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Campagne présidentielle : la question du conflit israélo-palestinien dans la politique étrangère française

Lors de l’émission On n’est pas couché du 5 novembre dernier, au cours de laquelle Dominique de Villepin était invité à l’occasion de la sortie de son dernier livre sur la paix et la guerre (Mémoires de paix pour temps de guerre, Grasset (2016)), il a été longuement question de la diplomatie internationale, plus particulièrement de nos liens avec le Qatar et l’Arabie Saoudite accusés par beaucoup d’être à l’origine du djihadisme international. Ce même sujet a été abordé lors du dernier débat réunissant les candidats à la Primaire de la droite.

Or, alors même qu’il se développe dans la même région, le conflit israélo-palestinien n’a jamais été évoqué au cours de ces deux séquences télévisuelles. C’est pourquoi j’aimerais montrer en quoi la fin du pourrissement de la situation qui perdure depuis plusieurs années entre Israéliens et Palestiniens est une des clés du règlement des conflits dans la région.

La diplomatie contre le djihadisme

Fait connu de tous, les organisations djihadistes utilisent, parmi d’autres, l’argument de l’injustice faite au peuple palestinien par l’occupation israélienne dans leurs tentatives de recrutement de nouveaux adeptes.

Bien que la situation sur le terrain soit beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre le traitement médiatique habituel qui en est fait, les violations répétées, depuis plusieurs années, du droit international par le gouvernement israélien n’aident pas à contrecarrer la propagande djihadiste.

Sur ce sujet, la France ne peut bien sûr pas être décisive. Mais, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, elle a son rôle à jouer, afin de déployer une stratégie cohérente contre la montée du djihadisme international qui l’a si durement frappée ces deux dernières années.

C’est pourquoi le gouvernement actuel, bien qu’il pâtisse de nombreux échecs dans d’autres domaines, a eu raison de prendre l’initiative d’organiser la Conférence de Paris du 3 juin dernier pour la paix au Proche-Orient. Certes, rien de concret n’en est ressorti, alors qu’Israéliens et Palestiniens n’y ont même pas été représentés.

Jean-Marc Ayrault, l’actuel chef du Quai d’Orsay, a toutefois fait remarquer à cette occasion qu’il voudrait qu’on se serve de l’Initiative de « La Terre contre la paix » proposée en 2002 par la Ligue arabe comme base de règlement du conflit, au même titre que des résolutions de l’ONU ou de la feuille de route du Quartet pour le Moyen-Orient qui appuient toutes la solution à deux Etats. Pour rappel, Il s’agissait alors, en échange d’une reconnaissance mutuelle et d’une garantie donnée à Israël à l’existence par tous ses voisins arabes, de donner l’indépendance aux Palestiniens sur la base des frontières de 1967 tout en trouvant une « solution viable » sur le sort des réfugiés. Initiative rejetée par Israël alors. Mais cette position de la diplomatie française rappelle que la paix globale dans la région ne peut passer sans reconnaissance entre les Etats arabes et Israël.

Ainsi, la question des relations avec le Qatar et l’Arabie saoudite, partie prenante de la Ligue arabe, ne peut ne pas être liée à celle du conflit du Proche-Orient et donc aux diplomaties adoptés vis-à-vis des acteurs de celui-ci.

Le Qatar et l’Arabie Saoudite, des acteurs incontournables ?

Certains candidats à la Primaire à droite sont pour remettre à plat nos relations diplomatiques avec le Qatar et l’Arabie Saoudite, tout en leur demandant des comptes sur le soutien supposé qu’ils apporteraient au terrorisme.

Nonobstant l’interrogation sur la pertinence de cette proposition, et étant donné l’initiative française prise cette année sur le conflit israélo-palestinien, il aurait été intéressant que les électeurs entendent la position de ces candidats sur les liens qui pourraient être faits entre règlement du conflit israélo-palestinien et celui de l’affrontement chiite/sunnite, lequel est une des raisons profondes de l’embrasement de la Syrie, mais aussi de l’Irak et du Yémen.

Il ne s’agit pas de dire que des liens opérationnels existent entre les deux théâtres. La situation en Israël/Palestine fonctionne en vase clos. La guerre civile syrienne, bien qu’ayant lieu dans un pays frontalier, n’interfère par exemple pas dans la poursuite de la colonisation ou dans la vague de violence actuelle.

Seulement, l’Iran ayant réintégré la scène internationale depuis l’accord historique de l’année dernière, les puissances occidentales, dont la France, auraient intérêt à assurer un jeu d’équilibre entre les pétromonarchies avides de gros contrats et la puissance chiite aux besoins imminents en équipements en vue de sa modernisation permise par l’ouverture récente. En plus de défendre leurs positions dans un contexte de reprise timide de l’économie mondiale, elles gagneraient en crédibilité.

S’il fallait qu’il y ait un changement dans notre politique étrangère, il serait urgent de convaincre les puissances chiites et sunnites de participer ensemble aux conversations internationales travaillant à la paix israélo-palestinienne. Dans le même temps, il faudrait impulser une réelle montée en pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international, afin de les rendre plus réceptifs à l’invitation au dialogue, Arabie Saoudite et Iran en tête, lesquels viennent de rompre leurs relations diplomatiques.

Le cas contraire favoriserait le développement de l’épouvantail djihadiste malgré la défaite annoncée de Daesh. Tout simplement parce les affrontements entre chiites et sunnites, en se poursuivant et en s’intensifiant dans les zones où ils se côtoient (Yémen, Irak, Syrie, Liban, Est de l’Arabie Saoudite, Bahreïn) créeront ou permettront le développement de zones de radicalisation attirant à elles tous les djihadistes de l’Ancien monde.

Conclusion

Au vu des faits évoqués, la question du règlement du conflit israélo-palestinien doit être l’objet d’une impulsion nouvelle de la politique étrangère française.

La paix dans cette guerre vieille de près de sept décennies permettra d’enlever un argument de poids au recrutement de nouveaux djihadistes, tout en rendant crédible tout effort de paix visant à la réconciliation entre chiites et sunnites, et ce, pour ne pas laisser se développer d’autres endroits ressemblant à l’Etat islamique.

Encore faut-il en trouver le chemin. Un chemin de plus en plus tortueux à mesure qu’apparait, du fait de l’imbrication forcée de plus en plus poussée des peuples juif et arabe sur le terrain, qu’un Etat binational sera peut-être la solution la plus viable à l’avenir…

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COMMENTAIRES  

09/11/2016 12:00 par va savoir

La Russie a félicité Trump, ainsi que la Turquie, l’Iran, le Japon, la GBretagne ....
La diplomatie française démontre -une fois encore- son imbécilité devenue chronique en s’abstenant de le faire.

J’en conclus, à la lecture de votre article, que vous appelez à un changement de gouvernement ?
Parce que si "non", vous nous racontez un conte de fées !
De plus, j’ai la salade en aversion ; toutes les salades !

10/11/2016 10:30 par D. Vanhove

Votre conclusion adoucit quelque peu le reste de votre article, dans la mesure où l’on peut bien échafauder ttes sortes de plans pour les Palestiniens (Israël n’en a pas besoin, psq quoi qu’il fasse, il a le soutien affiché et inconditionnel des USA et de l’UE - qui tergiverse et ondoie constamment, mais dans les faits c’est la réalité -), il faudrait quand même prendre la température sur place et interroger les premiers concernés (je ne parle pas du gouvernement moribond de M. Abbas, mais bien du peuple) avant d’envisager ce qui serait bon pour eux...

Or, pour être allé à plusieurs reprises et rester en permanence en lien avec des acteurs de terrain, je peux vous assurer que rarissimes sont les Palestiniens qui croient encore à ce plan foireux des 2 Etats à la sauce occidentale... Ils n’ont pas besoin qu’on leur concocte des solutions à leur place, à travers des sommets aussi coûteux qu’improductifs (faut-il vous rappeler combien il y en a déjà eu... et pour quels résultats concrets sur le terrain ?!), et sont suffisamment mûrs et politisés que pour savoir ce qui leur convient le mieux...

Et, précisément, en dialoguant avec eux et en prenant le temps de les écouter, les Palestiniens sont bien conscients qu’il ne peut y avoir qu’un seul Etat binational et ouvert à n’importe qui, comme dans tous les Etats modernes du monde....

Il faut donc arrêter de soutenir des sommets et conférences que nous orchestrons pour organiser cette région comme nous l’entendons et nous adresser aux acteurs directement concernés. Ils sont suffisamment intelligents que pour savoir ce qu’il y aurait lieu de faire, dès l’instant où ils pourraient compter sur notre objectivité à l’égard d’Israël, ce qui est tout l’opposé au stade actuel où n’importe qui peut voir à quel point nous appliquons une justice à géométrie variable en fonction de ce qui nous convient le mieux !

13/11/2016 05:36 par alain harrison

Autrement-dit, un seul pays pour les juifs et les palestiniens avec un pouvoir politique partagé !
Si j’ai bien compris !

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