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Couleurs nationales et partisanes ou “ arbitrarité du signe ”

Ces remarques touchent à un aspect des élections présidentielles aux États-Unis que l’on a peut-être noté avec surprise. Sur la carte du pays, en effet, les États qui ont voté Républicain (comme la Floride) figurent en rouge, alors que ceux qui ont voté Démocrate (comme la Californie) figurent en bleu.

C’est là un point surprenant pour des Français qui ont l’habitude, eux, d’associer ces couleurs à des opinions politiques inverses. En gros, le rouge pour la gauche (même quelquefois très modérée, comme le P.S.) et le bleu pour la droite (L.R. et R.N.). Certes, si le Parti Républicain étasunien est plutôt à droite (notamment sur des questions sociétales) et regroupe un éventail politique qui irait, chez nous, des centristes aux Identitaires qui débordent le R.N. sur sa droite, le Parti Démocrate, lui, n’est à gauche que sur les questions sociétales, lesquelles ne mangent pas de pain...
Comment des Français et des Étatsuniens (avec leurs cultures politiques respectives) peuvent-ils intégrer ces données ? Comment peuvent-ils, éventuellement, les justifier, les expliquer a posteriori ?

Je profite du délai qui nous est imparti jusqu’à la fin du recomptage des votes et l’épuisement des recours juridiques de Donald Trump, pour esquisser quelques considérations sur les couleurs et leur symbolisme. Je m’appuie largement, ce faisant, sur les ouvrages de Michel Pastoureau, historien médiéviste et spécialiste de la couleur (il a écrit un ouvrage sur cinq des six couleurs héraldiques - le Bleu, le Noir, le Vert, le Rouge et le Jaune - la dernière, le Blanc, étant à venir), de l’héraldique (science des blasons) et de la vexillologie (science des drapeaux), si ce n’est de la phaléristique (science des décorations).

1. En fait, les couleurs, comme symboles politiques, sont distribuées de façon aléatoire et peuvent, selon les pays, représenter des concepts divers, voire antagonistes. Le jaune, par exemple, représente le parti libéral en Allemagne mais peut aussi symboliser la traîtrise (un ouvrier qui ne fait pas grève est appelé un "jaune"). Le noir, en Allemagne et en Autriche, symbolise les partis conservateurs, du fait de la proximité de ceux-ci avec les prêtres (dont les soutanes étaient noires). Mais le noir est aussi la couleur des anarchistes, qui sont à l’opposé des conservateurs de la C.D.U. et de la C.S.U. (et de l’Ö.V.P. en Autriche).

2. La signification des couleurs, en politique, varie aussi avec le temps. En France la variation la plus connue est celle du bleu. A l’époque révolutionnaire, notamment en 1793-1794, les Bleus étaient les républicains et les Blancs, les royalistes. Et peu à peu, on en est arrivé à ce que le bleu devienne l’emblème des partis de droite (sur les affiches, les banderoles), non seulement en France mais aussi dans d’autres pays européens. Seule exception, mais notable (quoique récente – voir ci-dessus) : les États-Unis.

3. Aux États-Unis, toutefois, la répartition du bleu et du rouge selon les partis politiques est assez récente. Il semble qu’elle ne se soit entérinée qu’en 2000, lors de l’élection présidentielle qui vit s’affronter George W. Bush et Albert A. Gore. Mais il n’est pas certain que les Étasuniens qui votent Républicain ou Démocrate soient au courant de la symbolique des couleurs en Europe et, a fortiori, en France.

4. La question préliminaire qui se pose à ce sujet est d’ailleurs : pourquoi le rouge et le bleu ? Ou pourquoi ces deux couleurs se sont-elles mises à symboliser des contraires ? Pourquoi n’est-ce pas le rouge et le blanc ? Ou le blanc et le noir ? Ou le rouge et le vert ? Cela tient à ce que le bleu, selon Michel Pastoureau, n’est apparu que tardivement, parce qu’on le produisait difficilement – essentiellement pour teindre des étoffes (et encore mal). Ce n’est que peu à peu, vers la fin du Moyen âge, qu’il a supplanté les autres couleurs, par exemple dans l’habillement, et qu’il est devenu, aujourd’hui, la couleur préférée des Européens.

5. Mais pourquoi le rouge est-il utilisé ? D’après Michel Pastoureau, il semble que ce soit une des premières couleurs maîtrisées (qu’on savait fabriquer comme pigment) et appréhendées (avec le blanc et le noir). Et aussi c’est une couleur très visible, qui attire l’œil. Pour Michel Pastoureau, lorsqu’on présente à des enfants des bonbons de diverses couleurs, ils ont souvent tendance à choisir les bonbons rouges. Et l’on a choisi le rouge comme symbole du danger (feux de signalisation, feux stop des voitures, drapeaux rouges sur les plages, camions de pompiers), peut-être parce qu’il évoque à la fois le sang et le feu (même si, comme le dit Pastoureau, le feu est rarement "rouge").

6. Mais le terme "rouge" a d’autres connotations. Dans certaines langues, comme l’espagnol, le terme "colorado" signifie coloré et rouge comme si "être coloré" et "être rouge" étaient synonymes. Au Paraguay, le parti colorado (et qui est d’ailleurs un parti de droite) a pour emblème un drapeau rouge timbré, dans son angle supérieur, d’une étoile blanche, presque comme le drapeau d’un pays communiste. Et dans d’autres langues, comme le russe, le mot rouge signifie aussi bien "rouge" que "beau". Et la fameuse "Place rouge", à Moscou, peut aussi être entendue comme la "Belle place".
7. Il n’est donc pas étonnant que, sous l’influence de divers facteurs le rouge, en Europe se soit paré de connotations positives. Le rouge, en particulier, est symbole de pouvoir, de hiérarchie : les sénateurs romains, sous la République, portaient la toge laticlave (c’est-à-dire bordée d’une bande rouge – en réalité pourpre). Les magistrats de la Cour de cassation (les juges en dernier ressort) sont vêtus de rouge. Jadis, le bourreau (celui qui avait le pouvoir exorbitant de donner la mort) était vêtu de rouge. En France, parmi les ordres civils généraux, la Légion d’honneur (avec son ruban rouge) l’emporte en prestige sur le Mérite (avec son ruban bleu).

Le pape, sur sa soutane blanche (qu’il porte depuis le pontificat de Pie V, pape du XVIe siècle et dominicain), porte une mozette (courte cape) rouge. Et les cardinaux, les plus hauts dignitaires ecclésiastiques après le pape, sont vêtus de rouge. Il y a quelques années, une anecdote courait d’ailleurs à ce sujet. Un des papabili (successeurs pressentis du pape) était le cardinal Martini, archevêque de Milan, et l’on disait de lui que c’était un Martini rouge qui se serait bien vu en Martini blanc....

Autres symboles du pouvoir : les drapeaux, emblèmes, oriflammes. Le drapeau de l’empire byzantin tardif est un drapeau rouge, timbré d’une aigle bicéphale d’or. Le drapeau de Venise est rouge, au lion de saint Marc d’or. Le drapeau de Pise est rouge à la croix blanche, comme celui de l’ordre de Malte – avec une croix différente. Mais ce sont là des références qui doivent davantage parler à des Européens (et encore à des Européens qui se sont penchés sur la question...) qu’à des Étasuniens.

8. En effet, pour les drapeaux, il est bien plus vraisemblable que les Français (comme les Étasuniens) aient été marqués par le fait que les drapeaux de l’URSS, de la Chine, du Vietnam – autant de pays dits "communistes", avec lesquels ils ont connu de franches hostilités, si ce n’est de violents affrontements – aient tous été rouges (et timbrés d’une étoile ou de faucilles et de marteaux d’or). Néanmoins le rouge du drapeau n’est pas un signe seulement représentatif du communisme : les drapeaux de l’Albanie, du Montenegro, du Maroc, de la Tunisie, de la Turquie sont également rouges mais ne se réfèrent pas au communisme.

A ce propos, comme le suggère Michel Pastoureau, il est possible que le drapeau grec, avec sa croix et ses bandes bleues et blanches, où tout, dans la couleur comme dans les lignes, s’oppose au drapeau turc – une lune décroissante et une étoile à cinq branche blanches sur fond entièrement rouge – ait pu être vu, a posteriori, comme symbolisant cette opposition de peuples.

9. Dans cet ordre d’idées, il est symbolique que le rouge du président Trump, avec ses casquettes rouges marquées MAGA (Make America Great Again), et qui véhicule une forte idéologie nationale, si ce n’est nationaliste, s’oppose à des institutions internationales qui ont été la cible constante de l’animosité et des attaques de ce même Trump, et qui toutes, arborent des drapeaux bleus : l’ONU, l’OTAN, l’Union européenne, l’UNESCO...

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