Nous, enfants de la campagne, avons appris à grimper aux arbres. C’est là un exercice des plus formateurs car il vous confronte très tôt, de façon radicale, au risque de la chute. Votre courage dépendant aussi bien de vos facultés de concentration que d’une confiance animale en soi. Je crois même qu’on peut parler d’inconscience dans l’entreprise, de folie nécessaire à l’élévation. Plus vous montez, plus vous vous exposez, mais voilà notre réalité, superbement paradoxale : la liberté est un danger permanent. Et en cela elle ne convient peut-être pas à tous. Car la liberté se conquiert, elle ne s’attend pas.
Dans mon Périgord natal, ce sont les chênes et les noyers qu’on escalade. J’y ai appris l’équilibre, la maîtrise du corps et de la peur. Grimper à un arbre, c’est d’abord l’aimer, le découvrir. En comprendre l’architecture, la cohérence, en éprouver les appuis et en éviter les pièges. Il vous faut sentir l’arbre, l’épouser avec ses aspérités, le laisser parfois vous (…)Lire la suite »
Fin octobre, notre cher et vénérable président Emmanuel Macron était au Maroc pour une visite d’État de trois jours, accompagné de son professeur de théâtre particulier Brigitte (JMT pour les intimes) ainsi que d’une délégation de ministres, d’industriels et de « personnalités » (hum) du monde de la « culture ».
Pour l’occasion, on avait hissé de beaux drapeaux tricolores dans les rues de Rabat, repeint à la hâte (un jour de pluie, signe du destin) les façades des immeubles des pauvres gens sur le parcours du convoi officiel, végétalisé tout aussi précipitamment les terrains vagues pour leur donner des allures de charmants parcs familiaux (les plantes ont crevé depuis), et garni les bords de route de gueux, d’écoliers et d’handicapés braillards pour convoquer l’instinct grégaire avant toute forme de réflexion chez la populace en mal de divertissement. Bref, le folklore habituel.
Il fallait bien un tel ramdam pour accueillir celui qui allait conclure pas moins de 22 accords de (…)Lire la suite »
Avec les expériences et les rencontres de la vie, on est amené à développer ce que j’appellerais grossièrement un « radar à cons ». Un outil relationnel précieux pour éviter les dispersions, coûteuses en temps et en énergie. Mais évidemment, l’affinement progressif de cet outil implique un certain engagement personnel, car pour connaître autrui il convient d’abord de se montrer ouvert et disponible tout en étant le plus désintéressé possible, et chasser en soi toute espèce de préjugé. Un effort relativement inconfortable pour beaucoup, mais nécessaire si l’on entend connaître véritablement l’autre sans en attendre systématiquement quelque chose ni y projeter égoïstement ses désirs. Sachant que toute relation humaine à peu près saine et équilibrée est basée sur le principe – à la fois naturel et culturel – d’échange.
En réalité on s’aperçoit que les gens (et particulièrement les gens de la ville), sous le poids du conformisme et du besoin d’appartenance à un groupe, aspirent (…)Lire la suite »
J’espère que les lecteurs les plus exigeants me pardonneront mes manières peu académiques de philosopher, mais il s’agit là de « philosophie par l’expérience », que chacun, à mon sens, devrait humblement faire valoir, quelles que soient sa formation et sa culture livresque. Disons qu’on philosophe ici « à la corse » (ou plutôt « à la basque », vous comprendrez pourquoi ci-après...) : penser, c’est dynamiter les barrières et voir ce qu’il en reste ! Mais le travail le plus important est celui qui suit, c’est-à-dire mobiliser tous les êtres de bonne volonté pour s’efforcer de préserver et consolider les restes...
À l’époque où j’étais « étudiant » à Bordeaux, entre 2007 et 2009, j’avais eu pour voisin, sans le savoir, le chef militaire de l’ETA (la fameuse organisation indépendantiste basque), Javier Lopez Peña alias « Thierry », un petit homme boulot aux faux airs de pharmacien. Au printemps 2008, la police l’avait délogé de son appartement du cours de la Marne où il était planqué (…)Lire la suite »
Avec le phénomène de « starification » dans tous les domaines – une « star » étant, quelles que soient sa légitimité et ses compétences, le produit d’un système, qu’on met en avant à des fins mercantiles ou idéologiques – et l’introduction de la vie privée dans le débat public, on a fait de la politique un spectacle.
Mais la politique – réelle – est avant tout affaire de pragmatisme, de sens pratique. Au-delà des images et des slogans, elle se doit d’abord d’être fonctionnelle. Son essence n’est-elle pas l’élévation – sociale, économique, culturelle et peut-être – de citoyens en attente de formation et de reconnaissance, en échange d’un travail fourni précisément pour la collectivité ?
Politiquement, nous vivons une époque charnière, où les gens ont perdu toute confiance en l’autorité qui les gouverne, celle-ci ayant largement trahi ses missions fondamentales de fédération, de protection et d’élévation. Nos politiciens « starifiés » préférant, par facilité, s’investir dans la (…)Lire la suite »
Un enseignant attentif sait que ses élèves ne sont pas tous égaux devant le maniement de la langue. Certains ont des prédispositions pour communiquer à l’oral, d’autres sont manifestement plus à l’aise à l’écrit ; tandis que certains s’avèrent plus doués pour la logique mathématique et que d’autres s’illustrent par leur intelligence manuelle – souvent dévalorisée par un système scolaire qui préfère invariablement la sacro-sainte méthodologie à toute forme de créativité.
Mais au-delà du déterminisme social et de l’incidence de l’environnement sur l’être en construction qu’est l’enfant (accès à la culture, éducation à la lecture, etc.), ces différences relèvent avant tout de facteurs génétiques évidents, qui inévitablement continueront de s’affirmer à l’âge adulte. En ce sens, l’« intelligence » véritable et fonctionnelle, loin du mythe du génie monomaniaque à l’américaine, réside dans la polyvalence, c’est-à-dire dans la maîtrise potentielle de divers domaines d’exécution – ce qui (…)Lire la suite »
Dans mon dernier article, j’en appelais à la métaphysique pour tenter de démontrer que le besoin de propriété (exacerbé par le système capitaliste que nous subissons) n’a pas de réel fondement anthropologique, sauf pour le couple sédentaire qui élève dans un foyer déterminé ses enfants et, à terme, leur lèguera un héritage (matériel).
Cela dit, la propriété individuelle, encouragée par les lois de l’hyperconsommation et l’égocentrisme régnant (ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui « la culture du selfie »), n’a, à mon sens, qu’une fonction de séduction et d’autosatisfaction. Voilà simplement une façon codifiée, avec l’argent pour valeur de référence, de discriminer les « possédants » des « non-possédants » en réservant l’autorité à une élite matérialiste.
Puisque l’héritage (que j’associe à l’« idée d’éternité ») s’impose ici comme une question centrale dans la marche en avant de l’homme en tant qu’individu engagé et en tant qu’être social, réfléchissons aux différents sens et (…)Lire la suite »
L’idéologie capitaliste que l’on subit aujourd’hui s’impose en quelque sorte comme une religion de la propriété privée, plaçant au centre de la société le principe de possession — souvent au détriment de celui de partage. Mais pourquoi posséder ? Qu’est-ce que la possession ? Mettons ici de côté le système capitaliste à proprement parler et prenons un peu de hauteur pour réfléchir à l’idée même de propriété.
Il y a à mon sens quatre choses, de natures différentes, que l’on est généralement susceptible de posséder : un bien matériel (j’inclus là un espace ou un territoire), un statut social, et de façon plus abstraite (nous y reviendrons) un corps et une idée.
Chacun de ces quatre « objets de possession » nécessite, pour légitimer cette possession, un effort préalable d’acquisition. Le bien matériel et le statut social s’acquièrent potentiellement par un travail fourni ou par un service rendu, le corps par des jeux de séduction et d’attraction amoureuse, et l’idée par une (…)Lire la suite »
Dans un précédent texte, j’amorçais une réflexion autour de l’« engagement » au sens large – engagement personnel, professionnel, éducatif –, disant qu’il est une condition sine qua non à l’harmonie des hommes. Une société en crise étant une société qui a perdu, politiquement et culturellement, le sens de l’engagement – d’abord local (dans un environnement immédiat), ensuite universel (au nom de principes).
Ici j’aimerais développer mon propos sur l’idée de discrimination des comportements au sein d’une société. Sans parler de « bien » ni de « mal » – notions qui, avant d’être des catégorisations dogmatiques, s’imposent comme des nécessités anthropologiques –, j’entends par « discrimination » la façon de distinguer les comportements dignes des comportements indignes : en quoi l’action ou le choix de tel individu sont-ils, à l’échelle collective, plus estimables ou plus condamnables que d’autres ?
Racisme, sexisme, xénophobie, sont quelques modes de discrimination d’ordre (…)Lire la suite »
Début septembre, lors d’une promenade en forêt, je trouve au pied d’un grand pin quelques plumes étonnamment colorées, aux reflets bleu-vert et orangés : ce sont celles d’un guêpier (qui a probablement été la proie d’un faucon, dont j’aperçois un peu plus loin une longue plume zébrée), magnifique oiseau migrateur qui quitte l’Europe à la fin de l’été – guêpes et abeilles dont il se nourrit ayant disparu – pour rejoindre l’Afrique en colonie.
Après quelques recherches sur l’espèce, j’apprendrai qu’il s’agit là d’un oiseau nicheur monogame, c’est-à-dire que le mâle adulte, à la saison des amours, se choisit une partenaire pour la vie, après une parade nuptiale (faite de chants et d’offrandes d’insectes notamment) qui s’apparente à une « cérémonie de mariage » – ou de « consentement » – selon les diverses observations qu’on a pu en faire.
En regagnant mon quartier, qui est une terre de football (le grand stade municipal y étant implanté), je salue quelques anciens élèves parmi un (…)Lire la suite »