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La France, la Turquie, ou la paille et la poutre.

A propos de la proposition de loi sur le massacre des Arméniens

Il a beaucoup été question, dans la semaine qui vient de s’écouler, de
la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale et visant à 
réprimer la négation du massacre des Arméniens en 1915. Ce vote a
déclenché la colère des Turcs et une incompréhension consécutive des
Français, répercutée par les médias, avec de petits relents démagogiques
 : pourquoi les Turcs s’indignent-ils ?

N’avons-nous pas, nous Français, reconnu la rafle du Vel d’Hiv ? Les Allemands n’ont-ils pas reconnu le génocide des juifs ? Pourquoi les Turcs n’en font-ils pas autant pour les Arméniens ? Qu’est-ce que cela leur coûterait ? [Sous-entendu - mais si fort que cela s’entend : décidément, ces musulmans sont indécrottables...].

On se gardera, ici, d’évoquer les préoccupations électoralistes des
députés, notamment le fait que la proposition de loi a été déposée par
Valérie Boyer, députée UMP de Marseille, ville où la communauté
arménienne est particulièrement nombreuse et influente, pour rappeler
quelques faits.

1. On fait grief aux Turcs de ne pas reconnaître le massacre des
Arméniens en 1915. Mais l’Assemblée nationale a-t-elle voté un texte
pour stigmatiser le massacre de 200 000 habitants de Nankin par les
Japonais - plus tous les autres massacres commis en Chine, en Corée et
dans le reste de l’Asie de 1900 à 1945, par ces mêmes Japonais ? Les
députés français ont-ils reproché aux Japonais les "femmes de réconfort"
(femmes raflées destinées aux bordels militaires) de toute l’Asie et les
expériences bactériologiques sur les prisonniers de guerre, qui ne le
cédaient en rien aux expériences des docteurs Mengele allemands ?

2. L’Assemblée nationale française a-t-elle voté une loi pour réprimer
la négation du massacre de plusieurs centaines de milliers (voire
davantage) de Congolais dans le Congo propriété privée du roi belge
Léopold II ? A-t-elle voté une loi réprimant la négation du massacre des
Herreros par les Allemands dans le Sud-Ouest africain avant 1914 ?
A-t-elle voté une loi pour réprimer la négation des massacres des
Amérindiens par les colons anglais, espagnols et portugais du Nouveau
monde ? A-t-elle voté une loi pour réprimer la négation des mauvais
traitements infligés par les Australiens aux Aborigènes ? A-t-elle voté
une loi pour condamner la déportation des habitants de l’île de Diego
Garcia, dans l’océan Indien, évacués par la force de leur île pour
construire une base américaine géante ? [Base d’où les bombardiers
américains partent pilonner les pays du tiers monde].

3. L’Assemblée nationale française a-t-elle reconnu les quelques 875 000
morts de la conquête de l’Algérie de 1830 à 1872 ? A-t-elle reconnu les
80 000 morts de la répression de Madagascar de 1947 ? A-t-elle reconnu
les morts des massacres de Yen Bay, au Vietnam, en 1930, les morts de
Sétif et Guelma en 1945, les morts du camp de Thiaroye, au Sénégal, en
1944 ? A-t-elle reconnu les morts algériens de la nuit du 17 octobre
1961 à Paris ?

4. L’Assemblée nationale a-t-elle considéré qu’entre le milieu du XVIIIe
siècle et 1914, l’empire ottoman fut sans cesse en butte aux
empiètements, agressions, mises sous tutelle et autres humiliations de
la part des Russes, Britanniques, Français, Italiens et autres
Autrichiens ? A-t-elle considéré que ces mêmes Occidentaux, durant plus
de trois quarts de siècle, ont appelé l’empire ottoman, avec mépris,
"l’homme malade de l’Europe" ? A-t-elle considéré que, durant la Grande
Guerre, les Européens se sont partagé son empire au lieu de le rendre
aux colonisés, en contradiction flagrante avec le principe des
nationalités dont ils se réclamaient, en même temps, en Europe centrale,
à l’encontre des empire austro-hongrois, allemand et russe ? L’Assemblée
nationale s’est-elle souvenu que les alliés avaient, au début, soutenu
la guerre d’agression de la Grèce contre la Turquie, dans les années
1919-1923 ?

5. L’Assemblée nationale française a-t-elle considéré que, si, près de
70 ans plus tard, nous sommes toujours traumatisés par 4 ans
d’occupation allemande, au point d’en faire des films, des livres, des
expositions et des colloques, les Turcs ne devraient pas être, eux,
profondément humiliés par un siècle d’empiètements occidentaux ? Ne
pourrait-elle penser que, sur la question des ingérences dans leurs
affaires intérieures, les Turcs ont les nerfs à vif ? [Et, plus encore,
lorsque ces ingérences viennent des Européens].

6. L’Assemblée nationale a-t-elle considéré que, durant plus de 40 ans,
c’est-à -dire toute la guerre froide, les Occidentaux ont été bien
contents de compter les Turcs dans l’OTAN, d’abord pour se battre en
Corée contre les Nord-Coréens et les Chinois, puis pour faire face aux
divisions du pacte de Varsovie dans le Caucase et les Balkans ?

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CHE, PLUS QUE JAMAIS (ouvrage collectif)
Jean ORTIZ
Recueil d’interventions d’une vingtaine d’auteurs latino-américains et européens réunis à Pau en avril 2007 pour un colloque portant sur l’éthique dans la pratique et la pensée d’Ernesto Che Guevara, une pensée communiste en évolution, en recherche, qui se transforme en transformant, selon les intervenants. Quatrième de couverture On serait tenté d’écrire : enfin un livre sur le Che, sur la pensée et la pratique d’Ernesto Guevara, loin du Che désincarné, vidé d’idéologie, doux rêveur, (…)
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John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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