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Pourquoi il faut protéger Wikileaks

Le 26 juillet (2010), Wikileaks a publié des milliers de documents militaires US secrets sur la guerre en Afghanistan. On y trouve des documents sur des opérations clandestines, une unité secrète d’assassinats et l’assassinat de civils. Document après document, les brutalités rappellent un passé colonial. De Malaya au Vietnam à Bloody Sunday à Bassorah, peu de choses on changé. La différence est qu’aujourd’hui il existe une moyen extraordinaire de connaître comment des pays lointains sont ravagés en notre nom. Wikileaks a obtenu des données sur six années d’assassinats de civils en Afghanistan et en Irak, dont une partie a été publiée dans The Guardian, Der Spiegel et le New York Times.

On comprend le déchainement d’hystérie autour, avec des appels à «  traquer » le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, et de le «  remettre » aux autorités de Washington. A Washington, j’ai interviewé un haut-officiel du Département de la Défense et j’ai demandé : «  Pouvez-vous garantir que les rédacteurs de Wikileaks et le rédacteur en chef, qui n’est pas Américain, ne feront pas l’objet d’une chasse à l’homme comme on peut le lire dans les médias ? » Il m’a répondu, «  Je ne suis pas en position de garantir quoi que ce soit ». Il a fait référence à «  l’enquête criminelle en cours » sur un soldat US, Bradley Manning, un lanceur d’alerte. Dans un pays qui prétend que sa constitution protège ceux qui disent la vérité, l’administration Obama poursuit et attaque en justice plus de lanceurs d’alerte que n’importe lequel de ses prédécesseurs contemporains. Un document du Pentagone déclare sans détours que les Services de Renseignement US ont l’intention de «  marginaliser définitivement » Wikileaks. La tactique préférée est celle de la calomnie, et on peut compter sur les journalistes des médias commerciaux pour y participer.

Le 31 juillet, le célèbre reporter américains Christiane Amanapour a interviewé le Secrétaire à la Défense Robert Gates sur la chaîne ABC. Elle a invité Gates à décrire aux téléspectateurs sa «  colère » contre Wikileaks. Elle a répété la phrase du Pentagon que «  ces fuites avaient du sang sur les mains », préparant ainsi le terrain à Gates pour déclarer Wikileaks «  moralement coupable ». Une telle hypocrisie de la part d’un régime qui baigne dans le sang des peuples d’Afghanistan et d’Irak - chose confirmée par ses propres archives - ne soulève apparemment pas la curiosité des journalistes. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où une nouvelle et audacieuse forme de contrôle public, représenté par Wikileaks, constitue désormais une menace non seulement pour les va-t-en guerre mais aussi pour leurs apologistes.

Leur propagande actuelle vise «  l’irresponsabilité » de Wikileaks. Plus tôt cette année, avant la publication d’une vidéo montrant un hélicoptère US Apache en train de tuer 19 civils en Irak, dont des journalistes et des enfants, Wikileaks a envoyé des gens à Bagdad pour trouver les familles des victimes et de les préparer. Avant la publication le mois dernier des documents sur la guerre en Afghanistan, Wikileaks a écrit à la Maison Blanche pour demander de faire identifier les noms qui pouvaient s’attirer des représailles. Aucune réponse. Plus de 15.000 documents n’ont pas été publiés et ne le seront, selon Assange, qu’après avoir été examinés «  ligne par ligne » pour effacer les noms de ceux qui seraient mis en danger.

La pression sur Assange lui-même est constante. Dans son pays, en Australie, le chargé des affaires de politique internationale de l’opposition, Julie Bishop, a déclaré que si sa coalition de droite remportait les prochaines élections générales le 21 août, une «  action appropriée » serait entreprise «  au cas où un citoyen Australien aurait délibérément commis des actes qui pourraient mettre en danger la vie des soldats australiens en Afghanistan ou gêner d’une manière quelconque nos opérations. » Le rôle de l’Australie, simple mercenaire au service de Washington, a produit deux choses notables : le massacre de cinq enfants dans un village de la province d’Oruzgan et l’opposition massive de la majorité des Australiens.

Au mois de mai dernier, après la publication de la vidéo de l’hélicoptère Apache, Assange s’est vu temporairement confisquer son passeport australien lorsqu’il est rentré. Le gouvernement travailliste à Canberra (capitale de l’Australie - NdT) a nié avoir reçu des demandes de Washington pour l’arrêter et espionner le réseau Wikileaks. Le gouvernement Cameron (Grande-Bretagne - NdT) le nie aussi. Et on peut les croire, n’est-ce pas ? Assange, qui était venu à Londres le mois dernier pour travailler sur la publication des documents a du quitter précipitamment la Grande-Bretagne pour, selon ses termes, des «  cieux plus cléments ».

Le 16 août, le Guardian, citant Daniel Ellsberg, a décrit le célèbre lanceur d’alerte israélien Mardechai Vanuni comme «  l’éminent héros de l’ère nucléaire ». Vanunu, qui a alerté le monde sur les armes secrètes nucléaires israéliennes, fut kidnappé par les israéliens et incarcéré pendant 18 ans après avoir été abandonné sans protection par le Sunday Times de Londres qui venait de publier des documents qu’il leur avait fournis. En 1983, un autre lanceur d’alerte héroïque, Sarah Tisdall, fonctionnaire au Foreign Office (Ministère des Affaires Etrangères) a envoyé des documents au Guardian qui révélaient comment le gouvernement Thatcher comptait désinformer sur l’arrivée de missiles de croisière US sur le sol britannique. Le Guardian a obéi à une injonction d’un tribunal et a rendu les documents et Tisdall est allée en prison.

Dans un sens, les révélations de Wikileaks font honte au secteur dominant du journalisme qui ne se consacre qu’à répercuter les propos d’un pouvoir cynique et malfaisant. Ce n’est plus du journalisme mais de la sténographie officielle. Jetez un coup d’oeil sur le site de Wikileaks et lisez un document du Ministère de la Défense qui décrit la «  menace » que représente le vrai journalisme. Et il y a de quoi. Après avoir adroitement publié des documents de Wikileaks qui révèlent la fraude de cette guerre, le Guardian devrait à présent peser de tout son poids pour soutenir sans réserve et protéger Julian Assange et ses collègues, dont les révélations sont les plus importantes que j’ai connues de toute ma vie.

J’aime l’esprit pince-sans-rire d’Assange. Lorsque je lui ai demandé s’il était plus difficile de publier des documents secrets en Grande-Bretagne, il a répondu, «  Lorqu’on examine des documents marqués du sceau de la loi Official Secrets Act, il est indiqué que la rétention d’information constitue un délit et que la destruction d’information constitue un délit. La seule alternative possible est donc sa publication. »

John Pilger
http://www.johnpilger.com/page.asp?partid=584

Traduction VD pour le Grand Soir

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