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Le Monde Diplomatique (mars 2019)

Pour Serge Halimi, le président français joue les pyromanes en reconnaissant le « président » autoproclamé du Venezuela : « Le pire n’est point arrivé tant qu’on peut dire : “Ceci est le pire. ” » Ces jours-ci, la diplomatie française fait penser à ce vers du Roi Lear. À l’issue du quinquennat de M. François Hollande, on croyait avoir atteint le fond ; quelques-uns prédisaient même un sursaut d’orgueil. Après tout, dès lors que les États-Unis affichaient leur souverain mépris envers les capitales européennes et leur désir de se dégager des obligations du traité de l’Alliance atlantique, pourquoi ne pas en profiter pour quitter l’OTAN, renoncer à la politique de sanctions contre Moscou et imaginer la coopération européenne « de l’Atlantique à l’Oural » dont rêvait le général Charles de Gaulle il y a soixante ans ? Enfin libre de la tutelle américaine – et adulte !

Pour Frédéric Lordon, il faut sortir de l’impasse européenne : « Plutôt que de porter sur les problèmes communs de l’Union, les élections européennes juxtaposent vingt-sept scrutins de politique intérieure. Dans la plupart des États, les électeurs se prononcent surtout pour ou contre l’équipe au pouvoir. Mais la marge de manœuvre dont dispose chacun de ces gouvernements nationaux est très largement contrainte par les traités européens. Dans ces conditions, que faire ? Et, pour la gauche, comment s’en sortir ?

Où va l’opposition à Nicolás Maduro, demande Julia Buxton ? « Coup d’État, lock-out, boycott des élections... L’aile radicale de l’opposition vénézuélienne a tout tenté pour renverser le président Hugo Chávez, puis son successeur Nicolás Maduro. Alors que le chaos économique et social favorisait ses desseins, elle a saboté les tentatives de dialogue avec le pouvoir en 2018 et compte désormais sur une intervention américaine pour parvenir à ses fins. »

Bernard Pudalanalyse la philosophie du mépris du président français : « Depuis son accession à la présidence de la République, M. Emmanuel Macron a souvent assimilé les classes populaires à un groupe de fainéants incultes et braillards. Ce faisant, il rompt avec la duplicité des chefs d’État successifs vis-à-vis des milieux défavorisés : les comprendre en parole, mais négliger leurs revendications. Et surtout ignorer la domination structurelle dont ils font l’objet. »

La Vieillesse est en détresse dans les Ehpad (Philippe Baqué ) : « Familles et professionnels estiment que le plan sur le vieillissement et la dépendance préparé par le gouvernement n’est pas à la hauteur de l’évolution démographique de la France. La préservation de la dignité des personnes âgées représente un défi quotidien pour les salariés – très présents dans le mouvement des « gilets jaunes », tandis que le coût de l’hébergement en maison de retraite devient inabordable pour beaucoup. »

Les Ouïgours sont à l’épreuve du « vivre-ensemble » chinois, selon Rémi Castets : « S’il est difficile d’évaluer le nombre de Ouïgours embastillés ou passés par les centres de rééducation — on parle d’un million —, il est certain qu’un système de surveillance sans précédent traque les musulmans du Xinjiang, qui ne sont pas sanctionnés pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils pourraient faire. M. Xi Jinping veut promouvoir cette politique de répression et de sinisation comme un modèle sécuritaire. »

Au Congo, le candidat battu… est élu (François Misser) : « Organisées avec deux ans de retard, les élections en République démocratique du Congo se sont conclues par un arrangement politique sans rapport avec la réalité des urnes. Cet épilogue a suscité des divisions nouvelles en Afrique. Éclipsant les habituelles réactions de la « communauté internationale », ces fractures éclairent les transformations politiques du continent. »

Serge Halimi et Pierre Rimbert traquent les nouvelles erronées : « Si « retard », « réforme » et « ouverture » ont constitué les mots-clés de la pensée dominante des trente dernières années, « fake news » semble résumer sa hantise actuelle. Un fil rouge unit d’ailleurs les deux périodes : seules les fausses informations qui ciblent le parti de la réforme et de l’ouverture indignent journalistes professionnels et dirigeants libéraux. Aux États-Unis ou en Allemagne comme en France, ces derniers élèvent la lutte contre les « infox » au rang de priorité politique. « La montée des fausses nouvelles, a expliqué M. Emmanuel Macron lors de ses vœux à la presse en janvier dernier, est aujourd’hui totalement jumelle de cette fascination illibérale. » Pendant ce temps, la désinformation traditionnelle prospère. Son écho sans cesse répercuté lui confère un caractère de vérité — sans stimuler l’ardeur des décodeurs. »

Eric Altermana observé le retour du « secrétaire d’État aux sales guerres » : « Depuis quelques années, le sulfureux Elliott Abrams aimait à se présenter comme un vieux sage, un expert de la diplomatie toujours soucieux de donner son avis éclairé. Chargé par le président Donald Trump de « restaurer la démocratie au Venezuela », il est de retour aux affaires. À voir ses états de service, les habitants de sa terre de mission peuvent légitimement s’inquiéter… »

Olivier Koch brosse le portrait de l’intellectuel en soldat : « La mise en données de l’existence humaine n’a pas seulement des conséquences sur la vie privée, mais parfois aussi sur la vie elle-même. De plus en plus d’entreprises liées aux armées utilisent les informations collectées pour localiser des individus supposés dangereux et, le cas échéant, les éliminer. Un vieux fantasme du renseignement se ravive : prédire les insurrections au sein d’une population. »

Les chemins tortueux de la paix au Yémen restent tortueux (Pierre Bernin) : « Les négociations directes entre le gouvernement yéménite soutenu par la coalition internationale et les rebelles houthistes dessinent des perspectives pour le règlement d’un conflit qui entrera bientôt dans sa cinquième année. Mais ce dialogue ne réussira qu’avec la participation officielle d’autres acteurs locaux, ainsi qu’avec celle des puissances régionales, dont l’Iran et l’Arabie saoudite. »

Quand, ô paradoxe !, Washington manipulait la présidentielle russe (Hélène Richard) : « Alors que la justice américaine traque des manipulations russes dans l’élection de 2016, Washington s’emploie à renverser le président Nicolás Maduro au Venezuela. Intolérable sur le territoire américain, l’ingérence serait-elle justifiée quand les États-Unis sont à la manœuvre ? C’est ce que suggère l’élection russe de 1996. À l’époque, Washington et ses alliés avaient pesé de tout leur poids pour sauver un président malade et discrédité… au nom de la démocratie.

En Inde, les « beaux jours » attendront (Naïké Desquesnes) : « En avril-mai, 850 millions d’Indiens doivent se rendre aux urnes pour élire les membres de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement, qui désignera le prochain premier ministre. Si le pays a connu début janvier l’une des plus puissantes grèves générales de ces dernières années, nul ne sait quel en sera l’impact sur les élections. »

Evelyne Pieillier reprend une réflexion de Michelet sur le peuple : « C’est avec la Révolution française que le peuple surgit — dans la rue et dans les discours politiques. Mais qu’est-ce que le peuple ? La nation, les masses populaires, la populace ? L’historien Jules Michelet ne dissipe pas les ambiguïtés, mais il exalte une figure idéale, porteuse de fraternité. »

Antoine Schwartz fait le bilan de l’euro, vingt ans après : « À l’été 2016, l’économiste américain Joseph Stiglitz publiait L’Euro. Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe,réquisitoire contre la monnaie unique en circulation dans dix-neuf des vingt-huit pays membres de l’Union européenne. Sa singularité ne tient pas tant à l’analyse des défauts structurels de l’euro (l’application d’une même politique monétariste à des pays aux économies hétérogènes) ni de leurs conséquences (pression à la baisse sur les salaires, faible croissance, chômage, austérité) qu’aux solutions proposées. »

Thomas Guénolé se demande si, face à Bruxelles, il faut oser le pari de l’insoumission : « Faut-il désobéir ? Et, si oui, comment ? L’ensemble de la gauche estime que les traités actuels interdisent une politique de progrès social. Ensuite, les stratégies divergent. Pour l’ancien ministre de l’économie grec Yanis Varoufakis, seul un mouvement transnational transformera l’Union. Candidat de La France insoumise, Thomas Guénolé juge indispensable, lui, la remise en cause immédiate des traités européens.

Un vent de révolte souffle des Balkans à la Hongrie (Jean-Arnault Dérens & Simon Rico ) : « Depuis le 8 décembre 2018, des dizaines de milliers de Serbes manifestent chaque fin de semaine contre le régime de M. Aleksandar Vučić. En Albanie, les étudiants font trembler le gouvernement social-démocrate de M. Edi Rama, tandis que la colère gronde dans la Hongrie de M. Viktor Orbán. Au-delà des différences nationales, les populations d’Europe centrale se mobilisent contre les mêmes politiques. »

Anne-Cécile Robert explique pourquoi en France la justice est transfigurée par les victimes : « Depuis toujours, l’intensité dramatique de certaines affaires criminelles défie la sérénité de la justice. Cette tension propre au procès pénal s’accroît avec la déification contemporaine des victimes. Le tribunal ne doit plus seulement sanctionner un coupable, il doit réparer les souffrances. Ce faisant, la victime devient procureur, les peines s’alourdissent mécaniquement. »

L’Alsace fait le pari de la route envers et contre tout (Véronique Parasote ) : « Avec la prise de conscience de la dégradation de l’environnement, de nombreux garde-fous et dispositifs d’expertise des grands projets ont été mis en place. Mais leur efficacité reste faible, car l’État peut s’en affranchir en toute impunité, comme le démontre le plan de contournement routier de Strasbourg. »

L’OTAN, pour Gabriel Robin, est un donjon d’un autre âge : « La position de la France à l’égard de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) pose deux questions qui, en réalité, n’en font qu’une : à quoi sert l’OTAN ? À quoi sert à la France d’être dans l’OTAN ? Ces questions peuvent être envisagées de trois points de vue. Du point de vue classique de l’histoire politique, les choses sont claires : l’OTAN ne répond plus à aucun des besoins pour lesquels elle avait été conçue, ni à aucune des utilités de substitution dont on a cherché à la doter après la fin de la guerre froide. Le pacte atlantique a été conclu en 1949 pour faire face à la menace soviétique. L’Union soviétique a disparu, et la menace avec elle. L’Alliance s’est doublée, après l’éclatement de la guerre de Corée, d’une organisation militaire intégrée pour dissuader l’Armée rouge d’envahir l’Europe de l’Ouest. Il n’y a plus d’Armée rouge, et l’armée russe campe plus de deux mille kilomètres plus à l’est. »

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