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Cet héritage progressiste qu’il nous faut défendre !

Depuis son adoption en 2002, tous les lundis précédant le 25 mai ne sont plus la fête de « Dollard » ni même cette « fête de la Reine » qui indiffère une grande majorité de québécois(e)s, mais bien le « Jour des patriotes ». Ce jour férié est devenu une merveilleuse occasion, pour les formations indépendantistes, d’organiser des activités commémoratives aux quatre coins du Québec, afin de rappeler que la société de l’époque n’était pas la théocratie que l’on s’imagine encore quelques fois, mais une société qui était au diapason de ce monde en plein bouleversement.

L’objectif de cette fête nationale est certes de souligner l’importance de l’héritage de la rébellion de 1837-1838, mais rares sont les organisations qui se limitent à la seule commémoration historique, puisque ce jour est avant tout perçu comme le « jour des indépendantistes » et de leur lutte. C’est pour cette raison que la maintenant traditionnelle « Marche des patriotes » est l’activité annuelle la plus connue, puisqu’elle est l’une des rares ayant un caractère vraiment militant. Cette marche s’apparente d’ailleurs beaucoup plus à une manifestation qu’à une simple marche commémorative, étant donné que les mots d’ordre sont généralement des revendications directement issues de l’actualité politique.

Malgré le fait que la popularité de l’événement oscille comme tout autre, la tendance des dernières années est plutôt à la baisse. Les commentateurs médiatiques, bien souvent d’emblée hostile à l’événement, ont évidemment trouvé de longue date la seule raison qui vaille, soit la perte d’intérêt de la population envers la question nationale. Ce qui arrange leur propagande et leur évite d’analyser plus à fond le problème. De toute façon, d’année en année, c’est toujours la même rengaine et les articles sur les prochaines marches ne risquent pas d’être bien différents, puisque ces journalistes et commentateurs ont tendance à recycler leurs « profondes analyses » chaque année.

Cependant, si je ne crois pas qu’il faille mettre la faute sur cette soi-disant « démobilisation populaire », qui arrange bien le statu quo fédéral, il existe néanmoins un autre élément qui explique beaucoup mieux pourquoi bien des militantes et militants se désintéressent de la « Marche des patriotes », voire des organisations indépendantistes officielles. Il en va d’ailleurs de même de la popularité des symboles de cette rébellion, comme le drapeau vert, blanc et rouge et le fameux « Vieux de ‘37 », qui sont pourtant nos seuls référents révolutionnaires.

Au même titre que le mouvement souverainiste dans son ensemble, le symbolisme de la rébellion de 1837-1838 souffre de la fracture gauche-droite, qui gangrène depuis plus de 10 ans son unité. Je ne vais pas revenir sur les causes de cette fracture, puisque je l’ai déjà expliqué dans nombre d’articles, mais qui tiennent essentiellement à la mise au rencard de l’option par ses représentants officiels. Notons tout de même que cette fracture au sein du mouvement indépendantiste, entre une gauche et une droite qui se radicalise, rend l’événement et les mots d’ordre de plus en plus durs à établir.

Qu’il ait un axe gauche et droit à la cause indépendantiste est loin d’être une nouveauté. C’est même une constante de l’histoire de l’indépendantisme moderne. Toutefois, la nouveauté est cette implantation durable d’une extrême droite au sein même du mouvement. Certains me rétorqueront probablement que des tentatives d’implantation de l’extrême droite à la Marche des patriotes n’est pas non plus une nouveauté et que de nombreux cas de ce genre furent signalés depuis les tous début de la marche. Cela n’est certes pas faux, mais je crois que certains scandales qui ont jadis eu lieu dans les années 2000 étaient bien souvent fort exagérés et contestables. Souvenons-nous que certains de ces scandales ont touché l’Organisation du Québécois et notre regretté camarade Pierre Falardeau. Qui, comme chacun sait, n’ont strictement rien à voir avec l’extrême droite, c’est le moins que l’on puisse dire !

Mais ce qui me semblait exagéré hier, ne l’est plus depuis un certain nombre d’années et semble désormais être une tendance à la hausse, puisque le nombre d’individus et de groupes de ce genre ne cesse d’augmenter. Au point même d’être maintenant en position de corrompre durablement l’esprit des patriotes en même temps que celui du combat indépendantiste. Si hier des militants d’extrême droite pouvaient sporadiquement s’intégrer dans les cortèges, en tant qu’individu ou en tant que petit groupe, il s’agissait toujours de cas marginal, qui n’influençait pas l’esprit de l’événement et qui pouvait être aisément ignoré. Désormais, c’est une composante importante du mouvement qui se trouve parasité par des groupes beaucoup plus intéressés à combattre l’Islam et l’immigration qu’à lutter pour la liberté du peuple québécois. Ce qui conduit inévitablement plusieurs souverainistes désabusés par « l’attentisme » du PQ vers le petit nationalisme de province et l’inquiétude identitaire que promeut l’extrême droite.

Je sais pertinemment qu’il y a plusieurs raisons d’être indépendantiste. Certaines de ces raisons peuvent probablement s’expliquer par une naïve volonté de protéger une culture plus ou moins fantasmée et menacée par des ennemis plus ou moins mal définis. Cependant, là où le bât blesse c’est quand ils s’approprient les symboles de 1837-1838 pour en dénaturer les fondements. Le paroxysme s’est d’ailleurs atteint lorsque des organisations identitaires et théoriquement fédéralistes organisent des événements à caractère xénophobe, dans lesquels s’entremêlent sans gêne tricolore patriote, pattes-de-loup et à l’unifolié ! Cela engendre une confusion terrible, faisant en sorte que des gens qui abordent l’étendard du Bas-Canada dans des manifestations progressistes peuvent maintenant se faire agresser au nom de l’antifascisme...

Pourtant, est-il vraiment nécessaire de rappeler que la cause des patriotes n’avait que bien peu à voir avec celle des nationalistes du XXe siècle ? Le « patriotisme des patriotes » était une œuvre de libération populaire, bien typique de la gauche de la première moitié du 19e siècle et qui concernait tous les habitants des deux Canada et non pas les seuls descendants français. C’est-à-dire que la libération politique préconisée n’était pas contre les peuples autochtones ou même contre les Canadiens anglais, mais bien contre le despotisme de la monarchie britannique ! Les idéaux du Parti patriote étaient essentiellement influencés par les révolutions française et américaine. Les revendications du Parti patriote allaient dans le sens de la démocratie libérale avant tout et n’étaient en aucun cas une guerre entre les peuples du Canada. C’est d’ailleurs l’interprétation tordue qu’en a fait le rapport Durham, prétendant que le motif du conflit était ethnique, qui fait qu’encore aujourd’hui certains confondent le « patriotisme des patriotes » avec le nationalisme chauvin des deux Guerres mondiales.

Aujourd’hui, si les revendications de l’époque peuvent paraître bien peu révolutionnaire, son esprit fait néanmoins écho à cette mascarade faussement démocratique que nous combattons encore de nos jours. La couronne britannique a simplement été remplacée par le grand capital, qui nous prive de notre droit de choisir notre avenir collectif et qui balise notre espace démocratique. Notre droit à l’indépendance est directement lié à cette revendication fondamentale qu’est une démocratie réelle et n’a rien à voir avec la protection artificielle des mœurs et coutumes de la triste époque du Québec cléricale. Cléricalisme étroit qui constituait d’ailleurs le fondement même de la domination britannique.

Le combat des patriotes étant l’œuvre d’un peuple aux mœurs très avancés pour l’époque et c’est la défaite même des patriotes qui fut le départ de cette grande noirceur où le « pea soup » [soupe aux pois] avait le droit de conserver sa religion et sa langue au prix d’une soumission complète à l’ordre établi. Ordre établi que la bourgeoisie canadienne-française et ses cléricaux avaient pour mission de maintenir. C’est en cela qu’il est insupportable de constater qu’aujourd’hui les symboles des patriotes soient récupérés par des gens qui regrettent l’époque d’un Québec inculte et soumis.

Aujourd’hui, il est de notre responsabilité de rappeler à nos concitoyens que l’héritage des patriotes est un héritage de révolte progressiste et qu’il ne faut pas le laisser se faire corrompre par les petits nationalistes de province et les apologètes du catholicisme romain. L’idéal des patriotes était l’émancipation du peuple québécois et de tous les autres peuples. C’est par cet idéal internationaliste que nous nous libérerons du joug d’un ordre international injuste, ici incarné par les institutions canadiennes et les partis de gouvernement. C’est également en renouvelant avec la lutte populaire inspirée par ces glorieux ancêtres que nous raviverons la flamme de l’indépendance dans le cœur des gens et que nous ferons revivre des marches de patriotes dignes de celle de ses meilleures années !

(mai 2018)

 http://www.rebellium.info/2018/05/cet-heritage-progressiste-quil-nous.html
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COMMENTAIRES  

21/05/2019 09:36 par J.J.

....il existe néanmoins un autre élément qui explique beaucoup mieux pourquoi bien des militantes et militants se désintéressent de la « Marche des patriotes ».....
Voilà une belle façon d’exprimer la parité femme/homme, autrement plus élégante que la "galimatiesque" soi disant "écriture inclusive !

29/05/2019 23:02 par alain harrison

Bonjour.

« « Aujourd’hui, si les revendications de l’époque peuvent paraître bien peu révolutionnaire, son esprit fait néanmoins écho à cette mascarade faussement démocratique que nous combattons encore de nos jours. La couronne britannique a simplement été remplacée par le grand capital, qui nous prive de notre droit de choisir notre avenir collectif et qui balise notre espace démocratique. Notre droit à l’indépendance est directement lié à cette revendication fondamentale qu’est une démocratie réelle et n’a rien à voir avec la protection artificielle des mœurs et coutumes de la triste époque du Québec cléricale. Cléricalisme étroit qui constituait d’ailleurs le fondement même de la domination britannique. » »

« « « « La couronne britannique a simplement été remplacée par le grand capital » » »
Juste une conversion du Méta Conditionnement.
Si nous ne nous approprions pas et ne comprenons pas clairement le principe conditionnement-manipulation, nous continuerons la confusion.
Il est dans notre intérêt de lire le chapitre 1 (recherche scientifique) du liv.re de Jean-Marie Abgrall, tous manipulés tous manipulateurs.
Ainsi armée, on perdra pas notre temps à tirer la queue du serpent.
Krishnamurti comparaît le fait du conditionnement à celui du serpent.
Une fois reconnu, le serpent on ne le touche pas, de même, une fois vue le conditionnement, on y met fin, mais il faut une énergie intense et non une analyse perpétuelle (de la perception).

Et internet est le domaine de toutes les manipulations.
Un exemple.
Renverser Justin Trudeau un clic à la fois
avec Louis Blouin

Des militants font déjà campagne sur les médias sociaux pour influencer la prochaine élection fédérale. Le groupe de droite Canada Proud prévoit dépenser des centaines de milliers de dollars en publicités ciblées pour se « débarrasser » de Justin Trudeau. Incursion dans le champ de bataille numérique.
……...
Le groupe met aussi de l’avant le mot-clé « Trudeau est fou » (Trudeau is bananas) et un segment titré « TOP 5 des moments les plus idiots de Trudeau ». Sur une autre image, on l’accuse de vouloir « voler » la prochaine élection avec son plan d’aide annoncé pour les médias.
……..
« Quand on a des idées campées et qu’on fait dans la propagande, c’est plus facile d’avoir des contenus accrocheurs. [...] La nuance, elle n’a rien de sexy sur les réseaux sociaux », constate-t-elle.
Ils ont compris comment ça fonctionne, la façon de manipuler la visibilité de ses contenus et aussi l’opinion publique.
Nellie Brière, consultante stratège en communications numériques et médias sociaux
Selon elle, les groupes comme Canada Proud sont passés maîtres dans l’art d’utiliser les algorithmes de Facebook pour promouvoir leurs contenus. Ils misent sur un engagement régulier auprès de ses utilisateurs sur une multitude de sujets, pas seulement la politique.
………….
Comment les électeurs peuvent-ils éviter d’être manipulés pendant la campagne électorale à venir ?
« On doit tous devenir des journalistes », illustre la consultante Nellie Brière.
Elle invite les citoyens à vérifier la provenance de l’information qu’ils consultent et à utiliser les outils à leur disposition. Par exemple, Facebook a mis en place l’onglet « Pourquoi est-ce que je vois cette publication ? » pour en apprendre plus sur l’origine d’un contenu.
« Il faut valider qui sont les auteurs de ce qu’on lit. Sont-ils des journalistes ? Sont-ils soumis à un code d’éthique ? », explique Mme Brière……..
https://www.msn.com/fr-ca/actualites/quebec-canada/renverser-justin-trudeau-un-clic-à-la-fois/ar-AAC4TuQ

Mais la meilleur façon de combattre la Vaste Connerie actuelle.
La Constituante Citoyenne et Souveraine auto-proclamé, le libéralisme en a fait une nouvelle règle (valeur) dérèglementé
(les institutions, toutes, du parlement à l’OMC, Guaidò lance le nouvelle mode. Ha !les années 60 et la dernière mode)
Le nouveau pacte social, au Coeur du conditionnement*, versus l’Évolution (mythe versus réalité historique).
Le nouveau paradigme économique (le chaînon faible de tout__ réel changement, à déterminer__)

*Sans Terre au Vénézuéla….
(à partir de 25 min....)
Un jeune homme :
Nous ne devrions pas partir de l’idée qu’être jeune signifie que nous sommes automatiquement révolutionnaire. Il y a des jeunes qui ont notre âge mais qui sont assujettis aux relations du capital.
Même si nous avons un certain degré de conscience, nous ne pouvons pas nous croire totalement libre d’aliénation. L’idéologie passe par nos relations sociales et c’est la société où nous vivons. (Marx)
https://mouvementsansterre.wordpress.com/2019/05/28/un-film-sur-le-travail-des-sans-terre-au-venezuela-semences-reves-et-contradictions-terra-tv-2019/

30/05/2019 06:20 par alain harrison

CORRECTION :
(à partir de 15 min....)
*Sans Terre au Vénézuéla….
(à partir de 15 min....)
Un jeune homme :
Nous ne devrions pas partir de l’idée qu’être jeune signifie que nous sommes automatiquement révolutionnaire. Il y a des jeunes qui ont notre âge mais qui sont assujettis aux relations du capital.
Même si nous avons un certain degré de conscience, nous ne pouvons pas nous croire totalement libre d’aliénation. L’idéologie passe par nos relations sociales et c’est la société où nous vivons. (Marx)
https://mouvementsansterre.wordpress.com/2019/05/28/un-film-sur-le-tra...

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