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Il est 13 heures , le 18 septembre, au passage de Rafah à la frontière entre Gaza et l’Égypte.

Enfermés dans Gaza, parce que Palestiniens

Photo : APA/Eyad Al Baba

Des centaines de voyageurs - principalement des étudiants et des malades en attente de traitement - attendent dans la salle des passagers du côté palestinien de la frontière. Chacun d’entre eux tient à la main ses documents de voyage fournis par l’Autorité palestinienne, regardant l’officier qui appelle les noms des gens censés pouvoir sortir de Gaza le lendemain.

Ceux qui ont la chance d’entendre leurs noms sont félicités par les autres passagers. Ils sont des dizaines à se presser près du comptoir où l’agent se trouve, pensant que cela pourrait les aider.

La salle s’impatiente. La frustration, la colère, les cris et les pleurs s’entendent un peu partout. « Les étudiants ! Les étudiants ! », crie un des étudiants bloqués ici, exigeant que les étudiants soient autorisés en priorité à voyager, contrariant ainsi ceux dans le hall qui vivent et travaillent déjà à l’étranger. « Le passage était ouvert pour permettre aux étudiants en particulier de voyager », dit l’un des étudiants. « Nous sommes en train de perdre nos bourses d’études. »

Une femme vêtue de noir pleure : « Mon permis de résidence est sur le point d’expirer. Mon patron m’a menacé de me licencier si je ne suis pas à mon travail dans les Émirats arabes unis, d’ici une semaine. S’il vous plaît, je suis celle qui fait vivre toute ma famille, permettez- moi de voyager, monsieur. Que Dieu vous bénisse, s’il vous plaît. »

« Voyez tous ces gens - chacun d’eux, tous veulent partir de toute urgence. Je voudrais pouvoir vous aider », dit l’officier. Mais ses paroles ne fait qu’augmenter la frustration de tous ceux qui sont coincés dans ce hall.

Des rêves qui se sont évanouis

J’aurais pu moi-même éviter toute cette agitation si j’avais eu la possibilité de sortir à travers le checkpoint d’Erez au nord. Mais Israël a empêché la grande majorité des Palestiniens de Gaza d’entrer ou sortir par là depuis des années. Et maintenant, l’Égypte impose des mesures similaires contre les Palestiniens de Gaza qui tentent de passer par Rafah, prétextant des mesures de sécurité.

Mon projet était d’assister à une conférence de traducteurs à Amman, en Jordanie plus tôt ce mois-ci, puis de m’envoler vers mon université en Malaisie. Avec deux autres amis de Gaza, j’ai obtenu mon permis jordanien, mais pas le permis israélien qui est nécessaire pour se rendre via Erez vers le passage d’Allenby, entre la Cisjordanie et la Jordanie. « La raison pour laquelle vous voyagez n’est pas une urgence humanitaire », a déclaré l’officier israélien aux participants à la conférence.

Le rêve de voir la famille de ma mère en Cisjordanie - région interdite d’accès pour la grande majorité des Palestiniens qui vievnet dans la bande de Gaza - pour la première fois en 14 ans, s’est évanoui en un clin d’œil. Je n’avais pas eu de permis, et je ne pourrai donc pas avoir la chance de voir mes parents à la frontière, même pour cinq minutes - et encore moins la chance de visiter les tombes de mes grands-parents dans le cimetière de Jéricho.

Surprise

Ma famille en Cisjordanie n’a pu avoir cette bonne surprise. J’avais prévu de les informer de ma présence à Jéricho juste une heure avant mon arrivée. Cela ne devrait pas être une surprise d’avoir la visite d’un parent qui vit seulement à une ou deux heures de route dans un camp de réfugiés à Gaza, mais rien n’a de sens ici .

De retour au passage de Rafah, à ma grande surprise, l’officier appelle mon nom. Il me faut deux minutes pour se rendre au comptoir pour demander ma carte de voyage de couleur verte pour que je puisse partir le lendemain. Tous les gens qui entourent le bureau de l’officier m’empêchent de lui répondre immédiatement. Quand j’arrive enfin jusqu’à lui, je dis à l’officier, « vous avez appelé mon nom. » Il me demande d’attendre. J’attends. Puis il nie avoir appelé mon nom et refuse de vérifier la liste qu’il a en main.

Je ne peux pas obtenir ma carte, cette damnée carte. Donc, je ne pourrai pas voyager le lendemain.

« Revenez demain, tôt dans la matinée. Je vais vérifier la liste à nouveau, » finit par me dire l’officier.

Faire la queue

Il est 16 heures au terminal de Rafah, ce même jour.

Rien n’a de sens ici. L’idée de faire la queue, quel que soit le lieu... Les Palestiniens doivent faire la queue pour obtenir des coupons alimentaires de l’Organisation des Nations Unies. Ils doivent faire la queue pour obtenir du gaz et du carburant, les rares fournitures dans la bande de Gaza appauvrie en raison du siège israélien et maintenant en raison de la destruction par l’Égypte des tunnels de contrebande. Ils doivent faire la queue pour enregistrer leurs noms, de sorte qu’ils puissent être appelés à tout moment - et s’ils arrivent avec deux minutes de retard, ils perdront alors leur chance d’obtenir une carte qui pourrait leur permettre de traverser la frontière le lendemain.

Il est 8 heures le lendemain, au passage de Rafah, et l’officier est trop occupé pour regarder la liste. Cela signifie que j’ai passé huit heures de plus à la frontière, mais en vain .

Je me remets à nouveau dans la file pendant quatre heures pour enregistrer mon nom. Une femme tombe sur le sol. Elle s’est évanouie. Je reviens encore une fois à la maison avec mes bagages.

Je dois changer mon vol. Le passage de Rafah est totalement bouclé à nouveau pour une nouvelle semaine .

Non-sens

On est mercredi , le septembre 25 à 7h45, au complexe gouvernemental d’Abu Kharda qui a été détruit par les avions israéliens en novembre dernier. Ici aussi rien n’a de sens ici. Un officier enregistre encore nos noms. Mon nom est appelé à 14 heures ce jour-là - j’ai pu finalement faire inscrire mon nom sur la liste « urgent ».

A partir du 28 septembre, la sortie de Rafah est déclarée ouverte pendant trois jours de plus pour les étudiants et les cas urgents.

Il est 7 heures, le 28 septembre, à la maison de ma famille dans le camp de réfugiés de Nuseirat. Je pense à l’ensemble de cette procédure, en essayant de donner un sens à ce non-sens. Je reste à la maison, attendant un appel d’un ami qui a décidé de tenter sa chance à la frontière. Comme cet appel ne vient pas, je finis par appeler mon ami par curiosité. « Les Égyptiens ne donnent droit qu’à un seul bus. La raison qu’ils ont donnée est une erreur technique dans le système informatique », me dit-il au téléphone.

Je me rends compte que je ne pourrai pas traverser la frontière aujourd’hui ou même demain. Je dois changer mon vol pour la deuxième fois.

Ici, à Gaza , la plus grande prison à ciel ouvert dans le monde, je m’inquiète terriblement de la possibilité de perdre ma bourse à l’Université de Malaya en Malaisie. Je n’ai pas pu arriver avant la date limite du 22 septembre. Jusqu’à présent, j’ai fait quatre tentatives infructueuses pour traverser la frontière. Je ne sais pas encore quand je pourrai partir.

Deux patients sont décédés au cours des derniers jours d’attente à Rafah. Des centaines de personnes viennent chaque jour en espérant pouvoir traverser - le plus souvent en vain. Mais ils s’accrochent à l’espoir qu’un miracle puisse se produire. Un miracle qui va sauver des centaines d’étudiants, de patients et de personnes qui ont des familles et un emploi en dehors de Gaza. Chacun d’entre eux rêvent du jour où il pourra voyager sans être à la merci de n’importe quel pays. Alors que le siège de Gaza se resserre, les yeux sont tournés vers « la grande soeur » - l’Égypte - pour qu’elle ouvre ses frontières avec Gaza 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Yousef M. Aljamal  [1] [2]

Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib

»» info-palestine.net

Légende photo : Les Palestiniens sont également empêchés de traverser l’Égypte pour rejoindre Rafah - seul débouché vers l’extérieur pour la bande de Gaza - (APA/Eyad Al Baba )


[2Yousef M. Aljamal vit à Gaza. Il a contribué à la traduction de : The Prisoners’ Diaries : Palestinian Voices from the Israeli Gulag.


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