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Ce n’est pas la Chine qu’il faut craindre, mais l’Occident. (The 4th Media)

André Vltchek, natif de Léningrad (Saint-Pétersbourg) est un romancier, cinéaste, journaliste, photographe, conférencier international et analyste politique états-unien.
Il est interviewé sur la Chine, l’Amérique latine et l’impérialisme par Adam Chimienti, enseignant et doctorant à New York. (Note du GS).

Adam Chimienti : la croissance de la Chine, après 1978, est sans doute la plus grande réussite économique de l’histoire, sortir des centaines de millions de la pauvreté et leur donner accès à certaines infrastructures plus modernes et les technologies de pointe, le tout réalisé d’une manière largement pacifique, chose que ses partisans sont prompts à souligner. Cependant, beaucoup sont restés dans la pauvreté, tandis que la pollution et les inégalités sont devenus des problèmes majeurs. Comme l’Etat est étroitement impliqué dans cette remarquable transformation, qu’espérez-vous voir de la part du gouvernement chinois au niveau national au cours de la prochaine décennie ?

Andre Vltchek : Comme vous l’avez souligné, ce n’est pas seulement la croissance économique qui compte. Sortir des centaines de millions de la pauvreté est ce qui fait de la Chine un pays socialiste qui a réussi. Et c’est vrai pour la croissance économique qui n’est comparable qu’à celle de l’Union soviétique entre les deux guerres mondiales.

Plus la Chine remporte de succès, plus la propagande occidentale est virulente et pernicieuse. Son principal objectif est très clair : mettre dans l’esprit des gens à travers le monde que si la Chine réussit, c’est parce que ce n’est plus vraiment un pays socialiste. Et si elle est socialiste, alors elle échoue dans de nombreux domaines. La réussite d’une nation socialiste est le pire des scénarios pour les fabricants de l’hégémonie occidentale mondiale. Les propagandistes occidentaux préfèrent faire ressortir les inégalités et la pollution en Chine pour la discréditer.

Il y a à peine trois décennies, la Chine était très pauvre ; pauvre et largement inégalitaire. Ensuite, elle s’est lancée dans une croissance vertigineuse et la nation tout entière en a grandement bénéficié : Est et Ouest, les villes et les zones rurales. Certaines régions ont bénéficié plus que d’autres et plus rapidement, mais tout le monde en a bénéficié dans une certaine mesure non négligeable. La Chine est passée à une économie mixte, ce qui permet à certaines personnes de s’enrichir par le commerce et d’autres activités. Cela ne signifie pas, bien sûr, qu’elle a cessé d’être socialiste. Son développement est planifié. Toutes les industries clés sont entre les mains de l’Etat, ainsi que l’éducation et la défense.

En ce qui concerne la pollution, voilà une autre farce. Même l’ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore a clairement admis dans son livre Une vérité qui dérange que la Chine pollue moins que les nations occidentales et qu’elle a des lois beaucoup plus sévères. Mais la propagande occidentale calcule en chiffres absolus, et non sur une base par tête d’habitant. Le volume par habitant est la seule façon honnête de calculer la pollution, et selon ce calcul, tous les pays de l’UE, pour ne pas mentionner les Etats-Unis, polluent plus que la Chine !

Il est également très utile de comparer les efforts environnementaux de la Chine avec d’autres pays ayant un niveau de développement similaire, comme l’Indonésie ou les Philippines. Alors que le chouchou turbo-capitaliste de l’Ouest, Jakarta [Indonésie], s’étouffe avec aucun moyen de transport public et presque pas de zones vertes, les grandes villes chinoises, dont Beijing, construisent des dizaines de lignes de métro ultra modernes et écologiques, des parcs et les lieux d’exercice physique gratuits pour leur citoyens. La Chine possède le réseau ferroviaire la plus rapide, la plus longue et la plus efficace au monde et le mode de transport inter-urbain le plus écologique. Elle interdit tous les modes de transport inefficaces comme les scooters, construit des pistes cyclables et des trottoirs énormes pour encourager la marche à pied et décourager l’usage des voitures.

Si vous allez dans les campagnes, même les villages les plus reculés ont des panneaux solaires et les infrastructures de base qu’on ne peut trouver que dans les pays riches.

Mais la propagande occidentale ne s’intéresse pas aux faits. Elle repose principalement sur un pilier : l’ignorance. Ceux qui visitent la Chine périodiquement (sauf s’ils sont payés pour ne pas voir et ne pas commenter) voient comment la réalité de la RPC (République Populaire de Chine – NdT) diffère de la propagande des médias de masse occidentaux.

AC : Beaucoup de savants occidentaux rejettent la rhétorique chinoise sur l’équilibre, l’harmonie et les avantages mutuels et considèrent la croissance de la Chine comme rongée par la corruption et les visées expansionnistes. Par ailleurs, Joseph S. Nye a récemment fait remarquer que la « puissance douce » (ie « soft power », le pouvoir par la culture et l’influence politique et économique - Ndt) de la Chine n’est pas efficace (du moins en dehors de l’Afrique et l’Amérique latine), car elle repose sur le contrôle de l’Etat et la propagande, plutôt que sur la libération du pouvoir de sa société civile. Comment pensez-vous que les dirigeants chinois les plus influents considèrent ces jugements ?

AV : Beaucoup de savants occidentaux sont formés et payés pour rejeter la vérité au sujet de la Chine, comme ils ont été payés pour déformer la vérité à propos de l’Union soviétique. Eduardo Galeano m’a un jour décrit ces gens : « On ne sait pas qui les paie, et ils ne le diront pas’.

Rappelez-vous que la « société civile » en Chine, Ukraine, Russie, Asie du Sud et de nombreux autres endroits, y compris au Venezuela et à Cuba, n’est qu’une couverture pour les groupes d’intérêts pro-occidentaux, souvent directement payés pour détruire les pays rebelles et les placer sous influence de l’Occident. Les ONG sont souvent synonymes d’organisations destructrices et entièrement financées par l’Ouest, visant à diviser et briser le pays. Et non seulement les ONG, bien sûr. Il suffit de faire quelques recherches simples sur des gens comme le Dalaï Lama ou Ai Weiwei - qui les paie, qui servent-ils ? Mais vous n’avez pas besoin d’aller très loin [l’interview se déroule en Amérique latine – précision du traducteur], il suffit de regarder les nombreuses ONG et « sociétés civiles » au Venezuela ou en Bolivie.

La corruption a en fait culminé avec le colonialisme et l’impérialisme occidental. Des nations entières et leurs élites ont été contraintes de collaborer avec les colonialistes. Comme un professeur à Cuzco, au Pérou, m’a dit une fois : « Avant que les Espagnols n’arrivent et nous dépouillent de tout, nous n’avions aucune idée de ce qu’étaient vraiment le vol, l’assassinat et la corruption. » La corruption est quelque chose que l’Occident soutient et même implante. Il suffit de lire John Perkins [les confessions d’un assassin financer - NdT], et comment lui et ses copains ont été formés par le département d’État des États-Unis pour noyer des pays comme l’Équateur et l’Indonésie dans une dette impossible à rembourser, en utilisant « l’argent, le sexe et l’alcool, » pour corrompre les gouvernements.

Dans le passé, la Chine a été ouverte par la force, pillée, violée et humiliée par les puissances occidentales. La corruption a été implantée. Elle se bat maintenant pour en finir avec ces habitudes imposées de l’extérieur. Soyons vraiment sérieux et examinons l’histoire. [Les Chinois appellent en fait la période 1839-1949, le siècle de l’humiliation (百年 国耻), en référence au traitement violent dont la Chine a souffert sous les puissances coloniales japonaises et occidentales.] Voulons-nous vraiment laisser une organisation basée à Berlin nous dire ce qu’est la corruption et comment elle est importante dans différents pays ? Si vous les laissez faire, ils vous diront que le Vietnam communiste est plus corrompu que la fasciste Indonésie – une idiotie complètement mal informée ! Il est temps que le monde utilise ses propres concepts et critères, en dehors de ceux dictés par l’Occident. Il est temps de décoloniser nos esprits !

Pour prouver à quel point la propagande occidentale est malveillante et sélective, on nous parle de corruption uniquement à propos de la Chine, mais pratiquement jamais de la corruption vraiment terrible dans les pays que l’Ouest considère comme ses alliés, comme les Philippines, l’Inde, l’Indonésie, etc

Et que dire de la corruption en Occident même ? Qu’en est-il du néo-colonialisme, le pillage partout dans le monde, réalisé par les Etats-Unis et les pays européens ? Comme je le montre dans mon dernier livre, Conversation with Noam Chomsky, l’Occident a assassiné quelques 55 à 65 millions de personnes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, depuis Hiroshima. Assassinées directement, plus des centaines de millions tués indirectement. Toute cette terreur était accompagnée par le renversement d’un grand nombre de gouvernements progressistes, le sabotage secret d’économies indépendantes, et le financement de gangsters les plus éhontés pour tuer des gens décents. N’est-ce pas le plus haut niveau de corruption ? Je veux en parler. Je veux qu’on en parle, de savoir si ces pays responsables de telles horreurs devraient même être autorisés à être membres de la communauté internationale, à moins qu’ils ne se repentent et se réforment entièrement, en jurant d’appliquer la transparence ! C’est de ça dont nous devrions discuter maintenant, pas de la corruption en Chine !

La propagande est presque risible. La propagande occidentale est beaucoup plus efficace et sophistiquée, elle s’appuie sur des siècles de contrôle violent sur le monde, elle fait partie du colonialisme. Après avoir vécu sur tous les continents, je crois que l’Occident est la zone géographique et culturelle la moins éclairée. Elle est pleine d’autosatisfaction et d’arrogance, mais complètement ignorante du reste de la planète qu’elle a ruinée et pillée pendant des siècles. Dans son dogmatisme et son pharisaïsme, elle ressemble aux Talibans, ses anciens alliés.

Les Chinois connaissent beaucoup mieux la culture occidentale, les différents systèmes économiques et les modes de vie, que ceux qui se reposent sur les médias occidentaux ne connaissent la Chine. A part les mensonges négatifs et insultants sur la Chine, les gens en Europe et même en Amérique latine (car ils passent encore par des sources d’information occidentales ) ne savent pratiquement rien sur la Chine. Il suffit d’effectuer un petit test concret : combien de personnes connaissez-vous avec un diplôme universitaire à Berlin, Rome, Caracas ou Quito qui pourrait nommer au moins un grand compositeur de musique chinois, ou un acteur d’opéra chinois, ou un poète contemporain ? Et rappelez-vous que nous parlons sans doute de la plus grande culture sur terre ! Tout ce qu’ils connaissent, c’est Ai Weiwei, ce chouchou de la propagande occidentale, ainsi que différents fous religieux parrainés par l’Occident. C’est triste !

AC : Pouvez-vous comparer cette perception des élites occidentales avec l’absence de toute introspection véritable des dirigeants et élites américains sur le rôle de leur pays dans le monde, la doctrine du champ de bataille mondial, l’échec total sur les questions environnementales et l’économie durable, un gouvernement de plus en plus contrôlé par les entreprises via des interprétations officielles que les entreprises doivent être considérées comme des personnes à part entière [avec les mêmes droits - NdT], les banques qui prennent d’énormes risques et agissent en toute impunité, impunité garantie par les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, etc ?

AV : Bien sûr, c’est tellement évident. Mais tout d’abord, il ne s’agit pas uniquement des Etats-Unis, qui n’est rien de plus qu’une version vulgaire de la terrible culture coloniale européenne qui a assassiné des centaines de millions de personnes.

L’Occident étouffe le reste du monde économiquement, idéologiquement et culturellement. Plus il injecte du nihilisme, plus il rend impuissant, plus il lave de cerveaux, et plus il essaie de détruire et d’humilier et de discréditer ces grands et fiers pays qui s’opposent à son fascisme, y compris Cuba, le Venezuela et la Chine.

C’est une véritable approche de type mafieux, c’est du banditisme. Vous venez, vous violez, vous assassinez, vous pillez un village entier, une ville entière ... et puis vous commencez à prêcher sur les droits humains et la pollution.

AC : Au cours de ses 100 premiers jours, Xi Jinping a fait de la diplomatie l’axe principal de son mandat. Son premier voyage a été pour la Russie et il a beaucoup voyagé depuis. Il a également exprimé son grand estime pour le partenariat des BRICS, et promeut la coopération sur des projets plus importants. A votre avis, est-ce que la promotion par la Chine d’un monde multipolaire est un véritable objectif ?

AV : Oui, il est très sincère et très important. La Chine est très intéressée à forger des alliances au sein de l’Amérique latine, avec la Russie et, plus récemment encore avec l’Inde. Ce qui est, bien entendu, totalement discrédité en Occident.

Prenez l’Inde, par exemple. En fait, le premier pays visité par le Premier ministre Li Keqiang à son nouveau poste cette année fut l’Inde. On pourrait le considérer comme une main tendue à la deuxième nation la plus peuplée du monde. Alors que de nombreuses figures intellectuelles de premier plan en Inde ont accepté ce geste, certains médias pro-occidentaux ont immédiatement commencé à bombarder le public avec des titres comme ’peut-on faire confiance à la Chine ?’ Ils étaient clairement en phase avec la BBC et autres croisés de la propagande occidentale, qui affichent régulièrement des titres outrageusement racistes comme ’Peut-on respecter la Chine ?’

En fait, le 18 mai 2013, l’hebdomadaire « Economic & Political Weekly » en Inde a publié un commentaire brillant et révélateur d’Atul Bhardwaj, « La Relation Sino-Indienne », qui résume cette question dont nous débattons :

« L’Inde s’est piégée elle-même dans une matrice anti-chinoise mise en place par les Etats-Unis. Cela a conduit à une situation où l’armée est en train de hausser le ton pour avoir son mot à dire sur la politique intérieure et étrangère et exerce des pressions agressives sur le gouvernement civil. A moins que l’Inde n’abandonne ses aspirations à atteindre le statut de grande puissance et, au contraire, poursuive une politique étrangère qui s’appuie sur la coopération et les puissances asiatiques, elle continuera à servir de chair à canon pour les objectifs stratégiques de l’Occident. »

Mais le seul angle d’analyse autorisé par les grands médias (de masse) partout dans le monde est « Peut-on faire confiance à la Chine ? », tout comme, bien sûr, il est strictement interdit de se demander si tout être sain d’esprit doté d’une conscience peut vraiment faire confiance à l’Occident et ses alliés. (Est-ce que le Royaume-Uni doit être respecté, après avoir ravagé la moitié du globe en tant qu’empire et terrorisé en permanence le monde sous le commandement de son cher leader outre-atlantique ?)

Un monde multipolaire est essentiel pour la survie de l’humanité et la Chine le sait, elle comprend. Ceux qui ne le comprennent pas sont ceux qui font partie de l’Occident, ainsi que ceux que l’Occident a réussi à endoctriner.

L’alliance entre la Chine et la Russie est essentielle, car elle défend les faibles et sans défense à l’ONU et ailleurs. L’alliance entre la Chine et l’Amérique latine est absolument vitale pour tout changement positif dans le monde. Ce sont deux des plus grandes régions du monde qui résistent à l’hégémonie occidentale, deux régions du monde qui sont fiers de choisir leur propre voie. Dans le passé, les deux ont été violées et pillées, les deux ont été détruites pour des siècles à venir. Toutes deux ont une nature merveilleuse et paisible aujourd’hui. Elles doivent mieux se connaître et collaborer davantage pour défendre les intérêts des uns et des autres. Notre survie dépend désormais de cette coopération.

Mon collègue et ami en Chine, Hu Andy (rédacteur en chef du média progressiste April Media et ancien rédacteur en chef adjoint de China Daily) ont également voulu se prononcer sur ce point :

« Je ne connais personne au sein de la direction à Beijing qui croit ne serait-ce que vaguement au concept d’expansionnisme. Sur le plan diplomatique, la Chine se bat pour préserver ce qu’elle appelle « les opportunités de développement » depuis le soubresaut de 1989. En effet, tous ses efforts diplomatiques résultent et tendent vers cet objectif. De la même manière que la stabilité intérieure est importante pour le progrès, la stabilité régionale pour la Chine est essentielle pour le développement mutuel entre les peuples de l’Extrême-Orient. Pour un pays de 1,4 milliards de personnes qui possède des frontières avec quatre Etats nucléaires (Russie, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord), un État défaillant (Afghanistan), un état qui échappe à tout contrôle (Mongolie) et un voisin socialiste avec qui elle a à la fois combattu avec et contre (Vietnam), le partenariat et la coopération ne sont pas seulement des stratégies, mais aussi une nécessité concrète. En d’autres termes, il serait impensable pour la Chine de ne pas favoriser de bonnes relations avec d’autres pays et soutenir un monde multipolaire ».

AC : Les « retournement » des Etats-Unis vers l’Asie est souvent présenté comme une sorte de nouvelle orientation générale de la politique étrangère de l’administration Obama. Elle s’accompagne d’une lutte de pouvoir sur les lignes maritimes et territoires insulaires en litige, et comporte, par exemple, un renforcement des relations entre les Philippines et l’armée américaine. Est-ce que Beijing croit dans les paroles conciliantes de l’administration Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry lorsqu’il a employé le terme « relation spéciale » et a exprimé sa volonté de s’adapter à la grande montée en puissance de la Chine ?

AV : La terreur que l’Occident a répandu à travers le monde depuis des siècles est inimaginable.

La malveillance avec laquelle les États-Unis ont traité les asiatiques n’est comparable qu’à la hargne qu’ils ont montré pour les latino-américains.

L’administration Obama est aussi arrogante et violente que les administrations précédentes. Elle entraîne l’Asie au bord d’un énorme conflit, et certains disent à la Troisième Guerre Mondiale. Elle provoque et isole la Chine, la traite avec mépris, racisme et agressivité. Washington provoque ouvertement les conflits sur les îles Spratly, comme je l’ai expliqué dans « Comptes-rendus de Manille ». D’éminents universitaires là-bas m’ont expliqué que le conflit n’est pas naturel et a été implanté de l’étranger.

L’Occident en général, et les Etats-Unis en particulier, n’ont qu’un seul objectif en Asie. C’est le même objectif qu’ils ont eu tout au long des siècles passés : contrôler la région, l’exploiter, l’asservir.

La Chine est détestée principalement parce qu’elle est la seule puissance asiatique véritablement socialiste. Parfois, je pense qu’elle est détestée même par beaucoup de « progressistes » occidentaux parce qu’ils ont échoué dans leur propre pays, et qu’ils ne peuvent accepter que le plus grand pays asiatique soit réellement capable de construire son propre modèle socialiste, avec beaucoup plus de succès que ce qu’ils auraient pu rêver. Ne croyez pas qu’il n’existe pas de bonne dose de racisme dans tout cela. Un intellectuel occidental vivant au Venezuela, qui soutient pleinement El Proceso, [le modèle socialiste bolivarienne du Venezuela] m’a dit une fois : « Je déteste la Chine. » J’ai demandé : « Pourquoi ? Avez-vous déjà été là-bas ? » La réponse a été : « Non, et je ne veux jamais y aller ! Je déteste. » Cette personne est maintenant très influente, et je vais donc éviter de révéler son nom pour éviter tout embarras.

« Diviser pour régner », la vieille approche britannique, est pleinement mise en œuvre, par l’exploitation et l’alimentation d’anciennes rivalités comme celles entre l’Inde et la Chine, le Vietnam et la Chine, et le Japon et la Chine et la Corée du Nord. Et des rivalités nouvelles et ridicules comme celle entre les Philippines et la Chine sont fabriquées.

Les Latino-Américains savent très bien à quel point le colonialisme et le néo-colonialisme sont brutaux. Mais même les souvenirs les plus douloureux de l’impérialisme yankee du 20ème siècle ne pourront jamais rivaliser avec l’horreur que le continent asiatique a dû endurer et les actes de pure terreur venus de l’Ouest.

Ces millions brûlés vifs par les tapis de bombes sur le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Ces civils tués dans les tunnels de la Corée du Nord. Des 2 à 3 millions d’Indonésiens (y compris ceux appartenant à la minorité chinoise) tués avec le plein appui de l’Occident en 1965, seulement parce que le pays voulait suivre sa propre voie, ce qui n’est pas sans rappeler le Chili d’avant 1973. Et ce génocide, cet assassinat en masse, était en fait un prélude à ce qui allait mis en œuvre plus tard au Chili et ailleurs. L’Indonésie continue d’être un formidable laboratoire, une expérience sur des êtres humains, qui sont entièrement dépouillés de culture, de lieux publics, en fait de tout ce qui est « public ».

En Asie, l’Occident soutient des dictatures les plus horribles, depuis les Khmers rouges jusqu’aux dictatures fascistes en Corée du Sud, Indonésie, Philippines, Thaïlande, etc

Est-ce que Beijing croit aux paroles conciliantes ? Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni se mêlent dans les affaires intérieures de la Chine, du financement et de la formation d’une « opposition » chinoise, se livrent à un lavage de cerveau et d’endoctrinement de Chinois à travers la propagande la plus venimeuse, alors qu’ils tentent de briser la voie socialiste de la Chine et qu’ils poussent l’ensemble de la région vers la guerre ?

AC : Deux développements très importants au cours du 21e siècle sont les suivants : 1) la montée et l’intégration des pays d’Amérique latine, avec plusieurs pays de la région qui connaissent une croissance considérable et ce sous des gouvernements de gauche, avec une conscience sociale et 2) une Chine de plus en plus confiante et économiquement dynamique qui s’affirme dans la communauté internationale. Le rôle de la Chine en Amérique latine et en Afrique est difficile à saisir dans toute son ampleur et des universitaires et des journalistes interprètent souvent mal ces régions, et la Chine elle-même, comme des entités monolithiques. Ce qu’ils ne sont manifestement pas. Comment interprétez-vous la vitesse et l’ampleur de l’influence de la Chine dans ces régions dans leur ensemble ?

AV : C’est à l’évidence le pire scénario de cauchemar pour l’Occident. Et le meilleur qui puisse arriver aux deux régions du monde que vous avez mentionnées.

La Chine est une culture très ancienne et très paisible, dans son essence.

Alors que l’Afrique a été pillée pendant des siècles par les colonisateurs européens, tandis que les despotes comme le roi Léopold de Belgique massacraient des dizaines de millions d’Africains, tandis que les Britanniques avaient construit là-bas les premiers camps de concentration au monde, et que les Français et les Britanniques réduisaient des millions à l’esclavage, transformant des êtres humains en marchandises, se réservant le droit, en Afrique et au Moyen-Orient, de « bombarder ces nègres », selon les mots de David Lloyd George, premier ministre de l’Angleterre (1916-1922). Pendant ce temps, les Allemands et d’autres commettaient des génocides.

Dans le passé, la puissance bien plus avancée qu’était la Chine est arrivée en Afrique avec des navires chargés de cadeaux et de scientifiques. Ils ont accosté à plusieurs reprises sur les rivages de ce qui est aujourd’hui le Kenya, ils ont échangé des cadeaux et ont documenté la vie des sociétés sur ces rivages, puis ils sont ensuite rentrés chez eux. Ils sont venus pour visiter et apprendre ! Une telle approche est inimaginable pour les puissances occidentales avides et despotiques.

AC : Plus précisément, la Chine est considérée comme une dangereuse menace, non seulement à ce qui reste de l’hégémonie américaine, mais aussi aux anciennes colonies qui ont été victimes de la malédiction de détenir des ressources naturelles. Qu’en pensez-vous ?

AV : Je ne suis pas d’accord. Menace pour l’hégémonie occidentale, oui, certainement. Pas seulement pour l’hégémonie américaine, car les Européens, les Australiens et d’autres sont souvent encore plus violents que les Nord-Américains, particulièrement en Afrique. Mais pour les « anciennes colonies », certainement pas !

En ce moment, il y a deux génocides horribles qui se déroulent autour des ressources naturelles. Un se déroule dans la République Démocratique du Congo pour le coltan, les diamants, l’uranium et l’or. Le Rwanda et l’Ouganda sont en train de piller le Congo pour le compte des entreprises et des gouvernements occidentaux. Entre 6 et 10 millions de personnes sont déjà mortes. Il s’agit du plus gros bain de sang depuis la terreur américaine en Asie du Sud-Est. Il s’agit d’une affaire purement occidentale ! J’ai travaillé 4 ans sur le sujet et mon film Rwandan Gambit vient d’être achevé. Je connais donc bien le sujet.

En tant qu’expert sur l’Indonésie, je sais aussi ce qui se passe en Papouasie. Là, l’Occident soutient pleinement l’occupation indonésienne, le massacre de masse de la population locale, et bien sûr, l’horrible pillage. Encore une fois, ce sont les entreprises occidentales et les intérêts occidentaux qui sont impliqués.

Malédiction ou non, ceux que vous avez défini comme les « anciennes colonies », ont besoin des revenus de leurs ressources naturelles. Mais ils ont besoin d’un bon accord commercial, un accord honnête et juste.

De ce que j’ai vu en Afrique et ailleurs, c’est certainement ce qu’ils obtiennent de la part de la Chine. On y trouve de nouvelles infrastructures, des écoles, des centres de santé, etc

AC : Beaucoup de groupes environnementaux et autochtones dans les pays d’Amérique du Sud comme l’Équateur, le Pérou et la Bolivie considèrent l’engagement chinois comme un développement potentiellement dévastateur. Ils craignent que le rôle de la Chine comme partenaire majeur dans le commerce et le développement des infrastructures provoquera inéluctablement la corruption au niveau local et national. Pourtant, les entreprises chinoises démontrent une capacité à tout au moins prendre en considération les préoccupations locales. Comme quelqu’un qui a passé beaucoup de temps à couvrir l’Amérique latine et les populations les plus marginalisées, que pensez-vous de ces craintes et des tentatives de la Chine de maintenir des relations qui profitent à toutes les parties concernées ?

AV : Oui, c’est toujours « potentiel ». Cependant, toutes ces craintes au sujet de la Chine ne sont jamais basées sur quelque chose de rationnelle, de documentée, ou fondée. C’est génial la façon dont la propagande occidentale parvient à diaboliser le pays le plus peuplé du monde simplement par la spéculation.

J’ai écrit à ce sujet plus tôt cette année. Je vois la peur de la Chine comme irrationnel et souvent ouvertement raciste.

En Amérique latine, je vois souvent que la seule raison pour laquelle il y a de la peur est à cause de ce qui est dit dans les médias, et les médias sont souvent financés et contrôlés par l’Occident. Il faut que nous ayons peur de la Chine, parce que la Chine est une nation asiatique et malgré le fait que l’Amérique latine a été violée, pillée et massacrée par l’Europe et les États-Unis, il y en a encore qui pensent, aussi incroyable que cela puisse paraître, que l’Europe et États-Unis sont toujours moralement dignes pour gouverner le monde.

J’ai vu la Chine en action en Océanie, en Afrique et ailleurs. J’ai toujours été impressionné. Les Chinois ont un cœur, un cerveau et une discipline.

Permettez-moi de partager avec vous une histoire qui s’est déroulée en Afrique. Une société d’État chinoise a construit une route entre Nairobi et la côte. J’y suis allé en voiture là-bas avec mon bon ami, un député local, et nous avons parlé aux travailleurs. Ils aimaient tous la Chine et ont dit « ils ont été traités pour la première fois comme des êtres humains, par des étrangers. Ils étaient payés 3 fois plus que ce qu’ils attendaient, mais ce n’était pas ça. Ils n’ont pas été réprimandés ou punis, on leur a plutôt expliqué les choses, ils ont été formés. Mais quelqu’un a contacté les médias locaux et un barrage habituel d’attaques a suivi. Savez-vous de quoi les ingénieurs et les travailleurs chinois ont été accusés, entre autres choses ? D’éviter les services de prostituées locales ! Aux yeux de la propagande occidentale et de ses collaborateurs, la Chine ne peut tout simplement rien faire correctement.

Il suffit de lire Les Veines ouvertes de l’Amérique latine d’Eduardo Galeano et de comparer cela aux actions concrètes de la Chine. Avez-vous réellement peur des Chinois, ou cette peur vient-elle d’ailleurs ?

AC : Patrick Bond, professeur sud-africain et auteur de Politics of Climate Justice, a écrit plus tôt cette année, « le modèle destructeur de l’environnement, orienté vers le consumérisme, sur-financé, un modèle de mal développement et déstabilisateur du climat des pays du BRICS fonctionne très bien pour les profits des sociétés, mais le modèle génère des crises pour 99% de la population et pour la planète. » Il a également écrit un article avec Khadija Sharife, un journaliste d’enquête sud-africain, qui a soutenu qu’ « Au lieu de soutenir la Banque du Sud du défunt Hugo Chavez, une stratégie financière véritablement contre-hégémonique aurait été préférable pour les BRICS. L’idée a été repoussée, car les élites BRICS veulent apparemment une institution sans traces d’idéaux de développement plus progressistes. » Votre réaction à ces accusations ?

AV : Nous voulons tous vivre dans un monde idéal, n’est-ce pas ? Mais parfois nous devons prendre en considération la nature humaine.

Le BRICS n’est pas une entité monolithique. L’Inde est une partie féodale, semi-fasciste du monde, elle est impitoyable. La Chine est un pays socialiste, peu importe ce que dit la propagande occidentale. Le Brésil essaie d’en être un, tout en cherchant à apaiser ses puissantes élites. L’Afrique du Sud cherche sa propre voie et je crois qu’elle va la trouver, bientôt. La Russie a un cœur socialiste mais une économie capitaliste.

J’ai admiré Hugo Chavez depuis le début. Je soutiens son approche dans de nombreux domaines, y compris la Banque du Sud. Mais je soutiens également le socialisme pragmatique à la chinoise. Je voudrais combiner les deux idées, comme je voudrais voir la Chine et l’Amérique latine devenir deux grandes alliées, et offrir une source d’inspiration au reste du monde.

AC : Je ne sais pas si vous connaissez bien le gouvernement de Correa mais il y a eu une réduction impressionnante du taux de chômage et du taux de pauvreté, un certain nombre de projets de travaux publics, des investissements considérables dans les programmes sociaux, l’éducation et la santé. Mark Weisbrot, Vandana Shiva et d’autres économistes et des commentateurs de gauche ont fait les éloges du leadership de Correa et de sa gestion habile de l’économie. Jayati Ghosh, un économiste indien, a même demandé dans The Guardian, « L’Equateur serait-il l’endroit le plus radical et passionnant sur terre ? » Toutefois, l’évaluation sur le terrain parmi les écologistes, autochtones et des groupes de gauche est tout à fait différente, avec beaucoup ici qui font valoir que Correa a abandonné ses promesses et a effectivement renié certains des aspects les plus progressistes de la Constitution de 2008. Bien qu’il semble qu’il y aura toujours ce conflit entre la croissance et l’environnement, pensez-vous qu’il y a une façon d’équilibrer ces objectifs et d’offrir aux communautés présentes dans les zones d’extraction, une place à la table des négociations ?

AV : Je suis conscient de ce dilemme. Correa est une figure internationale extrêmement importante et une source d’inspiration pour beaucoup. D’une part, je suis entièrement d’accord que les communautés dans les zones d’extraction doivent toujours être consultées et leurs intérêts pris en considération. Le socialisme, c’est le gens. D’autre part, je crois aussi qu’il y a des moments où les intérêts personnels, et même régionaux, doivent être sacrifiés pour le bien commun – celui du pays tout entier ou de l’ensemble d’un continent. Atteindre l’équilibre est toujours très difficile.

Andre Vltchek, interviewé par Adam Chimienti.

Traduction « si avec ça, je n’obtiens pas un billet pour la Chine, je veux bien devenir Dalaï-Lamiste » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

SOURCE : http://www.4thmedia.org/2013/05/29/it-is-not-china-that-should-be-feared-it-is-the-west/

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LE LIVRE : Karel est correspondant de guerre. Il va là où nous ne sommes pas, pour être nos yeux et nos oreilles. Témoin privilégié des soubresauts de notre époque, à la fois engagé et désinvolte, amateur de femmes et assoiffé d’ivresses, le narrateur nous entraîne des salles de rédaction de New York aux poussières de Gaza, en passant par Lima, Le Caire, Bali et la Pampa. Toujours en équilibre précaire, jusqu’au basculement final. Il devra choisir entre l’ironie de celui qui a tout vu et (…)
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Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de « consoler » les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.

Lénine

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