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L’histoire du pays arabe le plus riche du monde en guerre contre le pays arabe le plus pauvre du monde.

Yémen : Pour une gorgée d’or noir

Avions larguant des bombes sur des civils, population exsangue, assiégée et affamée, enfants déchiquetés, routes, ponts, écoles, hôpitaux, zones résidentielles, cimetières, aéroports détruits, patrimoine archéologique dévasté. Non, cette fois, ce n’est pas de la Syrie qu’il s’agit mais d’une nation oubliée, le Yémen.

Depuis le 25 mars dernier, le Yémen est agressé et envahi par l’Arabie saoudite, ce pays ami qui nous livre du pétrole et qui achète nos armes.

D’après l’ONU, en moins de 200 jours de guerre, le régime wahhabite a tué près de 5.000 fois au Yémen dont près de 500 enfants.
Le nombre de victimes civiles de la guerre du Yémen est proportionnellement supérieur au nombre de civils tués dans la guerre de Syrie.

En effet, la moitié des morts sont civils au Yémen pour moins d’un tiers de victimes civiles en Syrie.
Pourtant, personne parmi les humanistes professionnels conspuant Assad n’élève la voix contre le Roi Salmane.
La Syrie s’est vue imposer une guerre par terroristes interposés, une politique d’isolement et de sanctions économiques. En revanche, l’Arabie saoudite reçoit nos salamalecs et nos satisfecits.
"Notre ami le Roi" Salmane ne fait pas que détruire par ses bombes. Il impose un blocus terrestre, maritime et aérien qui selon Médecins Sans Frontières (MSF) tue autant les civils que la guerre. 20 millions de Yéménites risquent en effet de mourir de faim et de soif à cause de la guerre et de l’embargo saoudiens.

On a rarement vu une politique de deux poids deux mesures aussi contrastée entre une Syrie qui déchaîne les passions et un Yémen qui laisse de marbre.

Cette politique de deux poids de mesures ressemble à un match de boxe entre un poids lourd et un poids mouche où le poids lourd peut frapper le poids mouche sous la ceinture mais pas l’inverse.

Le pot de fer contre le pot de terre

L’agression saoudienne contre le Yémen revêt une dimension mythique.
C’est l’histoire du pays arabe le plus riche du monde en guerre contre le pays arabe le plus pauvre du monde.
Une fois encore, nous nous sommes soumis à la loi du plus fort.
Nous avons laissé notre ami le Roi Salmane fabriquer une guerre sunnite/chiite au Yémen alors que la plupart des musulmans du Yémen prient ensemble dans des mosquées dépourvues d’étiquette confessionnelle.

Nous avons diabolisé et interdit le mouvement rebelle Ansarullah en le qualifiant de "chiite" ou de "houthi" pour faire plaisir à notre ami le Roi Salmane alors qu’Ansarullah est une coalition patriotique qui compte de nombreuses personnalités sunnites comme le mufti Saad Ibn Aqeel ou des formations non religieuses comme le parti Baath arabe socialiste du Yémen.

Nous avons exclu Ansarullah des pourparlers de paix alors que le mouvement rebelle négociait avec ses adversaires politiques y compris avec Abderrabo Mansour al Hadi, agent saoudien qui était alors assigné à résidence.

Nous avons laissé le Yémen redevenir l’arrière-cour du Roi Salmane alors que cette nation rêvait d’indépendance.
Nous avons détourné le regard quand les hommes de main du Roi Salmane (Al Qaeda et Daech) ont brûlé l’église Saint-Joseph à Aden et bombardé la mosquée chiite d’Al Moayyad à Jarraf.
Nous n’avons pas versé une seule larme pour les enfants du Yémen brûlés vifs par les bombardiers de notre ami le Roi Salmane.
Le Yémen est un pays si lointain que ses réfugiés ne nous atteignent pas.
Le Yémen est un pays si méprisé que ses complaintes ne nous atteignent pas.

Si Jean de la Fontaine avait été témoin de la guerre du Roi d’Arabie saoudite contre son misérable voisin, il aurait peut-être repris l’extrait suivant de la fable du pot de fer contre le pot de terre :
"Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu’il eût lieu de se plaindre".
Voilà près de 200 jours que le mouvement international pour la paix laisse faire le pot de fer contre un pays fragile comme un pot de terre.
C’est comme si un pot de fer nous était tombé sur la tête.

Le Yémen d’aujourd’hui, c’est le Vietnam d’hier

Durant les années 60 et 70, le Vietnam connut à peu près le même scénario que le Yémen aujourd’hui.
Ngo Dinh Diem était l’homme de paille des USA à l’instar d’Abderrabo Mansour al Hadi.
Le Vietcong (FNL) d’hier, c’est Ansarullah aujourd’hui.
Que le premier ait une coloration communiste et le second soit d’inspiration chiite importe peu. Les mouvements nationalistes vietnamien et yéménite ont tous deux pour objectif l’unification de leur pays et son émancipation du joug étasunien.

A l’époque, le mouvement international pour la paix a défendu la résistance du peuple vietnamien sans pour autant être communiste et malgré le fait que le Vietcong était soutenu par l’URSS et la Chine.
Aujourd’hui, le mouvement international pour la paix refuse non seulement de défendre le droit du peuple yéménite à la résistance entre autres sous prétexte qu’il est soutenu par l’Iran et la Syrie mais en plus, il ne défend même plus ce qui constitue sa raison d’être, à savoir la paix.

Pas de sang pour du pétrole

Il n’y a pas si longtemps, en 1991 et en 2003, les USA ont utilisé le sol saoudien pour mener leur guerre contre l’Irak.
A l’époque, nous étions des millions à crier "Pas de sang pour du pétrole" (No Blood for Oil).
Aujourd’hui, ni l’Empire US, ni l’Arabie saoudite, ni les motifs de la guerre n’ont changé.
Qui plus est, le sang continue de couler pour du pétrole.
Seul le mouvement pour la paix a changé.
Il n’est même plus un mouvement, juste une masse inerte et silencieuse bercée par des illusions comme la "révolution arabe", le "droit d’ingérence" et la "responsabilité de protéger"... à coups de bombes de l’OTAN.

Entre-temps, le peuple du Yémen est victime d’une guerre, une guerre qui ne nous est pas étrangère, une guerre bien saignante à laquelle nos gouvernements ont donné leur feu vert pour une gorgée d’or noir.

Bahar Kimyongür, 23 septembre 2015

Source : Investig’Action

 http://michelcollon.info/Yemen-Pour-une-gorgee-d-or-noir.html
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COMMENTAIRES  

27/09/2015 09:28 par J.J. enfonceur de portes ouvertes

On observe la même complaissance envers le gouvernement turc, à propos de sa gestion des Kurdes et de sa bien faiblarde réactivité vis à vis de daech.

Etonnant non ?

Ne serait-il pas possible de mettre notre ami le roi Salmane et notre ami le président Erdogan dans le même panier et s’en débarasser au plus vite ?

27/09/2015 15:36 par DePassage

Cette manière d’opposer une agression à une autre essayant pratiquement de nous démontrer que l’un souffrirait plus que l’autre me donne des hauts-le-cœur en ce dimanche matin…

Je ferai également remarquer à monsieur Kimyongur qu’il s’agit d’une coalition de pays qui agressent présentement le Yémen dont participe activement les États-Unis (je ne prends pas la défense de l’Arabie saoudite ici, loin s’en faut) et je viens d’apprendre que même Mahmoud Abbas à donné son appuis à cette agression contre le Yémen et qu’il est allé jusqu’à souhaiter une intervention similaire contre Gaza pour renverser le Hamas (1).

(1) http://www.info-palestine.net/spip.php?article15331

J’ai vraiment des hauts-le-cœur ce matin… et ce n’est pas la bière d’hier, non !

27/09/2015 22:27 par D. Vanhove

L’article ne me semble en aucun cas opposer un conflit à un autre pour nous indiquer que la souffrance des uns serait supérieure à celle des autres... Il nous rappelle simplement - et à raison - que l’information n’est pas traitée de manière identique... et pointe ainsi nos collusions obscènes avec la famille royale saoudienne...

Il est donc utile et mérite que nous interpellions nos responsables politiques et nos médias sur la manière dont ils traitent et relatent l’information, ainsi que les choix de nos politiques extérieures...

Dans le même ordre, il reste totalement inacceptable que la situation en Palestine subisse le même déni de la part des responsables politiques et médiatiques... comme s’ils avaient "capitulé" devant l’arrogance et le bulldozer sioniste que personne ne parviendrait à arrêter...

Aucun responsable politique (et médiatique) venant nous parler du Droit d’ingérence ou des Droits de l’homme ne peut encore être écouté sérieusement tant que durera l’occupation de la Palestine par Israël, et cela depuis plus de 65 ans !
Tout le monde sait ce qu’il en est... et pourtant, pas un de ceux-là n’a le courage de prendre des mesures qui contraindraient Israël à se conformer aux Résolutions de l’ONU et à respecter le Droit international. Au contraire, le gouvernement français semble vouloir légiférer pour interdire de soutenir de manière non-violente (par le BDS - Boycott/Désinvestissement/Sanctions) initié par les Palestiniens eux-mêmes tout mouvement de solidarité citoyenne avec les Palestiniens occupés...
Quant au Président Hollande, il nous parle aujourd’hui de frappes aériennes en Syrie, (que dirions-nous si une puissance étrangère venait frapper la France sous n’importe quel fallacieux prétexte !?), et vend au dictateur égyptien Sissi les 2 portes-avions destinés à la Russie...

N’importe quel citoyen peut voir la supercherie et la duplicité de ces manœuvres, et comprend de suite le discrédit immédiat que ces responsables politiques jettent sur eux-mêmes, tant ils baignent dans d’ignominieuses contradictions... au point de ne plus être pris au sérieux et passer pour des menteurs et/ou des incompétents avérés !

28/09/2015 12:28 par depassage

L’article ne me semble en aucun cas opposer un conflit à un autre pour nous indiquer que la souffrance des uns serait supérieure à celle des autres... Il nous rappelle simplement - et à raison - que l’information n’est pas traitée de manière identique... et pointe ainsi nos collusions obscènes avec la famille royale saoudienne...

L’article est une tarte à la crème. Et cela se perçoit à vue d’œil. Ce n’est pas la première fois que j’ai lu Bahar KIMYONGUR. Il a ses qualités mais aussi beaucoup de défauts. Il n’est pas du genre à mettre le doigt sur la plaie soit par ignorance comme cela peut être le cas de n’importe qui, moi, y compris, soit par dessein de brouiller les cartes, chose à laquelle pour le moment je ne crois pas. La comparaison du Yémen et la Syrie ne peut pas se faire comme il le fait, absolument pas, parce qu’ils participent du même projet qui inclut le soudan et l’Afrique du nord, y compris l’Egypte. Le projet sommairement consiste à créer une large ceinture de sécurité pour Israël constitué de pays soit affaiblie soit amis de l’Occident, c’est-à-dire Israël, tout en contrariant ou en mettant sous surveillance l’influence de la Chine et de la Russie dans la région. Le Soudan, grâce à la démocratie et les frères musulmans, s’est déjà vu amputé de son Sud Chrétien et riche en pétrole, il reste à l’amputé du Darfour. L’Egypte allait subir le même sort mais résistent en se… le mot je n’ose pas le dire, mais je vais le dire… prostituant, sa situation l’exige.
Quand à l’Arabie Saoudite, elle est une création anglaise et a cheminé sous sa protection jusqu’à ce que les U.S.A prennent le relai par les accords du Quincy du 14 février 1945 en la mettant sous leur protection. Elle et Israël sont des pays sacrés et intouchables. Avec sa richesse, elle peut se payer une belle image auprès des musulmans, mais ils ne sont pas tous gourds pour ne pas savoir qu’elle est à l’origine de l’essentiel de leurs déboires. Elle est la fabrique des idéologiques islamiques les plus intenables et des plus destructives, semant la zizanie et l’intolérance.

Quant au Président Hollande, il nous parle aujourd’hui de frappes aériennes en Syrie, (que dirions-nous si une puissance étrangère venait frapper la France sous n’importe quel fallacieux prétexte !?), et vend au dictateur égyptien Sissi les 2 porte-avions destinés à la Russie...

Le dictateur Sissi cherche à avoir la clémence de La France ou de ceux qui la commandent, pour ne pas subir ce que subit son homologue dictateur Syrien. Et les bâtiments ne sont pas des porte-avions, mais des porte-hélicoptères.

En d’autres mots, si les Palestiniens veulent être plus forts dans leur résistance à l’occupation de leurs terres par l’entité sioniste, il faut impérativement que le peuple retrouve son droit de vote et que des élections soient organisées au plus vite pour savoir si l’équipe actuelle et son président sont toujours reconnus comme les dignes représentants de la population qui, chaque jour se voit harcelée, brimée et massacrée par l’occupant dont l’impunité est plus que révoltante, tant elle dépasse toute limite.

Si les puissants ne peuvent rien, que peuvent les palestiniens. Quant au vote, son résultat est connu d’avance, il sera en faveur des islamistes que financent le Qatar et l’Arabie Saoudite après que soient mis à genoux tous les pays qui les aidaient auparavant. Et les islamistes permettront à Israël, de justifier ses exactions par la menace « terroriste » comme elle l’a fait avec l’OLP avant de l’écraser. En Palestine, il n’existe pas d’autorité palestinienne, parce qu’il n’existe pas d’État Palestinien. Le chef de la réserve indienne de Gaza et le chef de la réserve indienne de Cisjordanie ne peuvent pas être considéré comme une autorité de la Palestine quand on voit à quoi elle est réduite.

30/09/2015 15:09 par Marie CT

Merci, Bahar Kimyongür,
merci, D Vanhove,
mais pas merci au commentateur depassage qui s’égare et nous égare.
Quoi de plus clair que ces crimes de guerre ? Et pourtant plus caché, ou toléré ?
Quoi de plus scandaleux ?
Et que faire, nous ? sinon essayer de comprendre et poser des questions,
harceler de questions nos journaux, nos radios, nos télés ?...
Pourquoi se taisent-ils , Là ? Eux qui sont si bavards, Ailleurs ?

04/10/2015 22:10 par DePassage

Je n’aime pas sa manière de travestir les évènements et je ne me gênerai pas pour le lui faire savoir, que ça plaise ou non.

Son dernier article avant celui-ci est un bijou dans le genre où, tout en dénonçant la propagande médiatique, il nous présente comme un fait avéré la propagande de ces mêmes merdias et de nos politichiens accusant Bachar al-Assad d’utiliser des bombes barils et encore pire, il s’enlise à tenter d’en justifier l’utilisation. C’est dans le même texte où on pourrait croire qu’il prend la défense de l’OSDH nous la présentant quasiment comme une ONG de propagande modérée ayant une certaine fiabilité.

Anyway, je ne perdrai pas plus mon temps avec ce type et notez bien que DePassage ≠ depassage.

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