pour les actionnaires de se planter sans conséquences financières, l’Etat étant là pour éponger les dettes privées avec de la dette publique, dont ensuite ces mêmes tenants du libéralisme lui font reproche, tout en se goinfrant avec les intérêts qu’elle leur rapporte. Un « service de la dette » dont les contribuables s’acquittent de gré ou de force, qui absorbe une grande partie de la richesse nationale aux dépens des investissements, et qui maintient les peuples dans une forme de chantage à la dette qui justifie l’austérité, c’est-à-dire la destruction des services publics et la baisse des salaires.

C’est à cela que l’on voit que la sphère financière a pris le pouvoir sur les Etats et les peuples, avec la complicité de dirigeants politiques qui en sont de plus en plus souvent issus.

Une autre voie est possible

Pourtant une autre voie est possible : soustraire le foncier et l’immobilier à la sphère de la marchandise en le rendant public partout où cela est possible, et à minima en encadrant son rendement constitue une première piste, l’autre étant de garantir à chacun un Premier Niveau de Salaire Inconditionnel, qui ne dépende pas d’aléas économiques, climatiques, ou sanitaires.

Affirmons le droit à la terre, le droit au logement, le droit à une vie digne, en mutualisant et en partageant un premier socle de la richesse que nous produisons toutes et tous. Le monde de la finance a besoin de nous pour survivre, mais nous n’avons pas besoin de lui. Il ne faut jamais l’oublier.

Comme dit la Boétie "Et pourtant ce tyran, seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni même de s’en défendre, il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à la servitude. Il ne s’agit pas de lui rien arracher, mais seulement de ne lui rien donner."

Note :
Pour les liens vers les sources se reporter au site Salaireavie.fr

 https://www.salaireavie.fr/single-post/un-juge-brise-un-tabou-et-remet-en-cause-la-propri%C3%A9t%C3%A9-lucrative
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COMMENTAIRES  

21/02/2021 09:55 par J.J.

Étienne de la Boétie revient en force ces temps ci. L’idée de ne plus accepter une servitude, volontaire ou non serait-elle en train de faire son chemin. ? Un chemin dont l’entrée aurait été balisé de jaune ? .

21/02/2021 10:09 par Assimbonanga

L’entreprise de destruction libérale a fait son oeuvre et il semble insurmontable de reconquérir ce qui a été détruit.
Hier, LCP la chaîne parlementaire diffusait une dernière fois le documentaire "Voyage à Bessèges". A cette heure, le replay n’est plus disponible sur le site LCP-Public sénat. Espérons qu’il reviendra.
C’est un document indispensable pour le peuple, abordable, définitif, à détenir dans nos archives, nos ciné-club, nos mutins de Pangée... Un document à sauvegarder et à diffuser massivement, à faire sortir de l’ombre, à mettre sur le devant de la scène, les réseaux informatiques (dits sociaux). A récupérer au plus vite.
En attendant, voici le recueil écrit : Raildusud : l’observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Quant à remettre la terre en commun ? Foulala, à quoi ne vous attaquez-vous pas !

21/02/2021 12:15 par Autrement

Merci Assim !
Et voyez le scandale intégral : l’excellent documentaire sur la SNCF de Manuel Lobmaier, que j’ai pu (heureusement !) visionner il y a quelques jours grâce à toi, a effectivement disparu du site de Public Sénat et de France 3-région Occitanie !

C’est, avec "The Navigators" de Ken Loach, la meilleure approche (pour la France) du saccage des services publics par le grand capital sur directives de l’UE !

Chaque été, avec mes parents, mon frère et ma soeur, nous prenions le train de Suisse, pour arriver à Bessèges, la petite ville cévenole où j’ai passé le temps le plus heureux de mon enfance. Depuis, cette ligne a été fermée. Elle traversait des paysages que j’aimais tant, je me rappelle encore des odeurs de moleskine mélangée aux odeurs de la forêt...

Motivé par mon histoire familiale, animé par la curisosité et le besoin de comprendre, j’ai décidé de rejoindre uniquement par voie ferrée, les Cévennes, comme avant, et de voir les changements...

Pour le Suisse que je suis, né au fond de la Vallée de Conches et habitué à la régularité des trains helvétiques, aux géraniums rouges flamboyants de la gare de mon village, il était absolument déroutant de passer la frontière et de constater le délabrement général du réseau français.

Le documentaire dure 52 minutes.
Sur le site de la production (Tripode production), il y a une bande-annonce de 2 minutes, ainsi que sur Youtube.

À retrouver (je n’y suis pas encore arrivée...) et à diffuser, car c’est particulièrement parlant !
En attendant on peut lire le détail du descriptif sur l’autre lien donné par Assim (Raildusud).

22/02/2021 11:59 par Assimbonanga

Merci @Autrement, je suis honorée de ton attention.
Toutefois, je vais m’interroger, une fois de plus, sur l’ordre des choses à propos de cette affirmation : " saccage des services publics par le grand capital sur directives de l’UE !"
Hé bien, je me demande si c’est le grand capital qui obéît à l’UE ou si c’est pas plutôt l’UE qui obéit au grand capital. Pour moi, la réponse est évidente quand on voit deux faits mis en lumière dans le voyage à Bessèges : le ministre en charge de préparer un plan de destruction du ferroviaire était employé chez Elf, entreprise du carburant et des bagnoles et camions, et le ministre des transports était un entrepreneur de transport routier.
Donc, la cause n’est pas l’UE mais bel et bien les capitalistes qui ont des intérêts et occupent des postes favorables à leurs intérêts ! CQFD ?
Admettons que l’on quitte l’UE, cela restera pareil. Sauf si on réalisait une vraie révolution au sommet mais alors là, par quelle puissance extraordinaire y parviendrions-nous ?

J’ose encore espérer que c’est un simple problème technique qui bloque le replay du voyage à Bessèges et non une volonté politique d’en interdire l’accès en raison des évidences qui y sont démontrées...

02/03/2021 18:29 par Beaujean

Salut Dominique,

je t’aime beaucoup parce que tu as un nom dont tu sais rire ; parce que tu fais des erreurs en travaillant pour la bonne cause ; et pour le fait que tu déplais profondément à l’immense phare de la pensée véritablement exacte, le camarade Xiao, qui a un humour reculant à chaque post les limites de l’esprit ; et que Xiao comme notre bien-aimé camarade journaliste Bourget n’ont jamais pu révéler les sources scientifiquement indubitables de l’immense charlatanisme d’un professeur Raoult et de ses coreligionnaires de secte covidienne.
Merci au Grand Soir de permettre ce partage de bio-diversité.
Et salut à toulmonde.

02/03/2021 20:39 par Xiao Pignouf

@Beaujean

Tu élucubres mon vieux... Trouve un seul post de moi où je dis que Raoult est un charlatan. Quitte à être langue-de-p***, sois-le correctement. Allez, je te laisse à tes papouilles à la Domi...

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