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Équateur : entre deux plantes, une pilule, Samuel Schellenberg.








Le Courrier, samedi 13 octobre 2007.


Dans les communautés indigènes de l’Amazonie équatorienne, la Croix-Rouge suisse encourage une bonne cohabitation entre médecine traditionnelle et occidentale.


Faiblement éclairé par quelques braises, dans la nuit sans lune, le chaman secoue frénétiquement un bouquet de feuilles vertes. La petite assemblée autour de lui boit l’ayahuasca, le breuvage hallucinogène traditionnel, et la cérémonie de purification peut débuter. En langue quechua, différents esprits sont appelés à la rescousse, pour un bilan final plutôt positif : seule une des personnes présentes souffre d’une quelconque maladie - en l’occurrence un léger malviento, attrapé sur le Rio Suno, lors du voyage en pirogue pour rejoindre la communauté de Runa Llacta. Une « indisposition » que les incantations répétitives du chaman ont balayé. Nous sommes en Equateur, dans la forêt amazonienne, à trois heures en véhicule tout-terrain et pirogue de la ville pétrolière d’El Coca, dans l’une des régions les plus pauvres du pays - en moyenne, 95% des habitants y vivent dans le besoin. Le village de Runa Llacta - les « gens de la terre », en quechua - ressemble à la plupart des lotissements indigènes locaux : il comporte un grand pré rectangulaire, entouré de cahutes en bois, protégées des bêtes de la forêt tropicale par des pilotis. Pas de commerces ou de bar mais une salle commune, pour les réunions et les fêtes, et une maison en briques qui fait office d’école. Et puis, au moins un chaman, qui soigne corps et âmes.


« Nous n’imposons rien »

Reste que depuis quelques années, les rites sorciers et autres décoctions à base de kilum kilum ou de paparawa ne sont plus les seuls à guérir les membres des communautés : grâce à la Croix-Rouge suisse (CRS) - et à son antenne locale RIOS, acronyme de « réseau international d’organisations de santé » -, la médecine occidentale côtoie désormais celle de la nature. « La règle est de ne rien imposer : nous nous mettons autour d’une grande table et nous discutons », explique Amà­lcar Albán, coordinateur national de RIOS. Car pas question de balayer d’un coup d’Imodium ou de vaccin contre la fièvre jaune les innombrables traditions millénaires amérindiennes : la démarche de RIOS se veut complémentaire et inclusive.

« Nous bénéficions d’une grande confiance, continue Amà­lcar Albán. Pas tous les chamans sont d’accord avec nous, mais au moins, ils nous respectent. » On s’en doute : convaincre ces personnages clés de la santé communautaire traditionnelle était une condition sine qua non pour assurer la réussite de l’opération. Ainsi, le chaman de Runa Llacta est par exemple conscient que certaines maladies ne se soignent qu’avec des médicaments occidentaux et qu’il faut donc solliciter l’aide d’un médecin.

Toujours est-il que les villes et leurs hôpitaux sont le plus souvent à des heures - voire journées - de bateau et de bus. Ainsi, RIOS a organisé des brigades de santé qui se rendent quatre fois par an dans plus de 160 communautés quechua et huaorani des provinces d’Orellana, Sucumbios et Napo, dans le nord-est amazonien. Elles sont composées de médecins et de dentistes, mais aussi de sages-femmes et autres promoteurs - ou promotrices - de santé. Formées par RIOS, ces personnes sont nommées par les communautés et exercent leur activité paramédicale de manière bénévole. En agissant à différents niveaux - prévention, coordination des brigades, gestion des pharmacies, etc. -, elles s’avèrent un point central de la stratégie adoptée par RIOS.


Un film pour patienter

A Cuchapampa, près de Nueva Loja et de la frontière colombienne, la salle communautaire est des plus agitées : en ce mercredi moite et étouffant de chaleur, une brigade fait précisément l’une de ses visites annuelles. Toutes les cinq minutes, un enfant hurle de toutes ses forces, alors qu’une seringue lui inocule un vaccin. Plus loin, la fraise du dentiste fait presque autant de bruit que les pleurs mais n’impressionne pas la petite Guadalupe, 10 ans, qui attend son tour sur un banc. « J’ai une carie, mais ça ne me fait pas peur », assure-t-elle en baissant ses grand yeux noirs. A côté, une vieux téléviseur présente un film d’aventure, pour que les enfants restent en place.

De l’autre côté de la salle, une tenture offre un minimum d’intimité au médecin Juan José Moreira, qui termine le contrôle de santé d’un couple avec cinq enfants. « Le père a dû se faire opérer du foie à Quito, c’était grave, explique le licencié de 24 ans. Il fallait s’assurer que les autres membres de la famille soient en bonne santé. Ce qui est heureusement le cas. »

Contrairement au personnel de RIOS, Juan José Moreira est payé par l’Etat, qui fournit aussi les vaccins, médicaments et le matériel qu’emportent les brigades. C’est grâce à l’impulsion de RIOS que les instances de santé provinciales et cantonales ont obtenu des rallonges budgétaires.

A Loreto, dans l’Orellana, le budget de la santé a carrément décuplé : de 80 000 dollars avant l’an 2000, il est passé à 800 000 dollars aujourd’hui, auxquels s’ajoutent 450 000 dollars d’origines diverses (notamment de la CRS). Une courbe qui n’est pas représentative de la réalité équatorienne, même si les choses pourraient changer : l’un des chevaux de bataille du président Rafael Correa, qui vient de s’octroyer une large majorité à l’assemblée constitutionnelle, est l’amélioration du système de santé.


Aussi à l’université

Reste que l’hôpital de la petite bourgade de Loreto met la barre très haut : avec ses 60 employés - contre 5 il y a dix ans -, il comporte un matériel de qualité et tente de faire cohabiter les systèmes de santé traditionnels et occidentaux. A côté de l’hôpital, une « maternité interculturelle » est même prête à accueillir les femmes enceintes des communautés indigènes, qui accouchent selon des traditions ancestrales (lire ci-dessous). « Sans RIOS, impossible de mettre sur pied une telle cohabitation », assure le docteur Alfredo Amores, de la Direction provinciale de santé, également coordinateur local de RIOS. Et Amà­lcar Albán de rappeler qu’« avant, la médecine indigène était carrément illégale. »

A la Direction nationale de la santé indigène, à Quito, la directrice Letty Viteri explique qu’aujourd’hui son département essaie de « faire accepter la médecine traditionnelle dans les universités du pays ». Afin qu’elle y soit enseignée en parallèle à la médecine occidentale.

A l’avenir, qui sait, les étudiants utiliseront peut-être l’ouvrage de référence coproduit ces dernières années par RIOS, qui décrit avec soin et détails quelque 200 plantes de la pharmacopée traditionnelle. Un livre qui fourmille de renseignements et fait la fierté de ses auteurs.



En Equateur, pour se distinguer de la Croix-Rouge locale, la Croix-Rouge suisse (CRS) réalise ses activités sous le nom de RIOS, acronyme de Réseau international d’organisations de santé. Un nom positifs : en espagnol, « rios » signifie « fleuves ».

Zone volcanique, l’Equateur n’est pas épargnée par les catastrophes naturelles. Lorsque cela arrive, comme en 2006 (éruption du volcan Tungurahua), la CRS apporte aussi des aides ponctuelles.

En Equateur, les dépenses publiques en faveur de la santé ne dépassent pas 2 % du PIB, contre 6,7 % en Suisse ou plus de 8 % en France.
Le nombre de décès maternels pour 100 000 naissances vivantes est de 130 femmes en Equateur (7 en Suisse).


Mini-pharmacopée

Quelques plantes ou vers qui vous veulent du bien.

Kilum kilum : herbe qui atteint 1 mètre de haut, avec fleurs blanches. Cicatrisant. Inciser sa branche et appliquer la sève sur la blessure.

Paparawa : grand arbre avec grandes feuilles et fruits comestibles. Soigne les abcès, tumeurs, problèmes de prostate et l’excès de graisse corporelle.

Asnak waranka : arbre qui atteint 20 à 30 mètres de haut. Guérit diarrhées, coliques, nausées, etc. Tailler un bout d’écorce, non sans avoir auparavant « réveillé » l’arbre et lui avoir demandé qu’il guérisse la maladie en question.

Gingembre : importé en Amérique latine par les jésuites, il s’est imposé depuis dans la pharmacopée indigène locale. Guérit divers problèmes d’estomac, la fièvre et les morsures de vipère. A mâcher ou presser, selon emploi.

Samuel Schellenberg, de retour d’ Equateur.


- Source : Le Courrier www.lecourrier.ch




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