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Venezuela : Nicolas Maduro est réélu Président de la République avec 68 % des voix

Le vice-président bolivien Alvaro Garcia Linera l’avait annoncé il y a quelques jours  : ¨Le peuple du Venezuela détient aujourd’hui, de nouveau, la clef de l’avenir de l’Amérique Latine. Exactement comme il y a deux siècles, comme à l’époque de Simon Bolivar, son rôle historique est de protéger notre continent face à un empire et d’empêcher celui-ci de balayer les autres foyers de résistance¨. Après quatre ans de guerre économique, la tâche était difficile, à l’image du peuple indigène d’Autana, dans l’État d’Amazonas, faisant la file sous la bruine pour traverser le fleuve Orénoque et rejoindre les bureaux de vote (photo).

La campagne de la droite consistait, à travers le secteur privé majoritaire dans l’économie, à augmenter les prix au-delà de tout ce qu’on avait connu jusqu’ici et à promouvoir le boycott du scrutin, allant jusqu’à paralyser le transport dans la région de la capitale, le jour de l’élection. Une droite sous forte influence externe, en osmose avec les annonces anticipées de l’Union Européenne et de la Maison Blanche de refuser le verdict des urnes. Dans sa conférence de presse tenue peu avant l’annonce des résultats, le candidat le mieux placé de l’opposition Henri Falcon a soudain refusé de reconnaître la légitimité du scrutin et a exigé d’en organiser un autre, tout en critiquant les secteurs radicaux de la droite : ¨aujourd’hui il est clair que cet appel à l’abstention a fait perdre une occasion extraordinaire de mettre un terme à la tragédie que vit le Venezuela¨.

Avec 92.6% des votes comptés, le Centre National Électoral a donné les premiers résultats officiels, irréversibles. La participation totale s’élève à 46 %, soit 8 millions 360 mille votes. De ceux-ci, 5 millions 823 mille se sont portés sur le candidat Nicolas Maduro qui remporte la présidentielle avec près de 68 % des suffrages. De son côté, l’opposant Henry Falcón a obtenu 1.820.552 votes soit 21 %, l’évangéliste Javier Bertucci 925.042 votes (11 %) et Reinaldo Quijada, 34.614 votes. La Constitution vénézuélienne, dans son article 228 stipule : « sera proclamé vainqueur le candidat ou la candidate ayant obtenu la majorité des votes valides » : quel que soit le niveau de la participation, c’est la majorité simple qui détermine la victoire. Force est de constater que le ¨noyau dur¨ du chavisme, qui a toujours oscillé entre 5 et 6 millions de votes, est resté intact. Il a même augmenté par rapport aux élections de 2015 remportées par la droite. L’abstention concerne essentiellement une opposition fragmentée qui a obéi au boycott, ou simplement déprimée depuis l’échec de ses violences pour ¨sortir Maduro¨ en 2017, déçue par l’abandon de ses chefs. La pression de la guerre économique et des sanctions euro-américaines s’est heurtée à une fibre historique de résistance populaire et a même réveillé toute une organisation de base – notamment autour de la distribution et de la production d’aliments, en alliance concrète avec les mesures et les programme sociaux de Nicolas Maduro.

Après 26 jours de campagne officielle qui ont vu quatre candidats exposer des propositions antagoniques dans les médias, le Centre National Electoral avait installé 14.638 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire. Étaient présents près de 2000 observateurs internationaux, venus notamment des nations caraïbes réunies au sein du CARICOM, de l’Union Africaine, et du CEELA, le Conseil des Experts Électoraux Latino-américains. 17 audits du système électoral avaient été organisés.

Composé en majorité de présidents des tribunaux nationaux électoraux de pays gouvernés par la droite, le Conseil des Experts Électoraux Latino-américains a expliqué par la voix de son président Nicanor Moscoso : ¨Nous avons eu des réunions avec chacun des candidats qui ont accepté les résultats des inspections et des contrôles. Nous sommes en présence d’un processus transparent, harmonieux.¨ Luis Emilio Rondón, Recteur du Centre National Électoral et membre de l’opposition, avait estimé publiquement que le scrutin offrait les mêmes garanties de transparence que celles des élections de 2015, remportées par la droite avec deux millions de voix d’avance.

L’ex-président de l’Équateur Rafael Correa, présent lui aussi en tant qu’observateur, a rappelé que ¨les élections vénézuéliennes se sont déroulées avec une absolue normalité. J’ai assisté au vote dans quatre centres : flux permanent de citoyen, peu de temps d’attente pour effectuer le vote. Système très moderne avec double contrôle. De ce que j’ai vu, organisation impeccable. Personne ne peut mettre en doute les élections du Venezuela et sur la planète entière, il n’existe pas d’élections plus contrôlées qu’au Venezuela.¨

Autre observateur, l’ex-premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero avait déclaré vendredi que la position des Etats-Unis et de l’Union Européenne de « désapprouver » les élections présidentielles au Venezuela avant qu’elles n’aient lieu était une « absurdité ». Il a reconnu éprouver « une certaine colère à cause de ce qui est en jeu. C’est très grave de dire à un pays : ces élections ne sont pas utiles, elles ne valent rien, avant qu’elles n’aient lieu. C’est une marque d’irresponsabilité envers un peuple et son avenir. Que des positions si importantes aient été prises avec si peu d’éléments de jugement me fait peur ».

Zapatero s’est interrogé sur les préjugés de l’Union Européenne envers le Venezuela : « Pourquoi a-t-elle agi ainsi avec le Venezuela ? Ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas facile à expliquer. (..) Je crois que l’Union Européenne doit redevenir une puissance régionale qui donne la priorité au dialogue et à la paix. Je crois que l’Amérique Latine attend de l’Union Européenne qu’elle parie sur le dialogue ». Zapatero a pris comme exemple Cuba : « Après tout ce que nous avons entendu sur Cuba, maintenant, il y a un changement total de situation, il est très facile de discuter avec Cuba. L’attitude envers le Venezuela reste un grand mystère. Celui qui dit avant de l’avoir vécu que les conditions ne sont pas réunies pour des élections au Venezuela soit est un devin soit a des préjugés. Si le gouvernement bolivarien voulait frauder, il n’aurait pas invité le monde entier à observer les élections. Or, mise à part l’Organisation des Etats Américains (OEA), on a invité le monde entier à vivre le processus électoral. L’Union Européenne, l’ONU, n’ont pas d’experts pour vérifier un processus électoral ? Bien sûr qu’elles en ont, mais nous sommes enfermés dans un grand préjugé, dans des dogmes et cela conduit au fanatisme et au désastre. » Il a souligné, pour conclure, qu’il faut « venir sur le terrain. La vie et l’expérience politique consistent à bannir les préjugés et à connaître la vérité par soi-même. »

Thierry Deronne
Caracas, le 21 mai 2018.

Pour voir plein de photos : https://venezuelainfos.wordpress.com/2018/05/21/photos-nicolas-maduro-est-reelu-president-de-la-republique-avec-68-des-voix/

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COMMENTAIRES  

22/05/2018 08:42 par Maxime Vivas

Comme toujours sous la plume de Thierry Deronne voilà un article clair, mesuré et documenté.
Chaque article de Thierry est un cadeau fait à l’intelligence de nos lecteurs (exigeants) et à la vérité.
Abrazo rompecostillas, Thierry.
MV

22/05/2018 10:39 par Simon

Au delà de toutes considérations géopolitiques évidentes dans le cas du Vénézuela, (je ne me suis jamais rendu dans ce pays et je ne suis pas un spécialiste en histoire ou en politique), le questionnement, de mon point de vue, qui s’impose, c’est que pour toutes élections de tous pays (quand le vote n’y est pas décrété obligatoire), quand la majorité des électeurs ne s’exprime pas, quelle est la valeur objective des résultats des vainqueurs de l’élection ? Ne serait-il pas plus juste de l’invalider ?
En général, une majorité d’abstentionnistes à une élection libre prouve qu’il y a un malaise, une méfiance sur les bienfaits des politiques mis en place dans un pays. Non ? Me trompe-je ?

22/05/2018 13:43 par Danael

Oui, mais faut pas être crédule non plus. L’UE n’a jamais reconnu les verdicts populaires en son sein qui s’opposaient à sa politique. Elle même est une construction antidémocratique comme chacun sait. En plus elle a déjà affirmé sa vassalité au grand manitou étasunien en se retirant des affaires avec la Russie. Qui croit à ses gesticulations impuissantes contre les sanctions américaines vis à vis de l’Iran ? Rien d’étonnant donc à ce qu’elle continue dans cette voie et condamne à l’avance les élections au Venezuela. Ce qui est une ingérence totale bien sûr et une violation du droit international. Mais n’est-ce pas devenue sa spécialité au Proche-Orient aussi ? Les empires ne respectent que leurs lois.

22/05/2018 14:08 par Gimenez gilbert

IL faudrait alors annuler les élections législatives françaises où la participation au premier et deuxième tour était inférieure à 50%.

22/05/2018 18:27 par Assimbonanga

Trump a été élu avec un taux de participation de 55,3 %. C’est pas franchement mirobolant non plus, pour selon qu’il y avait en lice trois candidats dont deux à gros budgets.

22/05/2018 19:49 par Autremnt

Je me permets de recopier ici la contribution de Danael à l’article précédent, car je la trouve tout-à-fait éclairante :

Le Venezuela est particulier car au sein de l’armée est sorti l’autodidacte Chavez qui avait une grande capacité à comprendre son peuple et à se mettre tout de suite à son service, ce qui a pris par surprise les partis politiques traditionnels y compris ceux de la gauche. Deuxièmement très tôt Chavez et ses partisans ont compris qu’une victoire électorale n’était pas suffisante face aux assauts d’une oligarchie interne et externe ( l’exemple du Chili aidant) et qu’il fallait fédérer le peuple pour le rendre maître de son destin, d’où l’appel au peuple chaque fois que ses intérêts étaient menacés. Ceci contribua à renforcer l’organisation des résistances de manière plus efficace et à mettre en place une constituante au service des classes populaires défavorisées. Il reste du chemin mais ce sont des expériences qui nous font aussi réfléchir ici et nous enrichissent. C’est pourquoi le Venezuela est devenue la bête noire de nos médias officiels et la question obsessive à poser à Mélenchon. C’est très bien parce que le Venezuela est un sujet très informatif et révélateur de la pourriture de notre classe oligarchique. Cette dernière veut bien avoir des influences et des sanctions de l’impérialisme américain ou du chantage de la part de dictatures sanguinaires, qu’importe, c’est clean et démocratique. Mais quand le peuple ici montre sa solidarité avec le peuple révolutionnaire vénézuélien, c’est l’horreur et la dictature. Eh bien, parlons-en de l’horreur et montrons bien d’où elle vient .

22/05/2018 22:54 par T 34

Simon : En général, une majorité d’abstentionnistes à une élection libre prouve qu’il y a un malaise, une méfiance sur les bienfaits des politiques mis en place dans un pays. Non ? Me trompe-je ?

On ne peut parler d’élection libre dans ces conditions, c’est comme quand les Etats-Unis pourrissaient la vie des nicaraguayens dans les années 1980 par tout les moyens (terrorisme, guerre économique, etc), au final les sandinistes ont perdu l’élection de 1990, on ne peut pas dire que cette élection était libre car c’était : votez pour la droite où on continue a armer les terroristes. Au Chili non plus les élections au temps d’Allende n’étaient pas libre, la même guerre économique était employé contre le Chili mais les chiliens ont continué a voter pour Allende donc on leur a enlevé les droit de vote en 1973 (cf. Pinochet).

Au Venezuela les élections seront vraiment libre quand les Etats-Unis cesseront toutes leurs ingérences (guerre économique, armement de terroristes, blocus financier, guerre médiatique, etc) pour pourrir la vie du peuple venezuelien pour qu’il vote contre les chavistes. Du temps de Chavez les produits disparaissaient des rayons avant les élections puis réapparaissait le jour après les élections, avec Maduro la pénurie organisée est devenu permanente. Il y a aussi des sabotages, souvent des sabotages électriques avant les élections. Que le chavisme arrive a se maintenir au pouvoir après tout ce temps est un exploit surtout les cinq dernières années qui ont été les plus dures au niveau de l’ingérence. Certes ce gouvernement n’est pas parfait mais quand même arriver a construire 500 000 logement par an lors d’une guerre économique de cette ampleur c’est un exploit, nous en France on nous vole 5 € d’APL à la place.

On peut dire aussi que les élections seront vraiment libre en France quand les médias ne feront plus la propagande pour faire élire le paquet de lessive candidat des milliardaires (dont le dernier exemple en date est Macron).

On finit en musique

Juntos Todo es Posible - Tema Oficial campaña presidencial

Vamos Nico mi Presidente

23/05/2018 00:00 par Feufollet

Pour exemple,
La Suisse est la démocratie ou l’on vote le plus souvent
4-5 fois par année, plus les élections
Mais les votant sont souvent à la pêche (à quoi ?)
Souvent la participation est inférieure à 50 %
Et il n’y a pas de boycott pourtant et le résultat est validé sans contestation
Alors, 46 % de participation avec un boycott dans les côtes, c’est un plébiscite pour Maduro
Tiens bon Maduro, les géants d’argile pourraient bien s’effondrer avant toi
Par les temps qui courent
Nous attendons leur chute avec impatience

23/05/2018 00:07 par Feufollet

Il faut tout de même encore relever
La bonne surprise de l’intervention de Zapatero
Il se rachète une nouvelle virginité à gauche
Il n’avait pas brillé par son anticapitalisme durant sa période de gouvernement

23/05/2018 06:25 par Danael

@ Autremnt
Merci camarade. Chez nous, le peuple a décidé de se fédérer le 26 mai. Comme j’en fais partie, j’y serai.

23/05/2018 11:44 par Daniel BESSON

@Feufollet
Sans rentrer dans la peau de Zapatero , je pense qu’il s’agit d’une solidarité Ibéro-Américaine au nom de " l’ Hispanidad " . En clair une identification culturelle et même ethno-raciale plus que politique . On a observé le même phénomène lorsque Francisco Franco a appuyé la révolution Cubaine et plus particulièrement Fidel Castro .
A noter l’édito de Laurent Joffrin " Un caudillo rouge " qui reprend le vocabulaire de la thèse de Norberto Ceresole sur le régime Bolivarien .

23/05/2018 18:51 par Palamède Singouin

@ Danniel Besson
Qu’y a-t-il de notable dans l’édito de Joffrin en dehors de son titre grotesque ? Ne le citez vous qu’aux fins d’insinuer une quelconque proximité idéologique entre Franco et Maduro (et tant qu’on y est Castro !) ? Sinon, c’est l’habituel copié-collé des critiques du bolivarisme, qui ne sont pas toutes infondées mais que l’ex-copain de vacances de Le Pen passe à la loupe grossissante.
Mais peut-être vouliez vous parler de la seconde partie de l’édito de Jofrrin consacrée.....au festival de Cannes !!!!!

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