
Au début du 20ème siècle, August Bebel, dirigeant des sociaux-démocrates allemands a dit : « Quand la bourgeoisie m’applaudit, je me demande quelle erreur j’ai bien pu commettre ».
C’est la question que doivent se poser non pas l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter et le professeur de droit Antoine Lyon-Caen coauteurs du livre « Le Travail et la loi » qui savent très bien ce qu’ils font, mais ceux qui les suivent.
Derrière l’argument choc d’un texte devenu trop « complexe », celui du Code du travail, se cache une opération Katioucha réclamée par le patronat depuis des années contre un fondement de l’état de droit : seul un socle minimal de droits serait garanti par la loi, le reste étant renvoyé aux accords collectifs.
Pierre Gattaz estime avoir rallié « deux grands personnages de gauche » à sa croisade contre le Code du travail.
Le gouvernement saute sur l’occasion d’instrumentaliser le propos des auteurs. Emmanuel Macron remercie les deux personnalités pour leur contribution à la mission d’écrire un « Code du travail simplifié ».
En quoi le droit social se trouverait-il simplifié par une usine à gaz de normes établies en fonction des branches professionnelles ou des entreprises ? Le gouvernement a déjà lancé le ballon d’essai en renvoyant la négociation des contreparties du pacte de responsabilité aux branches. Qu’y ont gagné les salariés ? Rien, et c’est une litote.
Même l’emploi, ce million d’embauches pourtant promis par le Medef, n’est pas au rendez-vous.
Badinter et Lyon-Caen tombent pourtant dans la facilité qui consiste à faire du Code du travail un obstacle à l’embauche.
Ce qui tarit la source de l’emploi est ailleurs : dans les carnets de commandes des entreprises asséchés par des années de crise et d’austérité, dans les banques qui préfèrent la spéculation à l’économie réelle, dans les politiques de régression sociale qui freinent la consommation, dans les profits qui remplissent les poches des actionnaires au lieu de favoriser les investissements.
Le Code du travail, lui, assume encore son rôle de protection du salarié dans le lien de subordination qui le lie à l’employeur. Malgré le nombre de pages qui le font grossir, cette fonction, sinon son nombre de pages, a déjà subi de multiples cures d’amaigrissement.
Le réécrire en défendant les droits établis et octroyant de nouveaux droits au monde du travail serait faire œuvre de salubrité publique..