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Bolivie : Coup d’État raciste contre ses peuples indigènes !

Que s’est-il passé en Bolivie ? Et s’il s’agit d’un coup d’État, que veulent et qui ciblent les putschistes ?

La réponse la plus claire et la plus autorisée à toutes ces questions est donnée par la protagoniste du coup d’État, la “présidente par interim” autoproclamée du pays Jeanine Añez quand elle twitte de la façon suivante ce qui semble être son désir le plus ardent : “Je rêve d’une Bolivie libérée des rites indigènes sataniques, la ville n’est pas pour les “Indiens”, il vaudrait mieux qu’ils aillent sur l’Altiplano ou au Chaco”. C’est à dire à la très haute montagne ou à la savane quasi désertique...

Encore plus éloquents que les paroles sont pourtant les actes qui ont suivi. C’est ainsi qu’on a vu Mme Añez arriver au palais présidentiel pour prendre ses fonctions présidentielles en brandissant triomphalement ...une énorme Bible au dessus de sa tête, tandis que le vrai cerveau du coup d’État, le raciste extrémiste de droite Luis Fernando Camacho et ses amis criaient “la Bolivie pour le Christ, Pachamama n’entrera plus jamais dans ce palais” ! Tout un programme si on pense que Pachamama est la Mère-Nature de ces peuples indigènes que les putschistes assimilent à... l’Antichrist.

Et pour qu’il n’y ait pas le moindre doute sur l’appartenance et les intentions des putschistes, pendant que ceux-la officiaient au palais présidentiel, leurs partisans brûlaient au centre de La Paz le drapeau-symbole des 36 nations originaires de Bolivie, la Wiphala rectangulaire aux sept couleurs promue par les gouvernements de Evo Morales au rang de drapeau officiel de « l’État Multinationale de Bolivie » ensemble avec son drapeau tricolore traditionnel. Le fait que tous ces « exploits » des putschistes font penser plutôt au Moyen Age et ne sont probablement pas compris par le lecteur européen, ne doit pas faire oublier qu’ils font partie intégrante du plus douloureux passée génocidaire de la grande majorité des habitants de Bolivie ! Et comme on voit se multiplier les témoignages sur les assassinats et les tortures de ceux qui résistent au coup, il n’est pas surprenant de voir et d’entendre les manifestants et surtout les manifestantes indigènes hurler que « aujourd’hui comme jadis, ils nous massacrent avec la Bible et l’épée » !... (1)

Ce “jadis” se réfère évidemment aux tristement célèbres Conquistadors espagnols qui ne se sont pas limités de “découvrir” et de convertir au christianisme un continent américain habité depuis des millénaires par des dizaines de millions d’indigènes aux cultures bien avancées, mais se sont employé à les exterminer dans ce qui reste jusqu’à aujourd’hui comme le plus grand génocide de l’histoire de l’humanité. (2) C’est exactement cette tradition raciste et génocidaire -qui s’est perpétué sans interruption durant cinq siècles- que veulent ressusciter aujourd’hui les “démocrates” néolibéraux comme Mme Añez, M. Camacho et leurs pareils, qui ne peuvent se faire à l’idée que les indigènes descendants des Incas puissent être autre chose que leurs domestiques et esclaves.

En d’autres termes, ce coup d’État constitue l’énième maillon dans l’interminable chaîne des massacres et autres répressions et humiliations réservées depuis des siècles par les colonialistes européens aux nations indigènes de Bolivie, mais aussi de toutes les Amériques du sud et du nord ! C’est à dire, ce coup d’état ne vise pas en priorité Evo Morales et son régime, mais quelque chose de beaucoup plus grand, important et essentiel : La très grande majorité des nations indigènes et leur lutte séculaire pour défendre leurs droits et leurs libertés démocratiques et nationales. Évidemment, le fait que ces dirigeants des ramassis racistes qui tuent, lynchent et incendient les maisons de leurs adversaires politiques, soient aussi des entrepreneurs et des grands propriétaires terriens n’est pas une simple coïncidence. C’est le bien utile rappel du fait que ceux d’en haut ont toujours utilisé le racisme le plus brutal et violent comme arme pour terroriser et soumettre ceux d’en bas...

Voici donc pourquoi la réponse des Aymaras, des Quechuas et des autres peuples originaires a été et reste prompte, massive et terriblement combative. A l’heure où nous écrivons ces lignes, pour le quatrième jour de suite des colonnes interminables des indigènes descendent à de La Paz de la ville de El Alto (plus d’un million d’habitants), laquelle semble se pencher au dessus de la capitale du pays du haut de ses 4.000 mètres d’altitude. Avançant en courant, agitant leurs Wiphalas multicolores, et brandissant des bâtons, les manifestants et les manifestantes indigènes, auxquels sont venus s’ajouter aujourd’hui des milliers d’autres paysans et des mineurs des 20 provinces et de l’intérieur du pays, arrivent de partout et remplissent le centre de La Paz, les milices paysannes des Ponchos Rojos en tête. Mais, à l’opposé de Morales qui depuis le Mexique multiplie les appels en faveur du « dialogue » et de la « pacification du pays », ces manifestants persistent à demander « la tète du fasciste Camacho » et la « renuncia » de Añez, tandis que tous ensemble répètent en chœur un mot d’ordre très éloquent : « Ahora si, guerra civil » (Maintenant oui, guerre civile) !

Il est impossible de prévoir quelle sera l’issue finale de ce terrible affrontement. Cependant, ce qui impressionne et est déjà une certitude c’est que les nations indigènes qui représentent la majorité de la population bolivienne, n’ont plus peur de leur oppresseur blanc, le regardent dans les yeux et se montrent décidées de tout faire pour faire échouer son coup d’état. Et c’est précisément parce que leur réaction est tant massive, tant unitaire, tant combative et tant décidée que les jours passent sans que la balance penche en faveur des putschistes racistes et de leurs protecteurs nord-américains, qui semblent perdre progressivement l’initiative qu’ils ont eu initialement. A l’heure où le Chili voisin est secoué par une révolte populaire sans précédent contre les politiques néolibérales inaugurées par la dictature sanglante de Pinochet et appliquées sans relâche depuis lors, la révolte des peuples de Bolivie vient compléter le tableau d’une Amérique Latine qui ressemble à un volcan prêt à exploser. Et ce qui est sûr c’est que jamais autant qu’aujourd’hui n’a été aussi patente l’actualité de la phrase historique de celui qui reste la principale référence des combats des indigènes boliviens, le dirigeant héroïque de la révolte démocratique et plébéienne de 1780 Tupac Katari lequel, peu avant d’être démembré par les tyrans espagnols, lançait cet avertissement prémonitoire : “Je reviendrai et je serai des millions” !...

Notes

1. On peut suivre (en direct !) les manifestations et les autres developpements importants en Bolivie grace a la chaine venezuelienne TELESUR. Pour ça il suffit soit capter Telesur qui emet à partir du satellite Astra, soit cliquer sur son site : https://www.telesurtv.net.

2. La persistance des épigones des génocidaires à garder vivant le souvenir du génocide et aussi la terreur qui l’accompagne, est illustrée par l’histoire suivante : Il y a un an et peu après avoir pris ses fonctions de président du Mexique, Andres Obrador a demandé officiellement à l’État espagnol qu’il présente ses excuses pour les crimes commis par les conquistadors espagnols contre les peuples d’Amérique Latine. A l’exception de Podemos, la réponse unanime des tous les partis politiques espagnols a été non seulement de rejeter la demande du président Mexicain mais de le traiter aussi de...provocateur. Cette réaction était pourtant tout à fait prévisible étant donné que l’État espagnol persiste à... honorer chaque année ses ancêtres génocidaires en faisant parader son armée devant le roi et les chefs de partis, le jour de la fête nationale de l’Hispanidad. Il n’est pas surprenant que cette fête nationale à l’honneur des génocidaires d’Amérique Latine ait été inventée et inaugurée en 1958 par le dictateur fasciste Franco...

15/11/2019

Traduit du grec

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COMMENTAIRES  

22/11/2019 13:11 par Monique Sanciaud

C’est un drame affreux qui se déroule dans une presque indifférence générale. La Bolivie, c’est si loin et puis Mélenchon n’était-il pas l’ami de Morales, tout ce qui touche à ce dernier est automatiquement déconsidéré, bien entendu.
Mais ce qui est vraiment dramatique et insupportable c’est de voir les descendants d’espagnols ou d’américains se déchaîner contre des peuples indiens, largement majoritaires en Bolivie et qui avaient pris le pouvoir, grâce à Morales. Les scènes d’ultra violence comme celle de cette alcaldesa battue, trainée par les cheveux (qu’on se hâte de lui couper), sur laquelle on urine et qu’on arrose de peinture rouge témoignent de cette haine recuite et de ce mépris fondamental que la bourgeoise "blanche" témoigne aux Indiens quels qu’ils soient en dépit du fait que (ou parce que) presque tous ont du sang indien dans les veines. ( Mais apparemment pas la Présidente autoproclamée qui arrive brandissant la bible des Evangélistes, autre bras armé contre les indigènes).
Même déchaînement de violence et de hargne contre le drapeau indien, la Wiphala, brûlée au centre de La Paz. Il est hautement symbolique que ce soient en priorité des femmes qui soient humiliées et agressées, les mères, visées, comme en Palestine car elles accouchent de "serpents" comme le disait une représentante israélienne, pour qui les Palestiniens ne sont même pas des hommes. C’est le cas ici, les indiens étaient considérés comme des bêtes de somme depuis la conquête espagnole, mais maintenant qu’ils avaient redressé la tête et recouvré leur dignité ils devenaient dangereux. D’autant plus dangereux que Moralés leur avait permis de s’instruire et que très peu d’entre eux sont analphabètes. Il est d’autant plus indigne de voir nos semblables maltraités par une soi-disant "élite" blanche qui veut rejouer la conquête avec l’appui - sinon à l’initiative - des Etats-Unis, ce peuple qui a toujours fait le maximum pour se débarrasser de ses peuples autochtones, puis des noirs, qui, heureusement, ont repris le dessus.
Avec ça voila que Mr Valls décrète qu’il n’y a pas eu de coup d’état en Bolivie. Un homme politique affirmant cela devrait être automatiquement discrédité. Ce qui démontre que la Bolivie est beaucoup trop loin pour qu’on s’émeuve du début de génocide perpétré là-bas par des paramilitaires fascistes. Mais ce qui est le plus inquiétant c’est que nos médias (excepté le Grand Soir et l’Humanité, bien sûr) ne pipent mot des grands rassemblements indiens en défense de leurs droits et exigeant le respect envers eux et la Pachamama. Soutenons-les contre les USA et contre leur oligarchie.Qui d’entre vous serait en mesure de porter plainte à l’ONU contre ce qui se passe là-bas ?

Monique Delhoume Sanciaud, auteure de " Marmontel, le regard d’un homme du dix-huitième siècle sur le Nouveau Monde, sa conquête et son évangélisation", prix Lavignette de l’Académie des Sciences d’Outremer

22/11/2019 22:12 par Bruno

@ Monique Sanciaud

Rassurez-vous, il y a longtemps que le dénommé Manuel Valls s’est largement discrédité, que ce soit en France lors de son sinistre ministère ou bien en Espagne où on le vit défiler - lors de la manifestation pro-monarchiste - avec les anciens franquistes !

En vous lisant - au delà des justes propos que vous soulevez sur la situation politique en Bolivie - je n’ai pas été plus étonné que cela d’apprendre que monsieur Valls ait apporté son soutien aux putschistes suprémacistes boliviens qui ont pris manu-militari le pouvoir en renversant le gouvernement légitime du président Evo Morales.

L’on peut dire que le type a une certaine cohérence politique qui va de la " Loi Travail" rebaptisée à l’époque " Loi pour l’Esclavage " jusqu’à son soutien du gouvernement fantoche de l’autoproclamée présidente Janine Añez. M.Valls est au final un militant d’extrême-droite plutôt cohérent et à l’inverse du triste sire, nous sommes nous aussi parfaitement cohérents. Nous avons hier politiquement combattu M.Valls jusqu’à son départ du gouvernement d’alors, comme nous devons combattre la néofasciste BCBG Janine Añez, qui ne représente qu’elle-même et une histoire d’esclavage putride antédiluvienne.

Le juste prix des choses serait qu’elle finisse en prison. Personnellement, je réclame un procès en bonne et due forme vis à vis de cette autocrate et déjà criminelle de son peuple. J’ai confiance, son sort est déjà joué. Le peuple bolivien ne va pas se laisser faire.

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